Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

CASSATION

2e Civ., 15 avril 2021, n° 19-20.416, (P)

Cassation partielle

Juridiction de renvoi – Saisine – Déclaration de saisine – Mentions obligatoires – Chefs critiqués – Exclusion – Cassation d'un seul chef de dispositif (non)

L'obligation, prévue à l'article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, au regard des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué atteints par la cassation, les chefs critiqués de la décision entreprise, s'impose même dans l'hypothèse d'une cassation partielle d'un seul chef de dispositif de l'arrêt attaqué.

Juridiction de renvoi – Saisine – Déclaration de saisine – Irrégularité – Effets

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ. 7 septembre 2017, pourvoi n° 15-21862), M. [I] a été condamné, par un arrêt infirmatif, à payer une certaine somme à Mme [P] au titre de l'inexécution d'obligations contractuelles.

2. Cet arrêt, qui comportait d'autres chefs de dispositif faisant grief à d'autres parties, a été cassé en ses seules dispositions condamnant M. [I] au profit de Mme [P].

3. Le 15 janvier 2018, Mme [P] a déposé au greffe de la cour d'appel de renvoi une déclaration de saisine à l'encontre de M. [I].

Application de l'article 688 du code de procédure civile

4. Il résulte des productions que le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. [I], résidant aux Etats-Unis d'Amérique, le 19 février 2020. Il n'est pas établi que M. [I] en a eu connaissance en temps utile, mais le mémoire ayant été transmis selon les modalités de la Convention de [Localité 1] du 15 novembre 1965, un délai d'au moins six mois s'étant écoulé depuis le 19 février 2020 et aucun justificatif de remise du mémoire n'ayant pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où le mémoire doit être remis, les conditions sont réunies pour qu'il soit statué sur le pourvoi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [P] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la déclaration de saisine, de dire que la cour d'appel n'est pas valablement saisie et de déclarer irrecevables la déclaration de saisine ainsi que ses demandes, alors « que n'est pas nulle la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, après une cassation partielle sur un seul chef de dispositif, qui n'a pas à viser ce chef du jugement critiqué dès lors que, par définition, la cour d'appel de renvoi n'a compétence que sur la partie du litige dont le jugement lui est déféré par la Cour de cassation, les chefs non attaqués ou non cassés de la décision frappée de pourvoi subsistant avec l'autorité de la chose jugée ; qu'en considérant néanmoins, pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, que Mme [S] [P] était tenue de mentionner dans la déclaration de saisine de la cour d'appel dans le cadre de la procédure de renvoi après cassation, les chefs du jugement critiqués, bien que la cassation partielle n'ait porté que sur un seul chef de dispositif, la cour d'appel a violé les articles 1032 et 1033 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'obligation, prévue à l'article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, au regard des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué atteints par la cassation, les chefs critiqués de la décision entreprise, s'impose même dans l'hypothèse d'une cassation partielle d'un seul chef de dispositif de l'arrêt attaqué. A défaut, la déclaration de saisine encourt la nullité.

7. Ayant à juste titre retenu que la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi devait contenir les mentions exigées pour la déclaration d'appel par l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile et constaté que la déclaration de saisine du 15 janvier 2018 ne mentionnait aucun chef du jugement entrepris susceptible de réformation consécutivement au renvoi après cassation, la cour d'appel en a exactement déduit que la sanction d'une telle irrégularité était la nullité de la déclaration de saisine.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. Mme [P] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en prononçant la nullité de la déclaration de saisine, sans rechercher si l'irrégularité constatée, tenant à l'absence de précision des chefs de dispositif attaqués, avait causé un grief à M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 114 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ce texte qu'affectant le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci, l'irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que s'il est justifié d'un grief.

11. Pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine, dire que la cour n'est pas valablement saisie et déclarer irrecevables la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Mme [P], l'arrêt retient qu'au regard de l'irrégularité avérée entachant cet acte de procédure, la déclaration de saisine en cause est nulle et la cour d'appel n'étant pas valablement saisie, il y a lieu consécutivement de la déclarer irrecevable et, par conséquent, de déclarer irrecevables les demandes de Mme [P].

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le vice de forme affectant la déclaration de saisine avait causé un grief à M. [I], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions prononçant la nullité de la déclaration de saisine de la cour d'appel à la suite du renvoi après cassation, disant que la cour d'appel n'est pas valablement saisie et déclarant irrecevables la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Mme [P], l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Article 1033 du code de procédure civile ; article 114 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n° 19-14.293, Bull. 2021, (cassation partielle). 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-11.266, Bull. 2017, II, n° 201 (cassation), et les arrêts cités.

Ass. plén., 2 avril 2021, n° 19-18.814, (P)

Annulation

Moyen – Recevabilité – Décision sur renvoi après cassation – Décision antérieure à un revirement – Invocation de la jurisprudence nouvelle – Moment – Détermination – Portée

Est recevable le moyen critiquant la décision par laquelle la juridiction s'est conformée à la doctrine de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie, lorsqu'est invoqué un changement de norme intervenu postérieurement à cet arrêt, et aussi longtemps qu'un recours est ouvert contre la décision sur renvoi.

Arrêt – Arrêt de revirement – Règle nouvelle – Application dans le temps – Application à l'instance en cours – Cas – Pourvoi formé contre une décision sur renvoi après cassation – Conditions – Détermination

Juridiction de renvoi – Décision – Pourvoi contre cette décision – Moyen invoquant une jurisprudence nouvelle – Recevabilité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2018), rendu sur renvoi après cassation, (Soc., 28 septembre 2016, pourvois n° 15-19.031 et 15-19.310), M. L... a été engagé en qualité de personnel de fabrication par la société Air liquide, puis par la société Air liquide France industrie (société ALFI).

2. S'estimant victime d'une discrimination syndicale, il a saisi un conseil des prud'hommes en vue d'obtenir un nouveau positionnement professionnel et des rappels de salaires, ainsi que des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

En cause d'appel, faisant valoir qu'il avait travaillé sur différents sites où il aurait été exposé à l'amiante, M. L... a présenté une demande additionnelle en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété.

3. Par un arrêt du 1er avril 2015, la cour d'appel de Paris a accueilli cette demande et condamné la société ALFI à des dommages-intérêts.

Par l'arrêt précité du 28 septembre 2016, la Cour de cassation a cassé cette décision de ce chef, faute pour la cour d'appel d'avoir recherché si les établissements dans lesquels le salarié avait été affecté figuraient sur la liste des établissements éligibles au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), mentionnée à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé, qui est préalable

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. M. L... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante dans les établissements de Vitry-sur-Seine et du Blanc-Mesnil de la société Air liquide France industrie où il a travaillé de 1982 à 2007 et où l'amiante était utilisé pour l'isolation des installations thermiques, en considération du fait que ces établissements n'étaient pas mentionnés sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société ALFI conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir qu'il reproche à la cour d'appel de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait.

7. Depuis 1971, la Cour de cassation juge qu'un moyen visant une décision par laquelle la juridiction de renvoi s'est conformée à la doctrine de l'arrêt de cassation est irrecevable, peu important que, postérieurement à l'arrêt qui a saisi la juridiction de renvoi, la Cour de cassation ait rendu, dans une autre instance, un arrêt revenant sur la solution exprimée par l'arrêt saisissant la juridiction de renvoi (Ch. mixte, 30 avril 1971, pourvoi n° 61-11.829, Bull. des arrêts de la Cour de cassation, Ch. mixte, n° 8, p. 9 ; Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-11.966, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14).

8. Cette règle prétorienne, résultant d'une interprétation a contrario de l'article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire, repose essentiellement sur les principes de bonne administration de la justice et de sécurité juridique en ce qu'elle fait obstacle à la remise en cause d'une décision rendue conformément à la cassation prononcée et permet de mettre un terme au litige.

9. Cependant, la prise en considération d'un changement de norme, tel un revirement de jurisprudence, tant qu'une décision irrévocable n'a pas mis un terme au litige, relève de l'office du juge auquel il incombe alors de réexaminer la situation à l'occasion de l'exercice d'une voie de recours.

L'exigence de sécurité juridique ne consacre au demeurant pas un droit acquis à une jurisprudence figée, et un revirement de jurisprudence, dès lors qu'il donne lieu à une motivation renforcée, satisfait à l'impératif de prévisibilité de la norme.

10. Cette prise en considération de la norme nouvelle ou modifiée participe de l'effectivité de l'accès au juge et assure une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente en permettant à une partie à un litige qui n'a pas été tranché par une décision irrévocable de bénéficier de ce changement.

11. Enfin, elle contribue tant à la cohérence juridique qu'à l'unité de la jurisprudence.

12. Dès lors, il y a lieu d'admettre la recevabilité d'un moyen critiquant la décision par laquelle la juridiction s'est conformée à la doctrine de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie, lorsqu'est invoqué un changement de norme intervenu postérieurement à cet arrêt, et aussi longtemps qu'un recours est ouvert contre la décision sur renvoi.

13. M. L... demande réparation d'un préjudice d'anxiété lié à l'exposition à l'amiante en invoquant la règle, retenue postérieurement à l'arrêt attaqué par la Cour de cassation (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, publié), selon laquelle ce préjudice est réparable conformément aux principes du droit commun et sous certaines conditions, même lorsque le salarié n'a pas travaillé dans un établissement figurant sur la liste établie en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ce qui est son cas.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

15. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

16. Pour rejeter la demande de M. L..., l'arrêt énonce que l'indemnisation du préjudice d'anxiété des travailleurs exposés à l'amiante répond à un régime spécifique qui n'est ouvert qu'aux salariés travaillant ou ayant travaillé dans un établissement de leur employeur figurant sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et relève que les établissements de la société ALFI, dans lesquels le salarié a travaillé, ne sont pas inscrits sur cette liste.

17. Il s'ensuit que, bien que la cour d'appel de renvoi se soit conformée à la doctrine de l'arrêt qui l'avait saisie, l'annulation de l'arrêt est encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée

MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. L...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

AUX MOTIFS QUE l'indemnisation du préjudice d'anxiété des travailleurs exposés à l'amiante répond à un régime spécifique qui n'est ouvert qu'aux salariés travaillant ou ayant travaillé dans un établissement de leur employeur figurant sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; que les établissements de la SA Air liquide France industrie dans lesquels M. L... a travaillé ne sont pas inscrits sur cette liste.

ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante dans les établissements de Vitry-sur-Seine et du Blanc-Mesnil de la société Air liquide France industrie où il a travaillé de 1982 à 2007 et où l'amiante était utilisé pour l'isolation des installations thermiques, en considération du fait que ces établissements n'étaient pas mentionnés sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Air liquide France industrie

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'appel de M. L... ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de la combinaison des articles 633 et 638 du code civil et R. 145267 du code du travail que, devant la juridiction de renvoi, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation, que la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles applicables devant la juridiction dont la décision a été cassée et qu'en matière prud'homale, les demandes nouvelles sont recevables en tout état de cause, même en appel.

Sur la recevabilité de l'appel Les sociétés de la SA Air liquide et la SA Air liquide France industrie font valoir que M. L... a saisi la cour d'appel de Paris désignée comme cour de renvoi après cassation à l'encontre de la SA Air liquide, personne morale distincte de la SA Air liquide France industrie, comme le démontre sa déclaration de saisine après renvoi mentionnant Air liquide (ALFI), société qui n'existe pas, qui en tout état de cause ne peut être la SA Air liquide France industrie et qui désigne au mieux la SA Air liquide. Elles se réfèrent également aux conclusions numéro 1 et numéro 2 de M. L... de février 2018 mentionnant Air liquide SA. Elles rappellent que la SA Air liquide n'a pas été partie en première instance, ni devant la cour d'appel et soutiennent, en conséquence, que l'appel de M. L... ne peut pas être dirigée contre celle-ci, en vertu des dispositions de l'article 547 du code de procédure civile selon lesquelles en matière contentieuse l'appel ne peut être dirigée que contre ceux qui ont été partie en première instance, et des dispositions de l'article 636 du même code selon lesquelles les personne qui, ayant été partie à l'instance devant la juridiction dont la décision a été cassée, ne l'ont pas été devant la Cour de cassation peuvent être appelés à la nouvelle instance ou y intervenir volontairement lorsque la cassation porte atteinte à leurs droits. M. L... réplique que la saisine a été très bien faite à l'encontre de la SA Air liquide France industrie, comme en atteste l'avis à avocat adressé par le greffe de la présente chambre de la cour d'appel et que si la société Air liquide figurait sur les conclusions numéro 2 adressées à la cour, c'était une erreur de plume désormais rectifiée et qu'il n'y a jamais eu de demande de mise en cause de la SA Air liquide qui n'est d'ailleurs pas convoquée à l'audience du 22 mars 2018. Cela étant, il résulte des pièces de la procédure que M. L..., salarié de la SA Air liquide France industrie, a régulièrement engagé son action devant le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de son employeur désigné sous la dénomination société Air liquide France industrie – ALFI, que dans son arrêt du 1er avril 2015, la cour d'appel de Paris a désigné la partie intimée dans son en-tête sous la dénomination de la SA Air liquide France industrie (ALFI) venant aux droits de la SA Air liquide et que la déclaration de saisine après renvoi de cassation indique bien que M. L... agit contre son employeur désigné étant la SA Air liquide (ALFI), et que le greffe a convoqué la SA Air liquide (ALFI) à l'adresse du siège de la SA Air liquide France industrie. Il s'ensuit que la dénomination, même incomplète, de la partie intimée utilisée par M. L... dans sa déclaration d'appel – la SA Air liquide (ALFI) ne laisse aucune ambiguïté sur l'identité de celle-ci, puisque l'acronyme ALFI correspond bien à la SA Air liquide France industrie.

En conséquence, l'appel de M. L... sera déclaré recevable et la SA Air liquide sera mise hors de cause » ;

1. ALORS QUE la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité de l'appel, contenir la dénomination exacte de la personne morale que l'appelant entend intimer ; que la déclaration d'appel désignant une personne morale inexistante est nulle ; qu'au cas présent, la société Air liquide France industrie faisait valoir que la saisine de la juridiction de renvoi par M. L... était irrecevable dans la mesure où celui-ci avait intimé dans sa déclaration d'appel la « SA Air Liquide (ALFI) », qui n'existait pas, et avait, devant la cour d'appel de renvoi, conclu à deux reprises à l'encontre de la « SA Air Liquide » afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts (conclusions pp. 4 à 7) ; que la cour d'appel a constaté que la déclaration d'appel de M. L... visait la « SA Air Liquide (ALFI) » et qu'il était admis par les parties que M. L... avait conclu à l'encontre de la SA Air liquide (arrêt p. 3 al. 7 ; p. 4 al. 1 et 2), ce dont il résultait que M. L... n'avait pas intimé la société Air liquide France industrie ; qu'en jugeant cependant que l'appel de M. L... était recevable en ce qu'il avait intimé la société « Air Liquide France Industrie », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a violé les articles 1032 et 1033 du code de procédure civile, ensemble les articles 901, 933 et 58 du même code ;

2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les documents versés au débat ; qu'au cas présent, la déclaration d'appel de M. L... visait expressément « la SA Air Liquide (ALFI) » et non la société « Air Liquide France Industrie » ; qu'en estimant que cependant que la déclaration d'appel visait « sans ambiguïté » (arrêt p. 4 al. 4) la société Air liquide France industrie, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé ;

3. ALORS QUE ce n'est que lorsqu'elle porte sur la qualité à agir de l'intimé que l'erreur manifeste commise par l'appelant dans la désignation de l'intimé dans sa déclaration d'appel n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel et que le juge peut remédier à cette erreur en se fondant sur l'objet du litige ; que le juge ne peut en revanche pallier l'erreur de l'appelant portant sur l'identité même de l'intimé ; qu'au cas présent, pour retenir que M. L... avait entendu intimer la société « Air Liquide France Industrie », la cour d'appel a analysé cette dénomination à l'aune des pièces de la procédure (arrêt p. 4 al. 3) ; qu'en considérant que la dénomination erronée de l'intimée dans la déclaration d'appel ne faisait pas obstacle à la recevabilité de l'appel, cependant que cette erreur se rapportait à l'identité et non à la qualité de la société Air liquide France industrie, la cour d'appel a violé les articles 1032 et 1033 du code de procédure civile, ensemble les articles 901, 933 et 58 du même code.

- Président : Mme Arens (premier président) - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat général : M. Molins (procureur général) - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité du moyen reprochant à la juridiction de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait, en invoquant une jurisprudence nouvelle, que le revirement soit antérieur ou postérieur à l'arrêt de renvoi, en sens contraire : Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-11.966, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14 (rejet), et les arrêts cités ; Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-17.690, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14 (rejet), et les arrêts cités ; Ass. plén., 19 juin 2015, pourvoi n° 13-19.582, Bull. 2015, Ass. plén., n° 2 (1) (irrecevabilité et rejet), et les arrêts cités. Sur des cas de recevabilité d'un tel moyen, évolution par rapport à : Com., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.412, Bull. 2018, IV, n° 33 (rejet) ; 1re Civ., 30 janvier 2019, pourvoi n° 16-25.259, Bull. 2019, (annulation sans renvoi), et les arrêts cités ; 1re Civ., 3 février 2021, pourvoi n° 19-10.669, Bull. 2021, (rejet), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.