Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

SECURITE SOCIALE, ALLOCATIONS DIVERSES

2e Civ., 7 avril 2022, n° 20-22.360, (B), FRH

Rejet

Allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi – Prestations indues – Action en remboursement – Prescription – Prescription triennale – Exclusion – Cas – Fraude ou fausse déclaration

Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes.

La relaxe prononcée à l'égard du bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, par jugement définitif, du chef du délit de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu étant revêtue, au civil, de l'autorité absolue de chose jugée quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, l'action en remboursement des allocations d'assurance chômage indûment versées se prescrit dès lors par trois ans à compter du jour du versement de ces sommes.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 septembre 2020) et les productions, M. [C] (l'allocataire) a perçu entre 2008 et 2011, des allocations d'aide au retour à l'emploi et d'aide au retour à l'emploi formation. A la suite d'un contrôle de gendarmerie, il a fait l'objet de poursuites pénales du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu.

Par un jugement définitif du 3 juillet 2014, il a été relaxé des fins de la poursuite.

La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a, par décision administrative du 2 septembre 2013, supprimé, avec effet rétroactif au 1er février 2008, son droit à l'allocation chômage.

2. Le Pôle emploi [Localité 5], aux droits duquel vient le Pôle emploi [Localité 4] (le Pôle emploi), a fait assigner l'allocataire le 27 novembre 2014 devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution des allocations chômage indûment versées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le Pôle emploi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de remboursement de l'indu, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a fait l'objet d'un précédent jugement ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée au jugement relaxant un allocataire du chef de fraude pour l'allocation de prestations indues n'interdit pas au Pôle emploi de se prévaloir d'une fraude ou d'une fausse déclaration de sa part pour exercer pendant dix ans devant les juridictions civiles une action en répétition des allocations indûment versées, sur le fondement d'une décision administrative excluant l'allocataire du bénéfice du revenu de remplacement ; qu'en affirmant qu'en l'état de la décision du tribunal correctionnel devenue définitive, le Pôle emploi ne pouvait revendiquer un délai de prescription de dix ans au motif de déclarations mensongères, fausses ou frauduleuses, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail ;

2°/ que l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par dix ans, en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'il s'ensuit que même en l'absence d'une fraude en vue d'obtenir une allocation d'assurance-chômage, le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage, l'exercice d'une activité professionnelle caractérise une fausse déclaration permettant à cette institution d'agir en remboursement des allocations indues pendant dix ans à compter de leur versement ; qu'en décidant que l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage n'était pas fondé à soutenir que la fraude de l'allocataire l'autorisait à agir en répétition des allocations indûment versées depuis dix ans dès lors qu'il avait été relaxé du chef de fraude pour l'obtention d'allocations indues, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une fausse déclaration autorisant Pôle emploi à agir pendant dix ans ; qu'ainsi, elle a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans.

En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.

Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes.

5. Il résulte de l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, applicable au litige, que le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à Pôle emploi l'exercice d'une activité professionnelle caractérise la fraude en vue d'obtenir lesdites allocations.

6. Il résulte des articles 1351, devenu 1355, du code civil, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la relaxe prononcée du chef du délit prévu par l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal à l'égard de l'allocataire par un jugement définitif est revêtue, au civil, de l'autorité absolue quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, au sens de l'article L. 5422-5 du code du travail.

8. Ayant constaté que l'allocataire avait été relaxé des poursuites dont il faisait l'objet du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu, par un jugement définitif, la cour d'appel en a exactement déduit que le Pôle emploi ne pouvait prétendre que le délai de prescription applicable à son action en remboursement était de dix ans, et que celui-ci ayant exercé son action en remboursement plus de trois ans à compter du versement des sommes réclamées, il n'était pas recevable à agir en raison de la prescription.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Boullez ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article L. 5422-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 28 mai 2015, pourvoi n° 14-17.773, Bull. 2015, II, n° 133 (rejet).

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