Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

Com., 5 avril 2023, n° 21-11.827, (B), FRH

Rejet

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Déduction de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 novembre 2020), le 7 juillet 2016, M. [B] a demandé à l'administration fiscale le dégrèvement partiel de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dont il s'était acquitté au titre des années 2014 et 2015, au motif que devait être rétroactivement déduite de l'assiette de l'ISF une dette correspondant au montant de la prestation compensatoire qu'il avait été condamné à payer à son ex-épouse par un jugement de divorce du 4 février 2016.

2. Après rejet de sa réclamation, M. [B] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir condamner l'administration fiscale à lui restituer les sommes de 89 114 euros et de 86 494 euros au titre de l'ISF pour les années 2014 et 2015, alors « qu'est déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune une dette certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'en cas de contestation relative au montant de la dette, sans que son principe soit discuté, la déduction s'opère rétroactivement pour le montant arrêté par la décision mettant fin à la contestation ; qu'il résultait des motifs de l'arrêt attaqué que, dans la procédure de divorce engagée en 2011 par M. [B], les parties s'accordaient sur le principe d'une prestation compensatoire due à l'épouse par le mari et ne s'opposaient que sur le montant de cette prestation ; qu'il s'ensuivait, dans la mesure où le juge du divorce est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, que la dette de M. [B] au titre de la prestation compensatoire était certaine, dans son principe, dès avant le jugement du 4 février 2016 l'ayant fixée à la somme de 7,5 millions d'euros ; qu'en jugeant cependant que la dette de M. [B] au titre de la prestation compensatoire était restée incertaine jusqu'au jugement du 4 février 2016, et en refusant par conséquent de déduire cette dette de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2014 et 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 768 du code général des impôts, 885 D et 885 E du même code, applicables à la cause, ensemble les articles 270 du code civil et 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit, par application des articles 885 D et 885 E, alors applicables, et 768 du code général des impôts, être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, une dette incertaine du fait d'une contestation pouvant toutefois être rétroactivement déduite lorsque son montant est ultérieurement arrêté par une décision mettant fin à la contestation.

5. Il résulte de l'article 270 du code civil que le droit à une prestation compensatoire naît à la date à laquelle la décision prononçant le divorce devient irrévocable.

6. Dès lors, une dette de prestation compensatoire dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l'ISF, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, ne peut être rétroactivement déduite de l'assiette de cet impôt qu'à condition que le divorce ait été prononcé par une décision devenue irrévocable avant cette date, peu important qu'un accord des parties sur le principe du versement d'une prestation compensatoire ait existé au jour du fait générateur.

7. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'un jugement du 4 février 2016, devenu irrévocable par l'acquiescement réciproque des parties, intervenu le 24 mars 2016, a prononcé le divorce de M. [B] et de son épouse et mis à la charge du premier le versement d'une prestation compensatoire.

8. Il en résulte que la dette correspondant à la prestation compensatoire que M. [B] a été condamné à payer n'était pas née au 1er janvier des années 2014 et 2015 et qu'elle n'était donc pas déductible de l'assiette de l'ISF dû au titre de ces années.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

10. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 885 D et 885 E, alors applicables, et 768 du code général des impôts ; article 270 du code civil.

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