Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

TRANSPORTS ROUTIERS

Com., 3 avril 2019, n° 18-11.242, (P)

Rejet

Marchandises – Transports publics – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Transport effectué pour les besoins de l'activité principale de courtage et de négoce liée à la gestion de déchets

En application de l'article L. 3223-2 du code des transports, s'il n'exécute pas un contrat de transport avec ses propres moyens, le transporteur public routier de marchandises peut assurer son exécution en passant un contrat de location avec un loueur de véhicules industriels avec conducteur, auquel cas le loueur a une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, ces derniers étant garants du paiement du prix de la location dû par le transporteur auquel ils ont confié l'acheminement de leurs marchandises.

Lorsque le transport est effectué pour les besoins de l'activité principale industrielle ou commerciale de l'entreprise et en constitue le prolongement, ce transport est considéré comme étant organisé en compte propre et non comme un transport public au sens de l'article L. 1000-3 du code des transports.

En conséquence, ayant retenu qu'une société avait pris en location des véhicules avec conducteur pour transporter des déchets afin d'exploiter son activité principale de courtage et de négoce liée à la gestion de déchets, la collecte et le transport de ceux-ci constituant une activité accessoire, une cour d'appel en déduit exactement que cette société a effectué ces transports pour son compte propre et non comme transporteur public routier, de sorte que le loueur de véhicules ne peut agir, sur le fondement de l'article L. 3223-2 du code des transports, contre la société auprès de laquelle ces déchets avaient été collectés, qui n'était ni destinataire ni expéditeur des marchandises.

Marchandises – Contrat de location de véhicules – Prix – Paiement – Action directe du loueur contre l'expéditeur ou le destinataire – Conditions – Transport public – Nécessité

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 novembre 2017), qu'au cours de l'année 2012 la société Tridex a pris en location auprès de la société Transeurop organisation (la société Transeurop) des véhicules industriels avec chauffeur afin d'assurer la collecte et le transport, en vue de leur traitement, de déchets provenant de magasins du groupe Carrefour (la société CSF) ; que n'ayant pas été réglée du prix de ses prestations, la société Transeurop a déclaré sa créance au passif de la société Tridex, qui avait été mise en redressement judiciaire ; que soutenant qu'elle disposait d'une action directe contre l'expéditeur ou le destinataire de ces déchets, la société Transeurop a ensuite assigné la société CSF en paiement, arguant de la qualité de garante de cette dernière ;

Attendu que la société Transeurop fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le transport de déchets par un prestataire spécialisé, pour le compte de ses clients, ne constitue pas un transport organisé pour son compte ; que, pour paralyser l'action directe en paiement de la société Transeurop organisation, loueur de véhicule avec conducteur, la cour d'appel a retenu que le fait de prendre en charge et de transporter, avec un véhicule pris en location, des déchets qui seront stockés et valorisés vers un lieu de traitement constitue un transfert pour compte propre et non un transfert public ; qu'en statuant ainsi, cependant que le transport de déchets en vue de leur traitement, pour le compte de ses clients, par la société Tridex ne pouvait constituer un transport organisé pour son propre compte, la cour d'appel a violé l'article L. 1000-3 du code des transports, ensemble l'article L. 3223-2 du même code ;

2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que, pour paralyser l'action directe en paiement du loueur de véhicule avec conducteur, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas contesté que la société Tridex était propriétaire des déchets qu'elle collectait et transportait pour ses propres besoins en vue de leur traitement ; qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quels éléments de preuve, elle fondait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le transport de déchets par un prestataire spécialisé, pour le compte de ses clients, ne constitue pas un transport organisé pour son compte ; que, dans ses écritures d'appel la société Transeurop a fait valoir que, suivant le contrat conclu avec la société CSF, la prestation réalisée par la société Tridex était principalement une prestation de transport, en ce que l'obligation de collecte et de déplacement des déchets, pour le compte de ses clients, dont notamment les magasins « Carrefour », était une obligation de transport desdits déchets et que les autres prestations ne visaient qu'à son optimisation et à sa rationalisation, étant précisé que sans transport il ne peut y avoir collecte de déchets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments de nature à établir que la société Tridex ne pouvait avoir organisé les transports de déchets pour son propre compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1000-3 du code des transports ;

4°/ que le contrat de transport est un contrat consensuel ; qu'en conditionnant l'action directe du loueur de véhicule avec conducteur à la preuve de ce que son donneur d'ordre ait revêtu la qualité de transporteur public, devant être inscrit au registre des transporteurs et des loueurs, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du code de commerce, ensemble l'article L. 3223-2 du même code ;

5°/ que la lettre de voiture ne fait foi que jusqu'à preuve contraire de l'existence et des conditions du contrat de transport ; qu'en énonçant que l'existence d'une lettre de voiture, obligatoire pour tout transport, ne permettait pas de conférer un caractère public au transport litigieux et qu'il ressort de ces documents (lettres de voiture) que la société Tridex apparaît bien comme expéditeur ou destinataire, ce qui confirme qu'elle utilisait bien les véhicules loués à la société Transeurop organisation pour transporter des déchets pour son propre compte dans le cadre de son activité de gestion des déchets, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 3223-2 du code des transports, s'il n'exécute pas un contrat de transport avec ses propres moyens, le transporteur public routier de marchandises peut assurer son exécution en passant un contrat de location avec un loueur de véhicules industriels avec conducteur, auquel cas le loueur a une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, ces derniers étant garants du paiement du prix de la location dû par le transporteur auquel ils ont confié l'acheminement de leurs marchandises ; qu'après avoir énoncé que, lorsque le transport s'intègre comme une activité accessoire à l'activité principale industrielle ou commerciale de l'entreprise et en constitue le prolongement, ce transport est considéré comme effectué en compte propre, l'arrêt retient que, selon son objet social, l'activité principale de la société Tridex est une activité de courtage et de négoce liée à la gestion des déchets, leur collecte et leur transport étant dès lors une activité accessoire ; qu'il relève encore que n'est pas rapportée la preuve d'une inscription de la société Tridex au registre des transporteurs et des loueurs ; qu'il constate enfin que celle-ci est mentionnée comme expéditeur ou destinataire sur les lettres de voiture produites aux débats ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a décidé à bon droit que la société Tridex, ayant pris en location des véhicules avec conducteur pour transporter les déchets afin d'exploiter son activité principale, avait effectué les transports pour son compte propre et non comme transporteur public routier et en a exactement déduit que le loueur de ces véhicules, la société Transeurop, ne pouvait agir en garantie contre la société CSF, qui n'était ni destinataire ni expéditeur des marchandises ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles L. 1000-3 et L. 3223-2 du code des transports.

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