Numéro 4 - Avril 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2024

PREUVE

Com., 24 avril 2024, n° 22-15.958, (B), FRH

Cassation partielle

Règles générales – Moyen de preuve – Preuve par tous moyens – Cas – Cession de contrat – Accord du cédé

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2022), le 23 juin 2005, la société Frog planète, devenue la société Hipay, a conclu avec la société Neosurf Cards France, devenue la société NS Cards France (la société Neosurf), un contrat prévoyant que la première proposerait et installerait, auprès de sites marchands partenaires, des solutions de paiement en ligne fournies par la seconde.

2. Le 15 juin 2017, la société Mobiyo a bénéficié de la part de la société Hipay d'un apport partiel d'actifs, comprenant le contrat du 23 juin 2005.

3. Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juillet 2017, la société Hipay a notifié cette cession de contrat à la société Neosurf.

4. Invoquant des factures impayées, la société Mobiyo a assigné en référé la société Neosurf en paiement d'une provision devant le président d'un tribunal, qui a renvoyé l'affaire pour qu'il soit statué au fond.

5. La société Neosurf a assigné la société Hipay en intervention forcée.

Sur le moyen du pourvoi provoqué

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Mobiyo fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement à l'encontre de la société Neosurf, alors :

« 1°/ que l'accord du cédé à une cession de contrat n'est pas, contrairement à la cession elle-même, soumis par la loi à l'exigence d'un écrit ad validitatem ; qu'en l'espèce, en retenant que les échanges relatifs à la notification à la société Neosurf, par la société Mobiyo, de la cession du contrat du 23 juin 2005, et à l'acceptation par cette dernière de cette cession, ne satisfaisaient pas à « la règle de l'article 1216, alinéa 3, du code civil selon laquelle « la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité »", pour en déduire, « sans qu'il soit nécessaire de discuter les moyens tirés de l'exécution de ce contrat », qu'il convenait d'annuler le contrat de cession litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1216 du code civil, ensemble l'article 1172 du même code ;

2°/ que les formes exigées aux fins de preuve ou d'opposabilité sont sans effet sur la validité des contrats ; qu'en l'espèce, en retenant que les échanges relatifs à la notification à la société Neosurf, par la société Mobiyo, de la cession du contrat du 23 juin 2005, et à l'acceptation par cette dernière de cette cession, ne satisfaisaient pas « au droit de la preuve des actes juridiques régi par l'article 1359 du code civil », pour en déduire, « sans qu'il soit nécessaire de discuter les moyens tirés de l'exécution de ce contrat », qu'il convenait d'annuler le contrat de cession litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1173 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1216, alinéa 1, du code civil :

8. Selon ce texte, un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.

9. Pour rejeter la demande en paiement de la société Mobiyo, l'arrêt, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le contrat conclu le 23 juin 2005 entre la société Hipay et la société Neosurf avait fait l'objet d'un traité d'apport partiel d'actifs, retient qu'aucun des échanges de courriels avec la société Neosurf produits par la société Mobyo ne satisfait à la règle de l'article 1216, alinéa 3, du code civil selon laquelle la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité, et au droit de la preuve des actes juridiques régi par l'article 1359 du code civil, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire de discuter les moyens tirés de l'exécution de ce contrat, il convient de relever la nullité de la cession dudit contrat.

10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que l'accord du cédé à la cession du contrat peut être donné sans forme, pourvu qu'il soit non équivoque, et peut être prouvé par tout moyen, d'autre part, que le défaut d'accord du cédé n'emporte pas la nullité de la cession du contrat, mais son inopposabilité au cédé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Hipay, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi provoqué ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la société Mobiyo et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Met hors de cause la société Hipay ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Regis - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 1216, alinéa 1, du code civil.

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