Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

SANTE PUBLIQUE

2e Civ., 14 avril 2022, n° 21-16.435, (B), FS

Rejet

Protection des personnes en matière de santé – Réparation des conséquences des risques sanitaires – Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé – Indemnisation des victimes – indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) – Titre exécutoire – Recours du débiteur – Compétence territoriale

Selon l'article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Il résulte de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, que lorsque l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) transige avec la victime ou ses ayants droit, en application de ce texte, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis.

Par ailleurs, il découle de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique tel qu'interprété par le Conseil d'Etat (CE, 9 mai 2019, n° 426321, publié au Recueil Lebon et CE, 9 mai 2019, n° 426365, mentionné aux tables du Recueil Lebon) que l' ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi délictuelles du débiteur. Les débiteurs peuvent introduire un recours contre un titre exécutoire devant la juridiction compétente.

Lorsque le professionnel de santé, l' établissement, le service, l'organisme de santé ou le producteur de produits, considéré comme responsable du dommage, ou l'assureur garantissant sa responsabilité civile, fait opposition au titre exécutoire émis par l' ONIAM, subrogé dans les droits de la victime sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, pour recouvrer les sommes versées, ce recours tend à contester devant le juge le principe de sa responsabilité ou le montant de la réparation.

Par suite, ce recours relève, dans tous les cas, de la matière délictuelle au sens de l'article 46, alinéa 3, du code de procédure civile et peut être porté devant la juridiction du lieu du fait dommageable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 mars 2021), [L] [I] est décédé le 10 novembre 2014 d'un carcinome hépatocellulaire métastasé survenu sur hépatopathie chronique virale C.

2. La Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Rhône Alpes a émis, le 12 mai 2015, un avis en faveur d'une responsabilité conjointe de plusieurs médecins, dont celle de M. [H], estimée à 20 %, ce dernier étant assuré en responsabilité civile professionnelle auprès de la Mutuelle assurances corps médical français (MACSF).

3. La MACSF ayant refusé de faire une offre aux ayants droit de [L] [I], l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)) s'est substitué à l'assureur en versant aux ayants droit du défunt plusieurs sommes.

4. L'ONIAM a ensuite exercé le recours subrogatoire prévu à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et émis à cette fin deux titres exécutoires à l'encontre de la MACSF pour 10 400 euros et 640 euros.

5. Par acte d'huissier de justice du 22 novembre 2019, la MACSF a assigné l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'annuler les titres exécutoires et d'être déchargée du paiement de la somme de 11 040 euros.

6. Saisi d'une exception d'incompétence territoriale formée par l'ONIAM, le juge de la mise en état, par ordonnance du 6 octobre 2020, a déclaré le tribunal judiciaire de Lyon incompétent au profit du tribunal judiciaire de Bobigny.

7. La MACSF a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. L'ONIAM fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance déférée, de rejeter l'exception d'incompétence et de renvoyer les parties à poursuivre la procédure devant le tribunal judiciaire de Lyon, alors « qu'il résulte de l'article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; que si l'article 46 dudit code prévoit qu'en matière délictuelle le demandeur peut saisir, à son choix, outre cette juridiction, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, cette disposition n'est pas applicable à une action exercée par un assureur prenant la forme et produisant les effets d'une opposition à titre exécutoire lorsque cette opposition est dirigée contre un titre émis par l'ONIAM, une telle opposition à titre exécutoire, qui pour objet l'annulation de ce titre et, le cas échéant, la décharge des sommes concernées, ne constituant pas une action en matière délictuelle quand bien même se rapporterait-elle, pour ce qui concerne le bien-fondé de la créance, aux conditions d'engagement de la responsabilité d'un établissement ou d'un professionnel de santé sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'en retenant que l'assureur demandeur à l'action avait pu exercer l'option offerte par l'article 46 du code de procédure civile au motif inopérant que la contestation des titres exécutoires imposait un débat sur la responsabilité du médecin et que la validité en la forme de ces titres n'était pas contestée, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 42 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article 46 dudit code. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

10. Il résulte de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, que lorsque l'ONIAM transige avec la victime ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis.

11. Il découle de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat (Avis, 9 mai 2019, n° 426321 et 426365), que l'ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi délictuelles du débiteur.

Les débiteurs peuvent introduire un recours contre un titre exécutoire devant la juridiction compétente.

12. Lorsque le professionnel de santé, l'établissement, le service, l'organisme de santé ou le producteur de produits, considéré comme responsable du dommage, ou l'assureur garantissant sa responsabilité civile, fait opposition au titre exécutoire émis par l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime sur le fondement de l'article L. 1142-15 de code de la santé publique pour recouvrer les sommes versées, ce recours tend à contester devant le juge le principe de sa responsabilité ou le montant de la réparation.

13. Par suite, ce recours relève, dans tous les cas, de la matière délictuelle au sens de l'article 46, alinéa 3, du code de procédure civile et peut être porté devant la juridiction du lieu du fait dommageable.

14. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 46 du code de procédure civile ; articles L. 1142-15 et R. 1142-53 du code de la santé publique ; article 426-1 du code des assurances.

1re Civ., 6 avril 2022, n° 20-18.513, (B), FRH

Cassation partielle

Protection des personnes en matière de santé – Réparation des conséquences des risques sanitaires – Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé – Indemnisation des victimes – Infection nosocomiale – Définition

Au sens des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à MM. [Y] et [N] [I] de leur reprise d'instance en qualité d'héritiers de [Z] [I], décédée le 20 septembre 2020.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à MM. [Y] et [N] [I] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [D].

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 juin 2020), le 26 décembre 2009, [Z] [I], présentant une fracture d'une cheville, a subi une ostéosynthèse pratiquée par M. [D] (le praticien) au sein de la clinique [9] (la clinique).

Les suites opératoires ont été compliquées par un gonflement de la cheville et une inflammation nécessitant une nouvelle intervention, à l'occasion de laquelle les prélèvements réalisés ont mis en évidence la présence d'un staphyloccus aureus multisensible.

4. Les 16 et 25 mars 2015, après avoir sollicité une expertise judiciaire, [Z] [I] a assigné en indemnisation la clinique, le praticien et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM). Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10], la société Solimut mutuelle de France Plus et la société Mutuelles de France réseau santé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. MM. [Y] et [N] [I] font grief à l'arrêt de dire que l'infection contractée par [Z] [I] n'est pas nosocomiale, de mettre l'ONIAM hors de cause et de rejeter les demandes de [Z] [I], alors « que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que présente un tel caractère l'infection, d'origine exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci ; qu'en jugeant, pour écarter le caractère nosocomial de l'infection post-opératoire à staphylocoque contractée par [Z] [I], survenue sur le site opératoire dans les jours suivant l'intervention chirurgicale, que [Z] [I] présentait un « état cutané anormal antérieur » caractérisé par la présence de plusieurs lésions et que le germe retrouvé sur le site opératoire infecté correspondait à celui trouvé sur sa peau, cependant que ni les prédispositions pathologiques de [Z] [I], ni le caractère endogène du germe à l'origine de l'infection n'étaient de nature à ôter à celle-ci son caractère nosocomial, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 I al. 2 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique :

6. Selon le premier de ces textes, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

7. Selon le second, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.

8. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

9. Pour écarter le caractère nosocomial de l'infection contractée par [Z] [I], l'arrêt retient que celle-ci présentait un état cutané anormal antérieur à l'intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau et que, selon l'expert judiciaire, son état de santé préexistant et son tabagisme chronique avaient contribué en totalité aux complications survenues.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables la demande au titre de la responsabilité de M. [D] et la demande de nullité de l'expertise judiciaire, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Mornet - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique.

1re Civ., 6 avril 2022, n° 21-12.825, (B), FS

Cassation partielle

Protection des personnes en matière de santé – Réparation des conséquences des risques sanitaires – Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé – Indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) – Cas – Anormalité du dommage – Critères – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie, de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie, de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical.

Protection des personnes en matière de santé – Réparation des conséquences des risques sanitaires – Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé – Indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) – Cas – Anormalité du dommage – Caractérisation – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] et la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2020), le 20 juin 2012, [E] [P], qui présentait une claudication intermittente due à une courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite, a subi une chirurgie carotidienne sous anesthésie loco-régionale, réalisée par M. [U], et est demeuré hémiplégique à la suite de la survenue, au cours de l'intervention, d'une crise convulsive généralisée. Il est décédé le 7 novembre 2016.

3. Les 24, 27 et 28 février 2017, [T] [V]-[C], son épouse, et MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], ses enfants, agissant à titre personnel et en qualité d'ayants droit, ont assigné en responsabilité et indemnisation M. [U] et son assureur, la société MACSF, ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours. A la suite du décès d'[T] [V]-[C], survenu le 12 mai 2020, MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V] (les consorts [P] [V]) sont intervenus volontairement à l'instance en qualité d'ayants droit de celle-ci.

4. La responsabilité de M. [U] a été écartée et les demandes formées à l'égard de celui-ci et de la société MACSF par les consorts [P] [V] et la caisse ont été rejetées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts [P] [V] font grief à l'arrêt de mettre hors de cause l'ONIAM et de rejeter leurs demandes à son encontre, alors « que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que sont anormaux les troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie ; qu'en retenant que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie, tout en constatant que l'intervention médicale et la survenue de l'accident neurologique avaient entrainé une accélération du processus d'involution cérébrale, que ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de l'état fonctionnel de M. [P] plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique :

6. Il résulte de ce texte que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

7. Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical.

8. Pour mettre hors de cause l'ONIAM et rejeter les demandes d'indemnisation formées à son encontre, après avoir relevé que, selon les experts, l'état de santé d'[E] [P] lors de leur examen était la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie qu'il présentait antérieurement, que l'hospitalisation, l'intervention et la survenue de l'accident neurologique avaient été conjointement responsables d'une accélération du processus d'involution cérébrale liée à la démence vasculaire déjà présente avant les faits, que ces événements conjoints avaient été responsables d'une aggravation significative de son état fonctionnel plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en étaient résultées avaient été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, l'arrêt retient qu'en l'absence d'ambiguïté de leurs conclusions sur l'évolution spontanée de la pathologie vasculaire dont souffrait [E] [P] vers l'état de détérioration intellectuelle et de dépendance qui était le sien après l'intervention, la preuve de l'anormalité du dommage n'est pas rapportée.

9. En se déterminant ainsi, sans prendre en compte le fait que l'intervention avait entraîné de manière prématurée la survenue des troubles auxquels [E] [P] était exposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Mises hors de cause

En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [U] et la société MACSF, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause l'ONIAM et rejette les demandes d'indemnisation à son encontre, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Met hors de cause M. [U] et la société MACSF.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Bacache-Gibeili - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Richard ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.

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