Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

TRANSACTION

1re Civ., 21 avril 2022, n° 20-17.185, (B), FS

Cassation partielle

Effets – Effets à l'égard des tiers – Sécurité sociale – Assurances sociales – Tiers responsable – Transaction entre le tiers la victime – Droit à indemnisation – Portée à l'égard de la caisse de la victime

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), de 1995 à 1999, il a été prescrit du Mediator à [M] [N] qui a présenté, en 1999, une hypertension artérielle pulmonaire ayant nécessité une transplantation pulmonaire.

2. Après avoir sollicité une expertise judiciaire, [M] [N] a, avec des proches (les consorts [N]), assigné en responsabilité et indemnisation les sociétés Les laboratoires Servier et Les laboratoires Servier industrie, producteur du Mediator (les sociétés), et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours.

3. Après le décès d'[M] [N] survenu le 13 janvier 2015, les consorts [N] ont conclu une transaction avec les sociétés et se sont désistés de leur action.

L'instance s'est poursuivie entre la caisse et les sociétés.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la caisse est subrogée, de plein droit, dans les droits de la victime ; que la caisse peut exiger du tiers responsable le remboursement des prestations versées à la victime si le tiers responsable a conclu une transaction avec cette dernière sans appeler la caisse à y participer ; que la caisse dans cette hypothèse n'a pas à justifier de la responsabilité du tiers, lequel ne peut pas davantage lui opposer des exonérations de responsabilité qu'il n'a pas opposées à la victime ; qu'en considérant que la caisse pouvait se voir opposer l'exonération de responsabilité que le tiers n'avait pas opposée de la victime lors de la transaction conclu avec cette dernière en l'absence de la caisse, la Cour d'appel a violé les articles L. 376-1 à L. 376-4 du Code de la Sécurité Sociale, 1382 devenu 1240, et 1386-11 devenu 1245-19 du Code Civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 376-1, L. 376-3 et L. 376-4 du code de la sécurité sociale et l'article 2044 du code civil :

5. Selon les trois premiers de ces textes, les caisses de sécurité sociale disposent d'un recours subrogatoire contre les tiers sur les indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge ; si un règlement amiable est intervenu entre le tiers et l'assuré, il ne peut être opposé à la caisse si elle n'a pas été invitée à y participer ; la caisse doit en être informée et, en l'absence d'une telle information, la prescription ne peut lui être opposée et une pénalité lui est versée à l'occasion de son recours subrogatoire.

6. Selon le dernier de ces textes, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

7. Le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 19-24.696, publié).

8. Il s'en déduit que, lorsqu'une personne conclut avec la victime d'un dommage corporel ou ses ayants droit une transaction portant sur l'indemnisation des préjudices en résultant, elle admet par là-même, en principe, un droit à indemnisation de la victime dont la caisse, subrogée dans ses droits, peut se prévaloir.

9. Il incombe alors aux juges du fond, saisis du recours subrogatoire de la caisse qui n'a pas été invitée à participer à la transaction, d'enjoindre aux parties de la produire pour s'assurer de son contenu et, le cas échéant, déterminer les sommes dues à la caisse, en évaluant les préjudices de la victime, en précisant quels postes de préjudice ont été pris en charge par les prestations servies et en procédant aux imputations correspondantes.

10. Pour rejeter les demandes de la caisse, l'arrêt retient que celle-ci ne peut valablement soutenir que la transaction conclue entre les ayants droit et les sociétés, que la cour d'appel ne connaît pas et dont elle ignore les termes, suffirait à fonder sa demande et que l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale n'interdit pas aux sociétés d'invoquer le bénéfice de l'exonération de responsabilité prévue par l'article 1386-11, devenu 1245-19, du code civil.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté les sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande de renvoi de l'instance devant le juge de la mise en état, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Articles L. 376-1, L. 376-3 et L. 376-4 du code de la sécurité sociale ; article 2044 du code civil.

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