Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 20 avril 2022, n° 20-12.444, (B), FS

Rejet

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Continuation du contrat de travail – Conditions – Entité économique autonome – Contrat de gestion confié à un prestataire – Résiliation – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 que la résiliation par le propriétaire d'un établissement constituant une entité économique autonome du contrat de gestion confié à un prestataire de services, emportant retour de l'entité au propriétaire, celui-ci est tenu de poursuivre les contrats de travail du personnel attaché à l'entité, dès lors que celle-ci demeure exploitable au jour de sa restitution par le gestionnaire.

Est en conséquence approuvé l'arrêt qui, ayant constaté qu'au terme du marché public de droit privé par lequel elle avait confié à une société la gestion d'un centre de vacances dont elle était propriétaire, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) avait reçu une entité en état d'être exploitée, et qu'il n'était pas démontré que le transfert de la gestion à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) de l'action sanitaire et sociale du régime minier, constituait en lui-même une circonstance caractérisant une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances, en a exactement déduit que les contrats de travail en cours s'étaient poursuivis de plein droit avec la caisse au moment où la société avait quitté les lieux.

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Continuation du contrat de travail – Conditions – Entité économique autonome – Restitution – Exploitation pouvant être poursuivie – Nécessité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 18 décembre 2018, pourvoi n° 17-18.351), la société Belambra clubs (la société) s'est vue confier, dans le cadre d'un marché public de droit privé, la gestion d'un centre de vacances propriété de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la caisse).

2. Celle-ci ayant informé la société que le marché prenait fin au mois de janvier 2014, la société a demandé à la caisse de prendre en charge des contrats de travail attachés au centre de vacances et face à son refus, a saisi un tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société des dommages-intérêts et à la garantir de tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par les salariés de l'ancien centre de vacances minier, alors :

« 1°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité peuvent être repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ; que la non reconduction d'un marché par lequel une caisse de sécurité sociale spécifique avait confié la gestion d'un centre de vacances relevant du régime de sécurité sociale en question, en raison de la perte de sa compétence en la matière au profit d'un autre organisme par voie de décrets pris en application de l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 n'entraîne pas la reprise d'exploitation de cette activité par la caisse ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que le transfert de la gestion à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) de l'action sanitaire et sociale du régime minier, comprenant le transfert des compétences relatives à la politique des vacances, caractérisait une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances par la caisse, motif pris que le transfert des contrats de travail s'appliquait de plein droit quelle que soit la volonté des parties, en l'espèce celle de transférer la gestion de la politique des vacances, cependant que ce transfert ne résultait nullement de la volonté de la caisse mais, comme l'a admis la cour, des décrets 2012-434 du 30 mars 2012 et 2013-260 du 28 mars 2013, ce qui s'opposait en droit à ce que la caisse pût reprendre l'exploitation du centre de vacances, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, et caractérisait l'impossibilité de poursuivre l'exploitation du centre et partant le transfert des contrats de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°/ qu'il incombe à celui qui invoque le bénéfice de l'article L. 1224-1 du code du travail d'établir que les conditions en sont remplies ; qu'en reprochant à la caisse de ne pas démontrer que le transfert de la gestion à l'ANGDM de l'action sanitaire et sociale du régime minier, comprenant le transfert des compétences relatives à la politique des vacances, caractérisait une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances par la Caisse ou que ce transfert s'opposait au caractère exploitable de cette entité autonome, cependant qu'il appartenait à la société qui invoquait le transfert de plein droit des contrats de travail des salariés affectés au centre de démontrer la possibilité de la poursuite de l'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

3°/ que le juge doit respecter l'objet du litige ; que pour dire que la résiliation de la convention de gestion du centre de vacances n'empêchait pas la continuation de son exploitation par la caisse, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas contesté que l'activité en cause avait été ultérieurement reprise par un établissement hôtelier ; qu'en statuant ainsi, quand la caisse contestait précisément, au contraire, que l'activité en cause, c'est-à-dire un centre de vacances organisé par les mines et au bénéfice des personnels miniers, avait été reprise, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent statuer par affirmation péremptoire ; que pour dire que la résiliation de la convention de gestion du centre de vacances n'empêchait pas la continuation de son exploitation par la caisse, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas contesté que l'activité en cause avait été ultérieurement reprise par un établissement hôtelier, lequel avait maintenu, selon les productions de la société, l'activité d'accueil et de logement de vacanciers dans l'établissement, ainsi que les prestations associées ; qu'en statuant ainsi, par simple affirmation péremptoire sans préciser quels éléments de preuve pouvaient fonder son appréciation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en se fondant sur l'exploitation du Centre Latournerie par un établissement hôtelier à partir du mois d'octobre 2015 pour affirmer que la résiliation de la convention d'exploitation entre la caisse et la société n'avait pas empêché la poursuite de l'exploitation dudit centre, sans caractériser le degré de similarité et d'identité entre les deux exploitations successives, autre que la seule exploitation des locaux, de nature à démontrer la possibilité d'un transfert, cependant que l'activité initiale constituait une modalité de la gestion de la politique de vacances du régime minier, qui avait été retirée à la caisse à compter du 1er janvier 2014, ce qui constituait une identité spécifique dont il n'a pas été constaté qu'elle avait été conservée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

6°/ que le juge ne doit pas méconnaître la loi du contrat ; que l'article 4.2 du cahier des clauses particulières valant cahier des clauses administratives et techniques au sens de l'article 13 du code des marchés publics prévoyait que les obligations de gestionnaire consistaient notamment en la gestion du personnel employé sur le site « et toutes les conséquences financières qui y sont attachées : embauches, avancements, promotions, salaires, congés payés, indemnités de toutes sortes, y compris licenciements, etc. (...) » ; qu'il appartenait donc à la société de supporter les conséquences financières des licenciements du personnel employé sur le site ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4.2 susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

7°/ que dans le cadre d'une substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait de convention entre eux, le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail sont repris, des dettes et obligations nées antérieurement à cette substitution ; que le nouvel employeur ne peut donc être condamné à garantir l'ancien employeur des condamnations indemnitaires mises à sa charge au profit des salariés ; qu'à supposer que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail fussent remplies, en condamnant la caisse à garantir la société de « tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par les salariés du centre de vacances », cependant qu'elle ne constatait aucune convention de transfert d'entreprise entre la caisse et la société, dont l'existence n'a d'ailleurs été invoquée par aucune partie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail ;

8°/ que ce n'est qu'à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent que le nouvel employeur est tenu en application de l'article L. 1224-2 du code du travail, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert ; que le premier employeur qui est tenu de rembourser les sommes acquittées par le nouvel employeur dues à la date du transfert, ne peut en conséquence, sur le fondement de ce texte, solliciter la garantie du nouvel employeur au titre des condamnations indemnitaires mises à sa charge au profit des salariés ; qu'en condamnant la caisse à garantir la société de l'ensemble des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-2 du code du travail ;

9°/ que le nouvel employeur n'est pas garant à l'égard de l'ancien employeur des fautes commises par celui-ci avant la rupture du contrat de travail, si bien qu'en condamnant la caisse à garantir la société de tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par vingt-et-un salariés du centre de vacances, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société conteste la recevabilité du moyen en ce qu'il continue de prétendre que le centre de vacances ne constituerait pas une entité économique autonome et que la décision de la caisse de procéder à sa fermeture à l'expiration du mandat ferait obstacle à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, alors que par une doctrine à laquelle la cour d'appel de renvoi s'est conformée, la Cour de cassation a décidé le contraire dans son arrêt du 18 décembre 2018 (pourvoi n° 17-18.351).

5. Cependant devant la cour d'appel de renvoi, la caisse a soutenu, pour la première fois, la thèse selon laquelle le transfert de la gestion de l'action sanitaire et sociale du régime minier à l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) caractériserait une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances, faisant ainsi obstacle à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

6. En outre, l'arrêt de cassation du 18 décembre 2018 (n° 17-18.351) qui a prononcé une cassation pour défaut de base légale, se limite dans son conclusif, à demander à la cour d'appel de renvoi de procéder à une recherche omise.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

8. Selon l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

9. Ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.

Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

10. Il résulte de ces dispositions que la résiliation, par le propriétaire d'un établissement constituant une entité économique autonome, du contrat de gestion confié à un prestataire de services emportant retour de l'entité au propriétaire, celui-ci est tenu de poursuivre les contrats de travail du personnel attaché à l'entité, dès lors que celle-ci demeure exploitable au jour de sa restitution par le gestionnaire.

11. Le premier employeur qui, en conséquence du refus du repreneur de poursuivre les contrats de travail, a procédé au licenciement des salariés attachés à l'activité transféré, dispose d'un recours en garantie contre celui-ci, lorsque ce refus est illicite.

12. La cour d'appel qui a d'abord constaté, d'une part, qu'au terme du marché public de droit privé, le 10 janvier 2014, la caisse avait reçu une entité en état d'être exploitée, et d'autre part, qu'il n'était pas démontré que le transfert de la gestion à l'ANGDM de l'action sanitaire et sociale du régime minier, constituait en lui-même une circonstance caractérisant une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve ni dénaturer les termes du litige et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que les contrats de travail en cours s'étaient poursuivis de plein droit avec la caisse au moment où la société avait quitté les lieux.

13. Ayant ensuite relevé que le cahier des clauses particulières du marché public ne portait que sur l'exécution du contrat de gestion et ne faisait naître aucune obligation pour la société après l'expiration du marché, la cour d'appel en a exactement déduit que le refus fautif de la caisse de reprendre le personnel attaché au centre de vacances, en méconnaissance de l'article L. 1224-1 du code du travail, ouvrait un recours en garantie à la société qui avait été contrainte de procéder au licenciement des salariés en conséquence de ce refus.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1224-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de pouvoir poursuivre l'exploitation comme condition de la continuation des contrats de travail en cas de restitution d'une entité économique autonome, à rapprocher : Soc., 6 novembre 1991, pourvoi n° 90-41.600, Bull. 1991, V, n° 474 (rejet).

Soc., 21 avril 2022, n° 20-17.496, (B), FS

Rejet

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Licenciement – Licenciement autorisé d'un salarié protégé – Cession ultérieure d'une entité économique autonome – Demande tendant à la poursuite du contrat de travail – Principe du transfert des contrats – Mise en cause du cessionnaire – Recevabilité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 mars 2020) et les productions, M. [C] a été engagé le 17 décembre 1993 par la société [Adresse 10], laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 1er juin 2015, avec maintien de l'activité jusqu'au 5 juin 2015, la société MJA, prise en la personne de Mme [U] étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Un accord majoritaire portant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 16 juin 2015 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 18 juin 2015. M. [C] a été licencié pour motif économique le 15 juillet 2015, après autorisation de l'inspecteur du travail.

3. Par ordonnance du 19 août 2015, le juge commissaire a autorisé la reprise de l'activité du site industriel de [Localité 7] par la société [Adresse 8], aux droits de laquelle vient la société Lebronze Alloys (la société).

4. Après avoir vainement demandé sa réembauche auprès de la société Lebronze Alloys, le salarié et le syndicat [Adresse 6] ont saisi la juridiction prud'homale le 12 juin 2017, afin de voir dire le licenciement dépourvu d'effet en vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail et obtenir condamnation de la société Lebronze Alloys au paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif ou, subsidiairement, leur fixation au passif de la société [Adresse 10].

Examen des moyens

Sur la première branche du premier moyen et les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société Lebronze Alloys fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié et le syndicat [Adresse 6] recevables en leurs actions et de la condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le bien fondé du licenciement d'un salarié protégé intervenu en vertu d'une autorisation administrative définitive ne peut être remis en cause devant le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [C], salarié protégé, avait été licencié après autorisation de l'inspecteur du travail ; que la société Lebronze Alloys avait fait valoir, tant en première instance qu'en appel, qu'il ne pouvait donc, sans heurter le principe de séparation des pouvoirs, solliciter des dommages-et-intérêts pour licenciement abusif au prétexte que son contrat de travail aurait dû être transféré à la société Lebronze Alloys, élément dont il avait au demeurant eu connaissance dans le délai de recours contre l'autorisation de licenciement ; qu'en jugeant la demande du salarié recevable et en lui accordant des dommages et intérêts pour rupture abusive, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

7. En l'absence de toute cession d'éléments d'actifs de la société en liquidation judiciaire à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement d'un salarié protégé, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier si la cession ultérieure d'éléments d'actifs autorisée par le juge-commissaire ne constitue pas la cession d'un ensemble d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, emportant de plein droit le transfert des contrats de travail des salariés affectés à cette entité économique autonome, conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, et rendant sans effet le licenciement prononcé, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

8. La cour d'appel, qui a relevé que la contestation ne portait pas sur la régularité de la procédure de licenciement, la recherche d'un repreneur et le bien-fondé de la décision rendue par l'inspecteur du travail devenue définitive, mais, à titre principal, sur le non-respect du principe du transfert des contrats de travail par l'effet de la cession d'une entité économique autonome, intervenue après la notification du licenciement autorisé par l'inspecteur du travail et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité solidaire du cédant et du cessionnaire dans le cadre de la même opération, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La société Lebronze Alloys fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 1235-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cas de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci ; que ce délai est applicable lorsque le salarié conteste la régularité ou la validité de son licenciement pour motif économique intervenu dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif en prétendant que son contrat de travail aurait dû être transféré à un autre employeur sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

10. Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, qui court à compter de la notification du licenciement, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telles les contestations fondées sur l'article L. 1233-58 II, alinéa 5, du code du travail.

11. Ce délai n'est pas applicable aux actions, relevant de la compétence du juge judiciaire, exercées par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de nature à priver d'effet les licenciements économiques prononcés à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome, lesquelles sont soumises à la prescription biennale prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

12. Ayant constaté que les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale d'une action fondée sur l'article L. 1224-1 du code du travail, étrangère à toute contestation afférente à la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et non susceptible d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Didier et Pinet ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 1224-1 du code du travail ; principe de séparation des pouvoirs.

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