Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 14 avril 2021, n° 19-22.236, (P)

Rejet

Accords et conventions divers – Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 – Transport aérien international – Responsabilité du transporteur – Appel en garantie du constructeur d'aéronefs – Compétence juridictionnelle – Règle de compétence – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 2 juillet 2019), le 28 décembre 2014, un avion, parti de l'île [Localité 1] à destination de Singapour, s'est abîmé en mer. Tous les passagers et membres de l'équipage ont péri.

2. Le 4 juillet 2016, divers ayants droit des victimes ont engagé une action en responsabilité civile contre le transporteur, la société indonésienne Indonesia Air Asia (la société Air Asia), le propriétaire de l'avion, la société allemande Doric, le constructeur, la société française Airbus et son fournisseur, la société française Artus, devant le tribunal de grande instance d'Angers, lieu du siège social de cette dernière.

La société Artus a formé un recours en garantie contre le transporteur.

3. Les sociétés Airbus, Air Asia et Doric ont saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence au profit des juridictions indonésiennes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident de la société Airbus, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation, ni sur le moyen du pourvoi incident qui est irrecevable.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses première à sixième branches

Enoncé du moyen

5. Les ayants droit des victimes font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance d'Angers incompétent pour connaître de leurs demandes à l'encontre de la société Air Asia, de les renvoyer à mieux se pourvoir et de dire que l'affaire les opposant à cette société fera l'objet d'une disjonction, alors :

« 1°/ qu'en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur a le choix de saisir la juridiction du lieu où demeure l'un d'entre eux ; que cette prorogation de compétence a vocation à s'appliquer dans l'ordre international dès lors que les demandes dirigées contre les différents défendeurs sont connexes ; qu'un accident d'aéronef est un fait unique rendant indivisibles ou, à tout le moins connexes, les demandes présentées à l'encontre des constructeurs et transporteur et justifiant à ce titre, l'application de la prorogation de compétence ; qu'en l'espèce, après avoir pourtant expressément constaté que « les demandes des victimes dirigées à l'encontre des constructeurs et celles tendant à ce que soit reconnue la responsabilité du transporteur présentent des liens étroits », la cour d'appel a refusé de reconnaître la compétence de la juridiction française pour statuer sur la responsabilité du transporteur Air Asia, violant ainsi l'article 42, alinéa 2 du code de procédure civile ;

2°/ que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le tribunal de grande instance d'Angers était compétent pour connaître de l'appel en garantie de la société Artus à l'encontre de la société Air Asia ; qu'en décidant toutefois que le transporteur ne pouvait décliner la compétence de la juridiction française saisie que dans ses rapports avec l'appelant en garantie et non dans ses rapports avec les demandeurs initiaux, en l'occurrence les familles de victimes, la cour d'appel a violé l'article 333 du code de procédure civile ;

3°/ que l'indivisibilité résulte d'une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires ; qu'en l'espèce, il existerait une incompatibilité manifeste entre la décision d'une juridiction française retenant la responsabilité du transporteur aérien sur l'appel en garantie exercé contre lui par le constructeur de la pièce défectueuse et celle rendue par une juridiction indonésienne écartant toute responsabilité de ce même transporteur sur l'action directement intentée par les ayant-droits des victimes ; qu'en refusant dès lors de retenir l'indivisibilité des demandes, la cour d'appel a violé le Principe d'une bonne administration de la justice résultant du Règlement (UE) n° 1215/2015, l'article 4 du code civil, ensemble l'article 101 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en énonçant que « si les demandes des victimes dirigées à l'encontre des constructeurs et celles tendant à ce que soit reconnue la responsabilité du transporteur présentent des liens étroits, elles ne sont pas pour autant indivisibles, des décisions rendues par des juridictions différentes pouvant être exécutées séparément », quand la question était celle de savoir si les demandes respectivement formées par les ayant-droits et le constructeur à l'encontre du même transporteur aérien pour statuer sur la responsabilité de celui-ci dans l'accident pouvaient être tranchées par deux juridictions différentes - l'une de droit français, l'autre de droit indonésien - la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant a privé sa décision de base légale au regard du Principe d'une bonne administration de la justice résultant du Règlement (UE) n° 1215/2015, de l'article 4 du code civil, ensemble de l'article 101 du code de procédure civile ;

5°/ que les ayant-droits des victimes avaient expressément soutenu qu'existait une contradiction et, partant, un risque de décisions inconciliables résultant de la compétence dévolue au tribunal de grande instance d'Angers pour la responsabilité du fabricant et pour l'appel en garantie de celui-ci à l'encontre du transporteur et le refus de cette compétence pour l'action de ces mêmes ayant-droits à l'encontre du transporteur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que l'application de conventions spéciales, telles que la Convention de Varsovie, ne saurait porter atteinte aux principes qui sous-tendent la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l'Union, tels que les principes de libre circulation des décisions en matière civile et commerciale, de prévisibilité des juridictions compétentes, et de sécurité juridique pour les justiciables, de bonne administration de la justice, de réduction du risque de procédures concurrentes ; qu'en l'espèce, les ayant-droit des victimes avaient soutenu que les règles de compétence prévues par les Règlements (CE) n° 44/2001 et (UE) n° 1215/2012 prévalent

sur celles d'une convention internationale sauf si les règles prévues par celle-ci permettent de réduire le risque de procédures concurrentes (conclusions p. 31) ; qu'en se bornant dès lors à retenir que « l'article 71 du règlement communautaire applicable réserve en outre l'application des conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire », sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les règles conventionnelles de compétence prévues par la Convention de Varsovie facilitaient une bonne administration de la justice et permettaient de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 71 du Règlement (UE) n° 1215/2015. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, ayant constaté que la société Air Asia était domiciliée dans un Etat tiers, la cour d'appel en a justement déduit que cette société ne pouvait être attraite en France sur la base de l'un des chefs de compétence dérivée du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012.

7. En second lieu, après avoir énoncé que la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, s'appliquait au litige, dès lors que le vol en cause était parti d'Indonésie à destination de Singapour, et que les juridictions françaises ne bénéficiaient d'aucun des chefs de compétence qui y étaient visés, l'arrêt retient exactement que l'article 28, alinéa 1, de cette Convention, selon lequel l'action en responsabilité est portée, au choix du demandeur, dans le territoire d'une des Hautes parties contractantes, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination, édicte une règle de compétence directe ayant un caractère impératif et exclusif, de sorte qu'elle fait obstacle à ce qu'il y soit dérogé par application des règles internes de compétence, et notamment celle de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile.

8. La cour d'appel, qui n'était tenue ni de répondre à des conclusions inopérantes ni d'effectuer une recherche également inopérante, a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le moyen du pourvoi incident de la société Air Asia

Enoncé du moyen

9. La société Air Asia fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de grande instance d'Angers est compétent à l'égard des demandes en garantie formées par la société Artus à son encontre, alors « que la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international conclue à Varsovie le 12 octobre 1929 s'applique à toute action en responsabilité introduite contre le transporteur aérien à raison des dommages nés du transport convenu avec les passagers ou les expéditeurs ; que par suite, les règles de compétence juridictionnelles de la convention sont applicables au recours exercé contre le transporteur par le constructeur lorsque celui-ci a été assigné en responsabilité par les ayants droit des victimes d'un accident survenu dans l'exécution du transport par la compagnie aérienne ; qu'en décidant le contraire, pour faire application des règles de compétence de droit interne à l'appel en garantie formé par la société Artus contre la société Pt Indonesia Air Asia, la cour d'appel a violé les articles 1er, 17, 24 et 28 de la convention de Varsovie, par refus d'application, et l'article 333 du code de procédure civile, par fausse application. »

Réponse de la Cour

10. L'arrêt retient exactement, d'une part, que la Convention de Varsovie ne s'applique qu'aux parties liées par le contrat de transport et que, par conséquent, l'appel en garantie du constructeur d'aéronef ou de son sous-traitant, qui n'exerce pas une action subrogatoire mais une action personnelle, contre le transporteur, ne relève pas du champ d'application de cette Convention et, partant, échappe aux règles de compétence juridictionnelle posées en son article 28, d'autre part, que, conformément à l'article 333 du code de procédure civile, applicable dans l'ordre international en l'absence d'une clause attributive de compétence, le transporteur ne peut décliner la compétence de la juridiction française saisie dans ses rapports avec l'appelant en garantie.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Didier et Pinet ; SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles 28 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ; articles 42, alinéa 2, et 333 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 4 mars 2015, pourvoi n° 13-17.392, Bull. 2015, I, n° 48 (cassation partielle).

1re Civ., 8 avril 2021, n° 19-21.842, (P)

Cassation partielle

Accords et conventions divers – Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 – Transport aérien – Responsabilité – Critère – Cas – Promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit

Conformément à l'article L 322-3 du code de l'aviation civile, une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu'il a commis une faute.

Accords et conventions divers – Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 – Transporteur aérien – Responsabilité – Domaine d'application – Cas – Promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme I... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société L'Equité.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 juin 2019), le 26 juillet 2007, un aéronef appartenant à l'association Aéroclub du Bassin d'Arcachon (l'association) s'est écrasé, provoquant la mort de son pilote, X... I... (le pilote), et de ses passagers, N... K... et V... H..., épouse K..., transportés à titre gratuit.

3. Par acte du 27 mars 2015, Mme Y... K..., fille des passagers, et son conjoint, M. O..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... (les consorts K... O...), ont assigné en indemnisation l'association, dont la responsabilité a été écartée, ainsi que Mme F... I..., en sa qualité d'héritière du pilote, qui a appelé en la cause la société L'Equité, en qualité d'assureur de celui-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme I... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux consorts K... O..., alors « qu'une promenade aérienne, fût-elle effectuée par un particulier, à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis à la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ; qu'en ayant jugé que le vol dont s'agissait, dans lequel le pilote et trois passagers avaient trouvé la mort, ne constituait pas un transport aérien, au motif qu'il s'agissait d'un vol circulaire, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile, devenu l'article L. 6421-4 du code des transports. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile alors en vigueur :

5. Il résulte de ce texte qu'une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu'il a commis une faute.

6. Pour condamner Mme I... à payer des indemnités aux consorts K... O..., l'arrêt retient, d'une part, que le vol litigieux ne pouvait être qualifié de « transport aérien » au sens de l'article L. 6400-1 du code des transports aux motifs qu'il n'avait pas pour objet d'amener des passagers d'un point de départ vers un point de destination et qu'il ne s'agissait pas non plus d'un baptême de l'air ni d'un vol à titre onéreux, d'autre part, que la responsabilité du pilote, en l'absence de faute de sa part, devait être retenue sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242 du code civil.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. L'association demande sa mise hors de cause.

9. L'arrêt, en ce qu'il rejette les demandes des consorts K... O... contre l'association, n'est pas contesté par ces derniers.

10. Il ne l'est pas non plus par Mme I... en ce qu'il rejette ses demandes contre l'association en garantie pour défaut d'assurance et en indemnisation de ses préjudices d'affection et économique.

11. Il y a lieu, par conséquent, de mettre hors de cause l'association, dont la présence n'est plus nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme I... en sa qualité d'héritière de X... I... à payer des indemnités aux consorts K... O..., l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Met hors de cause l'association Aéroclub du Bassin d'Arcachon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; Me Bouthors ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article L 322-3 du code de l'aviation civile ; Convention de Varsovie du 12 octobre 1929.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 15 juillet 1999, pourvoi n° 97-10.268, Bull. 1999, I, n° 242 (rejet).

2e Civ., 8 avril 2021, n° 19-24.661, (P)

Rejet

Organisation internationale du travail – Convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale – Prestations familiales – Principe d'égalité de traitement – Obligation de résidence – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2019), Mme C... (l'allocataire), de nationalité bolivienne, entrée sur le territoire national en 2005 et titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », a sollicité le bénéfice des prestations familiales auprès de la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) pour ses deux enfants, qui l'ont rejointe en 2008 et auxquels a été délivré un document de circulation pour étranger mineur.

2. La caisse lui ayant refusé l'attribution des prestations, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'attribution des prestations familiales au bénéfice de ses enfants nés hors du territoire national avec effet rétroactif, alors « qu'en refusant les allocations familiales au titre d'enfants entrés sur le territoire français sans certificat de contrôle médical et au regard de leurs titres de séjour, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail, posant un principe d'égalité de traitement en matière de sécurité sociale sous la seule condition de résidence dans un État membre de la convention ».

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 2.1, (i) de la Convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, adoptée le 28 juin 1962 par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail, publiée par le décret n° 75-403 du 21 mai 1975, tout Membre peut accepter les obligations de la présente convention en ce qui concerne l'une ou plusieurs branches de sécurité sociale, pour lesquelles il possède une législation effectivement appliquée sur son territoire à ses propres ressortissants, notamment la branche des prestations aux familles.

6. Selon l'article 3.1 de la même Convention, tout Membre pour lequel la convention est en vigueur doit accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre Etat membre pour lequel ladite convention est également en vigueur, l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants au regard de sa législation, tant en ce qui concerne l'assujettissement que le droit aux prestations, dans toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention.

7. Selon l'article 4.1 de la même Convention, en ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence.

8. En application de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des prestations familiales est ouvert aux personnes qui, résidant en France, au sens de l'article L. 111-2-3 du même code, ont à leur charge un ou plusieurs enfants résidant en France.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que s'il fait obstacle à ce que la législation nationale impose à l'allocataire de nationalité étrangère une condition de résidence distincte de celle imposée aux allocataires de nationalité française, le principe d'égalité de traitement, dont la finalité est de supprimer les discriminations fondées sur la nationalité, ne s'oppose pas, en revanche, à l'application à l'allocataire de nationalité étrangère des dispositions nationales qui régissent l'entrée et le séjour dans l'Etat.

10. En application des articles L. 512-2, alinéas 3 et 4, et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, les étrangers autres que les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse bénéficient des prestations familiales pour les enfants qui sont à leur charge s'ils justifient, dans les conditions qu'ils précisent, de la situation de ces derniers.

11. Ayant retenu que les dispositions de droit interne, qui restreignent le droit à bénéficier des prestations, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants étrangers, et ne portent ainsi aucune atteinte disproportionnée aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la Convention internationale des droits de l'enfant, par la Convention 118 de l'Organisation internationale du travail ou par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment quant à une vie familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant, l'arrêt en déduit que l'allocataire, qui ne justifie pas du certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour ces deux enfants nés en Bolivie, lesquels sont donc entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial et sans ce certificat, ne peut prétendre aux prestations familiales à la date de sa demande.

12. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que ne justifiant pas de la régularité de l'entrée et du séjour de ses enfants nés hors du territoire national, l'allocataire ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

14. L'allocataire demande que la question préjudicielle suivante soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne : » Le refus de prestations familiales aux familles dont les enfants sont entrés sur le territoire français sans certificat de contrôle médical exclusivement délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration est-il contraire à l'article 24, 2., de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne posant le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant ? »

Réponse de la Cour

15. Si l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente ou en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la disposition.

16. En application de l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Charte s'applique aux institutions et organes de l'Union européenne, mais aussi aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.

17. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que des dispositions du droit de l'Union européenne ont été mises en oeuvre dans le présent litige.

18. Il n'y a en conséquence pas lieu à saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 2.1 et 4.1 de la convention n° 118 sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale ; articles L. 512-1 et L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale.

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