Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-24.135, (P)

Rejet

Caisse – Obligation de renseigner – Obligation d'information de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale – Domaine d'application – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 septembre 2019), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la caisse) ayant refusé de reporter la date d'effet de sa pension personnelle au 1er janvier 1987, Mme S... (l'assurée) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa fin de non-recevoir, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse tirée de la saisine tardive de la commission de recours amiable, la cour d'appel a relevé que l'action dont était saisie la juridiction ne visait pas à contester l'absence de rétroactivité dans l'attribution de la pension de retraite mais avait trait à la responsabilité de la caisse au titre d'un manquement à son obligation d'information, et que le contentieux de la responsabilité des organismes sociaux n'imposait pas la saisine préalable, à peine d'irrecevabilité, de la commission de recours amiable ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résulte de l'arrêt que les parties avaient repris oralement à l'audience leurs conclusions écrites et que celles-ci ne contenaient pas un tel moyen, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel ayant retenu, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la saisine tardive de la commission de recours amiable, que la caisse ne faisait pas la preuve de la date de remise à l'assurée de la décision du 4 juin 2013 lui attribuant une pension personnelle à compter du 1er janvier 2013, l'arrêt se trouve justifié, abstraction faite du motif dont fait état le moyen.

4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que les caisses et services gestionnaires des régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ne sont débiteurs des obligations d'information définies par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale qu'à l'égard de leurs ressortissants et non à l'égard de titulaires de droits dérivés ; que n'ont la qualité de ressortissants que les assurés affiliés de façon continue, régulière au régime général en raison de leur activité salariée ou indemnisés au titre du chômage, de la maladie ou de l'invalidité, et non les bénéficiaires de l'assurance vieillesse des mères de famille devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, qui n'ont jamais exercé aucune activité salariée ; qu'en jugeant que l'assurée, qui était affiliée à l'assurance vieillesse des mères de famille devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, et qui n'avait jamais exercé d'activité salariée, avait la qualité de ressortissante du régime général dont la caisse avait la gestion, de sorte que cette dernière avait une obligation d'information à son égard, la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, et l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'obligation d'information mise à la charge des caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse ne saurait être étendue au-delà des prévisions de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, lequel dans sa rédaction alors applicable n'inclut pas l'obligation d'informer l'intéressée de la date à partir de laquelle elle peut demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle ; qu'en considérant que la caisse était tenue d'informer l'assurée sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans et que n'ayant pas rempli cette obligation, elle avait commis une faute qui avait fait perdre à l'assurée une chance d'obtenir la liquidation de sa pension de retraite avant le 1er janvier 2013, alors que la caisse n'était pas tenue de l'informer qu'elle pouvait demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle dès ses 60 ans, la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil ;

3°/ que la responsabilité des organismes gestionnaires de l'assurance vieillesse ne peut être engagée pour défaut d'information que s'ils étaient eux-mêmes en mesure de donner cette information ; qu'en reprochant la faute à la caisse de ne pas avoir informé l'assurée sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans, soit au 1er janvier 1987, sans vérifier si à cette date, la caisse avait elle-même été informée par la CAF de ce qu'elle avait affilié l'assurée à l'assurance vieillesse des parents au foyer et de ce qu'elle avait versé un nombre suffisant de cotisations permettant à l'intéressée de valider des trimestres et de demander la liquidation de sa pension de retraite personnelle dès ses 60 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 161-17, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du litige, les caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse sont tenus d'adresser à leurs ressortissants, au plus tard à un âge fixé à 59 ans par l'article R. 161-10 du même code, un relevé de leur compte mentionnant notamment les durées d'assurance ou d'activité prises en compte pour la détermination de leurs droits à pension de retraite.

7. Selon l'article L. 381-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la personne isolée et, pour un couple, l'un ou l'autre de ses membres n'exerçant pas d'activité professionnelle, bénéficiaire du complément familial, de l'allocation au jeune enfant ou de l'allocation parentale d'éducation, est affilié obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret et que les enfants dont il assume la charge remplissent les conditions d'âge et de nombre qui sont fixées par le même décret.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que les organismes d'assurance vieillesse du régime général sont tenus aux obligations d'information prévues par le premier à l'égard des personnes affiliées en application du second.

9. L'arrêt, après avoir relevé que l'assurée a été affiliée à l'assurance vieillesse des mères de famille, devenue l'assurance vieillesse des parents au foyer, et rattachée, par voie de conséquence, au régime général d'assurance vieillesse, retient que la caisse n'allègue ni ne justifie avoir rempli à son égard l'obligation d'information sur ses droits à retraite au jour de ses 60 ans.

10. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que la caisse n'avait pas rempli son obligation spécifique d'information envers sa ressortissante et qu'elle avait ainsi commis une faute ayant fait perdre à l'assurée une chance d'obtenir la liquidation de sa pension personnelle avant le 1er janvier 2013.

11. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, dès lors irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 161-17, alinéa 2, et L. 381-1, alinéa 16, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

2e Civ., 8 avril 2021, n° 20-11.126, (P)

Rejet

Cotisations – Recouvrement – Solidarité – Solidarité financière du donneur d'ordre – Mise en oeuvre – Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Contestation par le donneur d'ordre du contenu des procès-verbaux – Production des procès verbaux devant la juridiction de sécurité sociale – Obligation

Si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre, prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 novembre 2019), l'URSSAF de Champagne Ardenne (l'URSSAF) a établi le 18 décembre 2014, à l'encontre de la société Dupont (la société), une lettre d'observations l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations estimées dues, en suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de l'un de ses cocontractants, la société Construction rémoise du bâtiment.

2. Une mise en demeure lui ayant été délivrée le 30 novembre 2015, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement notifié à la société par lettre d'observations du 18 décembre 2014, la mise en demeure du 30 novembre 2015 et la décision rendue par la commission de recours amiable le 29 juin 2019, alors « que la mise en oeuvre de la solidarité à laquelle est tenu le donneur d'ordre en application du second de ces textes est subordonnée à la seule existence d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du cocontractant et non à la production de ce dernier par l'URSSAF dans la procédure de redressement dirigée contre le donneur d'ordre ; qu'en l'espèce, l'URSSAF a notifié à la société par lettre d'observations du 18 décembre 2014 la mise en oeuvre de sa solidarité financière en sa qualité de donneur d'ordre de la société Construction rémoise du bâtiment suite à l'établissement à l'encontre de cette dernière d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé le 9 octobre 2014 ; qu'en annulant le redressement notifié à la société pour absence de production du procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l'encontre de la société Construction rémoise du bâtiment, la cour d'appel a violé les articles R. 243-59 du code de la sécurité sociale et L. 8222-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

5. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l'article L. 8222-1 du même code, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

6. Par une décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

7. Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

8. L'arrêt relève essentiellement qu'à l'instar de ce qui a été constaté par les premiers juges, l'URSSAF ne produit aucun procès-verbal de constat d'une infraction de travail dissimulé concernant la société Construction rémoise du bâtiment, cocontractante de la société en cause.

9. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que, faute pour l'URSSAF d'avoir produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, elle n'était pas fondée à mettre en oeuvre la solidarité financière.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article L. 8222-2 du code du travail.

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-23.728, (P)

Rejet

Cotisations – Recouvrement – Solidarité – Solidarité financière du donneur d'ordre – Mise en oeuvre – Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Contestation par le donneur d'ordre du contenu des procès-verbaux – Production des procès verbaux devant la juridiction de sécurité sociale – Obligation

Si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre, prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 août 2019), l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a établi le 26 août 2016 contre la société Soleco (la société) une lettre d'observations l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations estimées dues, en suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de l'un de ses co-contractants.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la décision de la commission de recours amiable et le redressement alors « que sauf lorsque le juge l'ordonne dans le cadre de l'instance, l'URSSAF n'est pas tenue de verser aux débats le procès verbal constatant le délit de travail dissimulé qui a justifié la mise en oeuvre de la solidarité financière ; qu'en l'espèce, en retenant pour annuler le redressement opéré au titre de la solidarité financière à l'encontre de la société Soleco que l'URSSAF n'avait pas versé aux débats le procès verbal qui était mentionné dans la lettre d'observations quand aucune demande n'avait été formulée en ce sens ni par les premiers juges, ni dans le cadre de l'instance, la cour d'appel a violé les articles L.8222-1, L.8222-2 du code du travail du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

6. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l'article L. 8222-1 du même code, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

7. Par une décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

8. Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

9. L'arrêt relève que le procès-verbal de travail dissimulé n'est pas produit aux débats et que les juges du fond n'ont pas été en mesure de vérifier que la société sous-traitante en cause a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

10. Par ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que, faute pour l'URSSAF d'avoir produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, elle n'était pas fondée à mettre en oeuvre la solidarité financière.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 8222-2 du code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.