Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Com., 6 avril 2022, n° 17-28.116, (B), FRH

Rejet

Marques – Perte du droit sur la marque – Action en annulation – Exercice par le titulaire d'un droit antérieur – Limite – Preuve – Nécessité

La forclusion, prévue à l'article L. 714-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, sanctionnant la tolérance, par le titulaire d'une marque première, de l'usage de la marque seconde, en connaissance de cause, suppose que soit rapportée la preuve de l'usage de celle-ci après son enregistrement. Est donc approuvé l'arrêt qui écarte la forclusion par tolérance du seul fait d'un enregistrement de la marque seconde, en l'absence de preuve d'un usage de cette marque.

Marques – Eléments constitutifs – Exclusion – Signe portant atteinte à des droits antérieurs – Droits antérieurs – Applications diverses – Appellation « France »

L'énumération des droits antérieurs opposables à l'enregistrement d'une marque, visés par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, n'est pas exhaustive, la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont il assure la transposition, prévoyant qu'un État membre peut interdire l'enregistrement ou l'usage d'une marque en vertu d'un droit antérieur, « notamment » d'un droit au nom, d'un droit à l'image, d'un droit d'auteur, d'un droit de propriété industrielle.

Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il serait fait application du texte susvisé.

2. En vertu de ce texte, à peine de déchéance, le demandeur doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Aucun grief n'étant formulé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2017), la société, de droit américain, France.com Inc. (la société France.com) est titulaire du nom de domaine « france.com » enregistré aux Etats-Unis le 10 février 1994.

5. La société, de droit néerlandais, Traveland Resorts a déposé, le 2 juillet 2009, les cinq marques françaises suivantes, pour désigner divers produits et services des classes 16, 25, 35, 36, 38, 39, 41, 42 et 43 :

 - la marque « france.com » n° 3661596,

 - les marques semi-figuratives déposées en couleurs « france.com » n° 3661598 et 3661603,

 - les marques semi-figuratives « france.com » n° 3661600 et 3661602.

6. Cette société était également titulaire de quatre enregistrements, du 22 juin 2010, de marques communautaires (marques de l'Union européenne) n° 08791857, 08791873, 08791899 et 08791923, revendiquant la priorité des enregistrements français correspondants, pour désigner divers produits et services dans les mêmes classes.

7. Par acte du 19 mai 2014, la société France.com l'a assignée pour obtenir, sur le fondement d'un dépôt frauduleux, le transfert des marques à son profit ainsi que l'indemnisation de son préjudice.

8. Le 14 avril 2015, l'Etat français est intervenu volontairement à l'instance pour faire constater, notamment, l'atteinte à ses droits sur le nom de son territoire par les marques et le nom de domaine « france.com » et obtenir leur transfert à son profit ou, subsidiairement pour le nom de domaine, une interdiction de le licencier.

Le groupement d'intérêt économique Atout France est également intervenu pour former une demande en concurrence déloyale.

9. Par l'effet d'une transaction, la cession des marques au profit de la société France.com est intervenue à l'automne 2014 et a été enregistrée le 18 mai 2015 à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (l'OHMI), en ce qui concerne les marques communautaires, et le 3 juillet 2015 sur le registre national des marques, en ce qui concerne les marques françaises. Puis, le 19 juin 2015, la société France.com s'est désistée de l'instance et de son action, ce qui a été accepté le jour même par la société Traveland Resorts.

10. Le 3 septembre 2015, l'Etat français a formé des demandes additionnelles afin de voir annuler les cinq enregistrements des marques françaises cédées à la société France.com et qu'il soit ordonné à celle-ci de renoncer volontairement auprès de l'OHMI aux quatre enregistrements des marques communautaires.

11. Le désistement d'instance et d'action de la société France.com contre la société Traveland Resorts a été constaté par une ordonnance du juge de la mise en état du 2 octobre 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés

12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

13. La société France.com fait grief à l'arrêt d'annuler les marques françaises « France.com » déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts, alors :

« 1°/ qu'il appartient à celui qui prétend avoir été dans l'impossibilité d'agir pendant le délai légalement fixé d'alléguer et de prouver les circonstances qui ont constitué un obstacle à l'exercice de son action ; qu'il appartient donc au demandeur à une action en nullité de marque, intentée plus de cinq ans après l'enregistrement de la marque, d'alléguer et de prouver qu'il n'a pas eu connaissance de l'usage de la marque pendant ce délai ; qu'en reprochant pourtant à la société France.com, défendeur à l'action en nullité de marque et qui invoquait la forclusion de l'action, de ne pas démontrer ni même alléguer que l'Etat français, demandeur à l'action en nullité, avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

2°/ que le juge du fond doit rechercher la date à laquelle le demandeur à l'action en nullité de marque a acquis la connaissance de l'usage du signe litigieux ; qu'en se bornant à constater que la société France.com ne démontrait pas ni même n'alléguait que l'Etat français aurait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, après avoir pourtant constaté que l'Etat français avait agi pour obtenir le transfert à son profit de ces signes dès le 14 avril 2015, et sans s'expliquer plus précisément sur la date à laquelle l'Etat français avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

14. Celui qui oppose la forclusion par tolérance à une action en nullité de sa marque doit en démontrer l'usage honnête et continu depuis plus de cinq ans, ce qui ne saurait se déduire de son seul enregistrement, ainsi que la connaissance qu'en avait le titulaire du droit antérieur, qui lui est opposé.

15. En l'état des conclusions de la société France.com qui, sans même alléguer un usage public des marques litigieuses, se bornait à opposer à l'Etat français la forclusion par tolérance de son action en nullité des marques françaises au motif qu'à supposer même que l'Etat puisse se prévaloir d'un droit antérieur sur le mot « France », il ne pouvait en invoquer le bénéfice plus de cinq ans après l'enregistrement des marques « France.com », c'est sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de s'en expliquer davantage, que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que l'Etat français avait connaissance de l'usage, par la société Traveland Resorts, des signes litigieux avant leur cession.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

17. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que selon la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, les conflits entre une marque et des droits antérieurs doivent être énumérés de façon exhaustive ; qu'aucune disposition de la loi française ne prévoyant un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays, l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive, ne permet donc pas, en l'absence de prévision textuelle expresse, à l'Etat français de se prévaloir d'un droit antérieur portant sur l'appellation « France » ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur le fait que l'énumération visée par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas exhaustive, la cour d'appel a violé ce texte ;

4°/ que le « droit au nom » ne constitue un droit antérieur que s'il est expressément protégé par la législation nationale ; que si la législation française protège explicitement la « dénomination ou raison sociale » ou le « nom commercial ou enseigne » des sociétés, le « nom patronymique » des personnes physiques, ou le « nom » des collectivités territoriales, aucune disposition spécifique ne prévoit un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays ; qu'en jugeant pourtant que l'appellation « France » devait être assimilée, pour l'Etat français, au nom patronymique d'une personne physique et bénéficier de ce fait de la même protection, la cour d'appel a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour annuler les marques de la société France.com, qu'elles créaient un risque de confusion dans l'esprit du public qui identifierait les produits et services désignés comme émanant de l'Etat français ou d'un de ses services officiels, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension ".com » était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions ".gouv.fr » étant susceptibles d'être associées à un service de l'Etat français, ce qui excluait tout risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. Après avoir exactement retenu que l'énumération des droits antérieurs visés par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, n'est pas exhaustive et que l'appellation « France » constitue pour l'Etat français un élément d'identité, en ce que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, pour laquelle il est en droit de revendiquer un droit antérieur au sens de cet article, l'arrêt retient que le suffixe «.com », correspondant à une extension internet de nom de domaine, n'est pas de nature à modifier la perception du signe, de sorte que le public identifiera les produits et services désignés à l'enregistrement des marques comme émanant de l'État français ou à tout le moins d'un service officiel bénéficiant de sa caution. Il en déduit qu'il existe un risque de confusion, lequel, dans les marques complexes, est renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France.

En cet état, la cour d'appel, qui a implicitement répondu, en l'écartant, au moyen invoqué par la cinquième branche, a retenu à juste titre l'atteinte portée au droit antérieur de l'Etat français.

19. La question préjudicielle invoquée par la société France.com relative à l'‘interprétation de la directive 2008/95 /CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques sur le caractère exhaustif ou non des droits antérieurs porte sur une disposition du droit de l'Union dépourvue de toute ambiguïté, dès lors que ce texte prévoit qu'un Etat membre peut interdire l'enregistrement ou l'usage d'une marque en vertu d'un droit antérieur et « notamment : i) d'un droit au nom, ii) d'un droit à l'image, iii) d'un droit d'auteur, iv) d'un droit de propriété industrielle ». Il s'agit, par conséquent, d'un acte clair ne nécessitant pas d'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne.

En outre, la question de savoir si un Etat peut opposer, au titre d'une antériorité, l'appellation du pays en l'absence de toute disposition nationale expresse, quand le droit au nom ou le droit de la personnalité sont visés à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, relève de l'interprétation du seul droit interne.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

21. La société France.com fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement lui ayant ordonné de transférer à l'Etat français, sous astreinte, le nom de domaine « france.com », alors « que le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en se bornant, pour ordonner le transfert du nom de domaine « france.com » à l'Etat français, à énoncer par motifs propres que ce nom de domaine portait atteinte à l'appellation « France » constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans préciser plus avant sur quel texte ou principe elle se fondait pour consacrer un tel droit et ordonner le transfert à l'Etat du bien d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement de la décision adoptée, a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

22. Ayant retenu, par motif propres et adoptés, que le nom de domaine « france.com » utilisé par la société France.com heurtait les droits de l'Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté et portait atteinte à l'appellation « France », qui constitue un élément de son identité, la cour d'appel a statué sur le fondement de l'article 9 du code civil, tel qu'invoqué par l'Etat français.

23. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

24. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi ; qu'aucun texte ou principe ne permet à un juge, sur le fondement du droit de l'Etat sur l'appellation du pays, d'ordonner le transfert forcé à l'Etat d'un nom de domaine régulièrement enregistré par un tiers ; qu'en ordonnant pourtant un tel transfert, dans des conditions non prévues par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique ; qu'en jugeant pourtant qu'il était indifférent que l'Etat français n'ait pas besoin du nom de domaine « france.com », et donc en ordonnant le transfert forcé d'un bien à l'Etat sans utilité publique démontrée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

7°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en ordonnant pourtant le transfert du nom de domaine « france.com » à l'Etat français, ce qui privait la société France.com de son outil de travail, sans mettre à la charge de l'Etat la moindre indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

8°/ que le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; que la cour d'appel a incriminé, par motifs adoptés, la possibilité de créer des adresses courriel associées au nom de domaine, ce qui était vanté par le mandataire chargé de la vente du site « www.france.com » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants à justifier le transfert du nom de domaine de la société France.com à l'Etat français, faute de donner une base légale suffisante à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

 -.Sur la question préjudicielle :

25. La question préjudicielle formulée par la société France.com, en ce qu'elle porte uniquement sur l'interprétation de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au regard de la décision de la cour d'appel d'ordonner le transfert d'un nom de domaine au profit d'un tiers ne porte pas sur un droit de propriété intellectuelle ni sur aucun autre droit identifié par la société France.com qui relèverait du champ d'application du droit de l'Union, mais sur une réglementation nationale. Elle ne relève donc pas de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, dès lors, la Cour de justice de l'Union européenne serait manifestement incompétente pour y répondre.

 -.Sur le moyen :

26. En premier lieu, les garanties de l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) ne trouvent à s'appliquer qu'en cas d'ingérence de l'Etat dans le droit d'un individu au respect de ses biens, ce qui implique de caractériser l'existence d'un « bien » au sens autonome de la Convention.

27. Si le titulaire d'un nom de domaine peut se prévaloir d'un « intérêt patrimonial » susceptible de relever de la protection conventionnelle (Paeffgen GmbH c. Allemagne (déc.), n° 25379/04, 21688/05, 21722/05 et 21770/05, 18 septembre 2007), c'est à la condition que les prérogatives, dont il entend se prévaloir à ce titre, soient suffisamment reconnues et protégées par le droit interne applicable (Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC], n° 73049/01, §§ 66-78, 11 janvier 2007), l'interprétation et l'application à donner à ce droit ne devant pas être l'objet d'un différend ([S] c. Slovaquie [GC], § 50, n° 44912/98, 28 septembre 2004).

28. Si l'usage d'un nom de domaine peut être cédé ou faire l'objet d'une protection en droit interne, c'est à la condition qu'il ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

29. Or, il ressort des productions et de la procédure que la société France.com a cessé d'exploiter son site internet dédié au tourisme en France, qui était accessible à l'adresse « www.france.com », avant de mettre en vente le seul nom de domaine « france.com ».

Par motifs adoptés, l'arrêt relève que la possibilité de créer des adresses mails associées à ce nom de domaine conférait à son titulaire un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, était utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vantait l'apparente confiance et crédibilité de cette adresse comme pouvant être attribuée à un service de l'Etat français ou à un tiers autorisé, puis retient que le nom de domaine heurte le droit de l'Etat français sur son nom.

30. Au regard de ces circonstances, qui font ressortir le caractère illicite de la mise en vente du nom de domaine « france.com », dont l'exploitation avait cessé, la société France.com ne peut se prévaloir d'un bien protégé au sens de l'article 1 du Protocole n° 1.

31. En second lieu, hors toute question prioritaire de constitutionnalité, et l'enregistrement d'un nom de domaine ne conférant pas à son titulaire un droit de propriété, au sens des articles 544 et 545 du code civil, la société France.com ne peut pas se prévaloir d'une atteinte à un tel droit.

32. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue le 24 novembre 2016, entre les parties, par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bessaud - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article L. 714-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ; article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article 1 du Premier Protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de la forclusion sanctionnant la tolérance par le titulaire de la marque première de l'usage de la marque seconde, à rapprocher : Com., 16 février 2010, pourvoi n° 09-12.262, Bull. 2010, IV, n° 40 (cassation partielle).

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