Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

SYNDICAT PROFESSIONNEL

Soc., 19 avril 2023, n° 21-60.127, (B), FS

Cassation partielle

Droits syndicaux – Exercice – Domaine d'application – Délégué syndical – Désignation – Désignation par un syndicat représentatif – Choix d'un adhérent du syndicat – Conditions – Candidats ayant obtenu 10 % des voix – Renonciation – Vérification – Office du juge – Nécessité – Portée

Le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l'un de ses adhérents conformément aux dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail.

Ne donne pas de base légale à sa décision le tribunal qui, pour annuler la désignation par un syndicat d'un adhérent en qualité de délégué syndical, ne recherche pas comme il était soutenu si le candidat du syndicat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles avait renoncé à l'activité syndicale et ne cotisait plus au syndicat depuis plus de deux ans.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nîmes, 5 mars 2021), les élections des membres du comité social et économique de la société Medard Berton Guedj Elaidouni (la société), étude d'huissiers de justice à [Localité 4], se sont déroulées le 16 janvier 2018.

2. Le 7 septembre 2020, l'union locale CGT [Localité 4] centre-ville (l'union locale) a désigné M. [C] en qualité de délégué syndical.

Par requête du 11 septembre 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

Sur l'exception d'irrecevabilité pour tardiveté du pourvoi

3. La société soutient que le pourvoi formé par déclaration du 10 juin 2021 est tardif pour n'avoir pas été formé dans les dix jours de la notification du jugement.

4. L'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

5. Il ressort de l'examen des pièces du dossier de procédure transmis par le greffe du tribunal judiciaire de Nîmes que ne figure pas au dossier la copie des lettres de notification du jugement, mentionnant la voie de recours, son délai et ses modalités d'exercice.

6. Il en résulte que le délai de recours n'a pas commencé à courir, en sorte que l'exception d'irrecevabilité pour tardiveté du pourvoi doit être rejetée.

Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut de pouvoir spécial délivré par une personne ayant qualité pour ce faire

7. La société invoque l'irrégularité du pouvoir spécial donné à M. [X], avocat au barreau de Marseille, par M. [L], secrétaire de l'union locale, au motif qu'il ressort de l'article 13 des statuts de celle-ci que le secrétaire général ne peut engager une action qu'avec l'accord de la commission exécutive, accord dont il n'est nullement justifié.

8. Si un tiers défendeur peut se prévaloir des statuts d'une personne morale pour justifier du défaut de pouvoir d'une personne à figurer dans un litige comme représentant de celle-ci, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la nomination de ce représentant pour contester sa qualité à agir en justice.

9. Il en résulte que la société ne peut invoquer, sur le fondement des statuts de l'union locale, l'irrégularité du pouvoir spécial donné par le secrétaire de l'union locale à M. [X] pour former pourvoi contre le jugement critiqué.

10. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. M. [C] et l'union locale font grief au jugement d'annuler la désignation du 7 septembre 2020 de M. [C] en qualité de délégué syndical, alors « qu'en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ; que si, lors du premier tour des élections au CSE en date du 16 janvier 2018, le syndicat CGT avait présenté quatre candidats, soit Mme [V], Mme [T], M. [P] et Mme [K], au jour de la désignation litigieuse de M. [C], Mmes [V] et [T] n'étaient plus salariées de l'étude, M. [P] a renoncé à l'activité syndicale et n'a pas versé de cotisation depuis plus de deux ans et, par courrier du 5 août 2020, Mme [K] a renoncé par écrit à son droit d'être désignée déléguée syndicale, en sorte que l'union locale ne disposait plus de candidat et pouvait désigner M. [C] qui au jour de sa désignation était bien adhérent au syndicat CGT et à jour de ses cotisations ; qu'en retenant dès lors que l'argument de l'union locale, selon lequel M. [P] ne pouvait être désigné dans la mesure où il n'était pas à jour de sa cotisation syndicale, n'était pas fondé au motif que cette condition n'était pas une condition légale à retenir, le tribunal a violé les dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail :

12. L'article L. 2143-3 du code du travail fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

13. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

14. La Cour a déjà jugé qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, est en droit de désigner un délégué syndical.

L'obligation de choisir ce délégué en priorité parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles n'a pas pour objet ou pour effet de priver cette organisation syndicale du droit de disposer d'un représentant dès lors qu'elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation, de sorte que doit être approuvé le tribunal d'instance qui, ayant constaté que suite au départ de l'entreprise de trois candidats présents sur les listes d'un syndicat lors des dernières élections, et à la démission de ses fonctions de délégué syndical de même appartenance du quatrième candidat qui avait rejoint une autre organisation syndicale, le syndicat ne disposait plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit, a jugé que la désignation par le syndicat d'un adhérent qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide (Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-18.828, Bull. 2013, V, n° 67).

15. Elle a également jugé qu'ayant constaté, en se fondant sur les éléments produits par le syndicat dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification de ses adhérents, dont seul le juge a pris connaissance, que les onze candidats de la liste aux dernières élections ne cotisent plus depuis plus d'une année à l'organisation syndicale en cause ou ne sont plus dans les effectifs de la société, ce dont il résultait que l'organisation syndicale ne disposait plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit, le tribunal a dit à bon droit que la désignation d'un adhérent qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 13-20.398).

16. Pour annuler la désignation du 7 septembre 2020 de M. [C] en qualité de délégué syndical, le jugement retient que ce dernier n'a pas été candidat aux élections des membres du comité social et économique et n'a donc pu recueillir au moins 10 % des suffrages au premier tour, que parmi les quatre candidats de l'union locale ayant obtenu un tel score, deux d'entre eux ont quitté l'entreprise et la troisième a quitté son mandat syndical pour un mandat au comité social et économique, que cependant il reste un quatrième candidat, M. [P], qui pouvait prétendre être désigné, peu important qu'il ne soit pas à jour du règlement de ses cotisations syndicales auprès de l'union locale, que ce candidat n'ayant pas renoncé à son droit d'être désigné délégué syndical, l'union locale ne pouvait désigner M. [C], simple adhérent, en cette qualité.

17. En se déterminant ainsi, alors que le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l'un de ses adhérents conformément aux dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, le tribunal, qui n'a pas recherché, comme il était soutenu, si M. [P] avait renoncé à l'activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l'union locale, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la désignation, en date du 7 septembre 2020, par l'union locale CGT [Localité 4] centre-ville de M. [C] en qualité de délégué syndical au sein de la société Medard Berton Guedj Elaidouni, le jugement rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Montpellier.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 2143-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de mise en oeuvre du 2e alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, à rapprocher : Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-24.678, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 5 avril 2023, n° 21-24.752, (B), FRH

Rejet

Droits syndicaux – Exercice – Domaine d'application – Délégué syndical – Désignation – Désignation par un syndicat représentatif – Renonciation à la désignation – Adhérent concerné – Candidat ayant obtenu 10 % des voix – Nécessité – Détermination – Portée

La renonciation au droit d'être désigné délégué syndical, prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail, est celle des candidats présentés par l'organisation syndicale aux dernières élections professionnelles ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Grenoble, 18 novembre 2021), la société Stmicroelectronics (la société) comporte plusieurs établissements, dont l'établissement de [Localité 4] qui est doté d'un comité social et économique. Lors des dernières élections professionnelles, le syndicat Collectif autonome et démocratique Stmicroelectronics (le syndicat CAD) a été reconnu représentatif au sein de cet établissement.

2. Par courriel du 1er septembre 2021, le syndicat a notifié à la société la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical de l'établissement de [Localité 4] en remplacement de M. [L].

Recevabilité du mémoire en défense examinée d'office

Vu l'article 1006 du code de procédure civile :

3. Le mémoire en défense du syndicat, qui n'a pas été déposé dans le délai de quinze jours suivant la notification faite au syndicat du mémoire de la société, est irrecevable et ne saisit pas la Cour des exceptions qui y sont invoquées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical par le syndicat, alors « que selon le deuxième alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles n'a obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections professionnelles, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit cette condition, ou si l'ensemble des élus qui remplissent cette condition renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ; qu'il en résulte que la désignation d'un adhérent du syndicat en qualité de délégué syndical est subordonnée à la condition que tous les candidats présentés par le syndicat aux dernières élections professionnelles aient préalablement renoncé par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical ; qu'en relevant, pour dire que M. [S] pouvait être désigné en qualité de délégué syndical même s'il n'était pas candidat aux dernières élections, que le syndicat CAD justifiait de la renonciation écrite des candidats qui avaient obtenu au moins 10 % des suffrages et n'étaient pas déjà délégué syndical et qu'un candidat qui n'avait pas obtenu 10 % des suffrages a attesté avoir décliné l'offre du syndicat de se voir nommer délégué syndical, cependant qu'une telle attestation postérieure à la désignation litigieuse ne constituait pas une renonciation écrite préalable à la désignation et ne pouvait en conséquence régulariser cette dernière, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

6. Il en résulte que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical, prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 susvisé, est celle des candidats présentés par l'organisation syndicale aux dernières élections professionnelles ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés.

7. Le tribunal, qui a constaté que sur les dix candidats présentés par le syndicat aux élections professionnelles, cinq candidats avaient été désignés en qualité de délégué syndical et que, parmi les cinq autres, les deux seuls candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages avaient renoncé à leur droit d'être désignés délégué syndical, a, par ces seuls motifs, retenu à bon droit que le syndicat avait valablement désigné l'un de ses adhérents en qualité de délégué syndical.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2143-3, alinéa 2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions et effets de la renonciation, à rapprocher : Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-24.678, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 19 avril 2023, n° 21-23.348, (B), FS

Rejet

Droits syndicaux – Exercice – Domaine d'application – Délégué syndical – Désignation – Elu ou candidat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections – Renonciation au mandat de représentation par le salarié – Effets sur la possibilité d'être désigné ultérieurement au cours du même cycle électoral – Détermination – Portée

La renonciation par l'élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d'être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail, n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 5 octobre 2021), un accord relatif à la représentation du personnel, à l'exercice du droit syndical et au dialogue social, conclu le 11 février 2019 entre, d'une part, les sociétés Sodexo en France, Sodexo santé médico social, Sodexo entreprises, la Société de restauration auberge à Liens, les sociétés Sogeres,

La Normande, Sagere, C'Midy, la Société francaise de restauration et services, la Société bretonne de restauration et services, la Société marseillaise de restauration et services et la Société thononaise de restauration et services, regroupées sous l'appellation Sodexo France (les sociétés), d'autre part, les organisations syndicales représentatives CFDT, CFE-CGC, CGT et CGT-FO, a instauré sept établissements distincts, dont celui de [Localité 11] [Localité 10].

2. Aux termes de cet accord, les organisations syndicales représentatives peuvent désigner, dans chaque établissement, des délégués syndicaux régionaux dont le nombre dépend des effectifs de l'établissement. Ce nombre est de douze par organisation syndicale représentative pour l'établissement de [Localité 11] [Localité 10].

3. A la suite des élections des membres du comité social et économique de cet établissement, dont le premier tour s'est déroulé du 8 au 18 octobre 2019, Mme [W], qui avait obtenu plus de 10 % des suffrages, a été désignée déléguée syndicale régionale par le Syndicat national des métiers de la restauration collective Inova CFE-CGC (le syndicat). Elle a renoncé à cette désignation par écrit du 8 juin 2020 et, le 9 juin suivant, le syndicat a désigné l'une de ses adhérentes, Mme [I], pour la remplacer.

4. Le 30 juin 2021, le syndicat a désigné à nouveau Mme [W] comme déléguée syndicale régionale au sein de l'établissement [Localité 11] [Localité 10] en remplacement d'un autre délégué syndical régional.

5. Soutenant que cette désignation était irrégulière au motif que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical valait pour tout le cycle électoral, par requête du 13 juillet 2021, les sociétés ont saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de la désignation, le 30 juin 2021, de Mme [W] en qualité de délégué syndical régional de l'établissement [Localité 11] [Localité 10].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés font grief au jugement de rejeter leur demande d'annulation de la désignation, en date du 30 juin 2021, de Mme [W] en qualité de délégué syndical régional par le syndicat, alors « que la renonciation d'un salarié, qui a présenté sa candidature aux dernières élections professionnelle et a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés, à être désigné délégué syndical est définitive et vaut, en conséquence, pour toute la durée du cycle électoral restant à courir jusqu'aux prochaines élections ; que ce dernier ne peut donc revenir sur sa renonciation et être ultérieurement désigné à nouveau en qualité de délégué syndical ; qu'en considérant qu'en l'absence de précision de la loi dans un sens ou dans un autre, la renonciation d'un salarié à être désigné délégué syndical ne vaut qu'à l'occasion d'une désignation tout en perdurant tant que la personne qui y a procédé ne revient pas dessus et en validant, en conséquence, la nouvelle désignation, en date du 30 juin 2021, par le syndicat national des métiers de la restauration collective Inova CFE-CGC, de Mme [W] en qualité de déléguée syndicale régionale bien que celle-ci ait, un an plus tôt, le 8 juin 2021, expressément renoncé par écrit à être désignée déléguée syndicale, le tribunal judiciaire a violé les articles 2003 et 2007 du code civil et l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

9. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

10. Eu égard aux travaux préparatoires à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, la mention de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail selon laquelle « si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 », doit être interprétée en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé préalablement à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.

11. La renonciation par l'élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d'être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 précité, n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.

12. Le tribunal, qui a constaté que Mme [W] était revenue sur sa renonciation du 8 juin 2020 à son droit d'être désignée déléguée syndicale en manifestant son souhait d'être désignée en cette qualité lors de la fin d'un mandat et qu'elle remplissait toujours les conditions pour être désignée, en a déduit à bon droit que la salariée avait été valablement désignée par le syndicat en qualité de délégué syndical régional.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail.

Soc., 19 avril 2023, n° 21-17.916, (B), FS

Cassation sans renvoi

Droits syndicaux – Exercice – Domaine d'application – Délégué syndical – Désignation – Salarié en mesure d'accomplir sa mission dans l'entreprise – Appréciation – Appréciation exclusive du syndicat – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre, 26 mai 2021), les élections au comité social et économique de la société Transdev auxerrois (la société) se sont déroulées du 28 novembre au 2 décembre 2019 et les résultats ont été proclamés à l'issue du premier tour. M. [F] a été élu sur la liste établie par le syndicat CFTC.

Le 7 janvier 2020, ce syndicat a désigné le salarié en qualité de délégué syndical.

Le 28 février 2021, ce dernier a démissionné de son mandat syndical.

2. Par lettre du 31 mars 2021, le Syndicat national des Transports urbains de la CFDT (le syndicat CFDT) a désigné le salarié en qualité de délégué syndical.

3. Par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire le 15 avril 2021, la société a contesté cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié et le syndicat CFDT font grief au jugement de dire nulle et non avenue la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure d'accomplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat ; qu'en décidant que dès lors qu'il avait été élu titulaire au CSE par le syndicat CFTC, M. [F] ne pouvait être désigné délégué syndical par la CFDT, quand, de surcroit les autres conditions n'étaient pas contestées, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-6 du code du travail :

5. Aux termes de ce texte, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

6. Selon une jurisprudence établie de la Cour au visa des dispositions similaires antérieures de l'article L. 412-11 du code du travail, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical dans les entreprises employant moins de cinquante salariés un délégué du personnel dont la candidature a été présentée par un autre syndicat (Soc., 6 juillet 1999, pourvoi n° 98-60.329, Bull. 1999, V, n° 336 ; Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107).

7. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, s'agissant de la condition d'un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104).

8. Par ailleurs, la Cour admet qu'un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, publié au Bulletin).

9. Enfin, le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées.

10. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du code du travail, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.

11. Pour annuler la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, le jugement retient d'une part que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical qu'un élu titulaire dont la candidature a été présentée par son syndicat ou un candidat libre, d'autre part que la société employait quarante-trois salariés, que M. [F] avait été élu membre titulaire au comité social et économique sur une liste établie par le syndicat CFTC, en sorte que le syndicat CFDT ne pouvait pas le désigner en qualité de délégué syndical.

12. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a méconnu la portée du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Auxerre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Transdev auxerrois de sa demande d'annulation de la désignation de M. [F] en qualité de délégué syndical du Syndicat national des transports urbains CFDT.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SARL Cabinet Pinet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation par un syndicat de l'aptitude d'un salarié à remplir la mission de délégué syndical, à rapprocher : Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104 (rejet), et l'arrêt cité. Sur la possibilité, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de désignation par un syndicat représentatif d'un délégué du personnel, en qualité de délégué syndical, dont la candidature a été présentée par un autre syndicat, évolution par rapport à : Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107 (1) (cassation), et l'arrêt cité. Sur la possibilité, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de désigner, en qualité de délégué syndical, un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation, à rapprocher : Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, Bull., (rejet).

Soc., 19 avril 2023, n° 21-23.483, (B), FS

Cassation sans renvoi

Section syndicale – Représentant – Désignation – Désignation par un syndicat non représentatif – Conditions – Période – Période de six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes – Interdiction – Cas – Fin de mandat de représentant de section syndicale pour défaut de représentativité du syndicat – Portée

Il résulte de l'article L. 2142-1-1 du code du travail que l'interdiction de désigner en qualité de représentant d'une section syndicale jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise un salarié, précédemment désigné en qualité de représentant de section syndicale dont le mandat a pris fin lors des dernières élections professionnelles dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise, est opposable à toute organisation syndicale non représentative dans l'entreprise, qu'elle soit ou non celle ayant précédemment désigné le salarié en qualité de représentant de section syndicale.

Section syndicale – Représentant – Désignation – Désignation par un syndicat non représentatif – Interdiction – Période – Période de six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes – Opposabilité – Détermination

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 12 octobre 2021), le mandat de M. [G], désigné représentant de section syndicale le 25 octobre 2016 par un syndicat non représentatif, a pris fin à l'issue des élections au comité social et économique de la société L'Anneau (la société) qui se sont déroulées le 17 décembre 2019, le syndicat ayant procédé à cette désignation n'étant pas devenu représentatif.

2. Par lettre datée du 31 décembre 2020, reçue par l'employeur le 6 janvier 2021, le salarié a été désigné par une autre organisation syndicale non représentative, le syndicat Sud solidaires prévention et sécurité, sûreté (le syndicat), en qualité de représentant de section syndicale.

3. Le 19 janvier 2021, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes tendant à dire que le salarié ne peut être désigné à nouveau représentant d'une section syndicale jusqu'aux six mois précédant les prochaines élections du comité social et économique de la société et à annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale par le syndicat, alors « que lorsque le syndicat qui l'avait désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise aux élections professionnelles suivant sa désignation, le salarié qui exerçait le mandat de représentant de section syndicale perd ce mandat et « ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise » ; que cette disposition, qui vise à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise, tire les conséquences de l'échec du représentant de section syndicale à accomplir sa mission consistant à développer l'action du syndicat en vue de lui permettre d'acquérir la qualité de syndicat représentatif ; qu'elle affecte en conséquence sa capacité personnelle à être désigné en qualité de représentant de section syndicale par n'importe quelle organisation syndicale jusqu'aux six mois précédant les élections suivantes ; qu'en affirmant néanmoins, pour juger que M. [G] pouvait être désigné en qualité de représentant de section syndicale par le syndicat Sud solidaires peu important qu'il ait exercé ce même mandat pour le syndicat FO avant les élections et que le syndicat FO n'ait pas acquis la qualité de syndicat représentatif, que « l'incapacité d'exercer un mandat syndical n'est que relative au syndicat qu'il l'avait désigné initialement », le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2142-1-1 du code du travail :

5. Aux termes du texte susvisé, chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement.

Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.

Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise.

Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise.

6. Il en résulte que l'interdiction de désigner en qualité de représentant d'une section syndicale jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise un salarié, précédemment désigné en qualité de représentant de section syndicale dont le mandat a pris fin lors des dernières élections professionnelles dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise, est opposable à toute organisation syndicale non représentative dans l'entreprise, qu'elle soit ou non celle ayant précédemment désigné le salarié en qualité de représentant de section syndicale.

7. Pour rejeter la demande en annulation, le jugement retient que l'incapacité à être de nouveau désigné représentant de section syndicale jusqu'aux six mois précédant la date des élections suivantes qui frappe le représentant dont le syndicat n'a pas été reconnu représentatif est une incapacité relative au syndicat qui l'avait désigné initialement et ne s'oppose pas à la désignation du même salarié par un autre syndicat non représentatif.

8. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bobigny ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule la désignation de M. [G] en qualité de représentant de section syndicale du syndicat Sud solidaires prévention et sécurité, sûreté en date du 31 décembre 2020 au sein de la société L'Anneau.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2142-1-1 du code du travail.

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