Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-24.661, (P)

Rejet

Règles générales – Règles d'allocation et d'attribution des prestations – Allocataire – Allocataire étranger – Organisation internationale du travail – Convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale – Principe d'égalité de traitement – Obligation de résidence – Portée

Selon l'article 2.1, (i), de la Convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, adoptée le 28 juin 1962 par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail, publiée par le décret n° 75-403 du 21 mai 1975, tout membre peut accepter les obligations de la présente convention en ce qui concerne l'une ou plusieurs branches de sécurité sociale, pour lesquelles il possède une législation effectivement appliquée sur son territoire à ses propres ressortissants, notamment la branche des prestations aux familles.

Selon l'article 3.1 de la même Convention, tout membre pour lequel la convention est en vigueur doit accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre Etat membre pour lequel ladite convention est également en vigueur, l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants au regard de sa législation, tant en ce qui concerne l'assujettissement que le droit aux prestations, dans toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention.

Selon l'article 4.1 de la même Convention, en ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence.

En application de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des prestations familiales est ouvert aux personnes qui, résidant en France, au sens de l'article L. 111-2-3 du même code, ont à leur charge un ou plusieurs enfants résidant en France.

Il résulte de la combinaison de ces textes que s'il fait obstacle à ce que la législation nationale impose à l'allocataire de nationalité étrangère une condition de résidence distincte de celle imposée aux allocataires de nationalité française, le principe d'égalité de traitement, dont la finalité est de supprimer les discriminations fondées sur la nationalité, ne s'oppose pas, en revanche, à l'application à l'allocataire de nationalité étrangère des dispositions nationales qui régissent l'entrée et le séjour dans l'Etat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2019), Mme C... (l'allocataire), de nationalité bolivienne, entrée sur le territoire national en 2005 et titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », a sollicité le bénéfice des prestations familiales auprès de la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) pour ses deux enfants, qui l'ont rejointe en 2008 et auxquels a été délivré un document de circulation pour étranger mineur.

2. La caisse lui ayant refusé l'attribution des prestations, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'attribution des prestations familiales au bénéfice de ses enfants nés hors du territoire national avec effet rétroactif, alors « qu'en refusant les allocations familiales au titre d'enfants entrés sur le territoire français sans certificat de contrôle médical et au regard de leurs titres de séjour, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail, posant un principe d'égalité de traitement en matière de sécurité sociale sous la seule condition de résidence dans un État membre de la convention ».

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 2.1, (i) de la Convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, adoptée le 28 juin 1962 par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail, publiée par le décret n° 75-403 du 21 mai 1975, tout Membre peut accepter les obligations de la présente convention en ce qui concerne l'une ou plusieurs branches de sécurité sociale, pour lesquelles il possède une législation effectivement appliquée sur son territoire à ses propres ressortissants, notamment la branche des prestations aux familles.

6. Selon l'article 3.1 de la même Convention, tout Membre pour lequel la convention est en vigueur doit accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre Etat membre pour lequel ladite convention est également en vigueur, l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants au regard de sa législation, tant en ce qui concerne l'assujettissement que le droit aux prestations, dans toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention.

7. Selon l'article 4.1 de la même Convention, en ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence.

8. En application de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des prestations familiales est ouvert aux personnes qui, résidant en France, au sens de l'article L. 111-2-3 du même code, ont à leur charge un ou plusieurs enfants résidant en France.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que s'il fait obstacle à ce que la législation nationale impose à l'allocataire de nationalité étrangère une condition de résidence distincte de celle imposée aux allocataires de nationalité française, le principe d'égalité de traitement, dont la finalité est de supprimer les discriminations fondées sur la nationalité, ne s'oppose pas, en revanche, à l'application à l'allocataire de nationalité étrangère des dispositions nationales qui régissent l'entrée et le séjour dans l'Etat.

10. En application des articles L. 512-2, alinéas 3 et 4, et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, les étrangers autres que les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse bénéficient des prestations familiales pour les enfants qui sont à leur charge s'ils justifient, dans les conditions qu'ils précisent, de la situation de ces derniers.

11. Ayant retenu que les dispositions de droit interne, qui restreignent le droit à bénéficier des prestations, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants étrangers, et ne portent ainsi aucune atteinte disproportionnée aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la Convention internationale des droits de l'enfant, par la Convention 118 de l'Organisation internationale du travail ou par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment quant à une vie familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant, l'arrêt en déduit que l'allocataire, qui ne justifie pas du certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour ces deux enfants nés en Bolivie, lesquels sont donc entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial et sans ce certificat, ne peut prétendre aux prestations familiales à la date de sa demande.

12. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que ne justifiant pas de la régularité de l'entrée et du séjour de ses enfants nés hors du territoire national, l'allocataire ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

14. L'allocataire demande que la question préjudicielle suivante soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne : » Le refus de prestations familiales aux familles dont les enfants sont entrés sur le territoire français sans certificat de contrôle médical exclusivement délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration est-il contraire à l'article 24, 2., de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne posant le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant ? »

Réponse de la Cour

15. Si l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente ou en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la disposition.

16. En application de l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Charte s'applique aux institutions et organes de l'Union européenne, mais aussi aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.

17. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que des dispositions du droit de l'Union européenne ont été mises en oeuvre dans le présent litige.

18. Il n'y a en conséquence pas lieu à saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 2.1 et 4.1 de la convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale ; articles L. 512-1 et L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale.

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