Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

APPEL CIVIL

2e Civ., 14 avril 2022, n° 20-22.362, (B), FS

Cassation

Appel incident – Appel incident formé à l'encontre d'un co-intimé – Délai – Détermination

Il résulte de l'article 910 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'est recevable, dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident, l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé, en réponse à l'appel incident de ce dernier, qui modifie l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier.

Viole ces textes la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'appel incident d'un intimé, retient qu'il disposait, en qualité d'intimé à un appel principal limité, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, tant pour remettre ses conclusions au greffe que pour former appel incident, à l'encontre de la partie co-intimée, des dispositions du jugement le condamnant au profit du co-intimé, les dispositions de l'article 910 du code de procédure civile permettant uniquement à l'intimé de répondre, dans les trois mois des conclusions du co-intimé, à la demande de celui-ci tendant à l'augmentation du quantum de la condamnation prononcée à son encontre, la lecture des articles 909 et 910 du code de procédure civile devant se faire au regard des dispositions de l'article 910-4 du même code qui imposent aux parties de présenter, dans leurs conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions.

Appel incident – Appel incident tendant à l'infirmation d'une disposition non critiquée par l'appel principal – Recevabilité – Effet dévolutif de l'appel – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2020), M. [X] a relevé appel, le 28 mars 2019, d'un jugement rendu par un tribunal de commerce en intimant les parties de première instance et en limitant son appel aux chefs du jugement lui faisant grief.

2. L'appelant ayant conclu le 27 mai 2019, la société La Médicale de France, devenue la société La Médicale (l'assureur), a conclu le 26 août 2019 en s'en rapportant à justice sur le mérite de l'appel principal et en se réservant de former un appel incident au cas où les intimés critiqueraient les chefs du jugement la concernant.

3. Le 27 août 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la banque), formant appel incident, a sollicité la réformation du jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer une certaine somme, en demandant une augmentation du montant de la condamnation.

4. Par conclusions du 25 novembre 2019, l'assureur a formé un appel incident à fin de voir réformer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter la banque de toutes ses demandes à son encontre.

5. La banque a soulevé l'irrecevabilité de l'appel incident de l'assureur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel incident formé par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 novembre 2019, alors « que l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe ; qu'est recevable, l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé, en réponse à l'appel incident de ce dernier, tendant à aggraver sa situation, dans le délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite ; qu'en décidant néanmoins, pour dire que la société La Médicale n'était pas recevable en son appel incident, qu'elle avait uniquement la possibilité de répondre, comme elle l'a fait dans ses conclusions du 25 novembre « 2020 » [lire « 2019 »] régulièrement déposées dans les trois mois des conclusions d'appel incident de la Caisse d'épargne, à la demande de condamnation excédant celle prononcée par le tribunal, la cour d'appel a violé les articles 909 et 910 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 910 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Il résulte du premier de ces textes, interprété à la lumière du second, qu'est recevable dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé en réponse à l'appel incident de ce dernier qui modifie l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier.

8. Pour déclarer irrecevable l'appel incident de l'assureur formé par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 novembre 2019, l'arrêt retient que l'assureur disposait, en sa qualité d'intimé à l'appel principal de M. [X], d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, tant pour remettre ses conclusions au greffe que pour relever appel incident à l'encontre de la banque également intimée, des dispositions du jugement l'ayant condamné à payer à cette dernière la somme de 229 827,15 euros, les dispositions de l'article 910 du code de procédure civile permettant uniquement à l'assureur de répondre, dans les trois mois des conclusions de la banque, comme il l'a fait dans ses conclusions du 25 novembre 2019, à la demande de condamnation de la banque excédant celle prononcée par le tribunal, la lecture des dispositions des articles 909 et 910 du code de procédure civile se faisant au regard des dispositions de l'article 910-4 du même code qui imposent aux parties de présenter dans leurs conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 910 du code de procédure civile ; article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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