Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2022

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 7 avril 2022, n° 21-11.137, (B), FS

Rejet

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Contrat de transport – Préjudice d'ordre exclusivement économique

Il résulte de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, qu'elle instaure un régime d'indemnisation autonome et d'ordre public, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.

Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.

Après avoir analysé les stipulations contractuelles liant la société propriétaire de la marchandise transportée et le transporteur et retenu que cette société était partie au contrat de transport, qui constitue un acte de commerce par nature, conclu entre des sociétés commerciales, la cour d'appel en a exactement déduit que seul ce contrat régissait la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la marchandise transportée et que l'exception d'incompétence soulevée par le transporteur devait en conséquence être accueillie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 novembre 2020), par une lettre de voiture du 19 octobre 2018, la société Airbus a confié à la société Daher aerospace (le transporteur) le transport d'un ensemble propulsif lui appartenant, selon un itinéraire prédéfini, jusqu'à l'un de ses entrepôts.

Au cours du trajet, après que le chauffeur eut dévié de l'itinéraire prévu, l'ensemble propulsif transporté a heurté la base du tablier d'un pont et a été endommagé.

2.La société Airbus a, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, assigné devant un tribunal de grande instance le transporteur et la société Helvetia compagnie suisse d'assurances afin d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice.

La société Helvetia assurances est intervenue volontairement à l'instance, en qualité d'assureur du transporteur, en lieu et place de la société Helvetia compagnie suisse d'assurances.

3. Le transporteur et la société Helvetia assurances ont soulevé, devant le juge de la mise en état, l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Airbus fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant déclaré le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) incompétent et dit que l'affaire sera transmise au tribunal de commerce alors « que l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ; que l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire confère au tribunal judiciaire (anciennement le tribunal de grande instance) une compétence exclusive pour connaître, à juge unique, « des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre » ; qu'après avoir constaté que le dommage dont la société Airbus réclamait l'indemnisation était né d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, ce dont il résultait que le régime d'indemnisation issu de cette loi était seul applicable et que le tribunal judiciaire était seul compétent, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la compétence du tribunal judiciaire au motif que la victime étant liée au défendeur par un contrat de transport, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire ensemble 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, que celle-ci instaure un régime autonome et d'ordre public d'indemnisation, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.

6. Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport.

Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudice, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.

7. Aux termes de l'article L. 110-1, 5°, du code de commerce, la loi répute acte de commerce toute entreprise de transport par terre ou par eau.

Selon l'article L. 132-8 du même code, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire.

Aux termes de l'article L. 721-3, 1°, de ce code, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants.

8. La cour d'appel, après avoir analysé les stipulations contractuelles liant la société Airbus et le transporteur, a retenu que la société Airbus, propriétaire de la marchandise, était partie au contrat de transport, qui constitue un acte de commerce par nature, conclu entre des sociétés commerciales.

9. Elle en a exactement déduit que seul ce contrat régissait la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la marchandise transportée et que l'exception d'incompétence soulevée par le transporteur devait être accueillie.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 31 mars 2022, pourvoi n° 20-15.448, Bull., (cassation).

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