Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 13 avril 2023, n° 21-19.925, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Sécurité sociale – Convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale – Protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois – Article 4.2 – Points de compétence – Attribution – Modalités – Entretien annuel – Défaut – Sanction – Détermination – Portée

Selon l'article 4.2. du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l'accroissement des compétences professionnelles mises en oeuvre dans l'emploi. L'accroissement de compétences passe obligatoirement par l'élaboration de référentiels de compétences. Les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables et leur évaluation est formalisée à l'occasion de l'entretien annuel. Il en résulte que l'attribution de points de compétence, décidée par la direction, est facultative.

Viole ces dispositions la cour d'appel, qui après avoir constaté les manquements de l'employeur à ses obligations d'évaluation annuelle et de fixation d'objectifs annuels, condamne celui-ci à payer au salarié un pas de compétence pour chaque exercice concerné, à reconstituer sa carrière et à lui payer un rappel de salaire correspondant, alors que le salarié ne pouvait prétendre qu'à la réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir des points de compétence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 28 juin 2017, pourvoi n° 16-12.572), Mme [M] a été engagée au mois de janvier 1981 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse. Depuis le mois d'août 1981, elle occupe un poste d'agent de contrôle des employeurs, actuellement dénommé inspecteur du recouvrement.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 5 décembre 2013, afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à attribuer à la salariée un pas de compétence de 12 points pour les exercices 2013, 2015, 2016 et ce à compter du 1er janvier qui suit chaque exercice, à reconstituer sa carrière au vu de ces points et à lui verser les rappels de salaire induits, de dire que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, étaient dus à compter du 25 mars 2015 pour les créances salariales échues à cette date, à compter de leur exigibilité pour les suivantes, et à compter de l'arrêt pour le surplus, et d'ordonner la remise à la salariée d'un bulletin de salaire rectificatif conforme à l'arrêt, dans le mois suivant sa notification, alors « qu'aux termes de l'article 4.2 du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, « les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l'accroissement des compétences professionnelles mises en oeuvre dans l'emploi.

Les compétences recouvrent des savoirs, c'est-à-dire des connaissances théoriques et professionnelles mises en oeuvre dans l'exercice du travail et des savoir-faire techniques et relationnels, observables dans la tenue de l'emploi.

L'identification de l'accroissement de compétences passe obligatoirement par l'élaboration de référentiels de compétences, dans les conditions définies à l'article 8 du présent texte. Dans ce cadre, les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables.

L'évaluation de la compétence est formalisée à l'occasion de l'entretien annuel, tel que prévu à l'article 7 » ; que l'absence d'entretien annuel d'évaluation ou le retard dans la tenue de celui-ci ne peuvent être sanctionnés par l'attribution automatique, pour chaque année concernée, d'un pas de compétence ; qu'en retenant, pour condamner l'URSSAF de la Corse à attribuer à Mme [M] un pas de compétence de 12 points pour les exercices 2013, 2015, 2016, à reconstituer sa carrière au vu de ces points et à lui verser les rappels de salaire induits, que l'URSSAF de la Corse ne versait pas aux débats de justificatif de l'organisation d'entretiens annuels d'évaluation et d'accompagnement pour la salariée chaque année, ni de document permettant de vérifier la ponctualité des entretiens d'évaluation réalisés, ni encore de ce que l'entretien annuel pour 2013 avait eu lieu en 2015, et qu'il n'était pas justifié pour les années 2015 et 2016 d'une évaluation conforme au protocole d'accord, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La salariée soutient que ce moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, le moyen est de pur droit en ce qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

6. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 4.2. du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et de classification des emplois :

7. Selon ce texte, les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l'accroissement des compétences professionnelles mises en oeuvre dans l'emploi.

L'accroissement de compétences passe obligatoirement par l'élaboration de référentiels de compétences.

Les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables et leur évaluation est formalisée à l'occasion de l'entretien annuel.

8. Il en résulte que l'attribution de points de compétence, décidée par la direction, est facultative.

9. Pour condamner l'employeur à attribuer à la salariée un pas de compétence de 12 points pour chacune des années 2013, 2015 et 2016, à reconstituer sa carrière et à lui verser les rappels de salaire correspondants, l'arrêt retient qu'il convient de sanctionner les manquements de l'employeur qui ont empêché la salariée de prétendre à un pas de compétence, faute de définition préalable de ses objectifs, d'entretiens d'évaluation réguliers et d'appréciation de ses compétences.

10. En statuant ainsi, alors que la salariée ne pouvait prétendre à l'attribution de points de compétence, à la reconstitution de sa carrière en résultant ni au versement d'un rappel de salaire correspondant mais seulement à la réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir des points de compétence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'URSSAF de la Corse à attribuer à Mme [M] un pas de compétence de 12 points pour les exercices 2013, 2015, 2016 et ce, à compter du 1er janvier qui suit chaque exercice, à reconstituer sa carrière au vu de ces points et à lui verser les rappels de salaire induits, en ce qu'il dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, étaient dus à compter du 25 mars 2015 pour les créances salariales échues à cette date, à compter de leur exigibilité pour les suivantes, et à compter de l'arrêt pour le surplus, en ce qu'il ordonne à l'URSSAF de la Corse la remise à Mme [M] d'un bulletin de salaire rectificatif conforme à l'arrêt, dans le mois suivant sa notification, et en ce qu'il condamne l'URSSAF de la Corse aux dépens d'appel et à payer à Mme [M] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles l'arrêt rendu le 21 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 4.2 du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, modifiant la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

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