Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

CAUTIONNEMENT

1re Civ., 20 avril 2022, n° 20-22.866, (B), FS

Rejet

Caution – Action des créanciers contre elle – Opposabilité des exceptions – Conditions – Exception appartenant au débiteur principal – Définition – Exception inhérente à la dette – Cas – Prescription en raison de la qualité de consommateur du débiteur principal

Si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir, conformément aux articles 2253 et 2313 du code civil, ce dernier texte pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er octobre 2020), par acte sous seing privé du 22 novembre 2007, la société Crédit immobilier de France Centre Ouest, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [L] (les emprunteurs) un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société CNP caution (la caution).

2. La banque a assigné les emprunteurs et la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement formée contre la caution et d'ordonner à ses frais la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, alors « qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur, la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du code de la consommation ne peut être opposée au créancier par la caution ; que la prescription libératoire extinctive à l'égard du débiteur n'éteint pas le droit du créancier, mais lui interdit seulement d'exercer son action contre le débiteur ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la banque à l'encontre de la caution, que les emprunteurs s'étant prévalus de la prescription biennale, la dette était éteinte et que cette extinction profitait à la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation, ensemble l'article 2313 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

5. Selon l'article 2253 du code civil, les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l'opposer ou l'invoquer lors même que le débiteur y renonce.

6. Il résulte de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais ne peut lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

7. Il a été jugé qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution (1re Civ. 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.147, publié).

8. Une telle solution exposait le débiteur principal au recours personnel de la caution, le privant ainsi du bénéfice de la prescription biennale attachée à sa qualité de consommateur contractant avec un professionnel fournisseur de biens ou de services, outre qu'elle conduirait à traiter plus sévèrement les cautions ayant souscrit leur engagement avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, laquelle permet en principe à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur.

9. Il y a donc lieu de modifier la jurisprudence et de décider désormais que, si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir, conformément aux dispositions précitées du code civil.

10. La cour d'appel, qui a constaté l'acquisition du délai biennal de prescription de l'action en paiement formée par la banque contre les emprunteurs, a relevé que la caution s'en prévalait pour s'opposer à la demande en paiement formée contre elle.

11. Il en résulte que la demande en paiement formée par la banque contre la caution ne pouvait qu'être rejetée.

12. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 218-2 du code de la consommation ; articles 2253 et 2313, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, du code civil.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : 1re Civ., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.147, Bull., (rejet).

Com., 21 avril 2022, n° 20-23.300, (B), FRH

Rejet

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Ajout des mots « des commissions, frais et accessoires » – Validité

Après avoir relevé que la mention manuscrite apposée sur l'acte de cautionnement par celui qui s'est rendu caution, comportait des termes non prescrits par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, en ce qu'étaient ajoutés, entre le mot « intérêts » et le mot « et », les mots « des commissions, frais et accessoires », c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que cet ajout n'était pas de nature à modifier le sens ou la portée de son engagement, mais conduisait seulement à préciser la nature des sommes couvertes par le cautionnement, sans en modifier la limite, fixée à un certain montant.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Art héritage France du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), par une convention du 30 novembre 2011, la société Art héritage France (la société) a ouvert un compte courant dans les livres de la société Banque palatine (la banque), qui lui a consenti une facilité de caisse d'un montant de 500 000 euros, ramené à 400 000 euros à compter du 31 janvier 2015.

3. Par un acte du 18 janvier 2012, M. [D], dirigeant de la société, s'est rendu caution solidaire de cette dernière au profit de la banque.

4. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la nullité de son engagement pour non-respect des prescriptions légales relatives à la mention manuscrite.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [D] fait grief à l'arrêt de le condamner, en sa qualité de caution, à verser à la banque la somme de 377 545,70 euros et de rejeter toutes ses demandes, alors « que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X, dans la limite de..., couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X n'y satisfait pas lui-même » ; que la cour d'appel a constaté que l'engagement souscrit par M. [D] comportait des termes non prévus par les prescriptions légales en ce qu'étaient ajoutés les mots « des commissions, frais et accessoires » ; que ces ajouts modifiaient le sens et la portée de la mention ; qu'en énonçant, pour débouter néanmoins M. [D] de sa demande de nullité de l'engagement de caution, qu'il était président et associé de la société Art héritage France, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir relevé que la mention manuscrite apposée par M. [D] sur l'acte de cautionnement, avant sa signature, comporte des termes non prescrits par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, en ce que sont ajoutés, entre le mot « intérêts » et le mot « et », les mots « des commissions, frais et accessoires », l'arrêt retient que cet ajout n'est pas de nature à modifier le sens ou la portée de son engagement, mais conduit seulement à préciser la nature des sommes couvertes par le cautionnement, sans en modifier la limite, fixée à un certain montant.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, à bon droit, statué comme elle l'a fait.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de nullité d'un engagement de caution en présence d'une erreur matérielle, à rapprocher : Com., 5 avril 2011, pourvoi n° 09-14.358, Bull. 2011, IV, n° 55 (rejet).

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