Numéro 4 - Avril 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2024

PRUD'HOMMES

Soc., 24 avril 2024, n° 22-20.472, (B), FS

Rejet

Procédure – Préliminaire de conciliation – Bureau de conciliation – Transaction conclue devant le bureau de conciliation – Objet – Etendue – Détermination – Cas – Obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence – Conditions – Portée

Le bureau de conciliation et d'orientation ayant une compétence d'ordre général pour régler tout différend né à l'occasion du contrat de travail, les parties qui comparaissent volontairement devant lui peuvent librement étendre l'objet de leur conciliation à des questions dépassant celles des seules indemnités de rupture.

Ayant constaté que les parties avaient convenu du versement à la salariée d'une indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive, et que l'accord valait renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînait désistement d'instance et d'action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de la salariée, une cour d'appel en a exactement déduit que les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence étaient comprises dans l'objet de l'accord.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2022), Mme [Z] a été engagée en qualité de responsable clientèle par la société Trendlab, le 20 août 2007.

2. Par avenant du 2 mai 2016, les parties ont inséré une clause de non-concurrence dans ce contrat.

3. La salariée a été licenciée le 9 novembre 2018.

4. Les parties ont volontairement comparu devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes devant lequel un procès verbal de conciliation a été signé le 28 novembre 2018 aux termes duquel elles ont convenu du paiement par l'employeur d'une indemnité forfaitaire déterminée dans la limite du barème prévu par les articles L. 1235-1 et D. 1235-21 du code du travail, à titre d'indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive, l'accord de conciliation intervenu valant renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînant désistement d'instance et d'action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de la salariée, le procès-verbal constatant l'accord valant renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.

5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 29 mars 2019 afin d'obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord ; que cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié ; que le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues « au présent chapitre » du code du travail, soit le chapitre V du titre III du livre II du code du travail : « contestations et sanctions des irrégularités du licenciement », qui ne concerne que la régularité de la procédure de licenciement (articles L. 1235-1 et L. 1235-2), son caractère réel et sérieux (articles L. 1235-1 et L. 1235-3), la motivation ou l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement (article L. 1235-2), la nullité du licenciement (articles L. 1235-2-1 et L. 1235-3-1), le remboursement du Pôle emploi (article L. 1235-4) ainsi que toutes les contestations en lien avec le licenciement pour motif économique (section 2) ; qu'il en résulte que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'entre nullement dans l'objet, ainsi strictement délimité, du procès-verbal de conciliation ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1411-1 et R. 1454-10 du code du travail, ensemble, par fausse application, les articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du code civil ;

2°/ que la conciliation judiciaire préalable obligatoire de l'instance prud'homale est un acte judiciaire qui implique une participation active du bureau de conciliation à la recherche des parties préservant les droits de chacune d'elles ; qu'en conséquence, cet acte ne peut être valable que si le bureau a rempli son office en ayant notamment vérifié que les parties étaient informées de leurs droits respectifs ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans vérifier que l'attention de Mme [Z] avait été attirée par le bureau de conciliation sur le fait que sa renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail porterait également sur son droit de bénéficier de la contrepartie financière prévue par sa clause de non-concurrence en cas de respect de celle-ci, donc qu'elle avait été informée de ses droits et de l'étendue de ceux-ci à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1411-1 et R. 1454-10 du code du travail ;

3°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes clairs et non équivoques révélant l'intention de renoncer ; que l'on ne saurait renoncer par avance à un droit non encore acquis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'à la date de l'accord de conciliation du 28 novembre 2018, le droit au versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence constituait un droit futur éventuel, de sorte qu'il ne pouvait être inclus dans l'objet de la renonciation de la salariée résultant du procès-verbal de conciliation, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et R. 1454-10 du code du travail, ensemble les articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. D'abord, la cour d'appel ayant rappelé que le bureau de conciliation et d'orientation conserve une compétence d'ordre général pour régler tout différend né à l'occasion du contrat de travail, a exactement décidé que les parties qui comparaissent volontairement devant ce bureau peuvent librement étendre l'objet de leur conciliation à des questions dépassant celles des seules indemnités de rupture.

8. Ayant ensuite constaté que les parties avaient convenu du versement à la salariée d'une indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive, et que l'accord valait renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînait désistement d'instance et d'action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de la salariée, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, que les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence étaient comprises dans l'objet de l'accord.

9. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Leperchey - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1235-1 et L. 1411-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée d'une transaction au regard des obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence, à rapprocher : Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 19-20.635, Bull., (cassation).

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