Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

PROCEDURE CIVILE

3e Civ., 15 avril 2021, n° 19-18.093, n° 19-18.619, (P)

Rejet

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Définition – Défaut de personnalité juridique

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Régularisation jusqu'à ce que le juge statue – Possibilité – Cas – Association syndicale libre – Perte de capacité d'ester en justice – Mise en conformité des statuts

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-18.093 et 19-18.619 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à l'association foncière urbaine libre Roissy air park (AFUL) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [J], la société Arte Charpentier TUP, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, la société [J], [H], [T], [T], prise en qualité de liquidateur de la société [Personne physico-morale 4], M. [Q], pris en sa qualité de liquidateur de la société Entreprise de peinture process industriel, M. [K], pris en sa qualité de liquidateur de la société VMM, M. [E], pris en sa qualité de liquidateur de la société Murs rideaux montage et M. [L], pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise électricité Préteux.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), par acte sous seing privé du 25 juillet 1990, l'établissement public autonome Aéroports de Paris, devenu la société Aéroports de Paris (ADP), a consenti à la société [Personne physico-morale 1] ([Personne physico-morale 1]) deux baux à construction sur un terrain dont il était propriétaire, pour y faire édifier huit bâtiments reliés entre eux par un passage piéton couvert d'une verrière et comprenant deux niveaux de sous-sol à usage de parcs de stationnement.

4. Par acte authentique du 15 mars 1991, [Personne physico-morale 1] et ADP ont établi un état descriptif de division en volumes portant création de sept lots, ainsi que les statuts et le cahier des charges de l'association foncière urbaine libre Roissy air park (AFUL), dont devaient être membres tout preneur du bail à construction ou propriétaire des cinq premiers lots de volume, les lots 6 et 7, respectivement constitués des ouvrages et équipements d'utilité commune, dont la verrière, et du tréfonds, étant attribués à l'AFUL.

5. Par acte authentique du 15 mai 1991, [Personne physico-morale 1] a vendu en l'état futur d'achèvement le lot n° 1 au groupement d'intérêt économique Roissypole, aux droits duquel vient ADP.

6. Par acte authentique du 27 novembre 1991, elle a vendu en l'état futur d'achèvement les lots de volume n° 2 à 5 à la société civile immobilière Roissy Bureau International (RBI), qui les a revendus à la société civile immobilière Dôme properties (Dôme properties).

7. Le 9 avril 1993, la réception des travaux a été prononcée avec réserves, avec effet au 30 mars précédent.

8. Se plaignant de désordres, l'AFUL, ADP et Dôme properties ont, après plusieurs expertises ordonnées en référé, assigné en indemnisation [Personne physico-morale 1] et son assureur.

9. Le 23 octobre 2000, [Personne physico-morale 1] a assigné en garantie les divers intervenants à la construction et leurs assureurs.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi provoqué de Dôme properties, réunis

Enoncé du moyen

10. Par son moyen, l'AFUL fait grief à l'arrêt de déclarer nulles toutes les assignations qu'elle a délivrées avant le 17 octobre 2003, de dire qu'elle n'avait pas interrompu le délai de garantie décennale et de déclarer irrecevables comme prescrites toutes les demandes formées par elle à l'encontre de [Personne physico-morale 1], alors « que la validité des assignations en référé ne pouvait plus être remise en cause pour avoir conduit au prononcé d'ordonnances devenues irrévocables ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations en référé délivrées par l'AFUL, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, excédé ses pouvoirs et également méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ».

11. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de la déclarer avec ADP irrecevable à présenter des demandes contre [Personne physico-morale 1], alors « que la validité des assignations en référé ne pouvait plus être remise en cause pour avoir conduit au prononcé d'ordonnances devenues irrévocables ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations en référé délivrées par l'AFUL et ses membres, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, excédé ses pouvoirs et également méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Aux termes de l'article 978, alinéa 3, du code de procédure civile, à peine d'être déclaré d'office irrecevable, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en oeuvre qu'un seul cas d'ouverture.

13. L'élément du moyen invoque à la fois un manque de base légale, un excès de pouvoir et une violation de l'article 455 du code de procédure civile.

14. Le moyen, qui est complexe, n'est donc pas recevable.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi provoqué de Dôme properties, réunis

Enoncé des moyens

15. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que le vice tiré de l'irrégularité de fond affectant une assignation ressortit à la compétence exclusive du juge de la mise en état et ne peut plus être soulevé devant la cour d'appel statuant au fond ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations tant en référé qu'au fond délivrées par l'AFUL, autres que l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà été déclarée nulle antérieurement à sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 771 du code de procédure civile. »

16. Par son moyen, Dôme Properties fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles d'ADP contre [Personne physico-morale 1], alors « que le vice tiré de l'irrégularité de fond affectant une assignation ressortit à la compétence exclusive du juge de la mise en état et ne peut plus être soulevé devant la cour d'appel statuant au fond ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations tant en référé qu'au fond délivrées par l'AFUL et ses membres, autres que l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà été déclarée nulle antérieurement à sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 771 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. Sauf dispositions spécifiques, le juge ou le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir.

18. Il incombait à la cour d'appel, saisie de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action exercée par l'AFUL, à laquelle celle-ci opposait l'effet interruptif attaché aux assignations en référé et au fond qu'elle avait délivrées, de vérifier si l'interruption de la forclusion résultant de ces assignations devait, par application de l'article 2247 du code civil, être regardée comme non avenue en raison de leur nullité.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique, pris en ses première, cinquième et sixième branches, du pourvoi principal de l'AFUL, le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, du pourvoi provoqué de Dôme Properties et le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi d'ADP, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la nullité d'un acte pour vice de fond ne le prive pas de son effet interruptif de prescription ; qu'en ayant jugé que l'ensemble des assignations en référé et au fond délivré par l'AFUL n'avait pu produire aucun effet interruptif de prescription, en conséquence de leur nullité, la cour d'appel a violé l'article 2244 ancien du code civil ;

5°/ que l'irrégularité de fond affectant un acte, tirée du défaut de capacité d'ester en justice d'une AFUL qui n'a pas publié ses statuts, peut être régularisée, pourvu que ce soit avant que le juge statue ; qu'en ayant jugé que l'irrégularité de fond (défaut de publication de ses statuts avant le 17 octobre 2003) affectant les différentes assignations en référé et au fond délivrées par l'AFUL était insusceptible d'être couverte, et non seulement l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà annulée, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;

6°/ qu'un acte affecté d'une irrégularité de fond, couverte avant que le juge ne statue, interrompt le délai de prescription, quand bien même celui-ci serait écoulé au jour de la régularisation ; qu'en ayant jugé irrecevable l'action de l'AFUL, dont les statuts n'avaient été publiés que le 17 octobre 2003 alors que le délai de garantie décennale était expiré le 30 mars 2003, quand des actes régularisés dans le délai de forclusion sont habiles à l'interrompre, pour l'avoir été avant que le juge ne statue, la cour d'appel a violé les articles 121 du code de procédure civile, 2244 et 2247 anciens du code civil. »

21. Par son moyen, Dôme Properties fait en outre grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles d'ADP contre [Personne physico-morale 1], alors :

« 1°/ que la nullité d'un acte pour vice de fond ne le prive pas de son effet interruptif de prescription ; qu'en ayant jugé que l'ensemble des assignations en référé et au fond délivré par l'AFUL et ses membres n'avait pu produire aucun effet interruptif de prescription, en conséquence de leur nullité, la cour d'appel a violé les articles 2244 et 2247 anciens du code civil ;

4°/ qu'une citation en justice, même entachée d'un vice de forme ou d'une irrégularité de fond, interrompt le délai de prescription, sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue. »

22. Par son moyen, ADP fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'une assignation, même atteinte d'une irrégularité de procédure, qu'il s'agisse d'un vice de forme ou de fond, interrompt le délai de prescription, sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue ; qu'en retenant, pour dire prescrites toutes les demandes de l'AFUL et de ses membres contre [Personne physico-morale 1], que l'assignation au fond délivrée le 12 septembre 1996 et les assignations en référés étaient nulles pour défaut de capacité à agir et ne pouvaient en conséquence avoir eu un effet interruptif, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil ;

2°/ qu'une citation en justice, même entachée d'un vice de forme ou d'une irrégularité de fond, interrompt le délai de prescription sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue ; qu'en se bornant à retenir, pour dire prescrites toutes les demandes de l'AFUL et d'ADP contre [Personne physico-morale 1], que les assignations délivrées par l'AFUL et ses membres ne pouvaient avoir un effet interruptif, les assignations étant nulles en raison du défaut de capacité d'ester en justice de l'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les assignations, même entachées d'un vice de fond, ne conservaient pas un effet interruptif de prescription tant que l'action au fond portée par ces assignations n'avait pas été définitivement rejetée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, ADP faisait valoir que les assignations en référé, délivrées à la requête de l'AFUL, avaient abouti à des ordonnances intégralement exécutées, non contestées et définitives, qui avaient interrompu la prescription ; qu'en énonçant, pour dire l'AFUL et ses membres irrecevables à agir, que les assignations en référé n'avaient pas interrompu la prescription, sans répondre à ce moyen la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

23. La jurisprudence de la Cour de cassation distingue deux situations différentes en ce qui concerne la régularité des actes de saisine du juge délivrés par une association syndicale libre.

24. D'une part, lorsque l'acte a été délivré par une association syndicale libre qui n'a pas publié ses statuts constitutifs, l'irrégularité qui résulte de ce défaut de publication, lequel prive l'association de sa personnalité juridique, constitue une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (3e Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 03-16.434, Bull. 2004, III, n° 238, 3e Civ., 10 mai 2005, pourvoi n° 02-19.904 et 3e Civ., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-11.778).

25. D'autre part, lorsque l'acte a été délivré par une association syndicale qui a publié ses statuts, mais ne les a pas mis en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'acte de saisine de la juridiction délivré au nom de l'association est entaché d'une irrégularité de fond pour défaut de capacité à agir en justice, qui peut être régularisée jusqu'à ce que le juge statue (3e Civ., 5 novembre 2014, pourvois n° 13-25.099, 13-21.329, 13-21.014, 13-22.192, 13-23.624, 13-22.383, Bull. 2014, III, n° 136 et 3e Civ., 3 décembre 2020, pourvois n° 19-20.259 et 19-17.868).

26. Aux termes de l'article 2247 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue si l'assignation est nulle pour défaut de forme.

27. Sous l'empire de cette disposition, il a été jugé qu'est également privé d'effet interruptif de prescription l'acte introductif d'instance affecté d'une irrégularité de fond (2e Civ., 2 octobre 1981, pourvoi n° 80-14.753, Bull. II, n° 176 et 3e Civ., 18 février 2004, pourvoi n° 02-12.205).

28. Ayant constaté que l'AFUL n'avait publié ses statuts que le 17 octobre 2003, ce dont il résultait que, avant cette date, elle était dépourvue de la personnalité juridique, la cour d'appel a exactement retenu, par ces seuls motifs, que les assignations délivrées par l'AFUL avant la fin de la garantie décennale, intervenue le 30 mars 2003, n'avaient pu produire aucun effet interruptif et que l'irrégularité de fond qui affectait ces assignations ne pouvait pas être couverte.

29. Elle a donc légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes sur l'éventuel maintien de l'effet interruptif attaché, d'une part, aux assignations jusqu'au rejet de l'action et, d'autre part, aux ordonnances de référé auxquelles elles avaient abouti.

Sur le moyen unique, pris sa quatrième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa cinquième branche, du pourvoi provoqué de Dôme Properties, réunis

Enoncé des moyens

30. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout acte conduisant à une décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; qu'en ayant jugé que le délai de forclusion décennale n'avait pas été interrompu au profit de l'AFUL, sans rechercher si les ordonnances de modification ou d'extension de la mission de l'expert, n'avaient pas interrompu le délai de prescription décennale au profit de toutes les parties dont l'exposante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 2244 ancien du code civil. »

31. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de la déclarer avec ADP irrecevable à présenter des demandes contre [Personne physico-morale 1], alors « que tout acte conduisant à une décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; qu'en ayant jugé que le délai de forclusion décennale n'avait pas été interrompu au profit de l'AFUL et ses membres, sans rechercher si les ordonnances de modification ou d'extension de la mission de l'expert, n'avaient pas interrompu le délai de prescription décennale au profit de toutes les parties dont l'exposante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2244 et 2247 anciens du code civil. »

Réponse de la Cour

32. Les ordonnances de référé déclarant commune à d'autres constructeurs une mesure d'expertise précédemment ordonnée n'ont pas d'effet interruptif de prescription ou de forclusion à l'égard de ceux qui n'étaient parties qu'à l'ordonnance initiale.

33. La cour d'appel, qui n'était donc pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le moyen unique, pris sa septième branche, du pourvoi principal de l'AFUL, le moyen unique, pris en ses sixième à treizième branches, du pourvoi provoqué de Dôme properties et le moyen unique, pris en ses quatrième à neuvième branches, du pourvoi d'ADP, réunis

Enoncé des moyens

34. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé irrecevable l'action de l'AFUL Roissy Air Park contre la société [Personne physico-morale 1], en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'AFUL ayant fait valoir l'indivisibilité de l'action de ses membres et l'effet interruptif de prescription qui y était attaché, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

35. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles de la société ADP contre la société [Personne physico-morale 1], alors :

« 6°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que par un arrêt du 17 décembre 2010, la cour d'appel de Paris a annulé l'assignation délivrée par l'AFUL le 12 septembre 1996 et les actes subséquents ayant un lien direct et certain avec cette assignation originelle et dit sans objet la demande en garantie formée par [Personne physico-morale 1] le 23 octobre 2000 ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 24 octobre 2012, a censuré cet arrêt pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile aux motifs que l'assignation du 23 octobre 2000 délivrée par [Personne physico-morale 1] « tendait à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction et constituait une demande autonome » ; qu'en disant que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2012 et a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

7°/ que l'interruption de la prescription décennale par le promoteur constructeur profite aux acquéreurs et propriétaires des ouvrages pour les désordres qui sont indivisibles ; que par l'acte du 23 octobre 2000, la société [Personne physico-morale 1] a fait assigner les constructeurs et leurs assureurs aux fins de voir juger que les désordres par infiltration affectant les verrières de l'ensemble immobilier Roissy Park engageaient la responsabilité des constructeurs et qu'ils soient condamnés à lui payer notamment la somme provisionnelle de 2 305 710,69 F TTC ; que cette assignation, qui a eu un effet interruptif de prescription, profitait nécessairement à l'AFUL, à ADP et à Dôme Properties, qui ont initié une même action en responsabilité contre l'ensemble des intervenants à la construction en réparation des mêmes désordres ; qu'en déniant cependant tout effet interruptif de prescription à l'assignation du 23 octobre 2000 au bénéfice de l'exposante, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 2241 du code civil ;

8°/ que l'action autonome tendant à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction aux fins d'obtenir réparation d'un dommage contre le responsable d'un dommage aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de toutes sommes pouvant être dues au titre de ce dommage interrompt la prescription à l'égard de toutes les victimes ; qu'en retenant, pour écarter tout effet interruptif de prescription attaché à l'assignation délivrée par [Personne physico-morale 1] à l'ensemble des constructeurs au profit d'ADP et de Dôme Properties, que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 1792 et 2241 du code civil ;

9°/ que toute partie à un contrat à qualité à agir pour faire respecter une obligation contractuelle ; qu'en se bornant à retenir, pour dénier qualité à agir à Dôme Properties, au titre des désordres litigieux, que ces désordres affectaient des ouvrages et équipement d'intérêt collectif qui sont la propriété de l'AFUL ou qu'elle gère, sans rechercher, s'il ne résultait du bail à construction cédé à Dôme Properties par [Personne physico-morale 1] que celle-ci s'était engagée « à poursuivre, jusqu'à leur complet achèvement, l'édification des constructions et des éléments d'infrastructure ou d'équipement qui peuvent être nécessaires à la desserte, lesdites constructions devant être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires, aux obligations du permis de construire (...) et d'une manière générale à l'utilisation de l'immeuble projeté », ce dont il résultait qu'elle s'était engagée à délivrer des ouvrages exempts de vices à l'exposante, en ce compris les ouvrages et équipements d'utilité commune nécessaires à la desserte et au fonctionnement de l'ensemble immobilier, de sorte que Dôme Properties avait qualité à agir pour faire respecter ces obligations de conformité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1792 et 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ;

10°/ que toute personne a qualité à agir en réparation de son préjudice personnel ; que dans ses conclusions d'appel, Dôme Properties faisait valoir que les désordres et malfaçons affectant des ouvrages et équipements d'utilité commune, partie intégrante du lot de volume 6, constituaient l'accessoire indispensable des bâtiments et ouvrages inclus dans les autres lots de volume dont notamment les lots de volume 2 à 5 dont Dômes Properties est propriétaire, de sorte qu'elle disposait, conjointement avec ADP et l'AFUL, du droit d'agir contre la [Personne physico-morale 1], au titre de ces ouvrages d'intérêt collectif, peu important qu'ils fassent partie intégrante du lot de volume 6 dont l'AFUL est propriétaire ou qu'il s'agisse d'ouvrages et d'équipements dont la gestion lui avait été confiée ; qu'en se bornant, pour dire que Dôme Properties n'avait pas qualité à agir en réparation des désordres litigieux, qu'elle n'était pas propriétaire de la verrière et des ouvrages communs, qui appartiennent exclusivement à l'AFUL ou dont la gestion lui a été confiée, sans rechercher, si la circonstance que les désordres affectaient des ouvrages et équipements d'intérêt collectif causant un dommage aux biens dont elle était propriétaire ne rendait pas son action recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et 1792 du code civil ;

11°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant dit que la société Dôme Properties n'avait pas qualité à agir en réparation des désordres affectant les installations et équipements communs dépendant du lot de volume 6 appartenant à l'AFUL Roissy Air Park, sans répondre aux conclusions de l'exposante (p. 46), ayant fait valoir qu'elle avait bien intérêt et qualité à agir, dès lors qu'elle s'acquittait intégralement des charges afférentes au lot de volume 6, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°/ que le seul fait qu'un mandat de gestion ait été confié à un mandataire ne prive pas le mandant de ses droits à agir en réparation de désordres de construction ; qu'en ayant dénié toute qualité à agir à la société Dôme Properties, en réparation des désordres affectant les ouvrages et équipements non listés dans le lot de volume n° 6, au motif que l'article 3 des statuts de l'AFUL Roissy Air Park lui avait conféré mandat de les gérer, la cour d'appel a violé l'article 1984 du code civil ;

13°/ qu'une partie a incontestablement qualité à agir pour poursuivre la réparation des ouvrages dont elle est propriétaire ; qu'en ayant déclaré Dôme Properties irrecevable à agir concernant tous les désordres qu'elle dénonçait, sans rechercher si l'exposante n'avait incontestablement pas qualité à agir pour poursuivre la réparation des désordres affectant ses lots de volume 2 à 5, lui appartenant en propre, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

36. Par son moyen, ADP fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 4°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que par un arrêt du 17 décembre 2010, la cour d'appel de Paris a annulé l'assignation délivrée par l'Aful le 12 septembre 1996 et les actes subséquents ayant un lien direct et certain avec cette assignation originelle et dit sans objet la demande en garantie formée par [Personne physico-morale 1] le 23 octobre 2000 ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 24 octobre 2012, a censuré cet arrêt pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile aux motifs que l'assignation du 23 octobre 2000 délivrée par [Personne physico-morale 1] « tendait à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction et constituait une demande autonome » ; qu'en disant que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2012 et a méconnu l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ;

5°/ que l'interruption de la prescription décennale par le maître d'ouvrage constructeur profite aux acquéreurs et propriétaires des ouvrages pour les désordres qui sont indivisibles ; que par l'acte du 23 octobre 2000, la société [Personne physico-morale 1] a fait assigner les constructeurs et leurs assureurs aux fins de voir juger que les désordres par infiltration affectant les verrières de l'ensemble immobilier Roissy Park engageaient la responsabilité des constructeurs et qu'ils soient condamnés à lui payer notamment la somme provisionnelle de 2 305 710,69 F TTC ; que cette assignation, qui a eu un effet interruptif de prescription, profite nécessairement à l'Aful, à ADP et à Dôme Properties, qui ont initié une même action en responsabilité contre l'ensemble des intervenants à la construction en réparation des mêmes désordres ; qu'en déniant cependant tout effet interruptif de prescription de l'assignation du 23 octobre 2000 au bénéfice d'ADP, la cour d'appel a violé les articleS 1792 et 2241 du code civil ;

6°/ qu'une action en garantie contre le responsable d'un dommage aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de toutes sommes pouvant être dues au titre de ce dommage interrompt la prescription à l'égard de toutes les victimes ; qu'en retenant, pour écarter tout effet interruptif de prescription attaché à l'assignation en garantie délivrée par [Personne physico-morale 1] à l'ensemble des constructeurs au profit d'ADP, que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et 2241 du code civil ;

7°/ que toute personne a qualité à agir en réparation de son préjudice personnel ; que dans ses conclusions d'appel, ADP faisait valoir que les désordres et malfaçons objet des demandes d'ADP affectaient des ouvrages et équipements d'utilité commune, indispensables à la desserte ou au fonctionnement de l'intégralité de l'ensemble immobilier à savoir l'intégralité des bâtiments en superstructure et parkings en sous-sols, que ces ouvrages et équipements d'intérêt collectif, partie intégrante du lot de volumes 6, constituaient donc l'accessoire indispensable des bâtiments et ouvrages inclus dans les autres lots de volumes dont notamment le lot de volumes 1 dont ADP est propriétaire, de sorte qu'ADP disposait, conjointement avec la société Dôme Properties et l'Aful, du droit d'agir, sur le fondement des articles 1646-1, 1792 et suivants du code civil, contre la société [Personne physico-morale 1] au titre de ces ouvrages d'intérêt collectif, peu important qu'ils soient partie intégrante du lot de volume 6 dont l'AFUL est propriétaire ; qu'en se bornant, pour dire qu'ADP n'a pas qualité à agir en réparation des désordres litigieux, qu'elle n'est pas propriétaire de la verrière, qui appartient exclusivement à l'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que les désordres affectaient des ouvrages et équipements d'intérêt collectif causant un dommage aux biens dont elle était propriétaire ne rendait pas son action recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et 1792 du code civil ;

8°/ que le maître de l'ouvrage qui n'est plus propriétaire de l'ouvrage qu'il a fait construire continue de disposer, conjointement avec le propriétaire, du droit d'exercer contre ses locateurs d'ouvrage l'action fondée sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil s'il apparaît qu'il conserve un intérêt à agir en réparation des désordres affectant l'ouvrage ; que dans ses conclusions, ADP faisait valoir qu'elle disposait du droit à agir en garantie décennale contre KBD, vendeur en l'état futur d'achèvement des ouvrages litigieux, peu important que la verrière et les ouvrages et équipements d'intérêt collectif aient été ultérieurement cédés gratuitement à l'AFUL ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

9°/ que toute partie à un contrat à qualité à agir pour faire respecter une obligation contractuelle ; qu'en se bornant à retenir, pour dénier qualité à agir à ADP au titre des désordres litigieux, que ces désordres affectent des ouvrages et équipement d'intérêt collectif qui sont la propriété d'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article I-1 des baux à construction, selon lequel le preneur, la société [Personne physico-morale 1] s'est engagé envers ADP « à poursuivre, jusqu'à leur complet achèvement, l'édification des constructions et des éléments d'infrastructure ou d'équipement qui peuvent être nécessaires à la desserte, lesdites constructions devant être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions règlementaires, aux obligations du permis de construire (...) et d'une manière générale à l'utilisation de l'immeuble projeté », ne conférait pas obligation de [Personne physico-morale 1] envers ADP de garantir la conformité de l'ensemble des ouvrages construits, en ce compris les ouvrages et équipements d'utilité commune nécessaires à la desserte et au fonctionnement de l'ensemble immobilier, aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires, aux obligations du permis de construire, de sorte qu'ADP avait qualité à agir pour faire respecter ces obligations de conformité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1792 et 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ; »

Réponse de la Cour

37. La Cour de cassation a jugé que seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459).

38. Si en matière de copropriété, elle a admis que le syndicat des copropriétaires qui agit en réparation des désordres affectant les parties communes puisse se prévaloir de l'effet interruptif de prescription attaché à l'assignation délivrée par un copropriétaire agissant en réparation de son préjudice personnel (3e Civ., 20 mars 2002, pourvoi n° 99-11.745, Bull. 2002, III, n° 69), cette exception au principe de l'effet relatif de l'interruption de la prescription suppose qu'il existe un lien d'indivisibilité entre les désordres affectant les parties communes et ceux affectant les parties privatives (3e Civ., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-12.121).

39. Or, la cour d'appel a constaté que l'état descriptif de division en volumes avait expressément exclu l'application du régime de la copropriété au motif que les volumes faisant l'objet de l'état descriptif de division étaient dotés d'une indépendance technique et fonctionnelle telle qu'il n'existait aucune partie commune entre les lots.

40. Elle a également constaté que l'AFUL était seule propriétaire du lot de volumes n° 6, comprenant la verrière, la desserte par voie piétonne des huit bâtiments, les espaces verts, ainsi que l'ensemble des locaux techniques, escaliers de secours, rampe d'accès au parking et autres équipements destinés au service de l'ensemble des propriétaires ou certains d'entre eux et qu'elle était seule chargée de la gestion et de la réparation de tous les éléments d'équipement d'intérêt collectif, ainsi que des actions s'y rapportant.

41. Elle a relevé qu'ADP était propriétaire du lot de volume n° 1, comprenant, en superstructure, les bâtiments A, B, C et D et, en infrastructure, un parc de stationnement au niveau -1, et quatre locaux indépendants au niveau -2, tandis que Dôme properties n'était que locataire, par l'effet d'une cession du bail à construction de cinquante ans consenti par ADP à [Personne physico-morale 1], des lots de volumes n° 2 à 5, comprenant, en superstructure, les bâtiments E, F, G et H, et en infrastructure, des locaux techniques, circulations, parcs de stationnement, ascenseurs et fosses d'ascenseurs.

42. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que l'AFUL avait seule qualité pour solliciter l'indemnisation des désordres affectant la verrière et les éléments d'équipement dont elle était propriétaire, qu'ADP et Dôme properties n'étaient recevables à agir qu'au titre des désordres affectant les parties dont elles étaient respectivement propriétaire et locataire à condition qu'ils n'entrent pas dans le champ d'action exclusif de l'AFUL et que l'AFUL ne pouvait se prévaloir de l'effet interruptif des assignations délivrées par ses membres.

43. Puis, ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise quant à l'existence de désordres ayant également affecté les lots de volume 2 à 5, que tous les désordres invoqués concernaient soit la verrière commune appartenant à l'AFUL, soit des éléments d'équipement commun gérés par l'AFUL qui était statutairement chargée d'exercer les actions s'y rapportant, elle en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions, que ses constatations rendaient inopérantes, relatives à l'intérêt et à la qualité à agir qu'aurait conservés Dôme properties, qu'ADP et Dôme properties étaient irrecevables à en obtenir réparation.

44. Ayant, par ailleurs, fait ressortir l'absence de parties communes et d'indivisibilité entre les désordres affectant les lots appartenant à l'AFUL et ceux affectant les lots dont ADP et Dôme properties étaient respectivement propriétaire et locataire, elle n'était pas tenue de répondre à des conclusions relatives à l'indivisibilité de l'action de l'AFUL et de ses membres, que ses constatations rendaient inopérantes.

45. Ayant, enfin, retenu sans dénaturation que, si l'action de [Personne physico-morale 1] n'avait pas été affectée par la forclusion de celle de l'AFUL, elle ne pouvait avoir d'autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle avait réglées ou était susceptible de devoir régler à celle-ci, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette action formée par le maître de l'ouvrage contre des locateurs d'ouvrage ne pouvait avoir interrompu la forclusion de l'action de l'AFUL.

46. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter les demandes fondées sur l'article 1792 du code civil et la responsabilité contractuelle pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires, sans être tenue de procéder à des recherches, que ses constatations rendaient inopérantes, relatives, d'une part, à l'existence d'un préjudice personnel subi par ADP et Dôme properties en raison de l'atteinte que les désordres aux éléments d'équipement communs auraient portée à leurs biens, et, d'autre part, à la qualité pour agir de la société ADP sur le fondement de l'obligation de conformité.

Sur le moyen unique, pris en sa dixième branche, du pourvoi d'ADP

Enoncé du moyen

47. ADP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel a constaté qu'ADP avait délivré une assignation au fond devant le tribunal de grande instance de Paris le 12 septembre 1996 à l'encontre de KBD et le 17 septembre 1996 à l'encontre de la compagnie Sprinks Sis Groupe, qu'elle y rappelait en page 2 avoir pris à bail « en superstructure, quatre bâtiments à usage de bureaux élevés de cinq étages sur rez-de-chaussée, dénommés A à D supportant et incluant une partie de la verrière constituant le lot 6 de l'état descriptif de division » et qu'elle avait expressément visé en page 3 « de façon non limitative » les désordres, malfaçons ou défauts de fonctionnement suivants dans les lots ci-dessus désignés ; qu'en affirmant, pour dire ADP irrecevable à agir au titre de ces désordres, que « les dégradations des peintures de sols affectant le premier sous-sol à usage de parkings » « n'a jamais été visé dans ses assignations », quand l'assignation n'avait pas limité les désordres dénoncés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

48. La Cour de cassation a jugé qu'une assignation en justice ne peut interrompre le délai de garantie décennale des constructeurs qu'en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés (3e Civ., 20 mai 1998, pourvoi n° 95-20.870, Bull. 1998, III, n° 104).

49. Ayant relevé que, si ADP avait délivré, le 12 septembre 1996, une assignation visant une liste de désordres, ceux affectant les peintures de sols du premier sous-sol n'y avaient pas été mentionnés, la cour d'appel en a exactement déduit, quand bien même cette liste avait été qualifiée de « non limitative », qu'aucun effet interruptif à l'égard de ces désordres n'était attaché à cette assignation.

50. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué éventuel de la société [Personne physico-morale 1], la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Piwnica et Molinié ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Foussard et Froger ; SCP Caston ; SCP L. Poulet-Odent ; Me Le Prado ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; Me Occhipinti ; SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 2241 et 2243 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 03-16.434, Bull. 2004, III, n° 238 (cassation), et les arrêts cités ; 3e Civ., 12 novembre 2014, pourvoi n° 13-25.547, Bull. 2014, III, n° 146 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 3 décembre 2020, pourvoi n° 19-17.868, Bull. 2020, (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 15 avril 2021, n° 19-20.416, (P)

Cassation partielle

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Conditions – Préjudice distinct – Applications diverses – Cassation – Juridiction de renvoi – Irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction

L'irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne la rend pas irrecevable, mais nulle pour vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que s'il est justifié d'un grief.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ. 7 septembre 2017, pourvoi n° 15-21862), M. [I] a été condamné, par un arrêt infirmatif, à payer une certaine somme à Mme [P] au titre de l'inexécution d'obligations contractuelles.

2. Cet arrêt, qui comportait d'autres chefs de dispositif faisant grief à d'autres parties, a été cassé en ses seules dispositions condamnant M. [I] au profit de Mme [P].

3. Le 15 janvier 2018, Mme [P] a déposé au greffe de la cour d'appel de renvoi une déclaration de saisine à l'encontre de M. [I].

Application de l'article 688 du code de procédure civile

4. Il résulte des productions que le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. [I], résidant aux Etats-Unis d'Amérique, le 19 février 2020. Il n'est pas établi que M. [I] en a eu connaissance en temps utile, mais le mémoire ayant été transmis selon les modalités de la Convention de [Localité 1] du 15 novembre 1965, un délai d'au moins six mois s'étant écoulé depuis le 19 février 2020 et aucun justificatif de remise du mémoire n'ayant pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où le mémoire doit être remis, les conditions sont réunies pour qu'il soit statué sur le pourvoi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [P] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la déclaration de saisine, de dire que la cour d'appel n'est pas valablement saisie et de déclarer irrecevables la déclaration de saisine ainsi que ses demandes, alors « que n'est pas nulle la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, après une cassation partielle sur un seul chef de dispositif, qui n'a pas à viser ce chef du jugement critiqué dès lors que, par définition, la cour d'appel de renvoi n'a compétence que sur la partie du litige dont le jugement lui est déféré par la Cour de cassation, les chefs non attaqués ou non cassés de la décision frappée de pourvoi subsistant avec l'autorité de la chose jugée ; qu'en considérant néanmoins, pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, que Mme [S] [P] était tenue de mentionner dans la déclaration de saisine de la cour d'appel dans le cadre de la procédure de renvoi après cassation, les chefs du jugement critiqués, bien que la cassation partielle n'ait porté que sur un seul chef de dispositif, la cour d'appel a violé les articles 1032 et 1033 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'obligation, prévue à l'article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, au regard des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué atteints par la cassation, les chefs critiqués de la décision entreprise, s'impose même dans l'hypothèse d'une cassation partielle d'un seul chef de dispositif de l'arrêt attaqué. A défaut, la déclaration de saisine encourt la nullité.

7. Ayant à juste titre retenu que la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi devait contenir les mentions exigées pour la déclaration d'appel par l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile et constaté que la déclaration de saisine du 15 janvier 2018 ne mentionnait aucun chef du jugement entrepris susceptible de réformation consécutivement au renvoi après cassation, la cour d'appel en a exactement déduit que la sanction d'une telle irrégularité était la nullité de la déclaration de saisine.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. Mme [P] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en prononçant la nullité de la déclaration de saisine, sans rechercher si l'irrégularité constatée, tenant à l'absence de précision des chefs de dispositif attaqués, avait causé un grief à M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 114 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ce texte qu'affectant le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci, l'irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que s'il est justifié d'un grief.

11. Pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine, dire que la cour n'est pas valablement saisie et déclarer irrecevables la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Mme [P], l'arrêt retient qu'au regard de l'irrégularité avérée entachant cet acte de procédure, la déclaration de saisine en cause est nulle et la cour d'appel n'étant pas valablement saisie, il y a lieu consécutivement de la déclarer irrecevable et, par conséquent, de déclarer irrecevables les demandes de Mme [P].

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le vice de forme affectant la déclaration de saisine avait causé un grief à M. [I], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions prononçant la nullité de la déclaration de saisine de la cour d'appel à la suite du renvoi après cassation, disant que la cour d'appel n'est pas valablement saisie et déclarant irrecevables la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Mme [P], l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Article 1033 du code de procédure civile ; article 114 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n° 19-14.293, Bull. 2021, (cassation partielle). 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-11.266, Bull. 2017, II, n° 201 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 15 avril 2021, n° 20-14.106, (P)

Cassation

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Saisine – Déclaration au greffe – Tentative préalable de conciliation obligatoire – Etendue

Aux termes de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la saisine du tribunal d'instance par déclaration au greffe doit être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf si, notamment, les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige.

Encourt la censure le jugement d'un tribunal d'instance qui prononce l'irrecevabilité de la demande sur le fondement de ce texte, en se bornant à relever l'absence de justification d'un tentative préalable de conciliation, sans examiner si le demandeur, qui faisait état dans sa déclaration au greffe de l'envoi d'un courrier à la partie adverse en vue d'un accord, ne justifiait pas de démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Grenoble, 10 mai 2019), rendu en dernier ressort, et les productions, M. [G] a saisi le tribunal d'instance de Grenoble, par une déclaration au greffe du 12 mars 2019, en vue d'obtenir la condamnation à son profit de Mme [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. [G] fait grief au jugement de prononcer d'office l'irrecevabilité de l'acte de saisine du tribunal, alors « qu'il résulte de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dans sa version applicable au présent litige, que la saisine du tribunal d'instance par déclaration au greffe n'est pas subordonnée à la mise en oeuvre préalable d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice lorsque l'une des parties au moins justifie de diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ; qu'en l'espèce, il résulte de la déclaration au greffe remplie le 12 mars 2019 par M. [G] que, pour justifier de la saisine directe du tribunal sans tentative préalable de conciliation, celui-ci a expressément indiqué avoir envoyé un courrier à l'autre partie en vue d'un accord pour mettre un terme au litige ; que dès lors, en relevant, pour statuer comme il l'a fait, que le demandeur ne justifiait pas avoir fait précéder la saisine du tribunal d'une tentative de conciliation, sans rechercher s'il ne résultait pas des mentions de la déclaration susvisée que M. [G] avait entrepris des diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige en envoyant à Mme [I] un courrier en vue de parvenir à un accord, le tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 4-2° de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :

4. Aux termes de ce texte, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la saisine du tribunal d'instance par déclaration au greffe doit être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;

2° Si les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l'absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime.

5. Pour prononcer l'irrecevabilité de l'acte de saisine du tribunal d'instance, le jugement retient que le demandeur a saisi le tribunal par déclaration au greffe en date du 12 mars 2019, parvenue au greffe le 13 mars 2019, que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et plus particulièrement son article 4 prescrit que « la saisine du tribunal d'instance par déclaration au greffe doit être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice » et que le demandeur ne justifie pas avoir rempli cette obligation légale.

6. En se déterminant ainsi, en se bornant à relever l'absence de justification d'un tentative préalable de conciliation, sans examiner si M. [G], qui avait mentionné, dans sa déclaration au greffe, au titre des démarches entreprises afin de parvenir à une résolution amiable du litige, avoir envoyé un courrier à l'autre partie en vue d'un accord, justifiait de démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, le tribunal d'instance n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 mai 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Grenoble.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Le Griel ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

2e Civ., 15 avril 2021, n° 19-20.281, (P)

Rejet

Fin de non-recevoir – Définition – Moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel – Moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon,18 juin 2019), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (la CRCAM) de l'Aube et de la Haute-Marne, aux droits de laquelle se trouve la CRCAM Champagne Bourgogne, a agi en action paulienne contre Mme [B] et obtenu l'inopposabilité d'un apport d'un immeuble lui appartenant à une société civile immobilière, la demande de Mme [B], dans le cadre de cette procédure, de dommages-intérêts pour manquement de la CRCAM à son devoir de bonne foi et d'information ayant été rejetée alors, comme étant prématurée.

2. Sur le fondement de deux actes notariés de cautionnement conclus en 1990 et 1991, la CRCAM a fait délivrer le 27 janvier 2010 à Mme [B] un commandement valant saisie immobilière sur le bien réintégré dans le patrimoine de celle-ci par l'effet de l'action paulienne.

3. Par jugement du 6 juillet 2010, un juge de l'exécution a déclaré les demandes de la CRCAM irrecevables au fond en raison de la prescription, jugement infirmé par arrêt d'une cour d'appel du 10 mai 2011, disant que l'action de la CRCAM n'était pas prescrite et déboutant Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts comme ayant été déjà définitivement tranchée par une décision antérieure.

4. Le bien a été vendu.

5. Par arrêt du 21 mars 2013 (2e Civ., 21 mars 2013, pourvoi n° 11-21.495), la Cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il a infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2010 et dit que l'action en recouvrement forcé engagée par la CRCAM au moyen du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 27 janvier 2010 n'était pas prescrite.

6. Par arrêt du 14 avril 2014, la cour d'appel de renvoi a confirmé le jugement en ce qu'il a dit irrecevables les demandes au fond et rejeté les autres demandes, arrêt cassé le 12 novembre 2015 (1re Civ., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-23.655), mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande en dommages-intérêts fondée sur la faute de la banque et la demande de compensation de Mme [B] à l'encontre de la CRCAM de Champagne-Bourgogne.

7. Par arrêt du 4 avril 2017, la cour d'appel de renvoi a infirmé le jugement et déclaré irrecevables comme prescrites les demandes indemnitaires de Mme [B], arrêt cassé le 27 juin 2018 (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi n° 17-21.157).

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable les demandes indemnitaires présentées par elle à l'encontre de la CRCAM de Champagne Bourgogne alors :

« 1°/ que les exceptions de procédure, dont l'exception d'incompétence de la juridiction saisie, doivent être soulevées avant tout débat au fond, à peine d'irrecevabilité ; qu'en déclarant les demandes de Mme [B] irrecevables pour avoir été présentées devant le juge de l'exécution car celui-ci n'aurait pas compétence pour se prononcer sur les demandes indemnitaires formées à l'encontre de la caisse régionale de Crédit agricole mutuelle et en faisant ainsi droit à une exception d'incompétence soulevée en cause d'appel dans une instance ayant fait l'objet précédemment de trois arrêts de cassation et par suite après les débats au fond, la cour d'appel a violé les articles 73 et 74 du code de procédure civile ;

2°/ que le litige sur le point de savoir si le juge de l'exécution peut se prononcer sur une demande d'indemnisation présentée par le demandeur à raison des conséquences d'une saisie immobilière est une exception d'incompétence qui doit être soulevée avant toute défense au fond ; qu'en jugeant au contraire que la contestation de la compétence du juge de l'exécution pour se prononcer sur la demande de Mme [B], qui avait été invoqué pour la première fois par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel devant la cour d'appel, constituait une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause, la cour d'appel a violé les articles 74 et 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure.

11. Dès lors qu'une telle demande ne constitue pas une contestation de la mesure d'exécution au sens du texte précité, le juge de l'exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci.

12. Or, le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non- recevoir, qui peut, dès lors, être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile.

13. Après avoir relevé que l'action en responsabilité formée à titre reconventionnel par Mme [B] contre la CRCAM était fondée sur un manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde, un comportement dolosif de celle-ci, et pris d'une disproportion de ses engagements de caution, et que Mme [B] ne contestait pas la procédure de saisie immobilière elle-même, et qu'elle ne constituait dès lors pas une contestation se rapportant à la procédure de saisie immobilière ou une demande s'y rapportant directement, la cour d'appel en a exactement déduit, après avoir justement rappelé que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause et que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie constituait une fin de non- recevoir, que le jugement entrepris devait être confirmé en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes au fond de Mme [B].

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Marc Lévis -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; article 123 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 janvier 2015, pourvoi n° 13-21.044, Bull. 2015, II, n° 3 (rejet).

2e Civ., 15 avril 2021, n° 20-10.844, (P)

Cassation

Notification – Signification – Personne – Personne morale – Société – Signification au siège social – Diligences suffisantes

Selon l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.

Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui retient que la copie d'un acte de signification a été remise à une employée ayant indiqué être habilitée à la recevoir et que l'huissier de justice n'a pas à vérifier la qualité ainsi déclarée, sans constater que la personne morale destinataire ne disposait pas d'un établissement où l'acte devait, dans ce cas, lui être notifié.

Notification – Signification – Personne – Personne morale – Signification au siège social – Diligences de l'huissier – Copie remise à personne habilitée – Exclusion – Existence d'un établissement

Notification – Signification – Personne – Personne morale – Modalités de la signification – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2019), M. et Mme [Q] ont fait pratiquer, sur le fondement d'un jugement rendu le 21 décembre 2017 et signifié le 5 janvier 2018, deux saisies-attributions à l'encontre de la société Casden banque populaire, qui a saisi un juge de l'exécution.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

2. La société Casden banque populaire fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, de déclarer valides les saisies-attributions pratiquées le 25 avril 2018 par M. et Mme [Q], et de la condamner à verser à chacun d'entre eux la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la notification destinée à une personne morale de droit privé doit être faite au lieu de son siège social ou au lieu de l'un de ses établissements secondaires ; que pour juger valable la signification du jugement du 21 décembre 2017 ayant fondé les saisies-attribution pratiquées par les époux [Q] à l'encontre de la Casden, la cour d'appel a retenu que l'huissier qui procède à la signification d'un acte à une personne morale n'ayant pas à vérifier la qualité de la personne qui se déclare habilitée à le recevoir, il importait peu que ledit jugement ait été signifié à une adresse où la Casden n'avait ni son siège social ni un établissement secondaire ; qu'en statuant ainsi, quand la signification d'un acte à une personne morale n'est valable qu'à la condition d'avoir été effectuée à l'adresse de son siège social ou de l'un de ses établissements secondaires, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 654 et 690 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 690 du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement ; qu'à défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.

4. Pour infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, rejeter toutes les demandes formées par la société Casden banque populaire et déclarer valides les saisies-attributions pratiquées le 25 avril 2018 par M. et Mme [Q], l'arrêt relève, d'abord, que l'intimée expose qu'elle ne dispose d'aucun établissement secondaire situé [Adresse 3], que cette adresse est celle de la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique, personne morale distincte, que la personne ayant accepté de recevoir la copie de l'acte de signification du titre n'est pas une de ses employées mais travaille pour la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique et soutient qu'en application de l'article 690 du code de procédure civile, le jugement aurait dû lui être signifié à l'adresse de son siège, connue de M. et Mme [Q], qui y ont envoyé des lettres, et que cette irrégularité de forme lui a causé un grief en ce qu'elle n'a eu que tardivement connaissance de ce jugement, ce qui l'a empêchée de faire valoir ses droits et que la signification du jugement est entachée d'une nullité de fond insusceptible de régularisation, dès lors que l'acte a été délivré à une société au nom d'une autre qu'elle n'avait pas le droit de représenter.

5. L'arrêt retient, ensuite, qu'il ressort des pièces produites aux débats que, dans son en-tête, le jugement rendu le 21 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Bordeaux mentionne bien la Casden banque populaire comme défenderesse et son adresse au [Adresse 4], qui était l'adresse de son siège social, devenue [Adresse 1] et que les condamnations prononcées par ce jugement au profit de M. et Mme [Q] le sont à l'encontre de la Casden banque populaire.

6. L'arrêt retient, enfin, que ce jugement a été signifié à la Casden banque populaire, et non à une autre société, comme le soutient à tort l'intimée, par acte d'huissier du 5 janvier 2018, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, mentionnant que la copie de cet acte a été remise à Mme [Y], employée, ayant indiqué être habilitée à la recevoir, que l'huissier de justice procédant à la signification d'un acte à une personne morale n'ayant pas à vérifier la qualité déclarée par la personne à qui est remise la copie de l'acte et qui a déclaré être habilitée à recevoir l'acte, il importe peu que le jugement litigieux ait été signifié à une adresse où elle n'a ni son siège ni un établissement secondaire, dès lors que, d'une part, le jugement assorti de l'exécution provisoire en vertu duquel sont poursuivies les saisies-attributions litigieuses mentionne bien la Casden Banque Populaire comme partie et comporte des condamnations à son encontre au profit de M. et Mme [Q], et que, d'autre part, la copie de l'acte de signification, non argué de faux, de ce jugement à la Casden banque populaire a été acceptée par une personne ayant déclaré être habilitée à la recevoir au nom de cette société conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile.

7. En statuant ainsi, sans constater que la banque ne disposait pas d'un établissement où l'acte devait, dans ce cas, lui être notifié en application de l'article 690, alinéa 1er, susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 690 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 mai 1994, pourvois n° 92-13.039, 92-18.076, Bull. 1994, III, n° 88 (cassation) et l'arrêt cité ; 3e Civ., 3 février 2010, pourvoi n° 09-11.389, Bull. 2010, III, n° 32 (cassation partielle) ; 2e Civ., 19 février 2015, pourvoi n° 13-28.140, Bull. 2015, II, n° 41 (cassation).

1re Civ., 8 avril 2021, n° 18-24.494, (P)

Cassation partielle

Sursis à statuer – Question préjudicielle – Cas – Règlement d'un service public – Clauses abusives – Appréciation – Compétence du juge administratif

Désistement partiel

1.Il est donné acte à MM. T... et Q... I..., Mme O... I... et Mme S... X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Sprimbarth cap Caraïbes.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 mars 2018), M. T... I... et Mme S... X... ont acquis en 2009 un bien immobilier en copropriété, après en avoir été locataires et avoir souscrit le 2 juin 2005 un contrat d'abonnement en eau potable auprès de la société Générale des eaux Guadeloupe (le délégataire), délégataire du service public de distribution d'eau potable à Saint-Martin.

3. A la suite de désordres apparus en 2013 et causés par une fuite sur une canalisation du réseau commun enterré, situé sur le terrain de la copropriété, entre le compteur individuel et le compteur général, ils ont, avec leurs enfants, MM. H... et Q... I... et Mme O... I... (les consorts I...), assigné en responsabilité et indemnisation le délégataire, le syndicat des copropriétaires et la société Sprimbarth cap Caraïbes, syndic de la copropriété (le syndic), et soutenu que certaines dispositions du règlement de service public de distribution d'eau potable de la collectivité de Saint-Martin présentaient un caractère abusif.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative.

6. Il appartient à la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier la légalité du règlement d'un service public définissant les relations entre l'exploitant du service et les usagers de celui-ci, d'apprécier le caractère abusif de ses clauses, au sens du code de la consommation.

7. Il s'en déduit qu'en présence d'une difficulté sérieuse et en l'absence d'une jurisprudence établie, il appartient à la juridiction judiciaire de surseoir à statuer jusqu'à ce que soit tranchée par la juridiction administrative la question préjudicielle du caractère abusif des clauses en cause.

8. Pour rejeter les demandes formées contre le délégataire, l'arrêt retient que les clauses litigieuses ont pour objet de répartir entre le délégataire et l'usager la responsabilité de l'entretien et des réparations des canalisations, sans édicter de principe d'exonération de responsabilité du délégataire, celle-ci pouvant être engagée notamment si un dommage survenu sur la partie privative du réseau adviendrait par sa faute, comme un défaut de conception de branchement, et que le fait de situer le point de partage de la charge de la surveillance et de l'entretien au niveau du compteur permet à chacun de l'assurer au mieux, et détecter d'éventuelles fuites, notamment par le contrôle de la consommation enregistrée par le compteur. Il en déduit qu'il n'est pas établi que ces clauses créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et qu'elles ne sauraient en conséquence, être regardées comme abusives.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de retrait du rôle de l'affaire, l'arrêt rendu le 19 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 49, alinéa 2, du code de procédure civile ; loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

Rapprochement(s) :

Pour la séparation des pouvoirs, à rapprocher : 1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-16.548, Bull. 2015, I, n° 317 (cassation partielle) ; 1re Civ., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-19.449, Bull. 2007, I, n° 39 (cassation).

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