Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2023

CAUTIONNEMENT

Com., 5 avril 2023, n° 21-21.184, (B), FRH

Cassation partielle

Caution – Caution professionnelle – Obligation de vérifier l'exactitude des informations communiquées par la banque (non)

Une société de caution est en droit de se fier aux informations qui lui ont été communiquées par la banque dispensatrice de crédit, sans être tenue de vérifier leur exactitude ni de procéder à des recherches complémentaires.

En conséquence, ayant retenu que les informations communiquées par la banque à la société de caution ne faisaient pas apparaître que le prêt sollicité par les emprunteurs était inadapté à leurs capacités financières, une cour d'appel en déduit exactement que ces derniers échouaient à établir une faute de la caution professionnelle de nature à générer à leur profit une créance de dommages-intérêts.

Caution – Caution professionnelle – Responsabilité – Exclusion – Cas – Prêt inadapté aux capacités financières de l'emprunteur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2021), par une offre de prêt du 16 avril 2007, acceptée le 30 avril 2007, la société GE Money Bank, devenue My Money Bank (la banque), a consenti à M. et Mme [D] un prêt immobilier de 330 450 euros. Ce prêt a été garanti par le cautionnement consenti par la société La Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).

2. A la suite de la défaillance des emprunteurs, la société CEGC a désintéressé la banque puis assigné M. et Mme [D] en remboursement des sommes payées par elle.

3. M. et Mme [D] ayant formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, la société CEGC a appelé la banque en garantie.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts formée contre la société CEGC et, en conséquence, de les condamner à verser à cette société la somme de 331 886,88 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 août 2009, alors :

« 1°/ que constitue une faute engageant la responsabilité délictuelle de la caution professionnelle à l'égard du débiteur cautionné non averti, l'acceptation par ses soins d'un dossier présenté par le prêteur dont les éléments révèlent le caractère disproportionné de l'opération d'emprunt à cautionner par rapport aux capacités financières de l'emprunteur ; que l'arrêt a constaté qu'en sus des informations ressortant de la demande de prêt transmise par la banque à la société de caution, cette dernière avait reçu communication d'éléments dont il résultait que les époux [D] étaient propriétaires d'autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans que l'on sache si ces biens étaient ou non remboursés, et de leurs relevés de comptes courants, dont l'examen permettait de relever d'autres remboursements à la charge des candidats à l'emprunt, pour un montant mensuel de 1 666,81 euros correspondant à des prêts souscrits auprès d'autres établissements financiers ; qu'en retenant pourtant qu'au vu des éléments communiqués à la société de caution, l'endettement résultant de l'emprunt litigieux ne pouvait apparaître excessif et qu'il ne pouvait être reproché à l'organisme de caution d'avoir accordé sa garantie à l'opération litigieuse, sans mieux s'expliquer sur les conséquences que la CEGC devait déduire de l'existence des engagements financiers supplémentaires ainsi identifiés quant à l'endettement global des époux [D] et au caractère proportionné de l'emprunt envisagé par rapport à leurs capacités financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ;

2°/ que le seul fait pour la caution professionnelle d'accepter un dossier de cautionnement dont dépend l'octroi du prêt est susceptible de constituer un manquement au contrat la liant à l'établissement de crédit et d'engager sa responsabilité délictuelle envers le débiteur cautionné, tiers au contrat, peu important qu'elle ne soit pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard ni même décisionnaire dans l'octroi du prêt ; que l'arrêt a constaté que la CEGC avait, conformément à sa convention-cadre avec GE Money Bank, été rendue destinataire d'informations précises incluant la demande de prêt des époux [D], leurs avis d'imposition et relevés de compte, et un document interne d'analyse établi par la banque, et relevé qu'il résultait notamment de ces éléments que les époux [D] étaient propriétaires d'autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans que l'on sache si ces biens étaient ou non remboursés, et débiteurs d'autres emprunts contractés auprès de différents établissements financiers pour un montant mensuel de 1 666,81 euros ; qu'en déboutant néanmoins les consorts [D] de leur demande indemnitaire à l'encontre de la CEGC, motif pris de ce qu'ils échouaient à établir une faute de la caution professionnelle, non décisionnaire dans l'octroi du prêt et non tenue à un devoir de mise en garde, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inaptes à exclure tout manquement contractuel de la caution professionnelle de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard du débiteur cautionné, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que la société CEGC justifiait que, aux fins d'examen du dossier pour lequel son cautionnement avait été sollicité par la banque, il lui avait été communiqué des documents laissant apparaître que M. et Mme [D] percevaient des ressources mensuelles de 12 800 euros, avec des charges de 2 021 euros par mois, outre des remboursements de prêts souscrits auprès de Sofinco, banque Accord ou d'autres banques pour 1 666,81 euros, qu'ils étaient propriétaires de leur résidence principale estimée à 207 315 euros, déduction faite du montant du prêt restant à rembourser, qu'ils étaient propriétaires de deux autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans encours de prêt mentionné, et qu'ils disposaient de placements financiers à hauteur de 144 000 euros, l'arrêt retient que ces éléments sont corroborés par la fiche d'information du 16 avril 2007 signée par M. et Mme [D], figurant dans le dossier de l'offre de prêt et sur laquelle n'est reportée aucune charge immobilière autre que celles relatives au remboursement du prêt concernant la résidence principale ainsi que les remboursements des emprunts à court terme, peu important que cette fiche soit postérieure à l'octroi du cautionnement dans la mesure où elle est concordante avec les éléments en possession de la caution.

6. Ayant ainsi retenu que les informations communiquées par la banque à la société de caution, laquelle était en droit de s'y fier, sans être tenue de vérifier leur exactitude ni de procéder à des recherches complémentaires, ne faisaient pas apparaître que le prêt sollicité par M. et Mme [D] était inadapté à leurs capacités financières, la cour d'appel en a exactement déduit que ces derniers échouaient à établir une faute de la société CEGC de nature à générer à leur profit une créance de dommages-intérêts.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts formée contre la société My Money Bank, alors « que le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; que pour confirmer le jugement en ce qu'il avait débouté les époux [D] de leur demande indemnitaire à l'encontre de la banque, la cour d'appel a énoncé qu'ils ne présentaient en cause d'appel aucune demande à l'encontre du prêteur pourtant attrait à la procédure ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait tant du dispositif que des moyens développés dans les conclusions d'appel des époux [D] qu'ils sollicitaient la condamnation de la banque à des dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [D] contre la société My Money Bank, l'arrêt retient qu'ils ne présentent aucune demande contre le prêteur pourtant attrait en la cause.

11. En statuant ainsi, alors que M. et Mme [D] demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, la condamnation de la société My Money Bank, in solidum avec la société CEGC, à leur payer à titre de dommages-intérêts les sommes de 331 886 euros et 173 558 euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [D] contre la société My Money Bank, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Crocq - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SAS Hannotin Avocats ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 1240 du code civil.

Com., 5 avril 2023, n° 21-18.531, (B), FS

Rejet

Cautionnement réel – Cautionnement personnel – Cumul – Portée

La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est pas soumise à l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 mai 2021) et les productions, par des actes notariés des 7 juillet 2011 et 28 décembre 2012, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun Andana Berri (le GAEC) deux prêts, chacun d'eux étant garanti à la fois par les cautionnements de Mme [Y] et de M. [Y] (les consorts [Y]) et par des affectations hypothécaires consenties par ces derniers sur diverses parcelles leur appartenant.

2. Le Gaec ayant été mis en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a délivré aux consorts [Y] un commandement de payer valant saisie immobilière.

3. Soutenant que leurs engagements étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, les consorts [Y] ont fait valoir que, conformément à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, la banque ne pouvait se prévaloir des affectations hypothécaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt, après avoir rejeté leurs demandes et constaté que les conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, de fixer les deux créances de la banque et d'ordonner la vente aux enchères des biens objet du commandement de saisie immobilière des 7 et 8 octobre 2019, alors « que la caution hypothécaire, personne physique, lorsque l'acte notarié contient, outre la constitution d'une sûreté réelle, un engagement personnel et solidaire de l'une des cautions hypothécaires envers l'établissement de crédit, peut invoquer le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation relatives à la disproportion de l'engagement de caution ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que les deux actes notariés des 7 juin 2011 et 28 décembre 2012, au titre desquels la banque poursuit la saisie immobilière, contiennent un cautionnement personnel et solidaire des exposants, en sus de la caution hypothécaire, a néanmoins, pour dire que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne s'appliquaient pas et, en conséquence, débouter les exposants de leurs demandes tendant à voir la banque déchue de son droit de poursuites, et ordonner la vente aux enchères des biens objet du commandement de saisie immobilière des 7 et 8 octobre 2019, énoncé que les engagements au titre desquels la banque poursuit la saisie immobilière ne sont pas des cautionnements tels que visés à l'article L. 341-4, constitutifs d'une sûreté personnelle portant gage sur l'ensemble du patrimoine de l'intéressé, mais des contrats de caution hypothécaire, constitutifs de sûretés réelles, portant sur le seul bien hypothéqué, à concurrence de sa valeur, que le créancier poursuit la saisie immobilière exclusivement au titre de la caution hypothécaire, que la caution hypothécaire qui n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation du débiteur principal ne constitue donc pas un cautionnement et que seul l'immeuble objet de l'hypothèque est affecté à la garantie de la dette du débiteur principal, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait au contraire que la sûreté réelle consentie par les consorts [Y] se doublait d'un cautionnement personnel et solidaire de ce dernier, qui, partant, avait, en contemplation de l'affectation de l'immeuble hypothéqué à la garantie du remboursement de la dette du GAEC, manifesté l'intention d'ajouter à cette garantie, nécessairement limitée à la valeur des terrains hypothéqués, un cautionnement emportant pour lui engagement personnel de répondre du paiement de l'intégralité de cette dette, de sorte que les dispositions protectrices de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, étaient applicables, et a ainsi violé ce texte par refus d'application. »

Réponse de la Cour

5. La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est pas soumise à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.

6. Ayant relevé que les engagements au titre desquels la banque poursuivait la saisie immobilière n'étaient pas des cautionnements constitutifs de sûretés personnelles portant gage sur l'ensemble du patrimoine des intéressés, mais des sûretés réelles portant sur les seuls biens hypothéqués à concurrence de leur valeur, et que la banque poursuivait la saisie immobilière sur le seul fondement de ces sûretés réelles, la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation ne trouvaient pas à s'appliquer, nonobstant la présence, dans les actes notariés, des cautionnements personnels et solidaires des consorts [Y] en sus des sûretés réelles.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur le cumul du cautionnement réel et personnel, à rapprocher : Com., 21 mars 2006, pourvoi n° 05-12.864, Bull. 2006, IV, n° 72 (cassation partielle).

Com., 5 avril 2023, n° 21-14.166, (B), FS

Rejet

Cautionnement réel – Cautionnement personnel – Cumul – Portée

La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est soumise ni aux articles 2288, 2298 et 2303 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, ni à l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans la même rédaction, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 janvier 2021), par un acte notarié du 23 octobre 2006, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Méditerranée (la banque) a consenti une ouverture de crédit à la société FC transactions (la société).

L'acte prévoyait le cautionnement solidaire et une affectation hypothécaire, consentis par Mme [J] [V].

2. Par un acte du 27 mai 2014, Mme [J] [V] a fait donation à ses filles, Mme [X] [V] et Mme [K], de la nue-propriété de l'immeuble ainsi affecté.

3. A la suite d'impayés, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière, dont Mme [J] [V] a demandé la nullité devant le juge de l'exécution, en invoquant le bénéfice de discussion, le bénéfice de division ainsi que le caractère manifestement disproportionné de ses engagements.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [J] [V], Mme [X] [V] et Mme [K] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes aux fins de nullité de la procédure de saisie immobilière et, en conséquence, de constater que la créancière poursuivante, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire, que la saisie porte sur des droits réels saisissables, et que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la banque contre Mme [J] [V] s'élève à la somme de 293 658,81 euros, arrêtée au 30 juillet 2019, et d'ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi, alors :

« 1° / que si le garant hypothécaire qui ne s'est pas personnellement engagé à satisfaire à l'obligation d'autrui ne peut opposer au créancier les moyens de défense applicables au cautionnement, tels le bénéfice de discussion ou la disproportion de son engagement, il en va autrement lorsque la même personne s'est portée caution personnelle des engagements d'un débiteur envers un établissement de crédit et lui a affecté en outre, en garantie de ces mêmes engagements, l'un de ses biens en garantie hypothécaire ; que Mme [J] [V] ne s'étant pas bornée à affecter son bien immobilier en garantie des sommes dont la société pourrait être débitrice à l'égard de la banque, mais s'étant également portée caution personnelle par le même acte et à l'égard de la même banque, cautionnement requalifié en cautionnement simple par un jugement du 23 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 20 septembre 2018, celle-ci était en droit d'opposer à la banque l'absence de défaillance du débiteur principal, et plus généralement tous les moyens de défense tirés de sa qualité de caution, sans que puisse utilement lui être opposé le fait, à le supposer établi, que la saisie immobilière aurait été poursuivie sur le seul fondement de la garantie hypothécaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 2011, devenu 2288, et 2021, devenu 2298, du code civil, ainsi que l'article L. 341, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;

2°/ que dès lors que la convention qui lui est soumise n'est pas dépourvue de toute ambiguïté ou imprécision, le juge a non seulement le pouvoir, mais également le devoir, de l'interpréter en recherchant la commune volonté des parties ; qu'en affirmant, pour refuser de se livrer à l'interprétation, expressément sollicitée par Mme [J] [V], de l'acte notarié portant tout à la fois cautionnement personnel et affectation hypothécaire, que les clauses relatives à l'affectation hypothécaire étaient « claires et précises » et formulaient un engagement distinct de l'acte de cautionnement, cependant que ces clauses, qui faisaient suite à la stipulation d'un cautionnement fourni à titre personnel, étaient rendues ambiguës par ce cumul de garanties procédant d'un même acte, par l'emploi de la désignation, intrinsèquement équivoque, de « caution hypothécaire », ainsi que par le caractère apparemment « omnibus » de l'hypothèque, qui, selon la clause qui l'instituait, telle qu'elle est reproduite dans l'arrêt, était affectée, non seulement « à la garantie du paiement de toute somme dont la société dénommée FC Transactions pourrait être débiteur », mais également « et d'une manière plus générale à la garantie de toutes les obligations résultant des présentes », au nombre desquelles figuraient celles résultant du cautionnement personnel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que Mme [J] [V] soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le commandement valant saisie qui lui avait été délivré, et qui la désignait tout à la fois comme caution solidaire et hypothécaire, l'avait été sur le fondement d'un cautionnement assorti d'une garantie hypothécaire, raison pour laquelle ce commandement mentionnait un délai de huit jours, et non sur le fondement d'une garantie hypothécaire qui aurait été autonome du cautionnement personnel qu'elle avait également fourni, sans quoi la banque aurait mentionné le délai d'un mois prévu à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, applicable au garant hypothécaire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui était de nature à démentir l'assertion selon laquelle la saisie immobilière aurait été poursuivie sur le seul fondement de la garantie hypothécaire, et était distinct de celui susceptible d'être par ailleurs fondé sur l'irrégularité formelle du commandement, en ce qu'il aurait mentionné un délai inadéquat, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, dans ses conclusions d'appel, Mme [J] [V] soutenait qu'en considérant que l'engagement de caution pouvait être dissocié de l'affectation hypothécaire, le premier juge avait dénaturé la convention des parties, ce dont il résulte qu'elle considérait la convention litigieuse comme claire et précise.

Le moyen qui, en sa deuxième branche, fait valoir que l'ambiguïté ou imprécision de cette clause obligeait la cour d'appel à l'interpréter, est donc incompatible avec la thèse adoptée par Mme [J] [V] en cause d'appel.

6. En deuxième lieu, l'arrêt, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées invoquées par la troisième branche, retient que l'erreur de délai figurant dans le commandement de payer valant saisie immobilière constitue un simple vice de forme qui n'est pas de nature à modifier le fait que la saisie immobilière était poursuivie sur le fondement d'une affectation hypothécaire.

7. En dernier lieu, la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est soumise ni aux articles 2288, 2298 et 2303 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, ni à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.

8. Ayant relevé que l'affectation hypothécaire litigieuse garantissait la dette d'un tiers et non l'engagement de la caution, et que la saisie immobilière était poursuivie sur son fondement, la cour d'appel en a exactement déduit que ni le fait que Mme [J] [V] avait donné un cautionnement simple ni l'éventuel caractère manifestement disproportionné des engagements qu'elle avait pris n'avaient à être examinés.

9. Irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles 2288, 2298 et 2303 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ; article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

Sur le cumul du cautionnement réel et personnel, à rapprocher : Com., 21 mars 2006, pourvoi n° 05-12.864, Bull. 2006, IV, n° 72 (cassation partielle).

Com., 5 avril 2023, n° 21-20.905, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Défaut – Formule prévoyant que la caution s'engage sur ses revenus ou ses biens

Viole l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la cour d'appel qui déclare valable le cautionnement comportant la formule écrite de la main de la caution prévoyant que celle-ci s'engage sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, alors que cette formule en modifie le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), par un acte du 12 décembre 2011, la Société générale (la banque) a consenti à la société Chez [D] (la société) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce.

Par un acte du 30 novembre 2011, M. [W] s'est rendu caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt.

2. La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution.

3. Le 3 août 2020, la banque a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Castanea (le FCT), ayant pour société de gestion Equitis gestion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au FCT, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017 et capitalisation des intérêts, alors « que les erreurs et omissions affectant la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation entraînent la nullité de l'engagement de caution dès lors qu'elles sont de nature à affecter le sens et la portée de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que la mention manuscrite figurant à l'acte de cautionnement comportait des phrases coupées et des erreurs de syntaxe rendant difficile son intelligibilité et plusieurs imprécisions, quant à la durée du prêt, la possibilité pour la banque d'engager à la fois les biens et les revenus de la caution et quant à l'identité du débiteur principal, lesquelles rendaient nécessairement ambigüe la portée de l'engagement ; qu'en refusant néanmoins d'annuler l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation.»

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

5. Selon ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »

6. Pour rejeter la demande de M. [W] tendant à l'annulation de son engagement de caution et le condamner à paiement, l'arrêt, après avoir relevé que la mention portée sur l'acte de cautionnement est la suivante : « En me portant caution de la SARL Chez [D], dans la limite de la somme de 71 500 euros (soixante et onze mille cinq cents euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée (au lieu de la) de neuf années, Je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus ou (au lieu de et) mes biens si la SARL Chez [D] n'y satisfait pas lui-même (le débiteur dans la formule légale).

En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL Chez [D]. Je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il puisse poursuivre préalablement la SARL Chez [D] », retient que les minimes altérations de la formule légale n'ont pas modifié la compréhension par M. [W] du sens et de la portée de son engagement et en déduit que sa demande de nullité du cautionnement ne peut être accueillie.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s'engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation du chef de dispositif condamnant M. [W] à payer au FCT la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ordonnant la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et condamnant M. [W] aux dépens et à payer au FCT la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour statue au fond sur les points atteints par la cassation.

11. Pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen du premier moyen, il y a lieu d'accueillir la demande de M. [W] d'annulation de son engagement de caution et, en conséquence, de rejeter les demandes du FCT de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.

12. Dès lors que la demande formée à titre principal par M. [W] est accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi, qui fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation fondée sur un manquement de la banque à son obligation de mise en garde, cette demande n'étant formée qu'à titre subsidiaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [W] à payer au Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule le cautionnement consenti par M. [W] par acte du 30 novembre 2011 au profit de la Société générale ;

Rejette les demandes du Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

Sur la mention manuscrite en matière de cautionnement : 1re Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-24.287, Bull. 2015, I, n° 182 (rejet).

Com., 5 avril 2023, n° 21-19.160, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Domaine d'application – Aval porté sur une lettre de change irrégulière

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 mai 2021), par acte du 19 février 2014, M. [L], gérant de la société [L], s'est porté avaliste d'une chaîne de lettres de change tirées sur cette société au bénéfice de la société Brossette, son fournisseur. Ces lettres de change n'ayant pas été payées et la société [L] ayant été placée en liquidation judiciaire, la société Brossette a déclaré sa créance puis a assigné en paiement M. [L] en qualité d'avaliste et, à titre subsidiaire, de caution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [L] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Brossette la somme de 156 708,85 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, alors « qu'un aval ne pouvant être donné valablement que pour la garantie d'un engagement cambiaire, l'aval donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel en garantie de lettres de change relevées magnétiques ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que la cour d'appel constate que l'aval du 19 février 2014 avait été donné par M. [L] en garantie de lettres de change relevés magnétiques ne constituant pas des lettres de change ; qu'elle constate également que ledit aval, donné au profit de la société Brossette, créancier professionnel, comportait une mention manuscrite « Bon pour aval pour le compte du tiré Eurl [L] à hauteur de la somme de 311 358,93 euros (trois cent onze mille trois cent cinquante-huit euros quatre-vingt-treize centimes) à titre d'engagement cambiaire », laquelle ne répondait pas aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; d'où il suit que l'aval donné par M. [L] le 19 février 2014 ne pouvait constituer un cautionnement valable et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles précités du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La société Brossette conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

4. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 511-21 du code de commerce et l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

6. Aux termes du premier de ces textes, le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.

7. Selon le second, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. ».

8. Si l'aval porté sur une lettre de change irrégulière au sens de l'article L. 511-21 du code de commerce peut constituer le commencement de preuve d'un cautionnement solidaire, ce dernier est nul s'il ne répond pas aux prescriptions de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

9. Pour condamner M. [L] à payer à la société Brossette, grossiste fournisseur de la société [L], la somme de 156 708,85 euros, l'arrêt, après avoir exclu que l'acte du 19 février 2014 soit qualifié d'aval, au sens du droit cambiaire, retient que les termes de l'engagement de M. [L] figurant dans cet acte, qu'il reproduit, expriment clairement la volonté de ce dernier, gérant et associé unique de la société [L], de s'engager envers la société Brossette à garantir le paiement de la somme globale de 311 358,93 euros, pour une durée de vingt mois, en cas de défaillance de la société [L], que ces mentions répondent aux prescriptions de l'article 2288 du code civil en matière de cautionnement et que l'acte du 19 février 2014 doit donc s'analyser en un commencement de preuve par écrit de l'existence d'un cautionnement, complété par l'élément extrinsèque découlant de la qualité de gérant de M. [L] prouvant son intention de cautionner la société qu'il dirigeait.

10. En se déterminant ainsi, sans constater que l'acte du 19 février 2014 comportait la mention manuscrite exigée à peine du nullité du cautionnement à l'article L. 341-2 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

11. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. D'une part, les lettres avalisées sont des lettres de change-relevé magnétique qui ne reposent pas sur un titre soumis aux conditions de validité de l'article L. 511-1 du code de commerce et constituent un simple procédé de recouvrement de créance dont la preuve de l'exécution relève du droit commun.

L'engagement souscrit par M. [L] le 19 février 2014 ne peut donc pas constituer un aval au sens du droit cambiaire. D'autre part, il résulte des productions que l'acte du 19 février 2014 ne comporte pas les mentions manuscrites prévues à l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, cet engagement ne peut être requalifié en cautionnement. Dès lors, la demande en paiement de la société Brossette doit être rejetée.

14. En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner la société Brossette à verser à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés lors de l'instance de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la demande en paiement de la société Brossette.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 511-21 du code de commerce ; article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

S'agissant d'une lettre de change annulée, à rapprocher : Com., 27 septembre 2016, pourvoi n° 14-22.013, Bull. 2016, IV, n° 119 (cassation).

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