Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 8 avril 2021, n° 19-12.741, (P)

Cassation

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Disproportion de l'engagement – Applications diverses – Contestation opposée à une mesure d'exécution forcée – Instance introduite par la caution en réponse à un acte d'exécution – Prescription – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 décembre 2018, RG n° 18/00336), par un acte notarié du 9 octobre 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la banque) a consenti à la société VM réalisations (la société) une ouverture de crédit en compte courant, garantie, dans le même acte, par le cautionnement solidaire de Mme P..., épouse R....

La société a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié d'un plan de redressement.

2. Par un acte du 28 janvier 2015, faisant suite à la résolution du plan et à la mise en liquidation judiciaire de la société, la banque a fait délivrer à la caution un commandement aux fins de saisie-vente.

3. Mme R... ayant, le 10 février 2015, assigné la banque devant le juge de l'exécution en annulation du commandement, la banque lui a opposé la prescription de son action.

Examen du moyen relevé d'office

Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

4. La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.

5. Pour déclarer Mme R... irrecevable, pour tardiveté, à opposer à la banque la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus, l'arrêt, après avoir énoncé que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, retient que le délai quinquennal de « l'action » dont la caution disposait pour contester l'acte fondant les poursuites à son encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, date de conclusion du cautionnement, Mme R... ayant, dès la signature de l'acte, toutes les informations lui permettant de contester la portée ou la validité de son engagement. Il ajoute qu'il importe peu que l'instance ait été introduite par la caution en réponse à un acte d'exécution, dès lors qu'elle a agi par voie principale pour contester l'acte fondant les poursuites entreprises.

6. En statuant ainsi, alors que, tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement de la caution à ses biens et revenus, que celle-ci invoquait pour s'opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Mme P..., épouse R..., fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ce qu'elle oppose à la banque un manquement à son devoir de mise en garde et, en conséquence, de déclarer bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 27 janvier 2015, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par la caution contre une banque, en raison du manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde, se situe au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée ou les voies d'exécution qui ont été diligentées à son encontre, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; qu'en fixant au contraire à la date de la conclusion du cautionnement le point de départ du délai quinquennal de prescription, pour en déduire l'irrecevabilité de l'action intentée par Mme P..., épouse R..., en tant qu'elle tendait à voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La banque conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit. Elle soutient que Mme R... n'a pas prétendu, devant la cour d'appel, que le point de départ du délai de prescription de son action, fondée sur la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, devait être fixé à la date de la mise en demeure d'exécuter son engagement de caution.

9. Cependant, tandis que Mme R... opposait, dans ses conclusions d'appel, l'absence de prescription de son action, la cour d'appel a retenu que celle-ci était acquise en fixant le point de départ de son délai à la date de la conclusion de l'acte de cautionnement. Il en résulte que, tiré de ce que la prescription avait commencé à courir, non à ce moment, mais à la date postérieure, mentionnée par l'arrêt, de l'exercice des voies d'exécution par le créancier, le moyen est né de la décision attaquée et, comme tel, recevable.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2224 du code civil :

11. Le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de dommages-intérêts formée par la caution contre l'établissement de crédit créancier pour manquement à son devoir de mise en garde est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

12. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de Mme R... en responsabilité contre la banque pour manquement à l'obligation de mise en garde, l'arrêt se prononce par les motifs précités, fixant le point de départ unique de la prescription à la date de la conclusion de l'acte de cautionnement.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que seul le commandement aux fins de saisie-vente délivré en janvier 2015 avait permis, à défaut d'un acte antérieur de mise en demeure ou d'exécution non mentionné par l'arrêt, à Mme R... de savoir que son engagement de caution allait être mis à exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG : 18/00336 rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce ; article L. 314-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ; article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le moyen tiré du caractère disproportionné de l'engagement de la caution échappant à la prescription, à rapprocher : 1re Civ., 31 janvier 2018, pourvoi n° 16-24.092, Bull. 2018, I, n° 13 (rejet). Sur le point de départ du délai de prescription d'une action en responsabilité engagée par des cautions contre une banque, à rapprocher : Com., 24 juin 2003, pourvoi n° 00-12.566, Bull. 2003, IV, n° 103 (cassation partielle).

1re Civ., 8 avril 2021, n° 19-25.236, (P)

Cassation

Crédit à la consommation – Contrat de crédit – Encadré prévu à l'article L.311-18 du code de la consommation – Informations sur les caractéristiques essentielles du contrat – Montant de l'échéance – Exclusion – Coût mensuel de l'assurance accessoire au contrat de crédit

Il résulte des articles L. 311-18 et R. 311-5 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, que le montant de l'échéance, qui figure dans l'encadré inséré au début du contrat de crédit au titre des informations sur ses caractéristiques essentielles, n'inclut pas le coût mensuel de l'assurance souscrite par l'emprunteur accessoirement à ce contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 septembre 2019), suivant offre acceptée le 12 janvier 2013, la société Cofidis (la banque) a consenti à Mme V... et M. S... (les emprunteurs) un crédit à la consommation.

2. A la suite de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme et les a assignés en paiement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts et de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité conventionnelle, alors « que, dans sa rédaction applicable au litige, l'article R. 311-5 du code de la consommation (devenu R. 312-10) n'exige pas que le coût des assurances facultatives figure dans l'encadré prévu à l'article L. 311-18 du même code, si bien qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 311-18 et L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 :

4. Selon les deux premiers textes, un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts.

5. Aux termes du dernier, qui fixe la liste des informations figurant dans l'encadré, à l'exclusion de toute autre, doivent être mentionnés :

« d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur

doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;

h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ; »

6. Il s'en déduit que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n'inclut pas le coût mensuel de l'assurance souscrite par l'emprunteur accessoirement à ce contrat.

7. Pour prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et rejeter sa demande en paiement de l'indemnité conventionnelle, après avoir énoncé que le montant de l'échéance qui doit figurer dans l'encadré prévu à l'article R. 311-5 du code de la consommation s'entend de la somme totale que l'emprunteur doit effectivement régler et comprend donc la prime d'assurance facultative lorsqu'il l'a souscrite, l'arrêt retient que le coût de l'assurance à laquelle les emprunteurs ont adhéré n'a pas été intégré au montant de la mensualité mentionnée dans l'encadré, qu'ils n'ont pas été informés, à sa seule lecture, des caractéristiques essentielles du contrat et qu'ainsi, les exigences des articles L. 311-18 et R. 311-5 ont été méconnues.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 311-18 et du R. 311-5 du code de la consommation.

1re Civ., 8 avril 2021, n° 19-20.890, (P)

Cassation partielle

Crédit à la consommation – Offre préalable – Fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et notice d'assurance – Fiche et notice jointes à l'offre – Preuve – Charge – Détermination

La signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Crédit à la consommation – Obligations du prêteur – Obligation précontractuelle d'information – Preuve – Clause type – Effets – Limites – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juin 2018), suivant offre acceptée le

15 mai 2013, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à Mme C... un prêt dit de « regroupement de crédits » d'un montant de 33 000 euros, mentionnant son époux, M. C..., en qualité de coemprunteur.

Le 29 octobre 2014, Mme C... a été placée sous le régime de curatelle et son époux désigné comme curateur.

2. Après avoir prononcé la déchéance du terme en raison d'échéances demeurées impayées, la banque a assigné en paiement du solde du prêt M. et Mme C..., qui ont notamment sollicité la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Les demandes formées contre M. C... en qualité de coemprunteur ont été rejetées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme C... et M. C..., en qualité de curateur de son épouse, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de déchéance du droit de la banque aux intérêts et de condamner Mme C... à lui payer la somme de 35 376,68 euros avec intérêts à compter du 27 décembre 2014, alors :

« 1°/ qu'il incombe au prêteur, tenu d'une obligation particulière d'information, d'établir qu'il a remis à l'emprunteur la fiche d'information précontractuelle prévue à l'article L. 311-6 ancien du code de la consommation, cette preuve ne pouvant résulter de la seule signature d'une clause par laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu ladite fiche ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque formée par Mme C... que celle-ci avait reconnu avoir reçu la fiche par sa signature au bas d'une note relative au regroupement de crédit et que cette mention faisait présumer la remise de cette fiche en l'absence de tout autre élément produit par le débiteur, quand il appartenait au contraire à la banque de prouver qu'elle avait bien remis à l'emprunteur la fiche d'information précontractuelle litigieuse, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 311-6 du code de la consommation alors applicable, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;

3°/ qu'il incombe au prêteur, tenu d'une obligation particulière d'information, d'établir qu'il a remis à l'emprunteur une notice d'assurance conforme à l'article L. 311-19 ancien du code de la consommation, cette preuve ne pouvant résulter de la seule signature d'une clause par laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu ladite notice ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque formée par Mme C... que celle-ci avait reconnu avoir reçu la notice par sa signature en-dessous d'une mention pré-imprimée figurant sur l'offre de crédit et que cette mention faisait présumer la remise de cette notice en l'absence de tout autre élément produit par le débiteur, quand il appartenait au contraire à la banque de prouver qu'elle avait bien remis à l'emprunteur la notice d'assurance, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 311-19 du code de la consommation alors applicable, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 311-6 et L. 311-19 du code de la consommation, alors en vigueur :

5. Il résulte du premier de ces textes que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres lui permettant d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et du second que lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur.

6. Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

7. Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

8. L'arrêt de la Cour précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30).

Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

9. Il s'ensuit qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

10. Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque et condamner l'emprunteur au paiement, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que celle-ci produit une fiche explicative et l'offre préalable de crédit, comportant chacune une mention pré-imprimée suivie de la signature de Mme C... par laquelle elle reconnaît avoir reçu la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance et que ces mentions laissent présumer la remise de ces documents, en l'absence de tout autre élément produit par M. et Mme C... permettant de douter de leur remise ou de leur régularité.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque et condamne Mme C... à lui payer la somme de 35 376,68 euros avec intérêts à compter du 27 décembre 2014, l'arrêt rendu le 12 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Champ - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 311-6 et L. 311-19 du code de la consommation, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971, Bull. 2020, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 8 avril 2021, n° 18-24.494, (P)

Cassation partielle

Règlement d'un service public – Clauses abusives – Caractère abusif – Appréciation – Compétence du juge administratif

Désistement partiel

1.Il est donné acte à MM. T... et Q... I..., Mme O... I... et Mme S... X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Sprimbarth cap Caraïbes.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 mars 2018), M. T... I... et Mme S... X... ont acquis en 2009 un bien immobilier en copropriété, après en avoir été locataires et avoir souscrit le 2 juin 2005 un contrat d'abonnement en eau potable auprès de la société Générale des eaux Guadeloupe (le délégataire), délégataire du service public de distribution d'eau potable à Saint-Martin.

3. A la suite de désordres apparus en 2013 et causés par une fuite sur une canalisation du réseau commun enterré, situé sur le terrain de la copropriété, entre le compteur individuel et le compteur général, ils ont, avec leurs enfants, MM. H... et Q... I... et Mme O... I... (les consorts I...), assigné en responsabilité et indemnisation le délégataire, le syndicat des copropriétaires et la société Sprimbarth cap Caraïbes, syndic de la copropriété (le syndic), et soutenu que certaines dispositions du règlement de service public de distribution d'eau potable de la collectivité de Saint-Martin présentaient un caractère abusif.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative.

6. Il appartient à la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier la légalité du règlement d'un service public définissant les relations entre l'exploitant du service et les usagers de celui-ci, d'apprécier le caractère abusif de ses clauses, au sens du code de la consommation.

7. Il s'en déduit qu'en présence d'une difficulté sérieuse et en l'absence d'une jurisprudence établie, il appartient à la juridiction judiciaire de surseoir à statuer jusqu'à ce que soit tranchée par la juridiction administrative la question préjudicielle du caractère abusif des clauses en cause.

8. Pour rejeter les demandes formées contre le délégataire, l'arrêt retient que les clauses litigieuses ont pour objet de répartir entre le délégataire et l'usager la responsabilité de l'entretien et des réparations des canalisations, sans édicter de principe d'exonération de responsabilité du délégataire, celle-ci pouvant être engagée notamment si un dommage survenu sur la partie privative du réseau adviendrait par sa faute, comme un défaut de conception de branchement, et que le fait de situer le point de partage de la charge de la surveillance et de l'entretien au niveau du compteur permet à chacun de l'assurer au mieux, et détecter d'éventuelles fuites, notamment par le contrôle de la consommation enregistrée par le compteur. Il en déduit qu'il n'est pas établi que ces clauses créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et qu'elles ne sauraient en conséquence, être regardées comme abusives.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de retrait du rôle de l'affaire, l'arrêt rendu le 19 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 49, alinéa 2, du code de procédure civile ; loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

Rapprochement(s) :

Pour la séparation des pouvoirs, à rapprocher : 1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-16.548, Bull. 2015, I, n° 317 (cassation partielle) ; 1re Civ., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-19.449, Bull. 2007, I, n° 39 (cassation).

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