Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

TRAVAIL TEMPORAIRE

Soc., 13 avril 2023, n° 21-23.920, (B), FS

Cassation partielle

Contrat de mission – Terme – Défaut de terme précis – Rupture anticipée – Cas – Sanction – Sanction à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire – Dommages-intérêts – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article L. 1251-11 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de mission peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour le remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu. Il est alors conclu pour une durée minimale et a pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu.

Selon l'article L. 1251-26 du même code, l'entreprise de travail temporaire qui rompt le contrat de mission du salarié avant le terme prévu au contrat lui propose, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables. Le nouveau contrat de mission ne peut comporter de modifications d'un élément essentiel en matière de qualification professionnelle, de rémunération, d'horaire de travail et de temps de transport. À défaut, ou si le nouveau contrat de mission est d'une durée inférieure à celle restant à courir du contrat précédent, l'entrepreneur de travail temporaire assure au salarié une rémunération équivalente à celle qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat, y compris l'indemnité de fin de mission.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui déboute une salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de mission alors qu'il résultait de ses constatations que ce contrat avait été rompu avant le terme que constituait la fin de l'absence de la personne remplacée et qu'il n'avait pas été proposé à la salariée un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables à compter de la rupture.

Contrat de mission – Conditions de forme – Mentions obligatoires – Terme – Terme précis – Défaut – Possibilité – Cas – Remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 juillet 2021), par contrat de mission du 30 mai 2015, la société Randstad (l'entreprise de travail temporaire) a mis Mme [X] à la disposition de la société VWR (l'entreprise utilisatrice), en qualité de technicien logistique, pour pourvoir au remplacement d'une salariée absente, sans terme précis, avec une durée minimale.

La relation contractuelle a pris fin à l'expiration de cette durée minimale, le 26 juin 2015.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 3 janvier 2017 de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat, alors « qu'en vertu de l'article L. 1251-26 du code du travail, le salarié dont le contrat de mission a été rompu de manière anticipée, et qui ne s'est pas vu proposer de nouveau contrat, est fondé à solliciter auprès de l'entreprise de travail temporaire une indemnisation correspondant au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat ; que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation de la rupture anticipée de son contrat de mission, la cour d'appel a retenu, sur le fondement de l'article L. 1251-40 du code du travail relatif à la requalification du contrat de mission et non à sa rupture anticipée, que l'intéressée ne pouvait rechercher la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire mais seulement celle de l'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1251-40 du code du travail et, par refus d'application, l'article L. 1251-26 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-11 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1251-26 du même code :

5. Selon le premier de ces textes, le contrat de mission peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour le remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu. Il est alors conclu pour une durée minimale et a pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu.

6. Aux termes du second, l'entreprise de travail temporaire qui rompt le contrat de mission du salarié avant le terme prévu au contrat lui propose, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables.

Le nouveau contrat de mission ne peut comporter de modifications d'un élément essentiel en matière de qualification professionnelle, de rémunération, d'horaire de travail et de temps de transport. À défaut, ou si le nouveau contrat de mission est d'une durée inférieure à celle restant à courir du contrat précédent, l'entrepreneur de travail temporaire assure au salarié une rémunération équivalente à celle qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat, y compris l'indemnité de fin de mission. Lorsque la durée restant à courir du contrat de mission rompu est supérieure à quatre semaines, les obligations du présent article peuvent être satisfaites au moyen de trois contrats successifs au plus.

7. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de mission, l'arrêt, après avoir retenu que le dernier contrat de mission avait été interrompu à la fin de la durée minimale alors que son terme, à savoir la fin de l'absence de la salariée remplacée, n'était pas survenu, énonce que la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire ne peut être recherchée qu'à la condition qu'elle n'ait pas respecté les obligations qui sont mises à sa charge par les articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail, relatifs aux mentions qui doivent obligatoirement figurer dans les contrats de mission et au délai dans lequel ils doivent être transmis au salarié. Il ajoute qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1251-16 et L. 1251-43 que les contrats de mission doivent préciser, notamment, le terme de celle-ci et que l'article L. 1251-11 du même code prévoit que le contrat de mission peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour remplacer un salarié absent à défaut de quoi une durée minimale doit être précisée, et que tel est le cas en l'espèce. Il relève, par ailleurs, que la salariée n'allègue pas que l'entreprise de travail temporaire aurait commis des irrégularités formelles dans l'établissement des contrats de mission ou ne les lui aurait pas transmis dans les délais légaux, et qu'elle ne produit aucun élément qui viendrait dire que l'entreprise de travail temporaire a agi de concert avec l'entreprise utilisatrice pour mettre fin de manière anticipée et/ou illicite à son contrat de travail.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de mission avait été rompu avant le terme que constituait la fin de l'absence de la personne remplacée et qu'il n'avait pas été proposé à la salariée un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables à compter de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de mission et en ce qu'il la condamne à payer à la société Randstad la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 29 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 1251-11, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1251-26 du code du travail.

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