Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

UNION EUROPEENNE

2e Civ., 11 avril 2019, n° 17-31.497, (P)

Cassation partielle

Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 – Article 7 – Application – Détermination – Portée

En application de l'article 7 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, en cas de transmission d'un acte depuis un Etat membre en vue de sa notification à une personne résidant dans un autre Etat membre de l'Union européenne, l'entité requise de cet Etat procède ou fait procéder à cette notification.

Il résulte de la combinaison des articles 19 de ce même règlement et 688 du code de procédure civile que lorsque la transmission porte sur un acte introductif d'instance ou un acte équivalent et que le défendeur ne comparaît pas, le juge judiciaire français ne peut statuer qu'après s'être assuré soit que l'acte a été notifié selon un mode prescrit par la loi de l'Etat membre requis, soit que l'acte a été transmis selon un des modes prévus par le règlement, qu'un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte et qu'aucune attestation n'a pu être obtenue nonobstant toutes les démarches effectuées auprès des autorités ou entités compétentes de l'Etat membre.

Enfin, en application de l'article 479 du code de procédure civile, le jugement doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte au défendeur.

Encourt en conséquence la censure, l'arrêt d'une cour d'appel qui statue sur renvoi de cassation, sans s'assurer que la notification de la déclaration de saisine à une société défenderesse, établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, avait été attestée par les autorités de cet Etat ni, à défaut, préciser les modalités de transmission de cette déclaration et les diligences accomplies auprès de ces autorités pour obtenir une telle attestation.

Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 – Article 19 – Défendeur non comparant – Office du juge – Etendue – Détermination – Portée

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles 7 et 19 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, ensemble les articles 479 et 688 du code de procédure civile ;

Attendu que selon le premier de ces textes, en cas de transmission d'un acte depuis un Etat membre en vue de sa notification à une personne résidant dans un autre Etat membre de l'Union européenne, l'entité requise de cet Etat procède ou fait procéder à cette notification ; qu'il résulte de la combinaison des deuxième et quatrième de ces textes que lorsque la transmission porte sur un acte introductif d'instance ou un acte équivalent et que le défendeur ne comparaît pas, le juge judiciaire français ne peut statuer qu'après s'être assuré soit que l'acte a été notifié selon un mode prescrit par la loi de l'Etat membre requis, soit que l'acte a été transmis selon un des modes prévus par le règlement, qu'un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte et qu'aucune attestation n'a pu être obtenue nonobstant toutes les démarches effectuées auprès des autorités ou entités compétentes de l'Etat membre ; qu'en application du troisième de ces textes le jugement doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte au défendeur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de l'acquisition auprès de la société Etablissements Virelegoux (la société Virelegoux), assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali), d'une unité mobile d'embouteillage fabriquée par la société italienne Siem Bottling Machinery (la société Siem), la société Embouteillage Baylet et Cie (la société Baylet), se plaignant de dysfonctionnements de l'unité, a obtenu la désignation d'un expert en référé, puis a assigné la société Virelegoux, ultérieurement placée en liquidation judiciaire, la société Z... étant désignée en qualité de liquidateur, et la société Natexis en résolution des contrats de vente et de crédit-bail, et en indemnisation de son préjudice ; que la société Virelegoux a appelé en garantie la société Siem et que la société Generali est intervenue volontairement à l'instance ; que le jugement déclarant la société Baylet irrecevable en ses demandes, frappé d'un appel le 18 octobre 2010, a été confirmé par un arrêt cassé en toutes ses dispositions (1re civ., 28 octobre 2015, pourvoi n° 14-12.840) ; que la société Baylet a saisi la cour d'appel de renvoi par une déclaration remise le 23 décembre 2015 ;

Attendu que l'arrêt, qui énonce que vient aux droits de la société Siem la société de droit italien Kohem SRL, prononce diverses condamnations contre cette dernière après avoir relevé que le 8 juillet 2016, la société Generali lui avait fait remettre la déclaration de saisine ainsi que ses écritures et que la société Kohem SRL n'avait constitué avocat ni devant la cour d'appel de Toulouse ni devant celle de Bordeaux ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que la notification de la déclaration de saisine à la société Kohem SRL avait été attestée par les autorités italiennes ni, à défaut, préciser les modalités de transmission de cette déclaration et les diligences accomplies auprès de ces autorités pour obtenir une telle attestation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 17 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse mais seulement en ce qu'il a condamné la société Kohem SRL à payer à la société Embouteillage Baylet et Cie les sommes de 220 433,24 euros TTC et de 3 048,98 euros TTC portant intérêt au taux légal à compter du 3 juillet 2008, en ce qu'il a condamné la société Kohem SRL, in solidum avec la société Generali IARD, à payer à la société Embouteillage Baylet et Cie la somme de 12 837,36 euros à titre de dommages-intérêts, portant intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2008 et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, et en ce qu'il a condamné la société Kohem SRL à relever et garantir la société Generali IARD des condamnations financières prononcées à son encontre ; remet, en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Articles 7 et 19 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ; articles 479 et 688 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le constat par le juge des diligences faites en vue de donner connaissance à une partie demeurant à l'étranger de l'acte introductif d'instance, dans le même sens que : Soc., 8 octobre 2014, pourvois n° 13-16.079 et 13-16.080, Bull. 2014, V, n° 236 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 10 avril 2019, n° 17-13.307, (P)

Cassation

Règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 – Respect du principe de la contradiction – Nécessité

Il résulte de la combinaison des articles 16 du code de procédure civile et 19 du règlement n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 que, lorsqu'il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction.

Il s'ensuit que, si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 5.6 du règlement précité, l'auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d'en assurer la transmission préalable à la partie adverse.

Protection des consommateurs – Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 – Pratique commerciale déloyale – Caractérisation – Imprécision des documents contractuels – Documents n'étant pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé – Recherche nécessaire

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. M... a réservé en ligne un véhicule de location auprès de la société Goldcar Spain SLU, dite Goldcar Rental (la société), la prise en main étant prévue le 13 avril 2016, à l'aéroport de Tenerife (Espagne) ; qu'au comptoir de la société, M. M... a conclu une assurance complémentaire pour prendre possession du véhicule ; que, soutenant qu'il avait été contraint de souscrire inutilement cette assurance, il a, en application de la procédure européenne de règlement des petits litiges, saisi un tribunal d'instance aux fins de voir condamner la société à lui rembourser le montant de l'assurance complémentaire et à lui payer une certaine somme au titre des frais de procédure ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il s'ensuit que, si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 5.6 du règlement précité, l'auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d'en assurer la transmission préalable à la partie adverse ;

Attendu que le jugement accueille les demandes de M. M..., après avoir relevé que, dans ses écritures en réponse à celles de la société, celui-ci avait formulé une demande nouvelle, développé des moyens nouveaux et produit des pièces complémentaires ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement transmis ces éléments à la société, le tribunal a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 120-1, devenu L. 121-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

Attendu que, pour retenir l'existence d'une pratique commerciale déloyale, le jugement relève les imprécisions du bon de réservation et du contrat de location sur la nécessité de verser un dépôt de garantie, sur le caractère obligatoire de l'assurance complémentaire en cas de renonciation à ce dépôt et sur la possibilité de choix offerte au client entre le versement d'un dépôt de garantie et la souscription d'une assurance complémentaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer, comme il le lui incombait, en quoi ces documents n'étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement condamne la société à payer une certaine somme à M. M... à titre de dommages-intérêts, en retenant qu'une telle somme lui est allouée en réparation du préjudice lié aux tracas et frais occasionnés par la procédure qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Rouen.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile ; article 19 du règlement n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ; directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 ; article L. 120-1, devenu L. 121-1, du code de la consommation ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article 700 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-15.155, Bull. 2004, II, n° 365 (cassation).

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