Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

1re Civ., 10 avril 2019, n° 18-14.987, (P)

Cassation partielle

Dommage – Préjudice réparable – Exclusion – Cas – Conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable

Donne acte à Mme Y... V... et à la société civile professionnelle C... V... et P... Y... V... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. N... ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 30 janvier 2012 par M. B... (le notaire instrumentaire), avec la participation, pour assister l'acquéreur, de Mme Y... V... (le notaire en participation), notaire associé au sein de la société civile professionnelle C... V... et P... Y... V... (la SCP), titulaire d'un office notarial, M. N... (le vendeur) et son épouse, depuis lors décédée, ont vendu à M. L... (l'acquéreur) un immeuble ; que, celui-ci présentant plusieurs désordres, l'acquéreur a, le 22 juillet 2013, assigné le vendeur en résolution de la vente pour vices cachés et le notaire en participation ainsi que la SCP en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que, pour condamner le notaire en participation et la SCP à indemniser l'acquéreur, après avoir énoncé que l'avant-contrat du 25 octobre 2011 ne constituait pas un accord définitif sur la chose et sur le prix valant vente parfaite, et rejeté les demandes dirigées contre le vendeur, l'arrêt retient que le notaire en participation a manqué à son devoir de conseil et d'information en ne transmettant pas à l'acquéreur les documents afférents aux désordres litigieux, reçus du notaire instrumentaire avant la vente, et que, dès lors, il lui a fait perdre une chance de renoncer à l'acquisition ou de la conclure à un moindre prix ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, l'acquéreur avait été informé des désordres affectant l'immeuble avant la signature de l'acte authentique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum Mme Y... V... et la SCP C... V... et P... Y...-V... à payer à M. L... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 30 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion des conséquences d'un engagement librement souscrit par une partie à un contrat de la définition du préjudice réparable, à rapprocher : 1re Civ., 23 septembre 2003, pourvoi n° 99-21.174, Bull. 2003, I, n° 189 (cassation).

1re Civ., 10 avril 2019, n° 17-13.307, (P)

Cassation

Dommage – Préjudice réparable – Exclusion – Frais non compris dans les dépens

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. M... a réservé en ligne un véhicule de location auprès de la société Goldcar Spain SLU, dite Goldcar Rental (la société), la prise en main étant prévue le 13 avril 2016, à l'aéroport de Tenerife (Espagne) ; qu'au comptoir de la société, M. M... a conclu une assurance complémentaire pour prendre possession du véhicule ; que, soutenant qu'il avait été contraint de souscrire inutilement cette assurance, il a, en application de la procédure européenne de règlement des petits litiges, saisi un tribunal d'instance aux fins de voir condamner la société à lui rembourser le montant de l'assurance complémentaire et à lui payer une certaine somme au titre des frais de procédure ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il s'ensuit que, si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 5.6 du règlement précité, l'auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d'en assurer la transmission préalable à la partie adverse ;

Attendu que le jugement accueille les demandes de M. M..., après avoir relevé que, dans ses écritures en réponse à celles de la société, celui-ci avait formulé une demande nouvelle, développé des moyens nouveaux et produit des pièces complémentaires ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement transmis ces éléments à la société, le tribunal a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 120-1, devenu L. 121-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

Attendu que, pour retenir l'existence d'une pratique commerciale déloyale, le jugement relève les imprécisions du bon de réservation et du contrat de location sur la nécessité de verser un dépôt de garantie, sur le caractère obligatoire de l'assurance complémentaire en cas de renonciation à ce dépôt et sur la possibilité de choix offerte au client entre le versement d'un dépôt de garantie et la souscription d'une assurance complémentaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer, comme il le lui incombait, en quoi ces documents n'étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement condamne la société à payer une certaine somme à M. M... à titre de dommages-intérêts, en retenant qu'une telle somme lui est allouée en réparation du préjudice lié aux tracas et frais occasionnés par la procédure qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Rouen.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile ; article 19 du règlement n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ; directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 ; article L. 120-1, devenu L. 121-1, du code de la consommation ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article 700 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-15.155, Bull. 2004, II, n° 365 (cassation).

Soc., 3 avril 2019, n° 16-20.490, (P)

Cassation partielle

Dommage – Réparation – Réparation intégrale – Préjudice – Gravité – Minorité de la victime de travail forcé – Portée

ll résulte de l'article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 2 et 4, § 2, de la Convention sur le travail forcé, adoptée par la conférence générale de l'Organisation internationale du travail le 28 juin 1930 et ratifiée par la France le 24 juin 1937, 1er d) de la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, adoptée le 30 avril 1956 et entrée en vigueur en France le 26 mai 1964, 1er de la convention n° 138 du 26 juin 1973 de l'Organisation internationale du travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, ratifiée par la France le 13 juillet 1990, 19 et 31 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990, que la victime d'une situation de travail forcé ou d'un état de servitude a droit à la réparation intégrale du préjudice tant moral qu'économique qui en découle, en application de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, et que ce préjudice est aggravé lorsque la victime est mineure, celle-ci devant être protégée contre toute exploitation économique et le travail auquel elle est astreinte ne devant pas être susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, L... U..., née au Maroc [...], a fait l'objet dans ce pays d'une adoption conformément au droit local ('kafala') par les époux E..., résidents en France. Elle a vécu au domicile du couple en France à compter de 1994 alors qu'elle était âgée de 12 ans. A la suite d'une plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée à leur encontre, les époux E... ont été définitivement condamnés par la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, le 14 septembre 2010, pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001, alors que sa vulnérabilité ou son état de dépendance leur était apparent ou connu, obtenu de L... U... la fourniture de services non rétribués ou contre une rétribution manifestement sans rapport avec le travail accompli, faits prévus et réprimés par les articles 225-13 et 225-19 du code pénal dans leur rédaction alors en vigueur. Mme U... s'est vu accorder la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral.

Le 6 mai 2011 elle a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande de dommages-intérêts pour préjudice économique.

2. La cour d'appel, chambre sociale, a rejeté la demande de Mme U... en indemnisation de son préjudice économique, aux motifs que les époux E... ont été définitivement condamnés pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001 commis le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail fourni par une personne vulnérable, que la requérante réclame des dommages-intérêts en faisant état d'un préjudice économique lié à l'absence de versement d'une rémunération quelconque durant le temps où elle dit avoir travaillé au domicile des époux E..., que toutefois les sommes qu'elle demande le sont à partir d'un contrat de travail dont il n'est aucunement justifié alors qu'il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence de la relation salariée.

Examen du moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches

3. Mme U... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice économique alors :

1°/ que le travailleur tenu en état de servitude, qui a fourni sous la contrainte une prestation de travail subordonnée sans contrepartie ou moyennant une contrepartie sans rapport avec l'importance du travail fourni, est en droit de réclamer à cet employeur devant la juridiction prud'homale la réparation du préjudice économique que lui a causé cette infraction ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, qu'aux termes d'un arrêt définitif de la cour d'appel de Versailles en date du 14 septembre 2010, « M. et Mme E... ont été condamnés pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001, commis notamment le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail fourni par une personne vulnérable » ; qu'en déboutant cependant Mme L... U..., victime de cette infraction, de sa demande de réparation du préjudice économique causé par cette infraction, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile ;

2°/ que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en déboutant Mme L... U... de sa demande de réparation du préjudice économique souffert en conséquence de la faute des époux E... qui l'avaient contrainte à leur fournir pendant sept ans sans rétribution une prestation de travail subordonnée, motif pris de ce que les sommes qu'elle demande le sont à partir d'un contrat de travail dont il n'est aucunement justifié quand il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence de la relation salariée », quand il ressortait des motifs de l'arrêt correctionnel du 14 septembre 2010 que la jeune fille, non scolarisée, dépourvue de titre de séjour et « inapte à se débrouiller seule » avait, dès son arrivée en France en 1994, à l'âge de onze ans, été « chargée en permanence, sans bénéficier de congés, de la grande majorité des tâches domestiques au sein de la famille E..., lesquelles comportaient de surcroît des responsabilités sans rapport avec son âge, rétribuées seulement par un maigre argent de poche », ce dont résultait pour toute la période de sa réclamation d'août 1994 à juillet 2001, la matérialité des faits fautifs et du préjudice économique en résultant, qu'il lui appartenait d'évaluer, la cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile ;

3°/ que l'ordre public international s'oppose à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles du droit commun pour évincer, par l'absence de contrat de travail, l'application du droit du travail dans un conflit élevé par un salarié placé à son service sans manifestation de sa volonté et employé dans des conditions de subordination et de dépendance ayant méconnu sa liberté individuelle et ses droits élémentaires aux contreparties de son travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 5 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 1 et 4 de la Charte sociale européenne, 32 de la Convention internationale des droits de l'enfant et 6 du code civil.

Motifs de l'arrêt

4. Vu l'article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble les articles 2 et 4, § 2, de la Convention sur le travail forcé, adoptée par la conférence générale de l'Organisation internationale du travail le 28 juin 1930 et ratifiée par la France le 24 juin 1937, l'article 1er d) de la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, adoptée le 30 avril 1956 et entrée en vigueur en France le 26 mai 1964, l'article 1er de la convention n° 138 du 26 juin 1973 de l'Organisation internationale du travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, ratifiée par la France le 13 juillet 1990, les articles 19 et 31 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990.

5. Aux termes de l'article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude et nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, Siliadin c/ France, 26 juillet 2005, n° 73316/01 ; C.N. et V. c/ France, 11 octobre 2012, n° 67724/09) que l'article 4 de la convention consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques, que le premier paragraphe de cet article ne prévoit pas de restrictions et ne souffre d'aucune dérogation, même en cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la nation aux termes de l'article 15, § 2, de la Convention (Siliadin, précité, § 112).

La Cour européenne des droits de l'homme rappelle également que, sur le fondement de l'article 4 de la Convention, l'Etat peut aussi bien être tenu responsable de ses agissements directs que de ses défaillances à protéger efficacement les victimes d'esclavage, de servitude, de travail obligatoire ou forcé au titre de ses obligations positives (Siliadin, précité, §§ 89 et 112). Or, la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu, s'agissant de situations similaires relevant également de l'article 225-13 du code pénal, l'existence de situations tant de travail forcé que d‘un état de servitude - « travail forcé aggravé » - au sens de l'article 4 de la Convention (Siliadin, précité, §§ 120 et 129 ; C.N. et V. c/ France, précité, §§ 91 et 92).

6. Aux termes de l'article 2 de la convention sur le travail forcé, adoptée par la conférence générale de l'Organisation internationale du travail le 28 juin 1930, le terme travail forcé ou obligatoire désigne tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré.

Aux termes de son article 4, § 1, les autorités compétentes ne devront pas imposer ou laisser imposer le travail forcé ou obligatoire au profit de particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées.

Selon le § 2 de ce même article, si une telle forme de travail forcé ou obligatoire au profit de particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées existe à la date à laquelle la ratification de la présente convention par un Membre est enregistrée par le directeur général du Bureau international du travail, ce Membre devra supprimer complètement ledit travail forcé ou obligatoire dès la date de l'entrée en vigueur de la présente convention à son égard.

7. Selon l'article 1er d) de la convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, adoptée le 30 avril 1956, chacun des Etats parties à la présente convention prendra toutes les mesures, législatives et autres, qui seront réalisables et nécessaires pour obtenir progressivement et aussitôt que possible l'abolition complète ou l'abandon de toute institution ou pratique en vertu de laquelle un enfant ou un adolescent de moins de dix-huit ans est remis, soit par ses parents ou par l'un d'eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en vue de l'exploitation de la personne, ou du travail dudit enfant ou adolescent.

8. Aux termes de l'article 1er de la convention n° 138 du 26 juin 1973 de l'Organisation internationale du travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, tout Etat Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à poursuivre une politique nationale visant à assurer l'abolition effective du travail des enfants et à élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental. Cet âge a été fixé en France à 16 ans, sauf dérogations.

9. Enfin, selon l'article 19 de la convention dite de New-York relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

Selon son article 32, les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

10. Il résulte de ces textes que la victime d'une situation de travail forcé ou d'un état de servitude a droit à la réparation intégrale du préjudice tant moral qu'économique qui en découle, en application de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, et que ce préjudice est aggravé lorsque la victime est mineure, celle-ci devant être protégée contre toute exploitation économique et le travail auquel elle est astreinte ne devant pas être susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

11. En statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la juridiction pénale, pour entrer en voie de condamnation, avait constaté que Mme U..., mineure étrangère qui ne disposait pas d'un titre de séjour comme étant entrée en France en utilisant le passeport de la fille des époux E..., ce qui créait pour elle un risque d'être reconduite vers son pays d'origine, était chargée en permanence de la grande majorité des tâches domestiques au sein de la famille, lesquelles comportaient des responsabilités sans rapport avec son âge, qu'elle n'était pas scolarisée et que les époux E... n'avaient jamais entrepris de démarches pour l'insérer socialement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Mme U... au titre de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 2 et 4, § 2, de la Convention sur le travail forcé, adoptée par la conférence générale de l'Organisation internationale du travail le 28 juin 1930 et ratifiée par la France le 24 juin 1937 ; article 1er, d), de la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, adoptée le 30 avril 1956 et entrée en vigueur en France le 26 mai 1964 ; article 1er de la Convention n° 138 du 26 juin 1973 de l'Organisation internationale du travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, ratifiée par la France le 13 juillet 1990 ; articles 19 et 31 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990 ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

1re Civ., 10 avril 2019, n° 17-28.264, (P)

Rejet

Faute – Abus de droit – Société – Société civile professionnelle – Projet de cession de parts sociales – Exclusion – Cas – Caractère dérisoire du prix proposé dans le projet de cession notifié au cédant

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2016), que MM. D..., E... et P... étaient associés d'une société civile professionnelle de notaires titulaire d'un office notarial situé à [...] ; que, le 14 mars 2008, MM. D... et P... ont signifié à M. E... un projet de cession de leurs parts sociales à M. R..., pour la somme de 650 000 euros, et à Mme U..., pour le même montant ; que M. E... a refusé de consentir à la cession et a proposé d'acquérir les parts de M. D... pour la somme de 400 000 euros ; que M. D... a assigné M. E... en paiement de la somme de 650 000 euros correspondant au prix de cession qui avait été convenu avec M. R... ; que les trois associés ont vendu leurs parts sociales à MM. Q... et M... pour un prix de 1 120 000 euros, la somme de 470 000 euros revenant à M. D... ; que, faisant valoir que le refus initial opposé par M. E... lui avait causé un préjudice de 179 600 euros, M. D... a demandé sa condamnation au paiement de cette somme ainsi que de la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral qu'il aurait subi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans le cas où une société civile professionnelle notariale refuse de consentir à la cession des parts sociales d'un associé à un tiers, elle dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de son refus, pour notifier à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession ou de rachat de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 19, alinéa 3, de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ; que l'obligation d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales dans ce délai de six mois, à un prix éventuellement fixé dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, pèse sur les autres associés que l'associé cédant ; que, dès lors, en jugeant, pour débouter M. D... de ses demandes au titre du préjudice que lui avait causé la faute de M. E..., qu'il appartenait « aux parties » en désaccord sur le prix de rachat soit de désigner un expert, soit de demander sa désignation au président du tribunal de commerce, qu'en ne mettant pas en place cette procédure, M. D... était « responsable [au premier chef] du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour finalement trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu [avec les] deux premiers notaires », pour en déduire que M. D... ne pouvait pas soutenir que M. E... serait à lui seul responsable de cette situation dans la mesure où « il (...) appartenait [à M. D...] en application de la loi, du règlement et des statuts, en présence d'un désaccord persistant, d'agir en tant que partie la plus diligente pour obtenir la désignation d'un expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, ce qu'il n'a pas fait », la cour d'appel a violé l'article 19 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, l'article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application de cette loi à la profession de notaire ;

2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il appartenait « aux parties » en désaccord sur le prix de rachat soit de désigner un expert, soit de demander sa désignation au président du tribunal de commerce, qu'en ne mettant pas en place cette procédure, « chacun des associés concernés (...) est responsable du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour finalement trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu [avec les] deux premiers notaires », pour en déduire que M. D... ne pouvait pas « soutenir que M. E... serait à lui seul responsable de cette situation » ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de la cour d'appel que M. E... était à tout le moins codébiteur de l'obligation litigieuse, et donc partiellement responsable de la situation ; que, dès lors, en écartant la responsabilité de M. E..., aux motifs inopérants en droit que M. D... n'avait lui-même pas engagé la procédure aux fins de voir désigner un expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 19 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, l'article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application de cette loi à la profession de notaire, ensemble l'article 1147 du code civil ;

3°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. D... exposait de manière convaincante et circonstanciée, éléments de preuve à l'appui, que l'accord de cession de ses parts sociales conclu début 2008 avec M. R... pour un prix de 650 000 euros, qu'il avait fait signifier à la SCP le 14 mars 2008, correspondait alors à la valeur réelle de ses parts ; qu'il démontrait qu'à l'inverse, l'offre faite le 30 septembre 2008 par M. E... d'acheter ces mêmes parts au prix de 400 000 euros correspondait à un prix dérisoire au regard de la valeur qu'avaient alors les parts et des méthodes d'évaluation appliquées, à une période antérieure à la crise immobilière ayant éclaté en 2009 qui avait fait chuter la valeur des études notariales ; que cette analyse était confortée par les autres offres d'un même montant de 650 000 euros qu'avait reçues M. D... en 2008 ; que M. D... en déduisait que le refus opposé par M. E... à la cession des parts à M. R..., pour finalement proposer un prix dérisoire, révélait que l'intéressé avait abusé de son droit de refuser d'agréer la cession ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les éléments précités, invoqués par M. D..., n'établissaient pas que M. E... s'était opposé de manière abusive au projet de cession des parts de M. D... à M. R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°/ qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges en ce qu'ils se sont fondés sur les conclusions des experts désignés en 2009, ainsi que sur le prix de vente des parts le 28 mars 2011, soit après le début de la crise immobilière dont la cour d'appel a elle-même constaté qu'elle avait éclaté « en 2009 » et qu'elle avait « gravement touché les études notariales », pour en déduire que « le projet de cession conclu avec M. R... apparaît de toute évidence surévalué », et que l'« opposition [de M. E...] à la cession des parts sociales détenues par M. D... n'était pas abusive, qu'au contraire, elle était fondée sur une évaluation réaliste de la valeur marchande de la SCP et qu'elle n'a pu causer aucun préjudice à son associé qui s'est de toute évidence mépris sur la plus-value qu'il pensait pouvoir réaliser avec la cession de ses parts sociales », sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date de la cession conclue avec M. R..., comme à la date de l'offre formulée par M. E... le 30 septembre 2008 - soit dans les deux cas avant le début de la crise immobilière ayant sensiblement affecté la valeur des études notariales –, le prix de 650 000 euros convenu en 2008 ne correspondait pas à la valeur réelle des parts à cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 19, alinéa 3, de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que, si la société a refusé de donner son consentement au projet de cession de parts sociales qui lui a été notifié, les associés sont tenus, dans le délai de six mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil ; que l'article 28, premier alinéa, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi du 29 novembre 1966, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016, dispose qu'en cas de refus de la société, celle-ci notifie, dans ce délai, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession de ces dernières ; qu'aux termes de l'article 28, alinéa 3, du même décret, à défaut d'accord entre les parties, le prix de cession est fixé par un expert désigné dans les conditions fixées par l'article 1843-4, précité, toute clause contraire à cet article étant réputée non écrite ;

Qu'il résulte de ces textes que, lorsque la société refuse de consentir à la cession des parts sociales, elle doit notifier à l'associé qui persiste dans son intention d'y procéder son propre projet de cession dans un délai de six mois et que ce n'est qu'à défaut d'accord entre les parties sur le prix, une fois la notification opérée dans ce délai, qu'en application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, celui-ci est fixé par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; que, par suite, les associés autres que le cédant n'ont pas l'obligation d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales dans le délai de six mois lorsque la société et le cédant ne sont pas d'accord sur le prix de cession ;

Attendu, en second lieu, que le défaut d'accord entre les parties sur le prix de cession de parts sociales, visé par l'article 28, alinéa 3, du décret du 2 octobre 1967, impose la fixation de ce prix par un expert désigné dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, sans que le caractère dérisoire attribué au prix proposé dans le projet de cession prévu à l'article 28, alinéa premier, du décret précité, puisse être invoqué au titre de l'abus de droit ;

Et attendu que l'arrêt relève, d'abord, qu'en ne recourant pas à la procédure fixée par l'article 1843-4 du code civil, M. D..., comme les autres associés, est responsable du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu, ensuite, qu'il lui appartenait, en présence du désaccord persistant, d'agir en tant que partie la plus diligente pour obtenir la désignation d'un expert dans les conditions du texte précité, ce qu'il n'a pas fait, et, enfin, que, lorsque M. E... lui a proposé d'acquérir ses parts sociales, M. D... lui a opposé un refus, qualifié de définitif, et, après avoir, avec les autres associés, recouru à une expertise amiable ne répondant pas aux conditions fixées par l'article 28, alinéa 3, du décret de 1967, a préféré l'assigner en paiement de la somme de 650 000 euros ;

D'où il suit que la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence de circonstances imputables à M. D... à l'origine de son propre préjudice et qui n'avait pas à faire la recherche visée par la troisième branche et relative à l'abus, par M. E..., du droit de refuser de consentir à la cession, ni celle visée par la quatrième branche, qui critique des motifs du jugement contraires à ceux de l'arrêt, a légalement justifié sa décision de rejeter ses demandes ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. E... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. D... faisait valoir qu'au regard de la valeur des parts de la SCP en 2008, avant que n'éclate la crise immobilière de 2009, l'opposition de M. E... à la cession conclue avec M. R... au prix de 650 000 euros, pour proposer un prix dérisoire de 400 000 euros au regard des méthodes d'évaluation alors applicables et des autres offres d'achat au prix de 650 000 euros qu'il avait reçues en 2008, présentait un caractère abusif ; qu'à cet égard, la cour d'appel a elle-même constaté que l'opposition manifestée par M. E... et l'offre qu'il avait faite avaient eu lieu en 2008, et que ce n'était qu'« en 2009 » qu'avait éclaté la crise immobilière qui avait « gravement touché les études notariales » ; qu'il apparaissait donc légitime que M. D... cherche à démontrer la faute et l'abus qu'avait commis M. E... en 2008, année au cours de laquelle une offre au prix de 400 000 euros n'était absolument pas justifiée ; que de surcroît, M. D... rappelait que M. E... n'avait pas mis en oeuvre la procédure en fixation du prix dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil, comme cela lui incombait pourtant conformément aux textes applicables, et que son absence de diligence sur ce point avait conduit à l'écoulement d'un temps supplémentaire, générant pour lui un important préjudice dès lors que, dans l'intervalle, la crise immobilière avait éclaté, provoquant une baisse significative de la valeur de l'étude ; que dans ces conditions, il était légitime que M. D... cherche à démontrer et à obtenir la réparation du préjudice que les fautes de M. E... lui avaient causé, en agissant contre lui en responsabilité, puis en interjetant appel du jugement qui l'avait débouté de ses demandes ; que, dès lors, en condamnant M. D... à payer des dommages-intérêts à M. E... pour procédure abusive, aux motifs inopérants que M. D... ne pouvait ignorer les règles de cessions de parts d'une SCP notariale, qu'il se référait à un prix de vente fixé avant que n'éclate la crise immobilière de 2009, et en retenant que M. D... avait agi dans un « esprit de nuire » qu'il avait « constamment manifesté dans une forme d'aveuglement, y compris lorsqu'il a exercé la voie de l'appel », sans prendre en considération l'ensemble du contexte et les éléments précités invoqués par M. D..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute commise par ce dernier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en se bornant à faire état de « manoeuvres » et de « délation » de M. D..., sans plus de précisions et sans indiquer les pièces sur lesquelles elle fondait ces assertions, cependant que dans ses conclusions d'appel, M. D... se référait à la condamnation de M. E... pour harcèlement moral de plusieurs salariés de l'étude notariale au cours de l'année 2009, ce qui confirmait les méfaits de M. E..., et en s'abstenant de prendre en considération, comme l'y invitait le demandeur, le rapport de force instauré par M. E... aux fins de contraindre M. D..., en 2008, à lui céder ses parts à un prix inférieur à leur valeur d'alors, ni son comportement intolérable qui avait conduit le demandeur à être placé en arrêt de travail en raison d'une grave dépression de février 2009 à janvier 2010, comme l'établissaient les certificats médicaux produits aux débats, ce alors même qu'elle constatait que le climat de mésentente ne pouvait pas, à tout le moins, être imputé en totalité à M. D..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute commise par ce dernier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'instance engagée par M. D..., qui, en sa qualité de notaire, ne pouvait ignorer les exigences légales, réglementaires et statutaires de la procédure par laquelle un associé d'une société civile professionnelle de notaires peut céder ses parts dans le respect des droits de ses coassociés, et qui s'est livré à des manoeuvres, parfois sous forme de délation, pour tenter de contraindre son associé à acheter ses parts au prix qu'il avait fixé avec un notaire tiers, démontre une volonté de nuire, certes alimentée par un climat de mésentente existant entre les associés qui ne peut lui être imputé en totalité, mais qu'il a constamment manifesté dans une forme d'aveuglement, y compris lorsqu'il a exercé la voie de l'appel ; qu'il ajoute que cette attitude a été préjudiciable à M. E..., contraint de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure longue et coûteuse ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'un abus de droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 19, alinéa 3, de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 ; article 28, premier alinéa, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 ; article 1843-4 du code civil ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article 28, alinéa premier, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ; article 1843-4 du code civil.

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