Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 13 avril 2022, n° 20-23.165, (B), FRH

Rejet

Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur – Action en licitation-partage d'un immeuble – Recevabilité – Conditions – Totalité des créances nées avant le 8 août 2015

L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.

C'est, dès lors, exactement qu'une cour d'appel déclare irrecevable l'action en licitation-partage d'un tel immeuble formée par un liquidateur qui soutient que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 20 novembre 2020), M. [I] et Mme [H] sont propriétaires indivis d'un bien immobilier qui constitue leur résidence principale.

Par un jugement du 10 août 2016, M. [I], exerçant la profession de peintre, a été mis en liquidation judiciaire, la société Franklin Bach étant désignée liquidateur.

2. Mme [H] s'opposant à la vente de l'immeuble, le liquidateur l'a assignée devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l'indivision et de vente aux enchères publiques de l'immeuble. Mme [H] lui a opposé l'insaisissabilité de plein droit des droits du débiteur sur sa résidence principale prévue par l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Franklin Bach, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en partage et licitation de l'immeuble indivis, alors « que l'article 206, IV, de la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 ne fait produire effet à l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi ; que pour déclarer irrecevable l'action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier, sis à Saint-Paul, propriété indivise de M. [I] et de Mme [H] l'arrêt attaqué retient que "[N] [I] a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 10 août 2016 du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, de sorte que les dispositions de l'article L. 526 alinéa 1 du code de commerce, issues de la loi du 6 août 2015, sont applicables à la procédure collective le concernant » et qu'il « n'est donc pas opérant d'invoquer l'applicabilité des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait du tableau des créances produit par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de publication de la loi du 6 août 2015, et que le premier alinéa de l'article L. 526-1, dans sa rédaction résultant de l'article 206 de ladite loi, n'avait pas d'effet à l'égard des créanciers dont les droits étaient nés avant sa publication, la cour d'appel a violé l'article L. 526-1, par fausse application, ensemble l'article 206, IV, de la loi du 6 août 2015, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

4. L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.

5. Dès lors qu'il est soutenu par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l'arrêt retient exactement qu'il n'est pas opérant de la part du liquidateur, en l'espèce, d'invoquer l'opposabilité de l'insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l'action est irrecevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 626-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015.

Com., 13 avril 2022, n° 20-22.389, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Annulation d'une opération contractée après la date de cessation des paiements – Compensation en vertu de l'existence d'un lien de connexité – Possibilité (non)

Il résulte de la combinaison des articles L. 632, I, et L. 626-25 du code de commerce que les sommes recouvrées au titre de la restitution par le créancier des sommes qu'il a reçues au titre d'opérations annulées à la demande du commissaire à l'exécution du plan agissant dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer l'actif du débiteur, entrent dans le patrimoine de ce dernier et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Toute compensation en vertu de l'existence d'un lien de connexité est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l'annulation d'une opération contractée après la date de cessation des paiements et une créance admise au passif du débiteur.

Doit donc être censurée la cour d'appel qui ordonne la compensation entre, d'un côté, les condamnations prononcées par un jugement contre une société au titre de l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance consenties par le débiteur pendant la période suspecte, et, de l'autre, la créance de la même société déclarée au titre de livraisons effectuées au profit de ce débiteur et admise au passif, en retenant que ces créances sont connexes.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 septembre 2020), le 26 février 2014, l'EARL Tourneret a consenti à la société coopérative agricole Interval (la société Interval) un warrant agricole et une cession de créance.

2. L'EARL Tourneret, mise en redressement judiciaire le 12 août 2014, a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par un jugement du 8 mars 2016.

3. La société AJRS, désignée en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan, ayant assigné la société Interval en nullité du warrant agricole et de la cession de créance, au motif qu'ils avaient été consentis après la cessation des paiements de l'EARL Tourneret, un jugement du 5 mars 2019 a fait droit à cette demande et condamné la société Interval au paiement des sommes de 82 322 et 40 000 euros.

4. En exécution de ce jugement, le commissaire à l'exécution du plan a fait signifier à la société Interval un commandement aux fins de saisie-vente le 3 juin 2019.

La société Interval l'a contesté devant le juge de l'exécution en demandant la compensation entre les condamnations prononcées et sa créance connexe, admise au passif de la procédure collective pour la somme de 249 901,50 euros.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le commissaire à l'exécution du plan fait grief à l'arrêt de constater la connexité des créances et d'admettre leur compensation, alors « que pour être connexes, les créances doivent dériver d'un même contrat ou d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la créance de la coopérative agricole Interval provenait de la livraison de semences, intrants et engrais tandis que celle de l'EARL Tourneret résultait du jugement du 5 mars 2019 et constituait donc, ainsi que le faisait valoir l'exposante, une créance indemnitaire née d'une action en nullité de la période suspecte et non pas une créance contractuelle, nonobstant la circonstance que cette créance indemnitaire avait pour origine l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance, qui ne pouvait suffire à caractériser la connexité exigée par la loi ; qu'en retenant néanmoins que la créance issue du jugement de condamnation était tout aussi indissociable de la relation d'affaire des deux parties que celle détenue par la coopérative agricole Interval pour la seule raison qu'elle résultait de l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1347 du code civil, L. 622-7, L. 631-14, alinéa 1, L. 632, I et L. 626-25 du code de commerce :

7. Il résulte de la combinaison du quatrième et du cinquième de ces textes que les sommes recouvrées au titre de la restitution par le créancier des sommes qu'il a reçues au titre d'opérations annulées à la demande du commissaire à l'exécution du plan agissant dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer l'actif du débiteur, entrent dans le patrimoine de ce dernier et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Toute compensation en vertu de l'existence d'un lien de connexité est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l'annulation d'une opération contractée après la date de cessation des paiements et une créance admise au passif du débiteur.

8. Pour dire que les condamnations prononcées par le jugement du 5 mars 2019 contre la société Interval au titre de l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance se compenseront avec la créance de cette coopérative au titre de ses livraisons, l'arrêt retient que la connexité entre les créances à compenser résulte de ce qu'elles procèdent, l'une comme l'autre, des liens d'affaires étroits qui unissaient les parties dans le cadre d'un ensemble contractuel prévoyant que l'EARL Tourneret écoulait sa production auprès de la seule coopérative qui, inversement lui fournissait les marchandises nécessaires à cette production, un compte-courant accueillant les flux réciproques générés par ces opérations.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence du juge de l'exécution et la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens soulevées par la société AJRS, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de l'EARL Tourneret, l'arrêt rendu le 8 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de compensation et de mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 3 juin 2019 formées par la société coopérative agricole Interval.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 632, I et L. 626-25 du code de commerce.

Com., 13 avril 2022, n° 21-12.994, (B), FS

Rejet

Responsabilités et sanctions – Faillite et interdictions – Faillite personnelle – Prononcé – Conditions – Comportement antérieur à la cessation des paiements (non)

Le comportement prévu par l'article L. 653-4, 4°, du code de commerce, qui sanctionne par la faillite personnelle le fait pour un dirigeant de poursuivre abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, peut être caractérisé même lorsque la cessation des paiements est déjà survenue.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2021), la société Staff+, dont M. [F] était le dirigeant, a été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2014, la date de cessation des paiements étant fixée au 19 mai 2013 et la société BTSG² désignée liquidateur. Celle-ci a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [F] et l'a assigné en sanction personnelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. M. [F] fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 8 ans, alors « que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; que, pour prononcer à l'encontre de M. [F] une mesure de faillite personnelle, la cour d'appel lui a reproché d'avoir poursuivi, en 2014, une activité déficitaire, dans un intérêt personnel, tout en constatant que la date de cessation des paiements avait été fixée au 19 mai 2013, de sorte que la continuation de l'activité en 2014 ne pouvait pas conduire à la cessation des paiements, celle-ci étant déjà intervenue ; qu'en fondant la mesure critiquée sur une faute dont les conditions légales n'étaient toutes pas réunies, la cour d'appel a violé l'article L. 653-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 653-4, 4°, du code de commerce sanctionne par la faillite personnelle le fait pour un dirigeant de poursuivre abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. Un tel comportement peut être caractérisé même lorsque la cessation des paiements est déjà survenue.

5. Après avoir constaté que l'exploitation de la société Staff+ était gravement déficitaire au 31 décembre 2013 et que le principal client de la société, représentant 91 % du chiffre d'affaires, avait dans le même temps été perdu, l'arrêt constate que M. [F] a néanmoins poursuivi l'activité de la société, abusivement pour s'être abstenu de s'acquitter des charges sociales et fiscales, en 2014, et dans un intérêt personnel, la poursuite de l'activité dans ces conditions lui ayant permis de faire profiter une société tierce, dont il était l'associé unique et le gérant, de la clientèle de la société Staff+.

6. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que M. [F] avait, courant 2014, commis le fait prévu par l'article L. 653-4, 4°, du code de commerce, justifiant le prononcé de sa faillite personnelle, peu important que la date de cessation des paiements ait été fixée au 19 mai 2013.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 653-4, 4°, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité, en matière de faillite personnelle, de la prise en compte de faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective : Com., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-12.181, Bull., (cassation partielle).

Com., 13 avril 2022, n° 20-20.137, (B), FRH

Cassation partielle

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Simple négligence dans la gestion de la société – Applications diverses – Rupture brutale des relations commerciales avec un client unique

Prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, la cour d'appel qui, pour condamner un dirigeant sur ce fondement, relève que celui-ci a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique, lequel lui a imposé des investissements lorsque le dirigeant pouvait légitimement croire à une expansion de sa société, avant de rompre brutalement les relations commerciales à sa seule initiative, de tels motifs étant impropres à établir une faute de gestion du dirigeant excédant sa simple négligence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), la société CDV, ayant pour objet le commerce de viande et dont M. [P] était le dirigeant, a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 28 février 2011. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 4 juillet 2011 à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique, M. [E] étant désigné liquidateur. Celui-ci a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

2. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [E], ès qualités, la somme de 300 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, alors :

« 1°/ que la responsabilité du dirigeant de droit ou de fait au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée en cas de simple négligence dans la gestion de la société ; que le manquement de vigilance - à le supposer avéré - ne pouvait tout au plus constituer qu'une négligence insusceptible de caractériser une faute de gestion du dirigeant ; qu'en conséquence, en retenant une faute de gestion à l'encontre de M. [P] pour avoir « manqué de vigilance en engageant la société CDV dans une activité reposant sur un seul client sans trouver de moyen de garantir la pérennité des relations commerciales », la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ qu'un cocontractant est libre de mettre fin aux relations commerciales entretenues avec un partenaire commercial dès lors qu'il respecte un préavis ; que ce dernier n'a donc aucun moyen d'influencer sur la décision de rompre prise par son cocontractant ; que dès lors, en retenant que M. [P] n'a trouvé aucun « moyen de garantir la pérennité des relations commerciales », la cour d'appel a, en toute hypothèse, statué par un motif inopérant et a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

3. Il résulte de ce texte qu'en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif est écartée.

4. Pour condamner M. [P] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt, après avoir constaté que le cocontractant unique de la société CDV avait imposé à cette dernière des investissements destinés à adapter sa capacité de production à ses demandes dans un secteur d'activité et à une période où M. [P] pouvait légitimement croire à l'expansion de sa société, constate que ce cocontractant a brutalement rompu, à sa seule initiative, leurs relations commerciales, et relève que M. [P] a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique sans trouver le moyen de garantir la pérennité des relations commerciales.

5. En statuant par de tels motifs tirés seulement d'un manque de vigilance de M. [P], impropres à établir que celui-ci aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la clôture de la procédure en date du 15 juin 2020, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article L. 651-2 du code de commerce.

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