Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 20 avril 2022, n° 20-16.316, (B), FS

Cassation partielle

Clauses abusives – Domaine d'application – Exclusion – Clause portant sur l'objet principal du contrat – Conditions – Clause rédigée de façon claire et compréhensible – Cas – Clause autorisant le tirage d'un prêt dans une devise étrangère – Applications diverses

Viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la cour d'appel qui écarte l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur créé par une clause autorisant le tirage d'un prêt dans une devise étrangère, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n'avait pas satisfait à l'exigence de transparence à l'égard du consommateur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 avril 2019, pourvoi n° 17-20.722), suivant offre acceptée le 7 janvier 2008, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à M. [T] (l'emprunteur) un prêt multi-devises de 1 500 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ».

Le prêt a été tiré pour un montant de 2 389 500 francs suisses.

Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion du prêt en euros.

2. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, l'emprunteur l'a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l'avenir et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt, le condamner à payer à la banque la somme de 220 223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés arrêtés au 10 janvier 2020 et rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors « que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en affirmant que le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des parties pour la raison que la variation du taux de change ne dépend pas de leurs volontés et en particulier de celle de la banque, quand il lui appartenait de rechercher si la clause de monnaie de compte, analysée comme une clause d'indexation, ne faisait pas peser le risque de change exclusivement sur l'emprunteur, la cour d'appel, qui a statué par une considération inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) la CJUE a dit pour droit que :

 - l'article 4, § 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;

 - l'article 3, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

7. Pour dire que la clause de monnaie étrangère ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, l'arrêt retient que le fait que celui-ci supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle le prêt était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à l'emprunteur une devise à son détriment.

8. En statuant ainsi, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n'avait pas satisfait à l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de M. [T] afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-13.593, Bull. 2018, I, n° 80 (rejet).

1re Civ., 20 avril 2022, n° 19-11.599, (B), FS

Cassation partielle

Clauses abusives – Domaine d'application – Prêt d'argent libellé en devise étrangère – Clause de monnaie de compte

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 15 mai 2018), le 21 juillet 2009, M. et Mme [S] (les emprunteurs) ont accepté une offre de prêt de la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé « Helvet immo ».

Le prêt leur a été proposé par M. [Y], en vertu d'un mandat d'intermédiaire en opérations de banque conclu, le 5 avril 2009, avec la banque.

2. Invoquant la violation des règles relatives au démarchage bancaire, le dol et le manquement de la banque à son obligation d'information, les emprunteurs ont assigné celle-ci en nullité du contrat de prêt et en indemnisation.

En appel, ils ont allégué le caractère abusif de la clause de monnaie de compte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir prononcer la nullité du prêt en raison du dol, ainsi que leur demande d'indemnisation, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le deuxième moyen, la cour d'appel s'étant expressément fondée, pour écarter le dol, sur ce qu'elle a jugé relativement au démarchage, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ qu'après avoir relevé que les emprunteurs avait été informés de ce que le taux de change euro / franc suisse était « très stable dans le temps », que selon les mois ils rembourseraient « un peu » plus ou « un peu » moins de francs suisses, que l'impact des variations du taux de change était « quasi nul » et que la somme de toutes les variations lisse l'impact des variations du taux de change jusqu'à « pratiquement annihiler » les effets de ces variations, ce dont il résultait que les emprunteurs étaient appelés à croire à la quasi absence d'incidence sur le prêt des variations du taux de change, la cour d'appel qui a néanmoins retenu, pour écarter le dol, que la banque avait bien informé les emprunteurs des « conséquences des variations inévitables » du taux de change sur le remboursement du crédit, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que l'offre de prêt stipulait que « si au terme de la durée initiale de votre crédit le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans.

Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (...) et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans », de sorte que pendant la période complémentaire de cinq ans le montant des mensualités étaient susceptibles d'augmenter ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter le dol, qu'il était exact que les variations du taux de change n'impactaient pas le montant des mensualités, mais seulement l'amortissement du prêt, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ qu'en se fondant encore, pour statuer comme elle l'a fait, sur la circonstance inopérante que les emprunteurs ne pourraient en l'état prouver que l'impact des variations du cours de l'euro par rapport au franc suisse n'est pas lissé sur la durée du prêt puisque celui-ci n'est pas encore arrivé à son terme, ce qui était sans incidence sur l'existence de manoeuvres destinées à surprendre le consentement des emprunteurs, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

6. Il résulte de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le dol doit être apprécié, au moment de la formation du contrat. Il implique l'intention, chez son auteur, de tromper autrui en vue de le contraindre à s'engager. Ainsi, le manquement à une obligation pré-contractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement.

7. Après avoir relevé, par motifs propres, que les emprunteurs reprochaient à la banque de leur avoir remis une documentation mensongère en ce qu'elle présentait une opération intéressante sans risque excessif et de leur avoir fourni une plaquette d'information présentant le taux de change euros / francs suisses comme stable afin de créer l'illusion d'un risque minimal, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, qu'il n'était pas démontré que les documents intitulés « Helvet Immo, script taux de change » et les plaquettes d'information exclusivement destinés aux professionnels partenaires de la banque pour les besoins de la commercialisation du produit, qui ne leur étaient pas destinés, leur avaient été remis lors de l'émission de l'offre et avaient influencé leur décision de contracter.

8. Elle a ensuite retenu, par motifs propres, que le document intitulé « grille de lecture de l'offre Helvet Immo » et l'offre de prêt elle-même démontraient que les emprunteurs avaient été informés, avant la conclusion du contrat, des conséquences de la variation du taux de change, notamment en ce qu'il y était précisé que l'amortissement du capital évoluerait en fonction des variations de ce taux appliqué à leurs règlements mensuels, et que le prêt pouvait être allongé pour une durée limitée à cinq ans.

9. De ces constatations et appréciations souveraines, elle a pu déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que le dol n'était pas établi.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

11. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de ne pas examiner d'office le caractère abusif de la clause d'option de conversion en euros, alors « que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de fait et de droit pour le faire ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas des éléments de fait et de droit débattus devant elle, notamment l'absence d'obligation d'information des emprunteurs, les modalités d'exercice de l'option ainsi que le délai anormalement long au terme duquel il était possible d'exercer l'option qui résultaient de la clause intitulée « option pour un changement de monnaie de compte », que la clause d'option stipulée par le contrat litigieux créait un déséquilibre significatif en défaveur du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

12. Il ne résulte pas des éléments de droit et de fait débattus devant elle que les emprunteurs auraient formulé des prétentions ou des moyens relatifs à la clause d'option de conversion en euros, de sorte que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche dont l'omission est alléguée.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande au titre du manquement de la banque et de son mandataire au devoir d'information et de leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral, alors « que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la responsabilité de la banque et de son mandataire, que les « caractéristiques » du prêt avaient été clairement et précisément expliquées aux emprunteurs, sans constater que ces derniers avaient également été informés des conséquences économiques de ce prêt et des risques encourus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

15. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.

16. Pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information, l'arrêt énonce que l'offre de prêt indique que le crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises, que, dès réception de l'acceptation de l'offre, le prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses au nom de l'emprunteur pour gérer le crédit dont le fonctionnement est expliqué, que l'offre de prêt précise qu'il s'agit d'un prêt en francs suisses qui ne peut être remboursé qu'en euros, de sorte qu'il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses, nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit, font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte. Il constate que l'offre indique que le montant du prêt est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,5057 francs suisses, taux invariable jusqu'au déblocage complet du crédit, que le tableau d'amortissement a été établi sur la base de ce taux de change et qu'au cours de la vie du crédit, les opérations de conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes, de conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses, en cas d'option de changement de monnaie, et de conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé, seront réalisées par le prêteur. Il relève que l'offre explique qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le franc suisse pourra à tout moment et unilatéralement être changé par le prêteur et remplacé par l'euro, ces opérations de change étant effectuées au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l'opération, taux de change de référence publié sur le site internet de la Banque centrale européenne. Il retient que le contrat explique les modalités de remboursement du crédit et décrit le système d'amortissement du capital, en stipulant que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels de l'emprunteur, que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses, tandis que, s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera plus rapide, ainsi que le remboursement, et qu'en tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement au paiement des intérêts de l'échéance et à l'amortissement du prêt. Il ajoute qu'est également expliqué l'effet des variations du taux d'intérêt, tous les trois ans, sur le montant des mensualités de remboursement, qui reste inchangé, ainsi que sur la durée du crédit, étant précisé que le prêt peut être allongé pour une durée limite de cinq ans, et qu'il est encore expliqué comment l'emprunteur peut, tous les trois ans, lors de la révision du taux, choisir d'opter pour une monnaie de compte en euros, soit avec un taux fixe en euro, soit avec un taux variable en euro.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen relevé d'office

18. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

19. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

20. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

21. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la CJUE a dit pour droit que :

 - l'article 4, § 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;

 - l'article 3, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du-dit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

22. Pour dire que la clause de monnaie de compte ne présente pas un caractère abusif, l'arrêt retient que cette clause, libellée en devise étrangère, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs dès lors, d'une part, que les variations du taux de change ont pour conséquence soit d'allonger soit de réduire la durée du crédit, de sorte que cette clause n'est pas stipulée à leur seul détriment, les variations étant subies réciproquement par les deux parties, d'autre part, que, si les emprunteurs ne veulent plus être soumis aux variations du taux de change, ils peuvent demander, tous les trois ans, la conversion de leur prêt en euros.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. et Mme [S] au titre du manquement de la banque et de son mandataire au devoir d'information ainsi que leur demande d'indemnisation au titre du préjudice moral et en ce qu'il dit que la clause de monnaie de compte ne présente pas le caractère d'une clause abusive, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : MM. Lavigne et Chaumont - Avocat(s) : Me Goldman ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17.996, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 20 avril 2022, n° 20-23.617, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Crédit immobilier – Défaillance de l'emprunteur – Sanctions – Indemnités dues au prêteur ou à la caution – Limitation légale – Effets – Capitalisation des intérêts – Possibilité (non)

L'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Une telle interdiction concerne tant l'action du prêteur contre l'emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2020), suivant offre acceptée le 14 août 2000, la Société générale (la banque) a consenti à M. [I] un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société Crédit logement.

2. Suivant offres acceptées le 8 juin 2007, la banque a consenti à la société civile immobilière SRG [K] (la SCI) trois prêts garantis par le cautionnement de la société Crédit logement, de M. [I] et de Mme [W].

3. A la suite d'échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts, avant d'être désintéressée par la société Crédit logement, qui a assigné les emprunteurs et ses cofidéjusseurs en paiement.

Examen des moyens

Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. M. [I] fait grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 22 avril 2016 au titre du prêt immobilier qu'il a contracté, alors « que la règle selon laquelle aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 311-29 à L. 311-31 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause, ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil ; que cette interdiction s'applique aussi bien à l'action du prêteur contre l'emprunteur, qu'à celle de la caution qui exerce un recours contre l'emprunteur ; qu'en jugeant au contraire, pour ordonner la capitalisation des intérêts au titre du prêt personnel de M. [I] à compter du 22 avril 2016, qu'il ne s'agit pas d'intérêts de retard dus par l'emprunteur au prêteur mais d'intérêts moratoires dus au cofidéjusseur qui a payé, la cour d'appel a violé l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. La règle édictée par le premier de ces textes, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par le second texte susvisé.

7. Cette interdiction concerne tant l'action du prêteur contre l'emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution.

8. L'arrêt ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 22 avril 2016 au titre du prêt immobilier.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts au titre du prêt immobilier souscrit le 14 août 2000 par M. [I], l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de capitalisation des intérêts formée par la société Crédit logement au titre du prêt immobilier souscrit le 14 août 2000 par M. [I].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1re Civ., 20 avril 2022, n° 20-19.043, (B), FRH

Cassation

Paiement – Action – Prescription – Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs – Consommateur – Définition – Personne physique ayant souscrit un prêt destiné à financer l'acquisition de parts sociales – Possibilité

La personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l'acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 juin 2020), suivant acte notarié du 7 mars 2007, la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre (la banque) a consenti à M. et Mme [I] (les emprunteurs) un prêt destiné à acquérir des parts sociales.

2. La banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires des emprunteurs aux fins de recouvrement des sommes dues au titre du prêt.

3. Invoquant la prescription de la créance de la banque, les emprunteurs ont agi en annulation du procès-verbal de saisie-attribution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de constater l'absence de prescription et de valider la saisie-attribution, alors « que la circonstance qu'un prêt soit destiné à financer l'acquisition de parts sociales n'exclut pas, par lui-même et dans tous les cas, que l'emprunteur soit qualifié de consommateur ; qu'en affirmant, d'une manière générale et absolue, que l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation n'était pas applicable au prêt litigieux dès lors que cette opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui excluait que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La banque conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

6. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :

7. Selon ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

8. La personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l'acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.

9. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt retient que l'opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui exclut que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs.

10. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur des emprunteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation.

1re Civ., 20 avril 2022, n° 20-22.866, (B), FS

Rejet

Prescription – Prescription biennale – Domaine d'application – Caution – Garantie d'un prêt – Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er octobre 2020), par acte sous seing privé du 22 novembre 2007, la société Crédit immobilier de France Centre Ouest, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [L] (les emprunteurs) un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société CNP caution (la caution).

2. La banque a assigné les emprunteurs et la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement formée contre la caution et d'ordonner à ses frais la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, alors « qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur, la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du code de la consommation ne peut être opposée au créancier par la caution ; que la prescription libératoire extinctive à l'égard du débiteur n'éteint pas le droit du créancier, mais lui interdit seulement d'exercer son action contre le débiteur ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la banque à l'encontre de la caution, que les emprunteurs s'étant prévalus de la prescription biennale, la dette était éteinte et que cette extinction profitait à la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation, ensemble l'article 2313 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

5. Selon l'article 2253 du code civil, les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l'opposer ou l'invoquer lors même que le débiteur y renonce.

6. Il résulte de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais ne peut lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

7. Il a été jugé qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution (1re Civ. 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.147, publié).

8. Une telle solution exposait le débiteur principal au recours personnel de la caution, le privant ainsi du bénéfice de la prescription biennale attachée à sa qualité de consommateur contractant avec un professionnel fournisseur de biens ou de services, outre qu'elle conduirait à traiter plus sévèrement les cautions ayant souscrit leur engagement avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, laquelle permet en principe à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur.

9. Il y a donc lieu de modifier la jurisprudence et de décider désormais que, si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir, conformément aux dispositions précitées du code civil.

10. La cour d'appel, qui a constaté l'acquisition du délai biennal de prescription de l'action en paiement formée par la banque contre les emprunteurs, a relevé que la caution s'en prévalait pour s'opposer à la demande en paiement formée contre elle.

11. Il en résulte que la demande en paiement formée par la banque contre la caution ne pouvait qu'être rejetée.

12. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 218-2 du code de la consommation ; articles 2253 et 2313, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, du code civil.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : 1re Civ., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.147, Bull., (rejet).

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