Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2021

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACTION EN JUSTICE

3e Civ., 15 avril 2021, n° 19-18.093, n° 19-18.619, (P)

Rejet

Capacité – Association – Association syndicale libre – Publicités légales – Publication des statuts anciens devant être mis en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 – Nécessité – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-18.093 et 19-18.619 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à l'association foncière urbaine libre Roissy air park (AFUL) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [J], la société Arte Charpentier TUP, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, la société [J], [H], [T], [T], prise en qualité de liquidateur de la société [Personne physico-morale 4], M. [Q], pris en sa qualité de liquidateur de la société Entreprise de peinture process industriel, M. [K], pris en sa qualité de liquidateur de la société VMM, M. [E], pris en sa qualité de liquidateur de la société Murs rideaux montage et M. [L], pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise électricité Préteux.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), par acte sous seing privé du 25 juillet 1990, l'établissement public autonome Aéroports de Paris, devenu la société Aéroports de Paris (ADP), a consenti à la société [Personne physico-morale 1] ([Personne physico-morale 1]) deux baux à construction sur un terrain dont il était propriétaire, pour y faire édifier huit bâtiments reliés entre eux par un passage piéton couvert d'une verrière et comprenant deux niveaux de sous-sol à usage de parcs de stationnement.

4. Par acte authentique du 15 mars 1991, [Personne physico-morale 1] et ADP ont établi un état descriptif de division en volumes portant création de sept lots, ainsi que les statuts et le cahier des charges de l'association foncière urbaine libre Roissy air park (AFUL), dont devaient être membres tout preneur du bail à construction ou propriétaire des cinq premiers lots de volume, les lots 6 et 7, respectivement constitués des ouvrages et équipements d'utilité commune, dont la verrière, et du tréfonds, étant attribués à l'AFUL.

5. Par acte authentique du 15 mai 1991, [Personne physico-morale 1] a vendu en l'état futur d'achèvement le lot n° 1 au groupement d'intérêt économique Roissypole, aux droits duquel vient ADP.

6. Par acte authentique du 27 novembre 1991, elle a vendu en l'état futur d'achèvement les lots de volume n° 2 à 5 à la société civile immobilière Roissy Bureau International (RBI), qui les a revendus à la société civile immobilière Dôme properties (Dôme properties).

7. Le 9 avril 1993, la réception des travaux a été prononcée avec réserves, avec effet au 30 mars précédent.

8. Se plaignant de désordres, l'AFUL, ADP et Dôme properties ont, après plusieurs expertises ordonnées en référé, assigné en indemnisation [Personne physico-morale 1] et son assureur.

9. Le 23 octobre 2000, [Personne physico-morale 1] a assigné en garantie les divers intervenants à la construction et leurs assureurs.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi provoqué de Dôme properties, réunis

Enoncé du moyen

10. Par son moyen, l'AFUL fait grief à l'arrêt de déclarer nulles toutes les assignations qu'elle a délivrées avant le 17 octobre 2003, de dire qu'elle n'avait pas interrompu le délai de garantie décennale et de déclarer irrecevables comme prescrites toutes les demandes formées par elle à l'encontre de [Personne physico-morale 1], alors « que la validité des assignations en référé ne pouvait plus être remise en cause pour avoir conduit au prononcé d'ordonnances devenues irrévocables ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations en référé délivrées par l'AFUL, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, excédé ses pouvoirs et également méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ».

11. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de la déclarer avec ADP irrecevable à présenter des demandes contre [Personne physico-morale 1], alors « que la validité des assignations en référé ne pouvait plus être remise en cause pour avoir conduit au prononcé d'ordonnances devenues irrévocables ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations en référé délivrées par l'AFUL et ses membres, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, excédé ses pouvoirs et également méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Aux termes de l'article 978, alinéa 3, du code de procédure civile, à peine d'être déclaré d'office irrecevable, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en oeuvre qu'un seul cas d'ouverture.

13. L'élément du moyen invoque à la fois un manque de base légale, un excès de pouvoir et une violation de l'article 455 du code de procédure civile.

14. Le moyen, qui est complexe, n'est donc pas recevable.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi provoqué de Dôme properties, réunis

Enoncé des moyens

15. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que le vice tiré de l'irrégularité de fond affectant une assignation ressortit à la compétence exclusive du juge de la mise en état et ne peut plus être soulevé devant la cour d'appel statuant au fond ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations tant en référé qu'au fond délivrées par l'AFUL, autres que l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà été déclarée nulle antérieurement à sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 771 du code de procédure civile. »

16. Par son moyen, Dôme Properties fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles d'ADP contre [Personne physico-morale 1], alors « que le vice tiré de l'irrégularité de fond affectant une assignation ressortit à la compétence exclusive du juge de la mise en état et ne peut plus être soulevé devant la cour d'appel statuant au fond ; qu'en ayant pourtant déclaré nulles toutes les assignations tant en référé qu'au fond délivrées par l'AFUL et ses membres, autres que l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà été déclarée nulle antérieurement à sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 771 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. Sauf dispositions spécifiques, le juge ou le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir.

18. Il incombait à la cour d'appel, saisie de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action exercée par l'AFUL, à laquelle celle-ci opposait l'effet interruptif attaché aux assignations en référé et au fond qu'elle avait délivrées, de vérifier si l'interruption de la forclusion résultant de ces assignations devait, par application de l'article 2247 du code civil, être regardée comme non avenue en raison de leur nullité.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique, pris en ses première, cinquième et sixième branches, du pourvoi principal de l'AFUL, le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, du pourvoi provoqué de Dôme Properties et le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi d'ADP, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la nullité d'un acte pour vice de fond ne le prive pas de son effet interruptif de prescription ; qu'en ayant jugé que l'ensemble des assignations en référé et au fond délivré par l'AFUL n'avait pu produire aucun effet interruptif de prescription, en conséquence de leur nullité, la cour d'appel a violé l'article 2244 ancien du code civil ;

5°/ que l'irrégularité de fond affectant un acte, tirée du défaut de capacité d'ester en justice d'une AFUL qui n'a pas publié ses statuts, peut être régularisée, pourvu que ce soit avant que le juge statue ; qu'en ayant jugé que l'irrégularité de fond (défaut de publication de ses statuts avant le 17 octobre 2003) affectant les différentes assignations en référé et au fond délivrées par l'AFUL était insusceptible d'être couverte, et non seulement l'assignation originelle du 1996 qui avait été déjà annulée, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;

6°/ qu'un acte affecté d'une irrégularité de fond, couverte avant que le juge ne statue, interrompt le délai de prescription, quand bien même celui-ci serait écoulé au jour de la régularisation ; qu'en ayant jugé irrecevable l'action de l'AFUL, dont les statuts n'avaient été publiés que le 17 octobre 2003 alors que le délai de garantie décennale était expiré le 30 mars 2003, quand des actes régularisés dans le délai de forclusion sont habiles à l'interrompre, pour l'avoir été avant que le juge ne statue, la cour d'appel a violé les articles 121 du code de procédure civile, 2244 et 2247 anciens du code civil. »

21. Par son moyen, Dôme Properties fait en outre grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles d'ADP contre [Personne physico-morale 1], alors :

« 1°/ que la nullité d'un acte pour vice de fond ne le prive pas de son effet interruptif de prescription ; qu'en ayant jugé que l'ensemble des assignations en référé et au fond délivré par l'AFUL et ses membres n'avait pu produire aucun effet interruptif de prescription, en conséquence de leur nullité, la cour d'appel a violé les articles 2244 et 2247 anciens du code civil ;

4°/ qu'une citation en justice, même entachée d'un vice de forme ou d'une irrégularité de fond, interrompt le délai de prescription, sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue. »

22. Par son moyen, ADP fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'une assignation, même atteinte d'une irrégularité de procédure, qu'il s'agisse d'un vice de forme ou de fond, interrompt le délai de prescription, sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue ; qu'en retenant, pour dire prescrites toutes les demandes de l'AFUL et de ses membres contre [Personne physico-morale 1], que l'assignation au fond délivrée le 12 septembre 1996 et les assignations en référés étaient nulles pour défaut de capacité à agir et ne pouvaient en conséquence avoir eu un effet interruptif, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil ;

2°/ qu'une citation en justice, même entachée d'un vice de forme ou d'une irrégularité de fond, interrompt le délai de prescription sauf si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, auquel cas l'interruption doit être considérée comme non avenue ; qu'en se bornant à retenir, pour dire prescrites toutes les demandes de l'AFUL et d'ADP contre [Personne physico-morale 1], que les assignations délivrées par l'AFUL et ses membres ne pouvaient avoir un effet interruptif, les assignations étant nulles en raison du défaut de capacité d'ester en justice de l'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les assignations, même entachées d'un vice de fond, ne conservaient pas un effet interruptif de prescription tant que l'action au fond portée par ces assignations n'avait pas été définitivement rejetée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, ADP faisait valoir que les assignations en référé, délivrées à la requête de l'AFUL, avaient abouti à des ordonnances intégralement exécutées, non contestées et définitives, qui avaient interrompu la prescription ; qu'en énonçant, pour dire l'AFUL et ses membres irrecevables à agir, que les assignations en référé n'avaient pas interrompu la prescription, sans répondre à ce moyen la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

23. La jurisprudence de la Cour de cassation distingue deux situations différentes en ce qui concerne la régularité des actes de saisine du juge délivrés par une association syndicale libre.

24. D'une part, lorsque l'acte a été délivré par une association syndicale libre qui n'a pas publié ses statuts constitutifs, l'irrégularité qui résulte de ce défaut de publication, lequel prive l'association de sa personnalité juridique, constitue une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (3e Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 03-16.434, Bull. 2004, III, n° 238, 3e Civ., 10 mai 2005, pourvoi n° 02-19.904 et 3e Civ., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-11.778).

25. D'autre part, lorsque l'acte a été délivré par une association syndicale qui a publié ses statuts, mais ne les a pas mis en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'acte de saisine de la juridiction délivré au nom de l'association est entaché d'une irrégularité de fond pour défaut de capacité à agir en justice, qui peut être régularisée jusqu'à ce que le juge statue (3e Civ., 5 novembre 2014, pourvois n° 13-25.099, 13-21.329, 13-21.014, 13-22.192, 13-23.624, 13-22.383, Bull. 2014, III, n° 136 et 3e Civ., 3 décembre 2020, pourvois n° 19-20.259 et 19-17.868).

26. Aux termes de l'article 2247 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue si l'assignation est nulle pour défaut de forme.

27. Sous l'empire de cette disposition, il a été jugé qu'est également privé d'effet interruptif de prescription l'acte introductif d'instance affecté d'une irrégularité de fond (2e Civ., 2 octobre 1981, pourvoi n° 80-14.753, Bull. II, n° 176 et 3e Civ., 18 février 2004, pourvoi n° 02-12.205).

28. Ayant constaté que l'AFUL n'avait publié ses statuts que le 17 octobre 2003, ce dont il résultait que, avant cette date, elle était dépourvue de la personnalité juridique, la cour d'appel a exactement retenu, par ces seuls motifs, que les assignations délivrées par l'AFUL avant la fin de la garantie décennale, intervenue le 30 mars 2003, n'avaient pu produire aucun effet interruptif et que l'irrégularité de fond qui affectait ces assignations ne pouvait pas être couverte.

29. Elle a donc légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes sur l'éventuel maintien de l'effet interruptif attaché, d'une part, aux assignations jusqu'au rejet de l'action et, d'autre part, aux ordonnances de référé auxquelles elles avaient abouti.

Sur le moyen unique, pris sa quatrième branche, du pourvoi principal de l'AFUL et le moyen unique, pris en sa cinquième branche, du pourvoi provoqué de Dôme Properties, réunis

Enoncé des moyens

30. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout acte conduisant à une décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; qu'en ayant jugé que le délai de forclusion décennale n'avait pas été interrompu au profit de l'AFUL, sans rechercher si les ordonnances de modification ou d'extension de la mission de l'expert, n'avaient pas interrompu le délai de prescription décennale au profit de toutes les parties dont l'exposante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 2244 ancien du code civil. »

31. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de la déclarer avec ADP irrecevable à présenter des demandes contre [Personne physico-morale 1], alors « que tout acte conduisant à une décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; qu'en ayant jugé que le délai de forclusion décennale n'avait pas été interrompu au profit de l'AFUL et ses membres, sans rechercher si les ordonnances de modification ou d'extension de la mission de l'expert, n'avaient pas interrompu le délai de prescription décennale au profit de toutes les parties dont l'exposante, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2244 et 2247 anciens du code civil. »

Réponse de la Cour

32. Les ordonnances de référé déclarant commune à d'autres constructeurs une mesure d'expertise précédemment ordonnée n'ont pas d'effet interruptif de prescription ou de forclusion à l'égard de ceux qui n'étaient parties qu'à l'ordonnance initiale.

33. La cour d'appel, qui n'était donc pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le moyen unique, pris sa septième branche, du pourvoi principal de l'AFUL, le moyen unique, pris en ses sixième à treizième branches, du pourvoi provoqué de Dôme properties et le moyen unique, pris en ses quatrième à neuvième branches, du pourvoi d'ADP, réunis

Enoncé des moyens

34. Par son moyen, l'AFUL fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé irrecevable l'action de l'AFUL Roissy Air Park contre la société [Personne physico-morale 1], en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'AFUL ayant fait valoir l'indivisibilité de l'action de ses membres et l'effet interruptif de prescription qui y était attaché, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

35. Par son moyen, Dôme properties fait en outre grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et celles de la société ADP contre la société [Personne physico-morale 1], alors :

« 6°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que par un arrêt du 17 décembre 2010, la cour d'appel de Paris a annulé l'assignation délivrée par l'AFUL le 12 septembre 1996 et les actes subséquents ayant un lien direct et certain avec cette assignation originelle et dit sans objet la demande en garantie formée par [Personne physico-morale 1] le 23 octobre 2000 ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 24 octobre 2012, a censuré cet arrêt pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile aux motifs que l'assignation du 23 octobre 2000 délivrée par [Personne physico-morale 1] « tendait à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction et constituait une demande autonome » ; qu'en disant que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2012 et a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

7°/ que l'interruption de la prescription décennale par le promoteur constructeur profite aux acquéreurs et propriétaires des ouvrages pour les désordres qui sont indivisibles ; que par l'acte du 23 octobre 2000, la société [Personne physico-morale 1] a fait assigner les constructeurs et leurs assureurs aux fins de voir juger que les désordres par infiltration affectant les verrières de l'ensemble immobilier Roissy Park engageaient la responsabilité des constructeurs et qu'ils soient condamnés à lui payer notamment la somme provisionnelle de 2 305 710,69 F TTC ; que cette assignation, qui a eu un effet interruptif de prescription, profitait nécessairement à l'AFUL, à ADP et à Dôme Properties, qui ont initié une même action en responsabilité contre l'ensemble des intervenants à la construction en réparation des mêmes désordres ; qu'en déniant cependant tout effet interruptif de prescription à l'assignation du 23 octobre 2000 au bénéfice de l'exposante, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 2241 du code civil ;

8°/ que l'action autonome tendant à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction aux fins d'obtenir réparation d'un dommage contre le responsable d'un dommage aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de toutes sommes pouvant être dues au titre de ce dommage interrompt la prescription à l'égard de toutes les victimes ; qu'en retenant, pour écarter tout effet interruptif de prescription attaché à l'assignation délivrée par [Personne physico-morale 1] à l'ensemble des constructeurs au profit d'ADP et de Dôme Properties, que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 1792 et 2241 du code civil ;

9°/ que toute partie à un contrat à qualité à agir pour faire respecter une obligation contractuelle ; qu'en se bornant à retenir, pour dénier qualité à agir à Dôme Properties, au titre des désordres litigieux, que ces désordres affectaient des ouvrages et équipement d'intérêt collectif qui sont la propriété de l'AFUL ou qu'elle gère, sans rechercher, s'il ne résultait du bail à construction cédé à Dôme Properties par [Personne physico-morale 1] que celle-ci s'était engagée « à poursuivre, jusqu'à leur complet achèvement, l'édification des constructions et des éléments d'infrastructure ou d'équipement qui peuvent être nécessaires à la desserte, lesdites constructions devant être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires, aux obligations du permis de construire (...) et d'une manière générale à l'utilisation de l'immeuble projeté », ce dont il résultait qu'elle s'était engagée à délivrer des ouvrages exempts de vices à l'exposante, en ce compris les ouvrages et équipements d'utilité commune nécessaires à la desserte et au fonctionnement de l'ensemble immobilier, de sorte que Dôme Properties avait qualité à agir pour faire respecter ces obligations de conformité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1792 et 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ;

10°/ que toute personne a qualité à agir en réparation de son préjudice personnel ; que dans ses conclusions d'appel, Dôme Properties faisait valoir que les désordres et malfaçons affectant des ouvrages et équipements d'utilité commune, partie intégrante du lot de volume 6, constituaient l'accessoire indispensable des bâtiments et ouvrages inclus dans les autres lots de volume dont notamment les lots de volume 2 à 5 dont Dômes Properties est propriétaire, de sorte qu'elle disposait, conjointement avec ADP et l'AFUL, du droit d'agir contre la [Personne physico-morale 1], au titre de ces ouvrages d'intérêt collectif, peu important qu'ils fassent partie intégrante du lot de volume 6 dont l'AFUL est propriétaire ou qu'il s'agisse d'ouvrages et d'équipements dont la gestion lui avait été confiée ; qu'en se bornant, pour dire que Dôme Properties n'avait pas qualité à agir en réparation des désordres litigieux, qu'elle n'était pas propriétaire de la verrière et des ouvrages communs, qui appartiennent exclusivement à l'AFUL ou dont la gestion lui a été confiée, sans rechercher, si la circonstance que les désordres affectaient des ouvrages et équipements d'intérêt collectif causant un dommage aux biens dont elle était propriétaire ne rendait pas son action recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et 1792 du code civil ;

11°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant dit que la société Dôme Properties n'avait pas qualité à agir en réparation des désordres affectant les installations et équipements communs dépendant du lot de volume 6 appartenant à l'AFUL Roissy Air Park, sans répondre aux conclusions de l'exposante (p. 46), ayant fait valoir qu'elle avait bien intérêt et qualité à agir, dès lors qu'elle s'acquittait intégralement des charges afférentes au lot de volume 6, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°/ que le seul fait qu'un mandat de gestion ait été confié à un mandataire ne prive pas le mandant de ses droits à agir en réparation de désordres de construction ; qu'en ayant dénié toute qualité à agir à la société Dôme Properties, en réparation des désordres affectant les ouvrages et équipements non listés dans le lot de volume n° 6, au motif que l'article 3 des statuts de l'AFUL Roissy Air Park lui avait conféré mandat de les gérer, la cour d'appel a violé l'article 1984 du code civil ;

13°/ qu'une partie a incontestablement qualité à agir pour poursuivre la réparation des ouvrages dont elle est propriétaire ; qu'en ayant déclaré Dôme Properties irrecevable à agir concernant tous les désordres qu'elle dénonçait, sans rechercher si l'exposante n'avait incontestablement pas qualité à agir pour poursuivre la réparation des désordres affectant ses lots de volume 2 à 5, lui appartenant en propre, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

36. Par son moyen, ADP fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 4°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que par un arrêt du 17 décembre 2010, la cour d'appel de Paris a annulé l'assignation délivrée par l'Aful le 12 septembre 1996 et les actes subséquents ayant un lien direct et certain avec cette assignation originelle et dit sans objet la demande en garantie formée par [Personne physico-morale 1] le 23 octobre 2000 ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 24 octobre 2012, a censuré cet arrêt pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile aux motifs que l'assignation du 23 octobre 2000 délivrée par [Personne physico-morale 1] « tendait à faire établir la responsabilité des intervenants à l'opération de construction et constituait une demande autonome » ; qu'en disant que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2012 et a méconnu l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ;

5°/ que l'interruption de la prescription décennale par le maître d'ouvrage constructeur profite aux acquéreurs et propriétaires des ouvrages pour les désordres qui sont indivisibles ; que par l'acte du 23 octobre 2000, la société [Personne physico-morale 1] a fait assigner les constructeurs et leurs assureurs aux fins de voir juger que les désordres par infiltration affectant les verrières de l'ensemble immobilier Roissy Park engageaient la responsabilité des constructeurs et qu'ils soient condamnés à lui payer notamment la somme provisionnelle de 2 305 710,69 F TTC ; que cette assignation, qui a eu un effet interruptif de prescription, profite nécessairement à l'Aful, à ADP et à Dôme Properties, qui ont initié une même action en responsabilité contre l'ensemble des intervenants à la construction en réparation des mêmes désordres ; qu'en déniant cependant tout effet interruptif de prescription de l'assignation du 23 octobre 2000 au bénéfice d'ADP, la cour d'appel a violé les articleS 1792 et 2241 du code civil ;

6°/ qu'une action en garantie contre le responsable d'un dommage aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de toutes sommes pouvant être dues au titre de ce dommage interrompt la prescription à l'égard de toutes les victimes ; qu'en retenant, pour écarter tout effet interruptif de prescription attaché à l'assignation en garantie délivrée par [Personne physico-morale 1] à l'ensemble des constructeurs au profit d'ADP, que l'action de [Personne physico-morale 1] « ne peut avoir un autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a déjà réglées à l'AFUL en vertu des décisions prononcées à son encontre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et 2241 du code civil ;

7°/ que toute personne a qualité à agir en réparation de son préjudice personnel ; que dans ses conclusions d'appel, ADP faisait valoir que les désordres et malfaçons objet des demandes d'ADP affectaient des ouvrages et équipements d'utilité commune, indispensables à la desserte ou au fonctionnement de l'intégralité de l'ensemble immobilier à savoir l'intégralité des bâtiments en superstructure et parkings en sous-sols, que ces ouvrages et équipements d'intérêt collectif, partie intégrante du lot de volumes 6, constituaient donc l'accessoire indispensable des bâtiments et ouvrages inclus dans les autres lots de volumes dont notamment le lot de volumes 1 dont ADP est propriétaire, de sorte qu'ADP disposait, conjointement avec la société Dôme Properties et l'Aful, du droit d'agir, sur le fondement des articles 1646-1, 1792 et suivants du code civil, contre la société [Personne physico-morale 1] au titre de ces ouvrages d'intérêt collectif, peu important qu'ils soient partie intégrante du lot de volume 6 dont l'AFUL est propriétaire ; qu'en se bornant, pour dire qu'ADP n'a pas qualité à agir en réparation des désordres litigieux, qu'elle n'est pas propriétaire de la verrière, qui appartient exclusivement à l'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que les désordres affectaient des ouvrages et équipements d'intérêt collectif causant un dommage aux biens dont elle était propriétaire ne rendait pas son action recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et 1792 du code civil ;

8°/ que le maître de l'ouvrage qui n'est plus propriétaire de l'ouvrage qu'il a fait construire continue de disposer, conjointement avec le propriétaire, du droit d'exercer contre ses locateurs d'ouvrage l'action fondée sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil s'il apparaît qu'il conserve un intérêt à agir en réparation des désordres affectant l'ouvrage ; que dans ses conclusions, ADP faisait valoir qu'elle disposait du droit à agir en garantie décennale contre KBD, vendeur en l'état futur d'achèvement des ouvrages litigieux, peu important que la verrière et les ouvrages et équipements d'intérêt collectif aient été ultérieurement cédés gratuitement à l'AFUL ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

9°/ que toute partie à un contrat à qualité à agir pour faire respecter une obligation contractuelle ; qu'en se bornant à retenir, pour dénier qualité à agir à ADP au titre des désordres litigieux, que ces désordres affectent des ouvrages et équipement d'intérêt collectif qui sont la propriété d'AFUL, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article I-1 des baux à construction, selon lequel le preneur, la société [Personne physico-morale 1] s'est engagé envers ADP « à poursuivre, jusqu'à leur complet achèvement, l'édification des constructions et des éléments d'infrastructure ou d'équipement qui peuvent être nécessaires à la desserte, lesdites constructions devant être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions règlementaires, aux obligations du permis de construire (...) et d'une manière générale à l'utilisation de l'immeuble projeté », ne conférait pas obligation de [Personne physico-morale 1] envers ADP de garantir la conformité de l'ensemble des ouvrages construits, en ce compris les ouvrages et équipements d'utilité commune nécessaires à la desserte et au fonctionnement de l'ensemble immobilier, aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires, aux obligations du permis de construire, de sorte qu'ADP avait qualité à agir pour faire respecter ces obligations de conformité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1792 et 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ; »

Réponse de la Cour

37. La Cour de cassation a jugé que seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459).

38. Si en matière de copropriété, elle a admis que le syndicat des copropriétaires qui agit en réparation des désordres affectant les parties communes puisse se prévaloir de l'effet interruptif de prescription attaché à l'assignation délivrée par un copropriétaire agissant en réparation de son préjudice personnel (3e Civ., 20 mars 2002, pourvoi n° 99-11.745, Bull. 2002, III, n° 69), cette exception au principe de l'effet relatif de l'interruption de la prescription suppose qu'il existe un lien d'indivisibilité entre les désordres affectant les parties communes et ceux affectant les parties privatives (3e Civ., 27 mars 2013, pourvoi n° 12-12.121).

39. Or, la cour d'appel a constaté que l'état descriptif de division en volumes avait expressément exclu l'application du régime de la copropriété au motif que les volumes faisant l'objet de l'état descriptif de division étaient dotés d'une indépendance technique et fonctionnelle telle qu'il n'existait aucune partie commune entre les lots.

40. Elle a également constaté que l'AFUL était seule propriétaire du lot de volumes n° 6, comprenant la verrière, la desserte par voie piétonne des huit bâtiments, les espaces verts, ainsi que l'ensemble des locaux techniques, escaliers de secours, rampe d'accès au parking et autres équipements destinés au service de l'ensemble des propriétaires ou certains d'entre eux et qu'elle était seule chargée de la gestion et de la réparation de tous les éléments d'équipement d'intérêt collectif, ainsi que des actions s'y rapportant.

41. Elle a relevé qu'ADP était propriétaire du lot de volume n° 1, comprenant, en superstructure, les bâtiments A, B, C et D et, en infrastructure, un parc de stationnement au niveau -1, et quatre locaux indépendants au niveau -2, tandis que Dôme properties n'était que locataire, par l'effet d'une cession du bail à construction de cinquante ans consenti par ADP à [Personne physico-morale 1], des lots de volumes n° 2 à 5, comprenant, en superstructure, les bâtiments E, F, G et H, et en infrastructure, des locaux techniques, circulations, parcs de stationnement, ascenseurs et fosses d'ascenseurs.

42. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que l'AFUL avait seule qualité pour solliciter l'indemnisation des désordres affectant la verrière et les éléments d'équipement dont elle était propriétaire, qu'ADP et Dôme properties n'étaient recevables à agir qu'au titre des désordres affectant les parties dont elles étaient respectivement propriétaire et locataire à condition qu'ils n'entrent pas dans le champ d'action exclusif de l'AFUL et que l'AFUL ne pouvait se prévaloir de l'effet interruptif des assignations délivrées par ses membres.

43. Puis, ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise quant à l'existence de désordres ayant également affecté les lots de volume 2 à 5, que tous les désordres invoqués concernaient soit la verrière commune appartenant à l'AFUL, soit des éléments d'équipement commun gérés par l'AFUL qui était statutairement chargée d'exercer les actions s'y rapportant, elle en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions, que ses constatations rendaient inopérantes, relatives à l'intérêt et à la qualité à agir qu'aurait conservés Dôme properties, qu'ADP et Dôme properties étaient irrecevables à en obtenir réparation.

44. Ayant, par ailleurs, fait ressortir l'absence de parties communes et d'indivisibilité entre les désordres affectant les lots appartenant à l'AFUL et ceux affectant les lots dont ADP et Dôme properties étaient respectivement propriétaire et locataire, elle n'était pas tenue de répondre à des conclusions relatives à l'indivisibilité de l'action de l'AFUL et de ses membres, que ses constatations rendaient inopérantes.

45. Ayant, enfin, retenu sans dénaturation que, si l'action de [Personne physico-morale 1] n'avait pas été affectée par la forclusion de celle de l'AFUL, elle ne pouvait avoir d'autre objet que d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle avait réglées ou était susceptible de devoir régler à celle-ci, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette action formée par le maître de l'ouvrage contre des locateurs d'ouvrage ne pouvait avoir interrompu la forclusion de l'action de l'AFUL.

46. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter les demandes fondées sur l'article 1792 du code civil et la responsabilité contractuelle pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires, sans être tenue de procéder à des recherches, que ses constatations rendaient inopérantes, relatives, d'une part, à l'existence d'un préjudice personnel subi par ADP et Dôme properties en raison de l'atteinte que les désordres aux éléments d'équipement communs auraient portée à leurs biens, et, d'autre part, à la qualité pour agir de la société ADP sur le fondement de l'obligation de conformité.

Sur le moyen unique, pris en sa dixième branche, du pourvoi d'ADP

Enoncé du moyen

47. ADP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel a constaté qu'ADP avait délivré une assignation au fond devant le tribunal de grande instance de Paris le 12 septembre 1996 à l'encontre de KBD et le 17 septembre 1996 à l'encontre de la compagnie Sprinks Sis Groupe, qu'elle y rappelait en page 2 avoir pris à bail « en superstructure, quatre bâtiments à usage de bureaux élevés de cinq étages sur rez-de-chaussée, dénommés A à D supportant et incluant une partie de la verrière constituant le lot 6 de l'état descriptif de division » et qu'elle avait expressément visé en page 3 « de façon non limitative » les désordres, malfaçons ou défauts de fonctionnement suivants dans les lots ci-dessus désignés ; qu'en affirmant, pour dire ADP irrecevable à agir au titre de ces désordres, que « les dégradations des peintures de sols affectant le premier sous-sol à usage de parkings » « n'a jamais été visé dans ses assignations », quand l'assignation n'avait pas limité les désordres dénoncés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

48. La Cour de cassation a jugé qu'une assignation en justice ne peut interrompre le délai de garantie décennale des constructeurs qu'en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés (3e Civ., 20 mai 1998, pourvoi n° 95-20.870, Bull. 1998, III, n° 104).

49. Ayant relevé que, si ADP avait délivré, le 12 septembre 1996, une assignation visant une liste de désordres, ceux affectant les peintures de sols du premier sous-sol n'y avaient pas été mentionnés, la cour d'appel en a exactement déduit, quand bien même cette liste avait été qualifiée de « non limitative », qu'aucun effet interruptif à l'égard de ces désordres n'était attaché à cette assignation.

50. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué éventuel de la société [Personne physico-morale 1], la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Piwnica et Molinié ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Foussard et Froger ; SCP Caston ; SCP L. Poulet-Odent ; Me Le Prado ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; Me Occhipinti ; SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 2241 et 2243 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 15 décembre 2004, pourvoi n° 03-16.434, Bull. 2004, III, n° 238 (cassation), et les arrêts cités ; 3e Civ., 12 novembre 2014, pourvoi n° 13-25.547, Bull. 2014, III, n° 146 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 3 décembre 2020, pourvoi n° 19-17.868, Bull. 2020, (cassation partielle), et les arrêts cités.

1re Civ., 8 avril 2021, n° 19-26.189, (P)

Cassation

Qualité – Personne morale – Collectivité territoriale – Etablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre – Transformation en un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre – Absence d'influence

Il résulte des articles L. 5217-1, L. 5217-4, et L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales, qu'en cas de transformation d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en métropole, celle-ci est substituée de plein droit à celui-là. Aux termes de l'article L. 5111-3, alinéa 2, du même code lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre se transforme en un autre établissement public de coopération à fiscalité propre, cette transformation n'entraîne pas l'application des règles relatives à la création d'une nouvelle personne morale.

Dès lors, viole les textes susvisés la cour d'appel qui déclare irrecevable l'appel formé par une communauté d'agglomération postérieurement à sa transformation en métropole, pour défaut de capacité d'ester en justice, alors que cette transformation n'avait pas entraîné la création d'une personne morale nouvelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2019), en application de l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, modifié par l'article 43 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, prévoyant qu'au 1er janvier 2015, sont transformés par décret en une métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine, au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, de plus de 650 000 habitants, le décret n° 2014-1604 du 23 décembre 2014, entré en vigueur le 1er janvier 2015, a créé l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dénommé « Métropole Rouen Normandie » relevant de la catégorie des métropoles par transformation de la communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe (la CREA).

Le 27 janvier 2015, un titre exécutoire a été émis par le trésorier principal municipal de Rouen pour le compte de la CREA à l'encontre de la société DR (la société).

2. Par acte du 15 juin 2017, la société a assigné la Métropole Rouen Normandie, venant aux droits de la CREA, en annulation de ce titre.

Le 15 mai 2018, la CREA a relevé appel du jugement ayant accueilli la demande de la société qui a opposé l'irrecevabilité de cet appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La CREA devenue Métropole Rouen Normandie fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel et de la condamner aux entiers dépens du déféré et de la procédure d'appel au fond, alors « que, en vertu de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, la métropole est substituée de plein droit à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre par suite de sa transformation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le décret n° 2014-1604 du 23 décembre 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2015, avait créé la métropole dénommée « Métropole Rouen Normandie », établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, relevant de la catégorie des métropoles, par transformation de la CREA ; qu'en retenant, pour dire irrecevable l'appel formé par la CREA, qu'elle était un établissement juridiquement distinct de la métropole, quand, en vertu de la loi, la métropole lui était substituée de plein droit en sorte qu'il devait être considéré qu'elle avait formé l'appel, la cour d'appel a violé les articles L. 5217-4 et 5211-41 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5217-1, alinéa 7, L. 5217-4, L. 5211-41, alinéas 2 et 3, et L. 5111-3, alinéa 2, du code général des collectivités territoriales, les deux premiers de ces textes dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 :

4. Il résulte des trois premiers de ces textes qu'en cas de transformation d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en métropole, celle-ci est substituée de plein droit à celui-là.

Aux termes du dernier, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre se transforme en un autre établissement public de coopération à fiscalité propre, cette transformation n'entraîne pas l'application des règles relatives à la création d'une nouvelle personne morale.

5. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par la CREA, l'arrêt retient que les dispositions des articles L. 5217-1 et L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales démontrent que, si la Métropole Rouen Normandie vient en transformation de la CREA, lui succède et vient de plein droit dans ses droits et obligations et attributions, elle est un établissement juridiquement distinct de cette dernière.

6. En statuant ainsi, alors que la transformation de la CREA en métropole n'avait pas entraîné la création d'une personne morale nouvelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles L. 5217-1, alinéa 7, L. 5217-4, L. 5211-41, alinéas 2 et 3, et L. 5111-3, alinéa 2, du code général des collectivités territoriales, les deux premiers de ces textes dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014.

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