Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

DOUANES

Com., 5 avril 2023, n° 20-20.007, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Saisie – Destruction des marchandises postérieure au délai de deux ans – Préjudice causé au propriétaire (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2020), la société Halal Foodservice (la société) a pour activité le négoce de gros alimentaire destiné essentiellement aux petits commerces de restauration rapide. A l'issue d'un contrôle opéré sur le fondement des articles L. 26, L. 27 et L. 35 du livre des procédures fiscales, l'administration des douanes a constaté que la société exerçait une activité de vente au détail de boissons sans respecter ses obligations légales.

2. Par ordonnance d'un juge des libertés et de la détention du 12 mars 2014, confirmée le 3 février 2016 par une ordonnance du premier président d'une cour d'appel, l'administration des douanes a été autorisée à procéder à des visite et saisies dans les locaux de la société. Lors de ces opérations, qui se sont déroulées le 18 mars 2014, elle a procédé à la saisie de la recette hebdomadaire et du stock de boissons sucrées et non alcoolisées.

3. Le 1er avril 2016, la société a sollicité de l'administration des douanes la restitution des sommes et des boissons saisies. Celle-ci a rejeté cette demande le 5 avril 2016, puis a informé la société, le 30 mai 2016 qu'elle avait procédé à la destruction des marchandises sur le fondement d'une ordonnance du président d'un tribunal ayant ordonné leur confiscation.

4. La société a alors assigné l'administration des douanes afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 401 du code des douanes, la réparation de son préjudice résultant de cette destruction.

Sur le premier moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir et de rejeter toute autre demande, alors « que, sauf exception, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'en énonçant que par application des dispositions de l'article L. 242 du livre des procédures fiscales, la société était dépourvue d'intérêt à agir pour ne pas avoir demandé la restitution des marchandises dans le délai de deux ans à compter de leur saisie, cependant que la société avait un intérêt à demander, en réparation du préjudice dont elle soutenait qu'il résultait de la gestion fautive par l'administration des biens saisis, la condamnation de celle-ci à lui verser une certaine somme d'argent, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

7. Pour dire que la société n'avait pas intérêt à agir et rejeter les demandes de celle-ci, l'arrêt, après avoir énoncé qu'aux termes de l'article L. 179 du livre des procédures fiscales, aucune demande en restitution de marchandises saisies ne peut être présentée à l'administration des douanes après expiration d'un délai de deux ans à compter de la saisie, retient que la société n'ayant adressé une demande de restitution à l'administration des douanes que le 1er avril 2016, en dehors du délai de deux ans prévu à cet article, elle a renoncé à interrompre le délai de prescription acquisitive des marchandises saisies qui a couru au bénéfice de l'administration.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le défaut d'intérêt de la société à agir en responsabilité de l'administration des douanes du fait de ses employés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Toute personne qui demande la condamnation de l'administration des douanes au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de la destruction des marchandises saisies dans ses locaux, justifie de son intérêt à agir, étant rappelé que ce dernier n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

12. Selon l'article L. 179 du livre des procédures fiscales, lorsque des marchandises ont été saisies à la suite d'un procès-verbal, aucune demande en restitution de ces marchandises ne peut être présentée à l'administration après expiration d'un délai de deux ans à compter de la saisie.

13. Il en résulte que, lorsqu'elle survient postérieurement à l'expiration du délai de deux ans prévu à cet article, la destruction des marchandises saisies ne peut causer aucun préjudice à leur propriétaire dès lors qu'il n'est plus recevable à demander leur restitution.

14. En l'espèce, si la société a, à l'occasion de son recours contre l'ordonnance du 12 mars 2014 ayant autorisé les opérations de visite et de saisies, demandé la mainlevée de la saisie des marchandises et leur restitution en conséquence de l'annulation de ladite ordonnance, cette demande, qui n'a pas été présentée à l'administration des douanes, n'a pu interrompre le délai de prescription prévu à l'article L. 179 du livre des procédures fiscales.

15. C'est donc le 1er avril 2016 que la société a, pour la première fois, réclamé à l'administration des douanes la restitution des marchandises saisies.

16. Présentée plus de deux ans après leur saisie dans les locaux de la société, le 18 mars 2014, cette demande était donc irrecevable comme prescrite.

17. Dès lors que la société avait déjà perdu tout droit à restitution des marchandises saisies au moment de leur destruction, cette dernière n'a pu lui causer de préjudice.

18. Sa demande ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevable l'action formée par la société Halal Foodservice ;

Rejette ses demandes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat général : M. Crocq - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 179 du livre des procédures fiscales.

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