Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION

2e Civ., 1 avril 2021, n° 20-11.122, (P)

Cassation

Demande – Délai – Point de départ – Décision statuant définitivement sur l'action publique ou l'action civile – Cas – Ordonnance d'incompétence du juge d'instruction

En application de l'article 706-5 du code de procédure pénale, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai prévu, à peine de forclusion, pour présenter la demande d'indemnité expire un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l`action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive.

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui constate la forclusion de l'action du requérant a la date à laquelle l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction, dont elle avait retenu qu'elle avait mis fin à l'action publique engagée par sa plainte avec constitution de partie civile, était devenue définitive, alors que cette date constituait le point de départ du délai d'un an prévu par cet article.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 mars 2019), le 9 janvier 2013, M. F... a déposé plainte pour des faits de violences volontaires commis à son encontre le 5 janvier 2013.

2. Le 25 septembre 2014, le procureur de la république l'a avisé du classement sans suite de sa plainte en raison de l'absence de preuves suffisantes contre la personne en cause.

3. M. F... a saisi un juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile.

4. Par ordonnance en date du 14 mars 2016, après dépôt du rapport de l'expertise médico-légale qu'il avait ordonnée, le juge d'instruction s'est déclaré incompétent au motif que les faits objets de la plainte constituaient une contravention.

5. Par requête déposée le 2 mars 2017, M. F... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir la réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. F... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes, alors « que, à tout le moins, lorsque des poursuites pénales sont exercées, le délai pour demander une indemnisation à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction se déclare incompétent est une décision statuant définitivement sur l'action publique au sens de ce texte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 706-5 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-5 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2020-833 du 2 juillet 2020 :

7. Selon ce texte, à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. Lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive.

8. Pour dire M. F... irrecevable en sa demande, l'arrêt relève que l'ordonnance d'incompétence, rendue par le juge d'instruction le 14 mars 2016, a mis fin à l'action publique déclenchée par sa plainte avec constitution de partie civile mais n'a pas éteint l'action publique.

9. Il énonce que le délai légal pour saisir la commission a couru à compter du 9 mars 2013, a été prorogé par la mise en mouvement de l'action publique et a expiré le lundi 4 avril 2016, date à laquelle l'ordonnance d'incompétence, notifiée le 24 mars 2016, qui emporte extinction de l'instance pénale, est devenue définitive.

10. Il en déduit que la requête en indemnisation déposée après cette date est atteinte de forclusion.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. F... avait saisi la CIVI le 2 mars 2017, soit dans le délai d'un an à compter du 4 avril 2016, date à laquelle l'ordonnance d'incompétence du juge d'instruction, dont elle avait retenu qu'elle avait mis fin à l'action publique déclenchée par la plainte avec constitution de partie civile, était devenue définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 706-5 du code de procédure pénale.

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