Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 13 avril 2023, n° 21-19.742, (B), FS

Cassation partielle

Durée du travail – Travail à temps partiel – Demande d'attribution d'un emploi à temps complet – Priorité d'embauche – Obligations de l'employeur – Liste des postes disponibles – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Selon les articles L. 3123-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 3123-3 du même code, les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d'une durée au moins égale à celle mentionnée à l'article L. 3123-14-1 désormais L. 3123-7, alinéa 1, ou un emploi à temps complet dans le même établissement, ou à défaut, dans la même entreprise, ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

Il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant, soit qu'il a porté à la connaissance du salarié la liste des postes disponibles ressortissant de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

Inverse la charge de la preuve l'arrêt qui, pour débouter une salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi, retient qu'elle ne justifie pas qu'il existait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), Mme [F] a été engagée en qualité d'hôtesse, caissière, barmaid, à temps partiel, le 3 septembre 2011, par la société des Bowlings Ouest de [Localité 3].

2. Le 25 avril 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail, d'une demande de résiliation judiciaire et de demandes en paiement de sommes en conséquence.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de la salariée et le moyen du pourvoi incident de l'employeur

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi incident, qui est irrecevable, et les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi, de sa demande en résiliation judiciaire et de ses demandes de condamnation subséquentes, alors « que c'est à l'employeur de justifier les raisons pour lesquelles il n'a pas pu accéder à la demande du salarié de bénéficier de l'attribution d'un emploi de sa catégorie professionnelle ou équivalente d'une durée au moins égale à la durée minimale légale de travail ou à la durée minimale conventionnelle ou un emploi à temps plein ; que lorsque le bien-fondé d'une demande du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, le juge ne peut exiger du seul salarié qu'il produise ces éléments ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme [F] de sa demande de dommages intérêts pour non-respect de la priorité d'embauche à temps plein au motif que la salariée ne justifiait pas qu'il y avait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, violant l'article L. 3123-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3123-3 du même code et l'article 1315 devenu 1353 du code civil :

5. Selon les deux premiers de ces textes, les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d'une durée au moins égale à celle mentionnée à l'article L. 3123-14-1, devenu L. 3123-7, alinéa 1, ou un emploi à temps complet dans le même établissement, ou à défaut, dans la même entreprise, ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent.

L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

6. Il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant, soit qu'il a porté à la connaissance du salarié la liste des postes disponibles ressortissant de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

7. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi, l'arrêt retient qu'elle ne justifie pas qu'il y avait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir, l'employeur contestant avoir recruté des salariés à temps complet dans sa catégorie professionnelle pendant la période litigieuse.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée sur le troisième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes subséquentes, la salariée n'ayant pas invoqué à l'appui de ces demandes le non-respect par l'employeur de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité d'attribution d'un emploi à temps complet.

10. La cassation sur le troisième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [F] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité d'attribution d'un emploi à temps complet, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 3123-8, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3123-3, L. 3123-14-1, devenu L. 3123-7, alinéa 1, du code du travail.

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