Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

UNION EUROPEENNE

Ass. plén., 29 avril 2022, n° 18-18.542, n° 18-21.814, (B) (R), PL

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Position commune 2007/140/PESC du Conseil du 27 février 2007 – Règlement d'application – Gel d'avoirs iraniens – Absence de déblocage par l'autorité compétente – Portée – Suspension de la prescription

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2018) et les productions, par la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé que la République islamique d'Iran devait suspendre toutes les activités liées à l'enrichissement et au retraitement ainsi que les travaux sur tous projets liés à l'eau lourde, et prendre certaines mesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, que le Conseil de sécurité des Nations unies a jugées essentielles pour instaurer la confiance dans le fait que le programme nucléaire iranien poursuivait des fins exclusivement pacifiques. Afin de persuader l'Iran de se conformer à cette décision contraignante, le Conseil de sécurité a décidé que l'ensemble des États membres des Nations unies devrait appliquer un certain nombre de mesures restrictives. Conformément à la résolution 1737 (2006), la position commune 2007/140/PESC du Conseil du 27 février 2007 a prévu certaines mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, et notamment le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, des entités et des organismes qui participent, sont directement associés ou apportent un soutien aux activités de l'Iran liées à l'enrichissement, au retraitement ou à l'eau lourde, ou à la mise au point par l'Iran de vecteurs d'armes nucléaires. Ces mesures ont été mises en oeuvre dans la Communauté européenne par le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.

2. Par la résolution 1747 (2007), du 24 mars 2007, le Conseil de sécurité a identifié la société Bank Sepah (la banque Sepah) comme faisant partie des « entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques » de l'Iran auxquelles devait s'appliquer la mesure de gel des avoirs. Cette résolution a été transposée dans le droit communautaire par le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 modifiant le règlement n° 423/2007.

3. Par arrêt du 26 avril 2007, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a condamné la banque Sepah, ainsi que diverses personnes physiques, à payer à la société Overseas Financial (la société Overseas) la contrevaleur en euros de la somme de 2 500 000 USD, et à la société Oaktree Finance (la société Oaktree) la contrevaleur en euros de la somme de 1 500 000 USD, le tout avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt.

4. La demande des sociétés Overseas et Oaktree de levée partielle de la mesure de gel des avoirs de la banque Sepah a été rejetée par décision implicite du ministre de l'économie et des finances.

5. Le 17 janvier 2016, le Conseil de sécurité a radié la banque Sepah de la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran. Cette décision a été transposée dans le droit de l'Union par le règlement d'exécution (UE) n° 2016/74 du Conseil du 22 janvier 2016, entré vigueur le 23 janvier 2016.

6. En vertu de l'arrêt du 26 avril 2007, les sociétés Overseas et Oaktree ont, le 17 mai 2016, fait délivrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah et, le 5 juillet 2016, fait pratiquer entre les mains de la Société générale des saisies-attributions et des saisies de droits d'associés et valeurs mobilières, au préjudice de la banque Sepah, saisies dénoncées le 8 juillet 2016.

7. Les 13 juin et 15 juillet 2016, la banque Sepah a assigné les sociétés Overseas et Oaktree devant un juge de l'exécution aux fins de contester ces mesures d'exécution forcée.

Les deux procédures ont été jointes.

8. Par un arrêt du 10 juillet 2020, la Cour de cassation a joint les pourvois n° 18-18.542, formé par la banque Sepah, et 18-21.814, formé par les sociétés Overseas et Oaktree, rejeté le premier moyen du pourvoi n° 18-18.542, sursis à statuer sur les autres moyens et saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles en interprétation des règlements (CE) n° 423/2007, (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007, et (UE) n° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010.

9. La Cour de justice a répondu par un arrêt du 11 novembre 2021, Bank Sepah (C-340/20).

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° 18-18.542, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ainsi qu'en ses cinquième et sixième branches en tant que celles-ci font grief à l'arrêt de valider les saisies-attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016, ci-après annexé

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur ce moyen, pris en sa sixième branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de la banque Sepah tendant à son exonération de la majoration du taux de l'intérêt légal

Enoncé du moyen

11. La banque Sepah fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la voir exonérer de la majoration du taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers et à voir dire et juger que les intérêts dus aux sociétés Overseas et Oaktree seront calculés selon le taux d'intérêt légal à l'exception de toute majoration, alors « que la « situation du débiteur » à l'aune de laquelle le juge de l'exécution doit apprécier l'opportunité de réduire ou de neutraliser la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier s'entend de tous les éléments relatifs à la situation financière du débiteur mais également de toutes difficultés qu'il a pu rencontrer dans le cadre de l'exécution de la décision de condamnation ; qu'en jugeant que les éléments invoqués par la banque Sepah pour démontrer qu'elle avait été dans l'impossibilité de s'exécuter ne constituaient pas, par construction, « un élément de la situation du débiteur » à l'aune duquel devait s'apprécier l'opportunité de mettre en oeuvre le pouvoir modérateur que lui reconnaissait l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, la Cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier :

12. Aux termes de ce texte, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration du taux de l'intérêt légal prévue à l'alinéa 1er ou en réduire le montant.

13. Cette majoration ayant pour finalité d'inciter le débiteur à exécuter sans tarder la décision le condamnant, relève de la situation du débiteur, au sens de l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, toute circonstance indépendante de la volonté du débiteur de nature à faire obstacle à l'exécution, par ce dernier, de la décision de justice le condamnant au paiement d'une somme d'argent.

14. Pour rejeter la demande d'exonération de la banque Sepah, l'arrêt énonce que l'indisponibilité de sa créance sur la Société générale résultant du gel de ses avoirs ne constitue pas un élément de sa situation permettant son exonération.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi n° 18-21.814, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

16. Les sociétés Overseas et Oaktree font grief à l'arrêt de dire prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et de les retrancher des causes des saisies, alors « que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'un tel empêchement se trouve caractérisé en l'absence d'une autorisation administrative requise par la loi pour agir ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree, cependant que le ministre de l'économie avait refusé de leur accorder l'autorisation portant sur le déblocage des fonds appartenant à la société Bank Sepah dans la limite de leur créance, autorisation requise par l'article 8 règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 puis par l'article 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2234 et 2244 du code civil, 7, § 1, du règlement (CE) n° 423/2007, tel que modifié par le règlement n° 441/2007, et 16, § 1, du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 :

17. Il résulte de la combinaison des deux premiers textes que la prescription extinctive ne court pas ou est suspendue contre le créancier détenteur d'un titre exécutoire qui, par suite d'un empêchement résultant de la loi, est dans l'impossibilité de diligenter une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

18. Conformément aux deux derniers textes, successivement applicables, est interdit tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds gelés qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, ainsi que toute utilisation de ressources économiques gelées afin d'obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque.

19. Répondant aux questions préjudicielles qui lui étaient renvoyées par l'arrêt du 10 juillet 2020, la Cour de justice a dit pour droit :

« 1°) L'article 7, § 1, du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, lu en combinaison avec l'article 1er, sous h) et j), du règlement n° 423/2007, l'article 16, § 1, du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007, lu en combinaison avec l'article 1er, sous h) et i), du règlement n° 961/2010, et l'article 23, § 1, du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010, lu en combinaison avec l'article 1er, sous j) et k), du règlement n° 267/2012, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que soient diligentées, sur des fonds ou des ressources économiques gelés dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, des mesures conservatoires qui instaurent, au profit du créancier concerné, un droit d'être payé par priorité par rapport aux autres créanciers, même si de telles mesures n'ont pas pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur.

2°) La circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les fonds ou les ressources économiques sont gelés est étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 23 décembre 2006, n'est pas pertinente aux fins de répondre à la première question préjudicielle. »

20. Il ressort de cette réponse qu'aucune sûreté judiciaire ni aucune saisie conservatoire, qui assurent au créancier que sa créance sera réglée par préférence aux autres créanciers sur le bien qui en fait l'objet, ne peut être diligentée sur des avoirs gelés sans autorisation préalablement délivrée par l'autorité française compétente.

21. Ne peuvent a fortiori être réalisées sur de tels avoirs, sans autorisation préalable, des mesures d'exécution forcée qui, à la différence de mesures conservatoires, entraînent un transfert de propriété du patrimoine du débiteur vers celui du créancier.

22. Enfin, dès lors qu'une saisie-vente d'avoirs gelés est impossible, le créancier qui poursuit l'exécution du titre exécutoire dont il dispose n'est pas tenu de délivrer un commandement aux fins de saisie-vente dans l'unique but d'interrompre la prescription.

23. Il s'ensuit que lorsque les avoirs d'un débiteur sont gelés et que les conditions dans lesquelles l'autorité française compétente peut autoriser le déblocage de certains d'entre eux ne sont pas réunies ou que celle-ci a refusé de les débloquer, la prescription extinctive est suspendue à l'égard des créanciers pendant toute la durée de la mesure de gel.

24. Pour dire prescrits les intérêts courus sur leurs créances antérieurement au 17 mai 2011, l'arrêt retient que rien n'interdisait aux sociétés Overseas et Oaktree d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, sur un actif ou une créance indisponible, cette indisponibilité n'ayant alors que suspendu l'effet attributif d'une éventuelle saisie-attribution.

25. En statuant ainsi, alors que la demande de déblocage des avoirs gelés de la banque Sepah formée par les sociétés Overseas et Oaktree avait été rejetée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

26. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

27. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la fin de non-recevoir soulevée par la banque Sepah, prise de la prescription des intérêts échus antérieurement au 17 mai 2011.

28. Il y a lieu, pour les motifs exposés au § 23 à 25, de rejeter cette fin de non-recevoir.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011, retranche des causes des saisies les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et dit que les frais devront être recalculés en conséquence, et en ce qu'il rejette la demande de la société Bank Sepah d'exonération de la majoration du taux de l'intérêt légal, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Bank Sepah, prise de la prescription des intérêts antérieurs au 17 mai 2011 ;

La rejette ;

Renvoie pour le surplus à la cour d'appel de Paris autrement composée.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° 18-18.542 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bank Sepah

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 - sur le paiement des intérêts moratoires -

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR validé les saisies attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016 pratiquées à la demande des sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance entre les mains de la Société générale à l'encontre de la Bank Sepah et dénoncées le 8 juillet 2016 et d'AVOIR rejeté la demande de la Bank Sepah tendant à voir constater que la décision du Conseil de sécurité de l'ONU du 24 mars 2007 et le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil de l'Union européenne du 19 avril 2007 avaient eu pour effet le gel du patrimoine de la Bank Sepah, de celle tendant à voir dire et juger que le gel du patrimoine avait les effets d'une saisie pénale, de celle tendant à voir dire et juger que les mesures d'embargo prononcées à l'encontre de la Bank Sepah par décision du règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 caractérisaient un cas de force majeure entraînant suspension des intérêts, de celle tendant à voir cantonner le montant des saisies au principal et de celle tendant à voir exonérer la Bank Sepah de la majoration au taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Le litige portant sur le décompte des intérêts constitue, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge et à ce que soutiennent les intimées, non pas un litige tendant à voir modifier le dispositif de la décision ou à en suspendre l'exécution, mais un litige qui conduit le juge de l'exécution à rechercher si les faits postérieurs à cette décision sont de nature, ou non, à modifier le montant de la dette, laquelle, selon les intimées, est constituée, notamment des intérêts courus sur le montant de la condamnation. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le gel des fonds, tel que défini par l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, porte exclusivement sur les actifs de la Bank Sepah lesquels comprennent « les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs » et non sur le passif de son patrimoine, lequel comprend effectivement les intérêts éventuellement courus sur le montant des condamnations, intérêts qui sont de nature distincte.

Le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission en date du 19 avril 2007 n'a pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007, passé en force de chose jugée, et ses effets, en l'espèce, se sont limités à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah, la cour n'étant, au demeurant, pas saisie des conséquences de cette indisponibilité sur le patrimoine de chacune des parties ;

Au surplus, la résolution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcée à l'encontre de celle-ci. Dès lors, l'appelante est mal fondée à invoquer l'existence d'une cause étrangère qui l'exonérerait de son obligation d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 en ce qu'il l'a condamnée au paiement des intérêts au taux légal à compter de son prononcé. Dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de retrancher des causes des saisies le montant des intérêts au taux légal » ;

1°) ALORS QUE les intérêts moratoires ne peuvent courir contre le débiteur d'une obligation monétaire qui se trouve temporairement placé dans l'impossibilité absolue d'exécuter de manière licite son obligation ; qu'en l'espèce, la banque Sepah faisait valoir que le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté une résolution 1747(2007) prononçant plusieurs mesures restrictives à l'encontre de la République islamique d'Iran qui incluaient le gel de ses avoirs en tant qu'« entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations, et que des mesures de même nature avaient été adoptées par la Commission européenne dans un règlement n° 441/2007 ; que sans remettre en cause le principe même de sa condamnation, la banque Sepah faisait valoir que du temps où cet embargo était applicable, elle avait été placée dans l'impossibilité absolue d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD « assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision de condamnation », de sorte qu'invoquant la survenance d'un authentique fait du prince, constitutif d'un cas de force majeure, elle faisait valoir que les intérêts moratoires n'avaient pu courir à son encontre sur la période considérée ; qu'en rejetant ce moyen au motif que le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission n'« avait pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007 », cependant que l'invocation par la banque Sepah du régime de gel de ses avoirs et de l'interdiction qui en résultait d'exécuter la condamnation mise à sa charge ne tendait en rien à revenir sur la chose jugée mais seulement à tirer les conséquences d'un cas de force majeure sur les dommages-intérêts moratoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1153-1 et 1148 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (devenus les articles 1231-6 et 1218 du code civil) ;

2°) ALORS en outre QUE l'article 1er du règlement n° 441/2007 du 20 avril 2007 a étendu à plusieurs entités iraniennes, dont la société Bank Sepah, les mesures prévues par le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 « concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran » lequel, en son article 7, ordonnait le gel de « tous les fonds et ressources économiques » appartenant aux personnes relevant de son champ d'application ; que ce règlement ajoutait qu'il était « interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner » ces mesures et que celles-ci étaient applicables à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, constitué selon le droit d'un Etat membre ainsi qu'à toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté (article 18) ; qu'en jugeant que le règlement n° 441/2007 s'était limité « à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah » [comprendre : de la banque Sepah sur la Société générale] cependant que ce règlement avait pour effet de rendre indisponible l'ensemble des avoirs déposés par la banque Sepah auprès de dépositaires européens ou présents sur le territoire de la communauté, et qu'il faisait également obstacle sur ce même territoire à toute opération de paiement à partir de ces avoirs, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007, ensemble les articles 7 et 18 du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran ;

3°) ALORS en outre QU'en jugeant qu'elle « n'était pas saisie des conséquences de [l'] indisponibilité [de la créance de la banque Sepah] » sur son correspondant européen, la Société générale, quand la banque Sepah faisait précisément valoir que le gel de ses avoirs par le règlement (CE) n° 441/2007 l'avait empêchée d'exécuter l'arrêt par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD (v. spéc. ses conclusions, p. 14 s.), cet embargo ayant notamment rendu indisponibles les avoirs qu'elle pouvait détenir auprès des banques et des dépositaires soumis à ce règlement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE pour démontrer qu'elle avait été placée dans l'impossibilité d'exécuter la décision de condamnation du 26 avril 2007 et que les sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance avaient été elles-mêmes placées dans l'impossibilité de recevoir tout paiement de sa part, la banque Sepah rappelait que par sa résolution 1747 (2007) le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé que les États membres des Nations Unies devaient geler l'intégralité de ses avoirs ; qu'il résulte des considérants liminaires de cette résolution que les mesures décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU étaient motivées par le litige opposant le Conseil à la République islamique d'Iran qui, d'une part, était soupçonnée de méconnaître ses engagements internationaux en poursuivant un programme d'enrichissement nucléaire à des fins militaires, et qui, d'autre part, aurait refusé de mettre à exécution deux précédentes résolutions du Conseil de sécurité lui imposant un certain nombre de mesures destinées à permettre à la communauté internationale de s'assurer du respect, par celle-ci, du traité de non-prolifération de l'arme nucléaire dont elle était partie ; que c'est à ce titre que diverses mesures avaient été prises à l'encontre de l'Iran et de diverses entités iraniennes ; que la banque Sepah avait, pour sa part, vu ses avoirs gelés au regard de ces considérations et au motif qu'elle constituait une « entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations et qu'elle « concourrait » à ce titre au programme militaire et balistique iranien ; qu'en retenant que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 constituaient une sanction « prononcée à l'encontre de la société Bank Sepah » et que celle-ci était dès lors mal fondée à invoquer l'existence d'une « cause étrangère », cependant que cette résolution venait sanctionner des actes de gouvernement relevant de la compétence des institutions politiques de la République Islamique d'Iran, ce dont il résultait que la banque Sepah s'était bornée à en subir les effets, la cour d'appel a violé la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité de l'ONU.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

 - sur la majoration du taux d'intérêts -

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR validé les saisies attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016 pratiquées à la demande des sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance entre les mains de la Société générale à l'encontre de la Bank Sepah et dénoncées le 8 juillet 2016 et d'AVOIR rejeté les demandes de la Bank Sepah tendant à voir exonérer la banque Sepah de la majoration au taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers et celle tendant à voir dire et juger que les intérêts dus aux sociétés Overseas Financial Ltd et Oaktree Finance Ltd seront calculés selon le taux d'intérêt légal à l'exception de toute majoration ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Le litige portant sur le décompte des intérêts constitue, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge et à ce que soutiennent les intimées, non pas un litige tendant à voir modifier le dispositif de la décision ou à en suspendre l'exécution, mais un litige qui conduit le juge de l'exécution à rechercher si les faits postérieurs à cette décision sont de nature, ou non, à modifier le montant de la dette, laquelle, selon les intimées, est constituée, notamment des intérêts courus sur le montant de la condamnation. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le gel des fonds, tel que défini par l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, porte exclusivement sur les actifs de la Bank Sepah lesquels comprennent « les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs » et non sur le passif de son patrimoine, lequel comprend effectivement les intérêts éventuellement courus sur le montant des condamnations, intérêts qui sont de nature distincte.

Le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission en date du 19 avril 2007 n'a pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007, passé en force de chose jugée, et ses effets, en l'espèce, se sont limités à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah, la cour n'étant, au demeurant, pas saisie des conséquences de cette indisponibilité sur le patrimoine de chacune des parties ;

Au surplus, la résolution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcée à l'encontre de celle-ci. Dès lors, l'appelante est mal fondée à invoquer l'existence d'une cause étrangère qui l'exonérerait de son obligation d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 en ce qu'il l'a condamnée au paiement des intérêts au taux légal à compter de son prononcé. Dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de retrancher des causes des saisies le montant des intérêts au taux légal » ;

ET QUE : « l'indisponibilité de sa créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » ;

1°) ALORS QU'eu égard à sa fonction comminatoire et à son caractère de sanction, la majoration de l'intérêt légal prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ne peut s'appliquer au débiteur qui, du fait de la survenance d'une mesure de gel de ses avoirs, se trouve temporairement dans l'impossibilité de s'exécuter ; que cette exonération est indépendante de l'exercice, par le juge de l'exécution, du pouvoir de modération que lui reconnaît l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier pour tenir compte de la « situation du débiteur » ; qu'en rejetant la demande subsidiaire de la banque Sepah tendant à être exonérée de la majoration prévue par ce texte sur la période au cours de laquelle elle avait été dans l'impossibilité de payer au motif que « l'indisponibilité de sa créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » sans rechercher, comme elle y était invitée, si le gel de l'ensemble des avoirs de la banque Sepah en conséquence de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies et du règlement (CE) n° 441/2007, ainsi que l'impossibilité, pour les sociétés Oaktree Finance et Overseas Financial Ltd, de recevoir paiement n'exonérait pas en tout état de cause la banque Sepah du paiement des intérêts majorés de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier du temps où elle avait été dans l'impossibilité de s'exécuter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

2°) ALORS en outre QUE l'article 1er du règlement n° 441/2007 du 20 avril 2007 a étendu à plusieurs entités iraniennes, dont la société Bank Sepah, les mesures prévues par le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 « concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran » lequel, en son article 7, ordonnait le gel de « tous les fonds et ressources économiques » appartenant aux personnes relevant de son champ d'application ; que ce règlement ajoutait qu'il était « interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner » ces mesures et que celles-ci étaient applicables à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, constitué selon le droit d'un Etat membre ainsi qu'à toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté (article 18) ; qu'en jugeant que le règlement n° 441/2007 s'était limité « à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah » [comprendre : de la banque Sepah sur la Société générale] cependant que ce règlement avait pour effet de rendre indisponible l'ensemble des avoirs déposés par la banque Sepah auprès de dépositaires européens ou présents sur le territoire de la communauté, et qu'il faisait également obstacle sur ce même territoire à toute opération de paiement à partir de ces avoirs, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007, ensemble les articles 7 et 18 du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran ;

3°) ALORS en outre QU'en jugeant qu'elle « n'était pas saisie des conséquences de [l'] indisponibilité [de la créance de la banque Sepah] » sur son correspondant européen, la Société générale, quand la banque Sepah faisait précisément valoir que le gel de ses avoirs par le règlement (CE) n° 441/2007 l'avait empêchée d'exécuter l'arrêt par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD (v. spéc. ses conclusions, p. 14 s.), cet embargo ayant notamment rendu indisponibles les avoirs qu'elle pouvait détenir auprès des banques et des dépositaires soumis à ce règlement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE pour démontrer qu'elle avait été placée dans l'impossibilité d'exécuter la décision de condamnation du 26 avril 2007 et que les sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance avaient été elles-mêmes placées dans l'impossibilité de recevoir tout paiement de sa part, la banque Sepah rappelait que par sa résolution 1747 (2007) le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé que les États membres des Nations Unies devaient geler l'intégralité de ses avoirs ; qu'il résulte des considérants liminaires de cette résolution que les mesures décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU étaient motivées par le litige opposant le Conseil à la République islamique d'Iran qui, d'une part, était soupçonnée de méconnaître ses engagements internationaux en poursuivant un programme d'enrichissement nucléaire à fins militaires, et qui, d'autre part, aurait refusé de mettre à exécution deux précédentes résolutions du Conseil de sécurité lui imposant un certain nombre de mesures destinées à permettre à la communauté internationale de s'assurer du respect, par celle-ci, du traité de non-prolifération de l'arme nucléaire dont elle était partie ; que c'est à ce titre que diverses mesures avaient été prises à l'encontre de l'Iran et de diverses entités iraniennes ; que la banque Sepah avait, pour sa part, vu ses avoirs gelés au regard de ces considérations et au motif qu'elle constituait une « entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations et qu'elle « concourrait » à ce titre au programme militaire et balistique iranien ; qu'en retenant que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 constituaient une sanction « prononcée à l'encontre de la société Bank Sepah » et que celle-ci était dès lors mal fondée à invoquer l'existence d'une « cause étrangère », cependant que cette résolution venait sanctionner des actes de gouvernement relevant de la compétence des institutions politiques de la République islamique d'Iran, ce dont il résultait que la banque Sepah s'était bornée à en subir les effets, la cour d'appel a violé la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité de l'ONU ;

5°) ALORS subsidiairement QUE le juge de l'exécution peut, en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ou en réduire le montant ; que le juge de l'exécution est tenu de s'expliquer sur les circonstances invoquées par le débiteur pour solliciter la réduction ou la neutralisation de la majoration encourue sur le fondement de ce texte ; qu'en refusant d'exercer son pouvoir de modération au motif que « l'indisponibilité de la créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » sans rechercher, comme elle y était invitée (v. ses conclusions, p. 15), si le gel de l'ensemble des avoirs de la banque Sepah et l'impossibilité, pour les sociétés Oaktree Finance et Overseas Financial Ltd, de recevoir paiement ne justifiaient pas à tout le moins l'exercice du pouvoir modérateur prévu par l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition ;

6°) ALORS enfin et en tout état de cause QUE la « situation du débiteur » à l'aune de laquelle le juge de l'exécution doit apprécier l'opportunité de réduire ou de neutraliser la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier s'entend de tous les éléments relatifs à la situation financière du débiteur mais également de toutes difficultés qu'il a pu rencontrer dans le cadre de l'exécution de la décision de condamnation ; qu'en jugeant que les éléments invoqués par la banque Sepah pour démontrer qu'elle avait été dans l'impossibilité de s'exécuter ne constituaient pas, par construction, « un élément de la situation du débiteur » à l'aune duquel devait s'apprécier l'opportunité de mettre en oeuvre le pouvoir modérateur que lui reconnaissait l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé cette disposition. Moyen produit au pourvoi n° 18-21.814 par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les sociétés Overseas Financial Ltd et Oaktree Finance Ltd ;

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et d'avoir retranché des causes des saisies les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 ;

Aux motifs propres que « A l'appui de cette fin de non-recevoir, qui peut être soulevée en tout état de cause, la Bank Sepah soutient que les créanciers poursuivants ne peuvent obtenir le recouvrement des intérêts au-delà des cinq années précédant la délivrance des deux commandements de payer du 17 mai 2016 ;

Si depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, le recouvrement des arriérés échus postérieurement à la décision est soumis au délai de prescription applicable en raison de la nature de la créance. Il en résulte que le délai d'exécution d'un titre exécutoire, prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, n'est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre exécutoire, en l'espèce aux intérêts, lesquels se prescrivent par cinq ans par application de l'article 2224 du code civil.

Rien n'interdisait aux intimées, contrairement à ce qu'elles soutiennent, d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, sur un actif ou une créance indisponible, cette indisponibilité n'ayant alors que suspendu l'effet attributif d'une éventuelle saisie-attribution.

Les intérêts antérieurs au 17 mai 2011, en l'absence de toute cause interruptive de prescription invoquée par les intimées, antérieure à la signification des commandements de payer en date du 17 mai 2016, sont donc prescrits et il convient de les retrancher des causes des saisies. »

1°) Alors que, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'une loi prononçant une mesure de gel de fonds, laquelle s'entend comme toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, empêche le créancier d'une personne visée par une telle mesure d'engager toute mesure d'exécution portant sur les fonds gelés, y compris à titre conservatoire, toute mesure conservatoire étant constitutive d'une modification des fonds ayant pour conséquence un changement de leur destination ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree dès lors que rien ne leur interdisait d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, à l'encontre de la société Bank Sepah, cependant que de telles mesures étaient prohibées par les dispositions légales ayant opéré le gel des fonds détenus par cette société, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil, ensemble les articles 1 et 7 du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007, repris par les articles 1 et 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 ;

2°) Alors que, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'un tel empêchement se trouve caractérisé en l'absence d'une autorisation administrative requise par la loi pour agir ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree, cependant que le ministre de l'économie avait refusé de leur accorder l'autorisation portant sur le déblocage des fonds appartenant à la société Bank Sepah dans la limite de leur créance, autorisation requise par l'article 8 du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 puis par l'article 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil.

Arrêt rendu en Assemblée plénière.

- Président : Mme Arens (premier président) - Rapporteur : M. Mollard, assisté de Mme Ploffoin, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : MM. Molins (procureur général) et Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier.

1re Civ., 13 avril 2022, n° 20-23.530, (B), FS

Rejet

Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 – Succession internationale – Testament étranger – Condition d'exécution sur les biens situés en France – Enregistrement auprès de l'administration fiscale française – Compatibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2020), [N] [J] est décédée le 24 septembre 2015 à [Localité 2], en l'état d'un testament notarié dressé le 9 octobre 1996 en Allemagne et désignant comme héritier son époux, M. [C].

2. Le 19 septembre 2016, le service notarial des affaires successorales de [Localité 4] (Allemagne) a établi au profit de celui-ci un certificat successoral européen sur le fondement de l'article 67 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable et l'exécution des actes authentiques en matière de succession et à la création d'un certificat successoral européen.

3. Le 5 octobre suivant, M. [C] a adressé à l'agence bancaire [Adresse 3] (la banque) une demande de règlement de la totalité des liquidités de la succession, accompagnée d'une copie du certificat successoral européen.

4. La banque ayant soumis la délivrance des fonds à la preuve de l'enregistrement du testament auprès de l'administration fiscale française par application de l'article 1000 du code civil, M. [C] l'a assignée en libération des fonds et en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 a instauré le certificat successoral européen, afin de, dépassant la diversité des procédures nationales, permettre de faire la preuve de la qualité d'héritier et de mettre en place une procédure commune à tous les États membres qui assure un règlement rapide, aisé et efficace des successions transfrontières au sein de l'Union européenne, notamment en évitant la duplication des documents ; que ce règlement a prévu que le certificat successoral européen produirait ses effets de plein droit dans tous les États membres, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à aucune procédure ou formalité, et a donc entendu lui donner un effet direct et uniforme qui soit suffisant pour permettre l'exécution des successions dans tout l'espace européen sur présentation dudit certificat ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que M. [C] avait produit un certificat successoral européen dont ni la validité, ni le contenu n'étaient contestés, de sorte que ni sa qualité d'héritier, ni l'étendue de ses droits ne l'étaient, mais ont considéré que la banque pouvait légitimement subordonner la libération des fonds relevant de la succession visée par le certificat à la preuve de l'enregistrement du testament de la de cujus en application des articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts, motifs pris de ce que le certificat successoral européen n'avait d'autre portée que probatoire, qu'il n'épuisait pas les formalités à mettre en oeuvre pour l'exécution des droits successoraux en cause et que l'exigence d'un enregistrement préalable en France constituait une condition fiscale d'exécution des testaments étrangers dont le certificat ne permettait pas de se dispenser ; qu'en statuant ainsi, bien que le certificat ait précisément pour objet de supprimer, dans le cas des testaments européens, les formalités et procédures nationales particulières et toute exigence de production des testaments dans les pays d'exécution pour assurer au certificat un effet uniforme direct dans l'espace européen, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet direct du certificat et son objet, le privant ainsi d'effet utile, a violé le préambule et les articles 63 et 69 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;

2°/ que l'article 63.2 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 définit ses effets en affirmant qu'il permet « en particulier » à son titulaire de prouver sa qualité d'héritier et « l'attribution d'un bien déterminé ou de plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession à l'héritier/aux héritiers », ce dont il se déduit que ses effets probatoires ne sont pas exclusifs, ce que confirme le fait que le règlement assure l'efficacité de plein droit du certificat et protège les tiers de bonne foi qui exécutent les instructions données sur présentation du certificat par le titulaire des droits que ce dernier constate ; qu'en l'espèce, en jugeant que le certificat successoral européen n'avait pas d'autre effet que probatoire, la cour d'appel a violé le préambule et les articles 63.2 et 69 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;

3°/ que les exceptions prévues par le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sont d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le certificat successoral européen ne faisait pas échec à l'exigence d'enregistrement des testaments étrangers posée par l'article 1000 du code civil, motifs pris de ce qu'il s'agissait d'une formalité fiscale, que « le règlement (UE) n° 650/2012 a, par ailleurs, expressément limité son champ d'application, puisque son article 10 dispose que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer aux questions fiscales ni aux questions administratives relevant du droit public. Il appartient dès lors au droit national de déterminer, par exemple, comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agisse d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d'impôt lié à la succession dont doivent s'acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient également au droit national de déterminer si le transfert d'un bien successoral aux bénéficiaires en vertu du présent règlement ou l'inscription d'un bien successoral dans un registre peut, ou non, faire l'objet de paiement d'impôts » et que « l'exigence de paiement d'un impôt ou d'une taxe conditionnant un transfert de tout ou partie d'un actif successoral ne peut donc pas porter atteinte au principe d'application directe du règlement UE n° 650/2012 ayant créé le certificat successoral européen, puisque c'est ce règlement lui-même qui prévoit expressément le maintien des règles fiscales internes » ; qu'en statuant ainsi, bien que l'enregistrement soit un acte tendant à donner date certaine au testament et ayant donc une finalité probatoire, quand bien même il donnerait lieu à perception d'un droit fixe en contrepartie de son exécution, la cour d'appel a donné une interprétation extensive à l'exception prévue par le règlement à son application, l'a ainsi privé d'effet direct utile en France et a donc violé le préambule et les articles 1er et 69 du règlement n° 650/2012 ;

4°/ que le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 prévoit que le certificat successoral européen doit produire les mêmes effets dans tous les États membres ; qu'en décidant que l'exécution en France des testaments européens ayant donné lieu à établissement d'un certificat successoral européen n'était pas dispensée de la formalité d'enregistrement préalable prévue par l'article 1000 du code civil, la cour d'appel a consacré une modalité d'exécution propre à la France et violé le préambule et l'article 69 du règlement susvisé ;

5°/ que la formalité de l'enregistrement du testament étranger a une finalité probatoire rendue inutile, dans le cas d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, par la production d'un certificat successoral européen, lequel procède d'un texte particulier dérogeant nécessairement au droit commun de l'article 1000 du code civil ; qu'en jugeant qu'elle était néanmoins une condition à l'exécution d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, même en cas de présentation d'un tel certificat, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a justement retenu que, conformément au considérant 71 du règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen avait une efficacité probatoire mais ne constituait pas un titre exécutoire, de sorte que, s'il attestait de la qualité et des droits d'héritier, il n'épuisait pas nécessairement les formalités à mettre en oeuvre pour obtenir l'exécution de ces droits.

8. Après avoir relevé que le règlement excluait de son domaine matériel les questions fiscales et administratives, son considérant 10 disposant qu'il appartenait au droit national de déterminer, par exemple, comment étaient calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agît d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout autre type d'impôt lié à la succession dont devaient s'acquitter la succession ou les bénéficiaire, elle a retenu à bon droit que les dispositions des articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts prévoyant l'enregistrement des testaments faits en pays étrangers, constituaient une formalité fiscale dès lors que celle-ci relevait de l'administration fiscale et donnait lieu au paiement d'un droit fixe de 125 euros.

9. Elle en exactement déduit que l'exigence d'enregistrement de tout testament établi à l'étranger, qui ne remettait pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constituait pas une condition d'exécution des testaments prohibée par le règlement, ne portait pas atteinte au principe d'application directe du règlement ni ne le privait de son effet utile.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. M. [C] fait encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 fait obligation aux organismes bancaires d'effectuer spontanément un paiement ou remettre un bien successoral sur simple présentation des certificats successoraux européens apparemment valides qui leur sont présentés ; qu'en l'espèce, la banque BNP Paribas s'est d'office crue autorisée à exiger le respect d'une formalité de droit interne, quand bien même aucune disposition du règlement ne renvoyait expressément à celle-ci et ne l'y autorisait, faisant ainsi obstacle à l'application du règlement et aux droits que l'exposant en tirait ; qu'en rejetant les demandes indemnitaires de M. [C], aux motifs que la banque n'aurait commis aucune faute, la cour d'appel a violé les articles 1er, 63 et 69 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, ensemble l'article 1240 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, le chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté les demandes indemnitaires de M. [C] sera cassé par voie de conséquence de la censure qui sera prononcée au titre des premier et deuxième moyens de cassation ayant considéré que l'enregistrement du testament de Mme [C] était requis avant toute exécution du certificat successoral européen et règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande de libération des fonds dépendant de la succession de Mme [N] [J], épouse [C], détenus par la SA BNP Paribas, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. D'une part, ayant retenu à bon droit que la banque s'était conformée tant au règlement (UE) n° 650/12 du 4 juillet 2012 qu'aux dispositions internes françaises compatibles avec celui-ci en refusant de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d'un certificat successoral européen mais ne prouvant pas s'être acquitté de la formalité d'enregistrement prévue par les articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que celle-ci n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

13. D'autre part, la cassation n'étant pas prononcée sur les premier et deuxième moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

14. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 1000 du code civil ; article 655 du code général des impôts ; articles 69 et 71 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012.

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