Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION

2e Civ., 20 avril 2023, n° 21-20.644, (B), FRH

Cassation

Infraction – Article 706-3 du code de procédure pénale – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Atteinte aux biens immobiliers

En matière d'indemnisation des victimes d'infractions, la réparation des dommages matériels qui ne résultent pas des atteintes à la personne de la victime directe n'entre pas dans les prévisions de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui déclare recevable la demande d'indemnisation des héritiers de la victime directe au titre de la perte de valeur alléguée du bien immobilier dans lequel celle-ci a été assassinée.

Préjudice – Préjudice résultant des atteintes à la personne – Exclusion – Cas – Perte de valeur d'un bien immobilier

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), [F] [L] a été assassiné, ainsi qu'un de ses amis, dans l'enceinte de sa propriété devant sa maison d'habitation. Saisie par Mme [L], sa veuve, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de leurs deux enfants mineures [P] et [H] [L], ainsi que par M. [U] [L], son père, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) a, notamment, indemnisé le préjudice économique de Mme [L].

2. Statuant sur l'appel interjeté par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), une cour d'appel a alloué à Mme [L], agissant à titre personnel et ès qualités, une certaine somme pour l'indemniser du préjudice lié à la dépréciation des biens immobiliers dépendant de la succession de [F] [L] qui résultait de son assassinat dans ces lieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation de la dépréciation de ces biens, à la suite de l'assassinat de [F] [L] dans ces lieux, de lui allouer la somme de 47 444,48 euros en réparation de ce préjudice, alors « que l'article 706-3 du code de procédure pénale ne prévoit la réparation que des seuls dommages résultant des atteintes à la personne ; qu'en jugeant que « les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne » et en indemnisant un préjudice, invoqué par Mme [L] caractérisé par la perte de la valeur vénale de la maison dans laquelle [F] [L] et l'un de ses amis ont été assassinés, cependant que la réparation du préjudice matériel n'entre pas dans les prévisions de l'article susvisé, la cour d'appel l'a violé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :

4. Il résulte de ce texte que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

5. La réparation des dommages matériels qui ne résultent pas des atteintes à la personne de la victime directe n'entre pas dans les prévisions de ce texte.

6. Pour déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la dépréciation de l'ensemble immobilier dépendant de la succession de [F] [L] à la suite de son assassinat dans ces lieux, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne, ni aux postes de préjudices figurant dans la nomenclature simplement indicative du rapport du groupe de travail dirigé par M. [V], la CIVI devant reconnaître au cas par cas l'existence de tel ou tel préjudice quel qu'il soit, dès lors qu'il est en lien de causalité avec l'atteinte à la personne de la victime directe.

7. En statuant ainsi, alors que la perte de valeur alléguée du bien immobilier dans lequel les faits avaient été commis ne résulte pas d'une atteinte à la personne de la victime directe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Corlay -

Textes visés :

Article 706-3 du code de procédure pénale.

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