Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-24.135, (P)

Rejet

Vieillesse – Pension – Information des assurés – Relevé de situation individuelle – Destinataires – Détermination – Portée

Selon l'article L. 161-17, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du litige, les caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse sont tenus d'adresser à leurs ressortissants, au plus tard à un âge fixé à cinquante-neuf ans par l'article R. 161-10 du même code, un relevé de leur compte mentionnant notamment les durées d'assurance ou d'activité prises en compte pour la détermination de leurs droits à pension de retraite.

Selon l'article L. 381-1, alinéa 16, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la personne isolée et, pour un couple, l'un ou l'autre de ses membres n'exerçant pas d'activité professionnelle, bénéficiaire du complément familial, de l'allocation au jeune enfant ou de l'allocation parentale d'éducation, est affiliée obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret et que les enfants dont elle assume la charge remplissent les conditions d'âge et de nombre qui sont fixées parle même décret.

Il résulte de la combinaison de ces textes que les organismes d'assurance vieillesse du régime général sont tenus aux obligations d'information prévues par le premier à l'égard des personnes affiliées en application du second.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 septembre 2019), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la caisse) ayant refusé de reporter la date d'effet de sa pension personnelle au 1er janvier 1987, Mme S... (l'assurée) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa fin de non-recevoir, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse tirée de la saisine tardive de la commission de recours amiable, la cour d'appel a relevé que l'action dont était saisie la juridiction ne visait pas à contester l'absence de rétroactivité dans l'attribution de la pension de retraite mais avait trait à la responsabilité de la caisse au titre d'un manquement à son obligation d'information, et que le contentieux de la responsabilité des organismes sociaux n'imposait pas la saisine préalable, à peine d'irrecevabilité, de la commission de recours amiable ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résulte de l'arrêt que les parties avaient repris oralement à l'audience leurs conclusions écrites et que celles-ci ne contenaient pas un tel moyen, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel ayant retenu, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la saisine tardive de la commission de recours amiable, que la caisse ne faisait pas la preuve de la date de remise à l'assurée de la décision du 4 juin 2013 lui attribuant une pension personnelle à compter du 1er janvier 2013, l'arrêt se trouve justifié, abstraction faite du motif dont fait état le moyen.

4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que les caisses et services gestionnaires des régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ne sont débiteurs des obligations d'information définies par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale qu'à l'égard de leurs ressortissants et non à l'égard de titulaires de droits dérivés ; que n'ont la qualité de ressortissants que les assurés affiliés de façon continue, régulière au régime général en raison de leur activité salariée ou indemnisés au titre du chômage, de la maladie ou de l'invalidité, et non les bénéficiaires de l'assurance vieillesse des mères de famille devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, qui n'ont jamais exercé aucune activité salariée ; qu'en jugeant que l'assurée, qui était affiliée à l'assurance vieillesse des mères de famille devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, et qui n'avait jamais exercé d'activité salariée, avait la qualité de ressortissante du régime général dont la caisse avait la gestion, de sorte que cette dernière avait une obligation d'information à son égard, la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, et l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'obligation d'information mise à la charge des caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse ne saurait être étendue au-delà des prévisions de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, lequel dans sa rédaction alors applicable n'inclut pas l'obligation d'informer l'intéressée de la date à partir de laquelle elle peut demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle ; qu'en considérant que la caisse était tenue d'informer l'assurée sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans et que n'ayant pas rempli cette obligation, elle avait commis une faute qui avait fait perdre à l'assurée une chance d'obtenir la liquidation de sa pension de retraite avant le 1er janvier 2013, alors que la caisse n'était pas tenue de l'informer qu'elle pouvait demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle dès ses 60 ans, la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil ;

3°/ que la responsabilité des organismes gestionnaires de l'assurance vieillesse ne peut être engagée pour défaut d'information que s'ils étaient eux-mêmes en mesure de donner cette information ; qu'en reprochant la faute à la caisse de ne pas avoir informé l'assurée sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans, soit au 1er janvier 1987, sans vérifier si à cette date, la caisse avait elle-même été informée par la CAF de ce qu'elle avait affilié l'assurée à l'assurance vieillesse des parents au foyer et de ce qu'elle avait versé un nombre suffisant de cotisations permettant à l'intéressée de valider des trimestres et de demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle dès ses 60 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 161-17, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du litige, les caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse sont tenus d'adresser à leurs ressortissants, au plus tard à un âge fixé à 59 ans par l'article R. 161-10 du même code, un relevé de leur compte mentionnant notamment les durées d'assurance ou d'activité prises en compte pour la détermination de leurs droits à pension de retraite.

7. Selon l'article L. 381-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la personne isolée et, pour un couple, l'un ou l'autre de ses membres n'exerçant pas d'activité professionnelle, bénéficiaire du complément familial, de l'allocation au jeune enfant ou de l'allocation parentale d'éducation, est affilié obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret et que les enfants dont il assume la charge remplissent les conditions d'âge et de nombre qui sont fixées par le même décret.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que les organismes d'assurance vieillesse du régime général sont tenus aux obligations d'information prévues par le premier à l'égard des personnes affiliées en application du second.

9. L'arrêt, après avoir relevé que l'assurée a été affiliée à l'assurance vieillesse des mères de famille, devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, et rattachée, par voie de conséquence, au régime général d'assurance vieillesse, retient que la caisse n'allègue ni ne justifie avoir rempli à son égard l'obligation d'information sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans.

10. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que la caisse n'avait pas rempli son obligation spécifique d'information envers sa ressortissante et qu'elle avait ainsi commis une faute ayant fait perdre à l'assurée une chance d'obtenir la liquidation de sa pension personnelle avant le 1er janvier 2013.

11. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, dès lors irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 161-17, alinéa 2, et L. 381-1, alinéa 16, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-23.831, (P)

Cassation sans renvoi

Vieillesse – Pension – Majoration – Calcul – Date de retraite à taux plein – Trimestres cotisés postérieurement – Exclusion – Date de retraite anticipée

Il résulte de la combinaison des articles L. 351-1, L. 351-1-2 et D. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que seuls doivent être pris en compte, pour le calcul de la majoration du taux de la pension à laquelle peut prétendre l'assuré qui justifie d'une durée d'assurance supérieure à la limite permettant d'obtenir une pension à taux plein, les trimestres civils entiers ayant donné lieu à cotisations suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal d'ouverture du droit à pension fixé par l'article L. 161-17-2 du même code.

Par suite, encourt la cassation, l'arrêt qui accueille la demande d'un assuré qui sollicitait la prise en compte, pour le calcul du montant de sa pension et l'augmentation de la surcote qui lui avait été allouée, des trimestres cotisés à compter de la date à laquelle il aurait pu bénéficier d'une retraite anticipée pour carrière longue.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 juillet 2019), M. T..., né en [...] (l'assuré), ayant obtenu la liquidation de ses droits à retraite personnelle du régime général de sécurité sociale à effet du 1er octobre 2016, a demandé la prise en compte, pour le calcul du montant de sa pension et l'augmentation de la surcote qui lui a été allouée, des trimestres cotisés à compter de la date à laquelle il aurait pu bénéficier d'une retraite anticipée pour carrière longue.

2. La Caisse nationale d'assurance vieillesse ayant refusé de faire droit à sa demande, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La Caisse nationale d'assurance vieillesse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de l'assuré, alors « que la surcote est calculée en fonction de la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré accomplie après l'âge de départ à la retraite à taux plein prévu par l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant que, pour le calcul de cette surcote, il convenait de prendre en considération l'abaissement de l'âge de départ à la retraite applicable aux assurés ayant commencé leur activité avant un certain âge visé à l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale quand les dispositions régissant le montant de la surcote ne se réfèrent pas à cet article, la cour d'appel a violé les articles L. 351-1, L. 351-1-1, L. 351-1-2 et D. 351-1-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 161-17-2, L. 351-1, L. 351-1-2 et D. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Il résulte de la combinaison des trois derniers de ces textes que seuls doivent être pris en compte, pour le calcul de la majoration du taux de la pension à laquelle peut prétendre l'assuré qui justifie d'une durée d'assurance supérieure à la limite permettant d'obtenir une pension à taux plein, les trimestres civils entiers ayant donné lieu à cotisations suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal d'ouverture du droit à pension fixé par le premier de ces textes.

5. Pour accueillir la demande de l'assuré, l'arrêt retient que la logique consistant à considérer que l'article L. 351-1-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit la possibilité d'une majoration, ne peut trouver à s'appliquer qu'à partir du moment où l'assuré, toutes choses égales par ailleurs, a atteint l'age « légal » de départ à la retraite déterminé par l'article L. 351-1 de ce code, ne résiste pas à la formulation retenue par le législateur pour adopter l'article L. 351-1-1 de ce code. Il ajoute que ce dernier texte, également législatif, n'envisage pas une possibilité mais crée un droit, certain et immédiat. Il en déduit que les dispositions de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent être lues ni interprétées séparément de celles de l'article L. 351-1-1 du même code, et que l'âge « légal » de départ à la retraite doit donc être modifié en conséquence.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il convient par conséquent de débouter M T... de toutes ses demandes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE M. T... de toutes ses demandes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 351-1, L. 351-1-2 et D. 351-1-4 du code de la sécurité sociale ; article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.