Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 4 avril 2019, n° 18-13.786, (P)

Cassation

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement consécutif à un constat de travail dissimulé – Décision implicite faisant obstacle à un redressement – Décision résultant d'un précédent contrôle de droit commun – Décision prise en compte dans le cadre du nouveau contrôle (non)

Le cotisant ne peut se prévaloir de l'approbation tacite, lors d'un contrôle antérieur, de ses pratiques par l'organisme de recouvrement pour faire obstacle à un redressement consécutif à un constat de travail dissimulé.

Donne acte à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 243-59, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que sur demande du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille, l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a procédé, du 29 octobre 2009 au 15 octobre 2010, à un contrôle de la société Méditerranée Evasan organisation (la société) portant sur la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2010 ; qu'elle lui a adressé, le 15 octobre 2010, une lettre d'observations visant neuf chefs de redressement consécutifs à l'existence d'un travail dissimulé, puis lui a notifié, les 21 décembre 2010 et 13 janvier 2011, deux mises en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour annuler le redressement et les mises en demeure subséquentes, l'arrêt retient en substance que les pratiques vérifiées lors des précédents contrôles, intervenus en 1998 et en 2003, n'ont donné lieu à aucune observation ; que l'URSSAF a eu l'occasion, au vu de l'ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces pratiques ; que chaque inspecteur, en 1998 puis en 2003, a été parfaitement informé de l'activité et des pratiques de la société et a, en parfaite connaissance de cause, décidé de ne faire ni observations pour l'avenir, ni redressement ; que les circonstances de droit et de fait au regard desquelles ces éléments ont été examinés sont restées inchangées ; que les éléments de fait du dossier permettent ainsi de dire qu'il y avait un accord tacite, antérieur au contrôle clôturé par la lettre d'observations du 15 octobre 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le redressement litigieux était consécutif à un constat de travail dissimulé, ce dont il résultait que la société ne pouvait se prévaloir de l'approbation tacite de ses pratiques par l'URSSAF lors d'un contrôle antérieur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article R. 243-59, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige.

2e Civ., 4 avril 2019, n° 18-12.014, (P)

Rejet

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte.

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement de cotisations – Mise en demeure – Notification – Saisine de la commission de recours amiable – Décision de confirmation partielle du redressement – Recours – Défaut – Effets – Irrecevabilité du débiteur à contester le fond du redressement lors de l'opposition à contrainte

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2017), que l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), lui ayant notifié, à la suite d'un contrôle portant sur les périodes courant du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2011, une mise en demeure le 14 décembre 2012, la société Le Haricot Saint-Germain (la société), a saisi, le 8 janvier 2013, la commission de recours amiable de cet organisme, qui après en avoir accusé réception le 25 février 2013, lui a notifié, le 31 mai 2013, le rejet de son recours ; que l'Urssaf lui ayant fait signifier le 22 janvier 2013 une contrainte pour le paiement des sommes litigieuses, la société a saisi, le 31 janvier 2013, une juridiction de sécurité sociale d'une opposition à l'encontre de la contrainte ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que si en principe l'interruption de la forclusion ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but de sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; que l'absence de recours exercé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale contre la décision de la commission de recours amiable, n'interdit pas à l'administré de contester la créance fondant le redressement opéré par une Urssaf, à l'occasion de son opposition à contrainte régulièrement formée, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, antérieurement à l'expiration du délai de recours contre la décision de la commission de recours amiable ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société exposante après avoir régulièrement contesté, le 8 janvier 2013, devant la commission de recours amiable, une mise en demeure de l'URSSAF, avait, le 31 janvier suivant, formé opposition à la contrainte que l'Urssaf lui avait délivrée dès le 22 janvier en reprenant à cette occasion, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'ensemble des moyens de contestation du bien-fondé des sommes réclamées dans le cadre du redressement, tels qu'ils avaient été invoqués devant la commission de recours amiable ; qu'en retenant, pour conclure qu'il ne pouvait plus être discuté du fondement du redressement à l'occasion de l'opposition à contrainte, faute de recours exercé contre la décision de la commission de recours amiable du 8 avril 2013, que si la demande en justice interrompt bien les délais de prescription et de forclusion lorsque deux actions quoique distinctes, tendent à un seul et même but, en l'espèce l'opposition à contrainte formée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pu interrompre le délai de forclusion du recours contre la décision de la commission de recours amiable dès lors que ce délai n'avait pas encore commencé à courir, la cour d'appel a violé les articles R. 142-18, L. 224-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2241 et 2242 du code civil ;

2°/ que toute personne a droit à un recours effectif ; que le débiteur de cotisation sociale ayant régulièrement formé opposition à la contrainte décerné par le directeur d'un organisme de sécurité sociale avant même la décision de la commission de recours amiable régulièrement saisie en application de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale est en droit, à l'occasion de cette opposition à contrainte, de contester utilement le bien-fondé de la créance réclamée, même s'il n'a pas formé un nouveau recours devant la même juridiction contre la décision de la commission de recours amiable postérieurement intervenue ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société exposante après avoir régulièrement contesté, le 8 janvier 2013, devant la commission de recours amiable, une mise en demeure de l'Urssaf, avait, le 31 janvier suivant, formé opposition à la contrainte que l'URSSAF lui avait délivrée dès le 22 janvier en reprenant à cette occasion, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'ensemble des moyens de contestation du bien-fondé des sommes réclamées dans le cadre du redressement, tels qu'ils avaient été invoqués devant la commission de recours amiable ; qu'en retenant qu'il ne pouvait plus être discuté du fondement du redressement à l'occasion de l'opposition à contrainte, régulièrement formée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 31 janvier 2013, faute de recours exercé contre la décision de la commission de recours amiable rendue le 8 avril suivant, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'exposante à un recours effectif à l'encontre du redressement en violation des articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte ;

Et attendu que l'arrêt constate que la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF, qui a rejeté le recours exercé par la société, à la suite de la notification de la mise en demeure, avait été prise le 8 avril 2013 et notifiée le 31 mai 2013 à celle-ci, sans qu'aucun recours n'ait été formé dans le délai prévu par l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale visé dans le courrier de notification ;

Que de ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que si l'opposition à contrainte formée par la société était bien recevable, il ne pouvait plus être discuté du bien fondé du redressement litigieux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles R. 133-3 du code de la sécurité sociale ; article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 4 avril 2019, n° 17-24.470, (P)

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Prescription – Délai – Point de départ – Mise en demeure – Cotisations susceptibles d'être visées – Date d'exigibilité – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1, alinéa 1, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage, qui constitue le point de départ de la prescription, est la mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire de celui-ci ; qu'aux termes de l'article L. 244-3 du même code, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois dernières années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi.

L'arrêt ayant constaté que selon le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004, les bons de souscription d'actions étaient incessibles, que chacun des dirigeants ne pouvait les exercer qu'à compter de la survenance d'un événement et que celui-ci est survenu le 15 avril 2009, il en résulte que ce n'est qu'à compter de cette dernière date que les bénéficiaires ont eu la libre disposition des bons de souscription d'actions de sorte que l'action en recouvrement de cotisations afférentes à cet avantage n'était pas prescrite à la date de délivrance de la mise en demeure.

Cotisations – Cotisations afférentes à un avantage – Recouvrement – Prescription – Prescription de l'action en recouvrement – Délai – Point de départ – Mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire

Cotisations – Assiette – Avantages – Définition

Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions constituent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales ; la cour d'appel qui, après avoir analysé le contrat d'investissement conclu entre la société et les dirigeants, a retenu qu'un lien est affirmé, aux termes de cette convention, entre d'une part l'attribution de BSA et le maintien de ceux-ci, et d'autre part, l'existence et le maintien d'un contrat de travail ou d'un mandat social, en déduit exactement que la possibilité d'acquérir et d'exercer les bons de souscription d'actions litigieux constitue un avantage devant entrer dans l'assiette des cotisations de la société.

Cotisations – Assiette – Bons de souscription d'actions – Conditions – Acquisition en contrepartie ou à l'occasion du travail et à des conditions préférentielles

Cotisations – Assiette – Avantages – Evaluation – Date – Détermination

L'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition.

Donne acte à la société Groupe U... M... (la SGLB) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'une convention dénommée contrat d'investissement a été conclue, le 17 décembre 2004, entre la société Groupe U... M... (la SGLB), ses dirigeants et la Société de Détention d'actions du groupe U... M... (la SDAGLB), aux termes de laquelle, la SGLB ayant souhaité mettre en place, au profit des dirigeants, des mécanismes d'intéressement, ceux-ci ont souscrit des bons de souscription d'actions émis par la SGLB ; qu'il était notamment stipulé que les bons ne pourraient être exercés qu'à compter de la cotation de la SGLB ou de « la sortie de Colony », c'est-à-dire du transfert de la propriété de la totalité de la participation des sociétés ColAce et ColPlay à une autre entité, et étaient incessibles, les dirigeants s'engageant toutefois irrévocablement, notamment en cas de sortie de Colony, à vendre leurs bons à la SDAGLB moyennant un prix dont les modalités de calcul étaient précisées ; que, cette condition s'étant réalisée le 15 avril 2009, les dirigeants ont cédé leurs bons à la SDAGLB en réalisant une plus-value globale de 2 693 820 euros ; qu'à la suite d'un contrôle de la SGLB portant sur les années 2008 et 2009, l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France, a réintégré dans l'assiette des cotisations le montant de cette plus-value et a notifié, le 2 décembre 2011, une mise en demeure à la SGLB qui a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, qui est préalable :

Attendu que la SGLB fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen :

1°/ que les bons de souscription d'actions sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'ils sont acquis moyennant un investissement financier de la part de leur détenteur et leur valorisation varie en fonction de la valeur des actions auxquelles ils se rattachent ; qu'ils sont susceptibles de générer des profits comme des pertes en fonction de l'évolution à la hausse ou à la baisse des actions auxquelles ils se rattachent ; que l'achat de bons de souscription d'actions effectué par des dirigeants d'entreprise en leur qualité d'associé et d'actionnaire - peu important qu'il leur soit réservé et/ou qu'il soit soumis à conditions - doit en conséquence être qualifié d'investissement financier et non d'élément de rémunération assujetti à cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en retenant l'existence d'un avantage résultant de l'achat de bons de souscription d'actions par les dirigeants de la société Groupe U... M..., sans constater que ces bons avaient été octroyés à des conditions préférentielles aux personnes concernées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'en se fondant sur le motif impropre selon lequel « le fait de pouvoir vendre les bons avant leur période d'exercice établit que les dirigeants bénéficiaient en réalité d'un avantage pécuniaire certain », cependant que n'importe quel détenteur de bons de souscription d'actions peut, sans bénéficier d'un quelconque avantage, les céder avant leur période d'exercice à l'expiration de laquelle ils deviennent caduques, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions constituent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales ;

Et attendu qu'après avoir analysé le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre la SGLB, les dirigeants et la SDAGLB, l'arrêt retient essentiellement qu'un lien est affirmé, aux termes de cette convention, entre d'une part l'attribution de BSA et le maintien de ceux-ci, et d'autre part, l'existence et le maintien d'un contrat de travail ou d'un mandat social ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que la possibilité d'acquérir et d'exercer les bons de souscription d'actions litigieux constituait un avantage, qui devait entrer dans l'assiette des cotisations de la société ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen :

Attendu que la SGLB fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les cotisations de sécurité sociale se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ; que les bons de souscription d'actions sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'en admettant que les bons de souscription d'actions constituent un avantage susceptible d'être assujetti à cotisations de sécurité sociale, le fait générateur des cotisations dues sur cet avantage est constitué par l'acquisition des bons par leur détenteur ; qu'en l'espèce la Société Groupe U... M... a soutenu à ce titre dans ses conclusions d'appel que les bons de souscription d'actions ayant été acquis, sur leurs deniers propres, par plusieurs de ses dirigeants au cours du mois de décembre 2004, c'est à cette date que devait être retenu le fait générateur des cotisations dues au titre d'un éventuel avantage ; qu'elle a fait valoir en conséquence qu'au jour du redressement survenu en 2011 l'action en recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues au titre d'un tel avantage était prescrite comme ayant dépassé le délai de prescription triennale ; qu'en retenant au contraire, pour écarter la prescription, que le fait générateur des cotisations dues sur l'avantage retenu était constitué, non par l'acquisition des bons de souscription d'actions par les dirigeants de la société, mais par la cession en 2009 de ces bons à la société SDAGLB, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 243-6 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1, alinéa 1, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage, qui constitue le point de départ de la prescription, est la mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire de celui-ci ; qu'aux termes de l'article L. 244-3 du même code, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi ;

Et attendu que l'arrêt constate que selon le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre la SGLB, la SDAGLB et les dirigeants, les bons de souscription d'actions étaient incessibles et que chacun des dirigeants ne pouvait les exercer qu'à compter de la survenance de la sortie de Colony, ou de la cotation de la société ; qu'il précise que la cession de Colony à Accor a été réalisée le 15 avril 2009 ;

Qu'il en résulte que ce n'est qu'à compter de cette dernière date que les bénéficiaires ont eu la libre disposition des bons de souscription d'actions, de sorte que l'action en recouvrement des cotisations afférentes à cet avantage n'était pas prescrite à la date de délivrance de la mise en demeure ;

Que, par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui est recevable :

Vu l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour débouter la SGLB de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt énonce que l'avantage soumis à cotisations doit être évalué en fonction de la plus-value réalisée sur la cession des bons de souscription ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avantage devait être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 242-1, alinéa 1, et L. 311-3, 23°, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon le second de ces textes, que sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées ;

Attendu que pour débouter la SGLB de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre cette société, les dirigeants et la SDAGLB, indique que les associés ont souhaité, conformément au Protocole, mettre en place au profit des dirigeants des mécanismes d'intéressement ; que les bénéficiaires sont précisés en page 8 sous le titre intitulé '« Investissement des dirigeants », à savoir MM. S..., L..., K..., O..., I... et D... ; que les fonctions de dirigeant au sein de la SAS de M. L... sont remises en cause par la société pour l'année 2009, seules les fonctions de président du conseil de surveillance lui étant reconnues ; qu'or, il résulte clairement de la lecture du contrat que l'offre de souscription de BSA ne valait qu'au profit des dirigeants sociaux et qu'en conséquence, au moment de la signature du contrat, M. L... avait nécessairement cette qualité ; qu'il est dès lors inopérant de produire des extraits Kbis de la société datés de 2009 ne faisant apparaître que S... en qualité de président de la SAS ; que de plus, si dans les années qui ont suivi, il avait perdu cette qualité, il aurait dû, comme il a été vu précédemment, faire procéder au rachat de ces bons, ce qui n'a pas été le cas ; que par ailleurs, les autres bénéficiaires à savoir MM. S..., K..., O..., I... et D... ne sont pas plus mentionnés sur cet extrait Kbis alors même qu'ils profitent également de l'offre de souscription, ce qui sous-tend soit leur qualité de dirigeants sociaux, soit celle de salariés membres de la direction ; que dans la lettre d'observations, l'inspecteur relevait à cet égard qu'ils étaient tous titulaires d'un mandat social ou d'un contrat de travail au sein de la SAS Groupe U... M... et que cette dernière ne démontre pas le contraire aujourd'hui ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la situation de M. L... au regard de la règle d'assujettissement au régime général énoncée au second des textes susvisés, à la date du fait générateur de l'avantage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 242-1, alinéa 1, L. 244-3 et R. 243-6, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, du code de la sécurité sociale ; article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale.

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