Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

3e Civ., 13 avril 2023, n° 21-25.771, (B), FS

Cassation

Indemnité – Fixation – Procédure – Expropriation selon les règles du droit commun – Immeuble frappé d'insalubrité – Valeur – Détermination

Dès lors que l'immeuble exproprié a fait l'objet d'un arrêté préfectoral le déclarant insalubre à titre irrémédiable, les règles d'évaluation de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sauraient être écartées au motif qu'il existe un doute sur l'intention de l'expropriant de démolir le bien.

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Riom, 26 octobre 2021) fixe les indemnités revenant à M. [D] à la suite de l'expropriation, au profit de la société publique locale du Velay (la SPLV), de plusieurs lots de copropriété lui appartenant au sein d'un immeuble déclaré insalubre à titre irrémédiable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La SPLV fait grief à l'arrêt de fixer comme elle le fait l'indemnité d'expropriation, alors « que dans le cadre de la procédure d'expropriation de locaux frappés d'insalubrité irrémédiable et d'une interdiction définitive d'habitation, l'indemnité due aux propriétaires est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition ; qu'en constatant en l'espèce que les locaux de M. [D] avaient été l'objet d'un arrêté du 21 décembre 2007 les déclarant insalubres à titre irrémédiable et en décidant, cependant, qu'il y avait lieu d'écarter la méthode dite de récupération foncière et d'estimer le bien selon la méthode classique des termes de comparaison, dès lors que la destruction de l'immeuble n'était qu'une possibilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 511-1, 1°, dans sa rédaction applicable à la cause, L. 511-5 et L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

3. Selon le premier de ces textes, peut être poursuivie, dans les conditions prévues aux articles L. 511-2 à L. 511-9, l'expropriation des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique.

4. Aux termes du deuxième, pour les immeubles mentionnés à l'article L. 511-1, l'indemnité d'expropriation est fixée et calculée conformément aux dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-7 et du livre III sous réserve des dispositions de l'article L. 511-6.

5. Aux termes du troisième, pour le calcul de l'indemnité due aux propriétaires, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L. 511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.

6. Pour écarter la méthode d'évaluation prévue à l'article L. 511-6, dite de la « récupération foncière », l'arrêt énonce que la destruction complète du bien, seule à même de justifier l'application de ce texte, ne résulte que de la seule affirmation de l'expropriant, qui ne s'interdit pas de choisir une autre solution, et que, s'agissant d'une atteinte majeure au droit de propriété, la cour d'appel ne peut se satisfaire d'une simple possibilité.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'immeuble avait fait l'objet d'un arrêté préfectoral le déclarant insalubre à titre irrémédiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Caston -

Textes visés :

Articles L. 511-1, 1°, dans sa rédaction applicable à la cause, L. 511-5 et L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 7 septembre 2011, pourvoi n° 10-10.597, Bull. 2011, III, n° 143 (rejet).

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