Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 5 avril 2023, n° 21-10.391, (B), FS

Cassation

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Licenciement économique – Licenciement collectif – Projet de licenciement – Licenciement de moins de dix salariés dans une même période de trente jours – Conditions – Licenciement d'au moins deux salariés dans une même période de trente jours – Nombre de salariés concernés – Appréciation – Détermination – Portée

Délégué du personnel – Attributions – Attributions consultatives – Licenciement économique – Licenciement collectif – Projet de licenciement – Licenciement de moins de dix salariés dans une même période de trente jours – Conditions – Licenciement d'au moins deux salariés dans une même période de trente jours – Nombre de salariés concernés – Appréciation – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 novembre 2020), le contrat de travail de M. [H], engagé en qualité de chargé d'opération le 15 mars 1993 par la société Iris conseil, a été transféré à la société Iris conseil infra (la société) à compter de juillet 2001. Il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur de projet, responsable de l'unité opérationnelle « Routes-infrastructures ».

2. A la suite de son refus de deux propositions de reclassement, le salarié a été avisé le 16 octobre 2015 des motifs conduisant à son licenciement économique et le contrat de travail a pris fin le 6 novembre 2015 à l'issue du délai de rétractation du contrat de sécurisation professionnelle que le salarié avait accepté.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de consultation des instances représentatives du personnel alors « que dans les entreprises d'au moins onze salariés, l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours est tenu consulter les représentants du personnel ; que le licenciement est collectif lorsqu'il concerne deux salariés ou plus sur une même période de 30 jours le refus de la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique déclenchant le licenciement ; qu'il en résulte que l'employeur n'est pas tenu de consulter les instances représentatives du personnel lorsqu'il procède au licenciement économique d'un seul salarié ; qu'en décidant néanmoins que la société avait procédé à un licenciement collectif, pour en déduire qu'elle était tenue de procéder à la consultation des représentants du personnel, motif pris qu'elle avait initié un licenciement pour motif économique tendant à licencier trois salariés et qu'il importait peu que deux des salariés aient accepté la proposition de modification de leurs contrats de travail, bien que l'acceptation, par deux des trois salariés, de la proposition de modification de leurs contrats de travail ait exclu tout caractère collectif du licenciement prononcé à l'égard du troisième salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

4. Il résulte de ce texte que l'employeur n'a l'obligation de réunir et consulter le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ou les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, que lorsqu'il envisage de procéder à un licenciement pour motif économique d'au moins deux salariés dans une même période de trente jours.

5. Pour condamner la société à payer des dommages-intérêts au salarié en raison du défaut par l'employeur de consultation des délégués du personnel, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait envisagé dans un délai de trente jours un licenciement économique par suppression de trois postes de travail et qu'il importait peu que deux des salariés concernés aient accepté la proposition de reclassement au sein d'autres sociétés du groupe qui leur avait été présentée, de sorte que le licenciement présentait un caractère collectif imposant à l'employeur la consultation des délégués du personnel.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que deux des salariés concernés avaient accepté leur reclassement interne au sein du groupe, en sorte que le licenciement économique n'avait été envisagé qu'à l'égard d'un seul salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa décision, ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise, constitue une suppression d'emploi ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que la cause économique du licenciement n'était pas établie et en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD n'avait pas été supprimé par la société, à la suite du licenciement du salarié, après avoir pourtant constaté que les fonctions de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures routières et VRD jusqu'alors exercées par lui, avaient été confiées, à la suite de son licenciement, à un autre salarié d'ores et déjà présent dans l'entreprise, M. [F], sans pour autant constater qu'un autre salarié aurait été engagé pour exercer les fonctions de ce dernier, ce dont il résultait que l'emploi de M. [H] avait été effectivement supprimé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8. Aux termes de cet article, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

9. Pour condamner la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que, selon l'employeur lui-même, le salarié n'occupait pas effectivement un poste de directeur de projet, qui n'était qu'un « intitulé » lui ayant été attribué à compter de janvier 2014, sans que cela corresponde à une quelconque modification du contrat. Il relève ensuite que la société ne conteste pas que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle, qu'occupait concrètement l'intéressé, a bien été confié à M. [F], chef de projet.

10. Il en conclut que le poste occupé par le salarié, à savoir celui de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD, dans le cadre desquelles, outre ses missions de management du département infrastructures routières-VRD, il exerçait des fonctions de chef de projets, n'a en aucune façon été supprimé par la société dans le cadre de la réorganisation de ses services et que la suppression d'un « directeur de projets », qui ne constituait pas une fonction opérationnelle ni un emploi au sein de l'entreprise, mais correspondait simplement au positionnement d'un chef de projet accompli, ne pouvait justifier le licenciement pour motif économique du salarié.

11. En statuant ainsi, sans constater qu'un autre salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de M. [F] ayant repris les tâches accomplies par le salarié licencié, alors que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de l'attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est une suppression d'emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Le Corre - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L.1233-8 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation du nombre de salariés concernés par un projet de licenciement économique, à rapprocher : Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.940, Bull. 2018, V, n° 11 (rejet).

Soc., 5 avril 2023, n° 21-23.427, n° 21-23.429, (B), FS

Cassation

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Cas – Examen du rapport relatif à l'accord de participation – Frais d'expertise – Charge – Détermination – Portée

Selon l'article D. 3323-14 du code du travail, lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, il peut se faire assister par l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.

Ces dispositions de l'ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d'entreprise, désormais abrogé, auxquelles renvoie l'article D. 3323-14 précité, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l'entreprise » précisant, à l'ancien article L. 2315-40, que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise.

Il résulte de ces textes et des articles L. 2315-80 et L. 2315-81 du code du travail que l'expertise, décidée par le comité social et économique appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation devant lui être présenté par l'employeur, en application de l'article D. 3323-13 du code du travail, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d'application de l'article L. 2315-81 du même code.

En conséquence, l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur selon les modalités de l'article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

Comité social et économique – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Consultation récurrente – Situation économique et financière de l'entreprise – Examen du rapport relatif à l'accord de participation – Assistance par un expert-comptable – Frais d'expertise – Charge – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-23.427 et n° 21-23.429 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (président du tribunal judiciaire de Nanterre, 8 octobre 2021, n° R.G 21/01569 et n° R.G 21/01606), statuant selon la procédure accélérée au fond, la société Technip France, désormais dénommée Technip énergies France (la société), a convoqué le comité social et économique central de la société Technip France (le comité) à une réunion ayant parmi les sujets à l'ordre du jour celui de l'information sur la participation et l'intéressement 2020. Lors de cette réunion, le 8 avril 2021, le comité a voté le recours à une expertise pour l'assister dans l'examen du calcul de la réserve spéciale de participation et a désigné la société Sextant expertise (l'expert).

3. Le comité a saisi le président du tribunal judiciaire afin de juger que cette expertise, votée sur le fondement de l'article D. 3323-14 du code du travail, est une expertise légale et doit être prise en charge intégralement par l'employeur et en conséquence d'enjoindre à la société de prendre en charge intégralement les honoraires de l'expert (n° R.G 21/01569).

4. Parallèlement, la société a saisi le président du tribunal judiciaire afin de juger qu'elle n'a pas l'obligation légale de prendre en charge l'expertise votée par le comité au titre de l'article D. 3323-14 du code du travail qui doit être à la charge exclusive du comité. Elle a sollicité à titre subsidiaire la réduction du coût prévisionnel de l'expertise (n° R.G 21/01606).

5. L'expert est intervenu aux instances.

Examen des moyens

Sur les moyens, pris en leur première branche, rédigés en des termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

6. Le comité fait grief au jugement n° R.G 21/01569 de juger que l'expertise votée par lui dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement et de rejeter ses demandes, et au jugement n° R.G 21/01606 de juger que l'expertise votée par lui dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement, alors « que l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur ; que, pour dire que l'expertise votée par le comité social et économique central de la société Technip France dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement, le tribunal judiciaire a retenu que seules les expertises mentionnées au 1° de l'article L. 2315-80 du code du travail sont intégralement financées par l'employeur, que l'expertise prévue par l'article D. 3323-14 du code du travail n'y est pas mentionnée et qu'aucune disposition légale ne prévoit plus le financement de celle-ci par l'employeur, dès lors que l'article L. 2325-35 du code du travail, qui prévoyait le financement de cette expertise par l'employeur et auquel renvoie expressément l'article D. 3323-14, a été abrogé ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'il appartenait à la société Technip France de prendre en charge le coût de l'expertise comptable que le comité social et économique central de la société Technip France avait diligenté sur le fondement de l'article D. 3323-14 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, dès lors que le renvoi par ce texte aux dispositions de l'article L. 2325-35 du même code, nonobstant leur abrogation, implique sans équivoque la volonté du législateur de maintenir la prise en charge du coût de cette expertise par l'employeur, le tribunal judiciaire a violé l'article D. 3323-14 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2315-80, L. 2315-81, D. 3323-13 et D. 3323-14 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 2315-80 du code du travail, lorsque le comité social et économique décide du recours à l'expertise, les frais d'expertise sont pris en charge :

1° Par l'employeur concernant les consultations prévues par les articles L. 2315-88, L. 2315-91, au 3° de l'article L. 2315-92 et au 1° de l'article L. 2315-94 ainsi qu'au 3° du même article L. 2315-94 en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle prévu à l'article L. 2312-18 ;

2° Par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l'employeur, à hauteur de 80 %, concernant la consultation prévue à l'article L. 2315-87 et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa ;

3° Par l'employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l'expertise et n'a pas donné lieu à un transfert d'excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l'article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes.

8. Aux termes de l'article L. 2315-81 du code du travail, par dérogation aux articles L. 2315-78 et L. 2315-80, le comité social et économique peut faire appel à tout type d'expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.

9. Selon l'article D. 3323-13 du code du travail, l'employeur présente, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport au comité social et économique qui comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l'exercice écoulé et des indications précises sur la gestion et l'utilisation des sommes affectées à cette réserve.

10. Aux termes de l'article D. 3323-14 du code du travail, lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, les questions ainsi examinées font l'objet de réunions distinctes ou d'une mention spéciale à son ordre du jour.

Le comité peut se faire assister par l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.

11. Les dispositions de l'ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d'entreprise, désormais abrogé, auxquelles l'article D. 3323-14 renvoie, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l'entreprise » précisant, à l'ancien article L. 2315-40, que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise.

12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'expertise, décidée par le comité social et économique appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation devant lui être présenté par l'employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d'application de l'article L. 2315-81 précité.

En conséquence, l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur selon les modalités de l'article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

13. Pour laisser à la charge du comité les frais de l'expertise décidée au titre de l'article D. 3323-14 du code du travail, les jugements retiennent que le cofinancement des expertises est devenu le principe, figurant désormais à l'article L. 2315-80 du code du travail, de sorte que les expertises faisant l'objet d'un financement intégral par l'employeur sont désormais des exceptions mentionnées au 1° de cet article, que l'article D. 3323-14 renvoie à un texte désormais abrogé et qu'il n'existe plus aucune disposition légale renvoyant à l'expert-comptable en indiquant qu'il est rémunéré par l'employeur.

14. Les jugements ajoutent que le régime de financement des expertises résulte désormais exclusivement des articles L. 2315-80 et L. 2315-81 du code du travail ne prévoyant pas le financement de l'expertise objet du litige et que celle-ci a lieu nécessairement dans le cadre d'une procédure d'information alors qu'aucune des dispositions légales en vigueur relatives au financement en tout ou partie par l'employeur ne concerne une expertise dans le cadre d'une information du comité social et économique.

15. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements n° R.G 21/01569 et n° R.G 21/01606 rendus le 8 octobre 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Versailles, statuant selon la procédure accélérée au fond.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 2315-80, L. 2315-81, D. 3323-13 et D. 3323-14 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la prise en charge des frais d'expertise d'un expert-comptable désigné en vue d'assister une institution représentative du personnel pour l'examen du rapport relatif à l'accord de participation, à rapprocher : Soc., 28 janvier 2009, pourvoi n° 07-18.284, Bull. 2009, V, n° 28 (cassation partielle).

Soc., 19 avril 2023, n° 21-60.127, (B), FS

Cassation partielle

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Candidat ayant obtenu 10 % des voix – Dérogation – Cas – Choix d'un adhérent du syndicat – Possibilité – Vérifications préalables – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nîmes, 5 mars 2021), les élections des membres du comité social et économique de la société Medard Berton Guedj Elaidouni (la société), étude d'huissiers de justice à [Localité 4], se sont déroulées le 16 janvier 2018.

2. Le 7 septembre 2020, l'union locale CGT [Localité 4] centre-ville (l'union locale) a désigné M. [C] en qualité de délégué syndical.

Par requête du 11 septembre 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

Sur l'exception d'irrecevabilité pour tardiveté du pourvoi

3. La société soutient que le pourvoi formé par déclaration du 10 juin 2021 est tardif pour n'avoir pas été formé dans les dix jours de la notification du jugement.

4. L'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

5. Il ressort de l'examen des pièces du dossier de procédure transmis par le greffe du tribunal judiciaire de Nîmes que ne figure pas au dossier la copie des lettres de notification du jugement, mentionnant la voie de recours, son délai et ses modalités d'exercice.

6. Il en résulte que le délai de recours n'a pas commencé à courir, en sorte que l'exception d'irrecevabilité pour tardiveté du pourvoi doit être rejetée.

Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut de pouvoir spécial délivré par une personne ayant qualité pour ce faire

7. La société invoque l'irrégularité du pouvoir spécial donné à M. [X], avocat au barreau de Marseille, par M. [L], secrétaire de l'union locale, au motif qu'il ressort de l'article 13 des statuts de celle-ci que le secrétaire général ne peut engager une action qu'avec l'accord de la commission exécutive, accord dont il n'est nullement justifié.

8. Si un tiers défendeur peut se prévaloir des statuts d'une personne morale pour justifier du défaut de pouvoir d'une personne à figurer dans un litige comme représentant de celle-ci, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la nomination de ce représentant pour contester sa qualité à agir en justice.

9. Il en résulte que la société ne peut invoquer, sur le fondement des statuts de l'union locale, l'irrégularité du pouvoir spécial donné par le secrétaire de l'union locale à M. [X] pour former pourvoi contre le jugement critiqué.

10. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. M. [C] et l'union locale font grief au jugement d'annuler la désignation du 7 septembre 2020 de M. [C] en qualité de délégué syndical, alors « qu'en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ; que si, lors du premier tour des élections au CSE en date du 16 janvier 2018, le syndicat CGT avait présenté quatre candidats, soit Mme [V], Mme [T], M. [P] et Mme [K], au jour de la désignation litigieuse de M. [C], Mmes [V] et [T] n'étaient plus salariées de l'étude, M. [P] a renoncé à l'activité syndicale et n'a pas versé de cotisation depuis plus de deux ans et, par courrier du 5 août 2020, Mme [K] a renoncé par écrit à son droit d'être désignée déléguée syndicale, en sorte que l'union locale ne disposait plus de candidat et pouvait désigner M. [C] qui au jour de sa désignation était bien adhérent au syndicat CGT et à jour de ses cotisations ; qu'en retenant dès lors que l'argument de l'union locale, selon lequel M. [P] ne pouvait être désigné dans la mesure où il n'était pas à jour de sa cotisation syndicale, n'était pas fondé au motif que cette condition n'était pas une condition légale à retenir, le tribunal a violé les dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail :

12. L'article L. 2143-3 du code du travail fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

13. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

14. La Cour a déjà jugé qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, est en droit de désigner un délégué syndical.

L'obligation de choisir ce délégué en priorité parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles n'a pas pour objet ou pour effet de priver cette organisation syndicale du droit de disposer d'un représentant dès lors qu'elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation, de sorte que doit être approuvé le tribunal d'instance qui, ayant constaté que suite au départ de l'entreprise de trois candidats présents sur les listes d'un syndicat lors des dernières élections, et à la démission de ses fonctions de délégué syndical de même appartenance du quatrième candidat qui avait rejoint une autre organisation syndicale, le syndicat ne disposait plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit, a jugé que la désignation par le syndicat d'un adhérent qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide (Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-18.828, Bull. 2013, V, n° 67).

15. Elle a également jugé qu'ayant constaté, en se fondant sur les éléments produits par le syndicat dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification de ses adhérents, dont seul le juge a pris connaissance, que les onze candidats de la liste aux dernières élections ne cotisent plus depuis plus d'une année à l'organisation syndicale en cause ou ne sont plus dans les effectifs de la société, ce dont il résultait que l'organisation syndicale ne disposait plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit, le tribunal a dit à bon droit que la désignation d'un adhérent qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 13-20.398).

16. Pour annuler la désignation du 7 septembre 2020 de M. [C] en qualité de délégué syndical, le jugement retient que ce dernier n'a pas été candidat aux élections des membres du comité social et économique et n'a donc pu recueillir au moins 10 % des suffrages au premier tour, que parmi les quatre candidats de l'union locale ayant obtenu un tel score, deux d'entre eux ont quitté l'entreprise et la troisième a quitté son mandat syndical pour un mandat au comité social et économique, que cependant il reste un quatrième candidat, M. [P], qui pouvait prétendre être désigné, peu important qu'il ne soit pas à jour du règlement de ses cotisations syndicales auprès de l'union locale, que ce candidat n'ayant pas renoncé à son droit d'être désigné délégué syndical, l'union locale ne pouvait désigner M. [C], simple adhérent, en cette qualité.

17. En se déterminant ainsi, alors que le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l'un de ses adhérents conformément aux dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, le tribunal, qui n'a pas recherché, comme il était soutenu, si M. [P] avait renoncé à l'activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l'union locale, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la désignation, en date du 7 septembre 2020, par l'union locale CGT [Localité 4] centre-ville de M. [C] en qualité de délégué syndical au sein de la société Medard Berton Guedj Elaidouni, le jugement rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Montpellier.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 2143-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de mise en oeuvre du 2e alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, à rapprocher : Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-24.678, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 19 avril 2023, n° 21-17.916, (B), FS

Cassation sans renvoi

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Auteur de la désignation – Syndicat représentatif – Appréciation – Etendue – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

Selon une jurisprudence établie de la Cour au visa des dispositions similaires antérieures de l'article L. 412-11 du code du travail, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical dans les entreprises employant moins de cinquante salariés un délégué du personnel dont la candidature a été présentée par un autre syndicat (Soc., 6 juillet 1999, pourvoi n° 98-60.329, Bull. 1999, V, n° 336 ; Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107).

Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, s'agissant de la condition d'un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104).

Par ailleurs, la Cour admet qu'un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, publié au Bulletin).

Enfin, le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées.

Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du code du travail, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.

Méconnaît la portée de l'article L. 2143-6 du code du travail le tribunal qui retient d'une part que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical qu'un élu titulaire dont la candidature a été présentée par son syndicat ou un candidat libre, d'autre part que dans une société qui emploie quarante-trois salariés, un salarié, élu membre titulaire au comité social et économique sur une liste établie par le syndicat CFTC, ne peut pas être désigné en qualité de délégué syndical par le syndicat CFDT.

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un membre du comité social et économique – Membre suppléant – Membre disposant d'un crédit d'heures – Possibilité – Limites – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre, 26 mai 2021), les élections au comité social et économique de la société Transdev auxerrois (la société) se sont déroulées du 28 novembre au 2 décembre 2019 et les résultats ont été proclamés à l'issue du premier tour. M. [F] a été élu sur la liste établie par le syndicat CFTC.

Le 7 janvier 2020, ce syndicat a désigné le salarié en qualité de délégué syndical.

Le 28 février 2021, ce dernier a démissionné de son mandat syndical.

2. Par lettre du 31 mars 2021, le Syndicat national des Transports urbains de la CFDT (le syndicat CFDT) a désigné le salarié en qualité de délégué syndical.

3. Par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire le 15 avril 2021, la société a contesté cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié et le syndicat CFDT font grief au jugement de dire nulle et non avenue la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure d'accomplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat ; qu'en décidant que dès lors qu'il avait été élu titulaire au CSE par le syndicat CFTC, M. [F] ne pouvait être désigné délégué syndical par la CFDT, quand, de surcroit les autres conditions n'étaient pas contestées, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-6 du code du travail :

5. Aux termes de ce texte, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

6. Selon une jurisprudence établie de la Cour au visa des dispositions similaires antérieures de l'article L. 412-11 du code du travail, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical dans les entreprises employant moins de cinquante salariés un délégué du personnel dont la candidature a été présentée par un autre syndicat (Soc., 6 juillet 1999, pourvoi n° 98-60.329, Bull. 1999, V, n° 336 ; Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107).

7. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, s'agissant de la condition d'un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104).

8. Par ailleurs, la Cour admet qu'un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, publié au Bulletin).

9. Enfin, le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées.

10. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du code du travail, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.

11. Pour annuler la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, le jugement retient d'une part que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical qu'un élu titulaire dont la candidature a été présentée par son syndicat ou un candidat libre, d'autre part que la société employait quarante-trois salariés, que M. [F] avait été élu membre titulaire au comité social et économique sur une liste établie par le syndicat CFTC, en sorte que le syndicat CFDT ne pouvait pas le désigner en qualité de délégué syndical.

12. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a méconnu la portée du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Auxerre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Transdev auxerrois de sa demande d'annulation de la désignation de M. [F] en qualité de délégué syndical du Syndicat national des transports urbains CFDT.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SARL Cabinet Pinet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation par un syndicat de l'aptitude d'un salarié à remplir la mission de délégué syndical, à rapprocher : Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104 (rejet), et l'arrêt cité. Sur la possibilité, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de désignation par un syndicat représentatif d'un délégué du personnel, en qualité de délégué syndical, dont la candidature a été présentée par un autre syndicat, évolution par rapport à : Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107 (1) (cassation), et l'arrêt cité. Sur la possibilité, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de désigner, en qualité de délégué syndical, un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation, à rapprocher : Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, Bull., (rejet).

Soc., 19 avril 2023, n° 21-23.348, (B), FS

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Elu ou candidat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections – Renonciation au mandat de représentation par le salarié – Effets sur la possibilité d'être désigné ultérieurement au cours du même cycle électoral – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 5 octobre 2021), un accord relatif à la représentation du personnel, à l'exercice du droit syndical et au dialogue social, conclu le 11 février 2019 entre, d'une part, les sociétés Sodexo en France, Sodexo santé médico social, Sodexo entreprises, la Société de restauration auberge à Liens, les sociétés Sogeres,

La Normande, Sagere, C'Midy, la Société francaise de restauration et services, la Société bretonne de restauration et services, la Société marseillaise de restauration et services et la Société thononaise de restauration et services, regroupées sous l'appellation Sodexo France (les sociétés), d'autre part, les organisations syndicales représentatives CFDT, CFE-CGC, CGT et CGT-FO, a instauré sept établissements distincts, dont celui de [Localité 11] [Localité 10].

2. Aux termes de cet accord, les organisations syndicales représentatives peuvent désigner, dans chaque établissement, des délégués syndicaux régionaux dont le nombre dépend des effectifs de l'établissement. Ce nombre est de douze par organisation syndicale représentative pour l'établissement de [Localité 11] [Localité 10].

3. A la suite des élections des membres du comité social et économique de cet établissement, dont le premier tour s'est déroulé du 8 au 18 octobre 2019, Mme [W], qui avait obtenu plus de 10 % des suffrages, a été désignée déléguée syndicale régionale par le Syndicat national des métiers de la restauration collective Inova CFE-CGC (le syndicat). Elle a renoncé à cette désignation par écrit du 8 juin 2020 et, le 9 juin suivant, le syndicat a désigné l'une de ses adhérentes, Mme [I], pour la remplacer.

4. Le 30 juin 2021, le syndicat a désigné à nouveau Mme [W] comme déléguée syndicale régionale au sein de l'établissement [Localité 11] [Localité 10] en remplacement d'un autre délégué syndical régional.

5. Soutenant que cette désignation était irrégulière au motif que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical valait pour tout le cycle électoral, par requête du 13 juillet 2021, les sociétés ont saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de la désignation, le 30 juin 2021, de Mme [W] en qualité de délégué syndical régional de l'établissement [Localité 11] [Localité 10].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés font grief au jugement de rejeter leur demande d'annulation de la désignation, en date du 30 juin 2021, de Mme [W] en qualité de délégué syndical régional par le syndicat, alors « que la renonciation d'un salarié, qui a présenté sa candidature aux dernières élections professionnelle et a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés, à être désigné délégué syndical est définitive et vaut, en conséquence, pour toute la durée du cycle électoral restant à courir jusqu'aux prochaines élections ; que ce dernier ne peut donc revenir sur sa renonciation et être ultérieurement désigné à nouveau en qualité de délégué syndical ; qu'en considérant qu'en l'absence de précision de la loi dans un sens ou dans un autre, la renonciation d'un salarié à être désigné délégué syndical ne vaut qu'à l'occasion d'une désignation tout en perdurant tant que la personne qui y a procédé ne revient pas dessus et en validant, en conséquence, la nouvelle désignation, en date du 30 juin 2021, par le syndicat national des métiers de la restauration collective Inova CFE-CGC, de Mme [W] en qualité de déléguée syndicale régionale bien que celle-ci ait, un an plus tôt, le 8 juin 2021, expressément renoncé par écrit à être désignée déléguée syndicale, le tribunal judiciaire a violé les articles 2003 et 2007 du code civil et l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

9. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

10. Eu égard aux travaux préparatoires à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, la mention de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail selon laquelle « si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 », doit être interprétée en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé préalablement à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.

11. La renonciation par l'élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d'être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 précité, n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.

12. Le tribunal, qui a constaté que Mme [W] était revenue sur sa renonciation du 8 juin 2020 à son droit d'être désignée déléguée syndicale en manifestant son souhait d'être désignée en cette qualité lors de la fin d'un mandat et qu'elle remplissait toujours les conditions pour être désignée, en a déduit à bon droit que la salariée avait été valablement désignée par le syndicat en qualité de délégué syndical régional.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail.

Soc., 5 avril 2023, n° 21-24.752, (B), FRH

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Renonciation – Faculté de renoncer – Titulaire – Candidat ayant obtenu 10 % des voix – Exclusivité – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Grenoble, 18 novembre 2021), la société Stmicroelectronics (la société) comporte plusieurs établissements, dont l'établissement de [Localité 4] qui est doté d'un comité social et économique. Lors des dernières élections professionnelles, le syndicat Collectif autonome et démocratique Stmicroelectronics (le syndicat CAD) a été reconnu représentatif au sein de cet établissement.

2. Par courriel du 1er septembre 2021, le syndicat a notifié à la société la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical de l'établissement de [Localité 4] en remplacement de M. [L].

Recevabilité du mémoire en défense examinée d'office

Vu l'article 1006 du code de procédure civile :

3. Le mémoire en défense du syndicat, qui n'a pas été déposé dans le délai de quinze jours suivant la notification faite au syndicat du mémoire de la société, est irrecevable et ne saisit pas la Cour des exceptions qui y sont invoquées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical par le syndicat, alors « que selon le deuxième alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles n'a obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections professionnelles, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit cette condition, ou si l'ensemble des élus qui remplissent cette condition renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ; qu'il en résulte que la désignation d'un adhérent du syndicat en qualité de délégué syndical est subordonnée à la condition que tous les candidats présentés par le syndicat aux dernières élections professionnelles aient préalablement renoncé par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical ; qu'en relevant, pour dire que M. [S] pouvait être désigné en qualité de délégué syndical même s'il n'était pas candidat aux dernières élections, que le syndicat CAD justifiait de la renonciation écrite des candidats qui avaient obtenu au moins 10 % des suffrages et n'étaient pas déjà délégué syndical et qu'un candidat qui n'avait pas obtenu 10 % des suffrages a attesté avoir décliné l'offre du syndicat de se voir nommer délégué syndical, cependant qu'une telle attestation postérieure à la désignation litigieuse ne constituait pas une renonciation écrite préalable à la désignation et ne pouvait en conséquence régulariser cette dernière, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

6. Il en résulte que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical, prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 susvisé, est celle des candidats présentés par l'organisation syndicale aux dernières élections professionnelles ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés.

7. Le tribunal, qui a constaté que sur les dix candidats présentés par le syndicat aux élections professionnelles, cinq candidats avaient été désignés en qualité de délégué syndical et que, parmi les cinq autres, les deux seuls candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages avaient renoncé à leur droit d'être désignés délégué syndical, a, par ces seuls motifs, retenu à bon droit que le syndicat avait valablement désigné l'un de ses adhérents en qualité de délégué syndical.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2143-3, alinéa 2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions et effets de la renonciation, à rapprocher : Soc., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-24.678, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 5 avril 2023, n° 21-17.851, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Crédit d'heures – Utilisation – Justification – Descriptif précis – Obligation du salarié – Manquement – Contestation sérieuse – Appréciation – Office du juge – Portée

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Heures prises en dehors de l'horaire de travail – Demande de justification – Saisine de la juridiction des référés – Possibilité (non)

Selon l'article R. 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire. Il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé. Dès lors, si la charge de la preuve des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pèse sur le salarié, l'employeur ne peut saisir le juge des référés pour obtenir la justification par le salarié de ces nécessités. Méconnaît l'étendue de ses pouvoirs et viole ces dispositions la cour d'appel qui, pour enjoindre au salarié de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail, retient que celui-ci avait intégralement accompli les heures de délégation en dehors de son temps de travail et que cette obligation n'était pas sérieusement contestable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2021), rendu en matière de référé, M. [W] a été engagé par la société Trace Global, à compter du 8 février 2013, en qualité de responsable comptable, statut cadre.

Par avenant du 1er janvier 2016, il a été promu au poste de responsable financier groupe.

2. Le 28 juin 2017, le salarié a été élu membre titulaire du collège cadre de la délégation unique du personnel de la société, disposant à ce titre de dix-huit heures de délégation par mois.

Le 20 décembre 2018, il a été désigné délégué syndical et bénéficiait à ce titre de douze heures de délégation par mois.

3. Le salarié a été licencié pour faute grave le 21 janvier 2020.

4. L'employeur a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale afin d'enjoindre au salarié, sous astreinte, de préciser les dates et heures de délégation, d'indiquer les activités exercées durant les heures de délégation et de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de préciser les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 et d'indiquer les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020, alors :

« 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2315-10, L. 2143-17 et R. 1455-5 du code du travail que si l'employeur peut saisir le juge des référés pour obtenir l'indication des activités exercées par le salarié investi d'un mandat représentatif pendant ses heures de délégation avant contestation, il ne peut exiger devant cette juridiction la justification de l'utilisation de ces heures, question qui relève de la compétence du juge du fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le tableau que M. [W] avait produit déclinant mois par mois ses heures de délégation et ses activités au titre de ses mandats était insuffisamment précis et elle a enjoint à M. [W] de préciser les dates et les heures auxquels il a utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 et d'indiquer les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ordonné au salarié de fournir la justification de l'utilisation de ses heures de délégation, a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 2315-10 et L. 2143-17 du code du travail que la charge de la preuve de la non-conformité de l'utilisation du temps de délégation avec l'objet du mandat représentatif repose sur l'employeur de sorte qu'il ne peut demander au salarié investi d'un mandat représentatif de justifier de l'utilisation de ses heures ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé que M. [W] avait produit un tableau déclinant mois par mois ses heures de délégation et ses activités au titre de ses mandats de délégué du personnel, telles que « recherche sur les droits des DS et accords nationaux et conventions collectives » « saisies informatiques diverses », « rencontre avec les adhérents » etc. ; qu'elle a néanmoins considéré que le descriptif transmis par le salarié à l'employeur était insuffisamment précis ; qu'il devait préciser les lieux où il s'était rendu et a enjoint à M. [W] de préciser les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 et d'indiquer les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

7. Si l'employeur ne peut exiger devant le juge des référés la justification de l'utilisation des heures de délégation, il peut saisir avant contestation cette juridiction pour obtenir du salarié des indications sur cette utilisation.

8. Ayant constaté que l'employeur avait payé les heures de délégation réclamées par le salarié, et ayant caractérisé l'imprécision du descriptif produit par le salarié des activités exercées pendant les heures de délégation litigieuses, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve ni excéder ses pouvoirs, a pu en déduire que l'obligation du salarié de préciser, pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020, les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d'heures de délégation et les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation n'était pas sérieusement contestable.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2315-10, L. 2143-17 et R. 1455-5 du code du travail que si l'employeur peut saisir le juge des référés pour obtenir l'indication des activités exercées par le salarié investi d'un mandat représentatif pendant ses heures de délégation avant contestation, il ne peut exiger devant cette juridiction la justification de l'utilisation de ces heures, question qui relève de la compétence du juge du fond ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué a enjoint à M. [W] de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et R. 1455-7 du code du travail :

11. Selon l'article R. 1455-7 susvisé, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire.

12. Il résulte des deux premiers des textes susvisés que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé.

13. Dès lors, si la charge de la preuve des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pèse sur le salarié, l'employeur ne peut saisir le juge des référés pour obtenir la justification par le salarié de ces nécessités.

14. Pour enjoindre au salarié de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020, l'arrêt retient que le salarié avait intégralement accompli les heures de délégation en dehors de son temps de travail et que cette obligation n'était pas sérieusement contestable.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

18. En application de l'article R. 1455-7 du code du travail, l'existence d'une contestation sérieuse s'oppose à ce qu'il puisse être statué en référé. Il convient en conséquence de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande d'enjoindre au salarié de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020.

19. La cassation du chef de dispositif enjoignant à M. [W] de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020 n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant le salarié aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres chefs du dispositif non remis en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il enjoint à M. [W] de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'enjoindre à M. [W] de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pour les mois de décembre 2018 à janvier 2020.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article R. 1455-5 du code du travail ; articles R. 1455-7, L. 2143-17 et L. 2315-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la justification a posteriori par le salarié protégé de son activité pendant ses heures de délégation, à rapprocher : Soc., 30 novembre 2004, pourvoi n° 03-40.434, Bull. 2004, V, n° 313 (rejet), et les arrêts cités. Sur la justification a posteriori par le salarié protégé de la nécessité de prendre ses heures de délégation en dehors de son horaire de travail, à rapprocher : Soc., 20 juin 2007, pourvoi n° 06-41.219 (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.