Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 3 avril 2019, n° 17-31.304, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Fonctionnement – Réunion – Lieu – Fixation – Prérogative de l'employeur – Limites – Abus – Caractérisation – Cas – Effets – Office du juge – Détermination – Portée

La fixation du lieu des réunions du comité d'entreprise relève des prérogatives de l'employeur, sauf pour celui-ci à répondre d'un éventuel abus dans leur exercice.

C'est à bon droit qu'ayant constaté que, malgré l'opposition des élus, les réunions du comité d'entreprise d'une société étaient, depuis le rachat de cette société par un groupe, organisées en région parisienne alors qu'aucun salarié de la société n'y travaille, que le temps de transport pour s'y rendre est particulièrement élevé et de nature à décourager les vocations des candidats à l'élection, que ce choix est de nature à avoir des incidences sur la qualité des délibérations à prendre par le comité d'entreprise alors que les enjeux sont particulièrement importants, notamment en termes de conditions de travail, dans le domaine médico-social, et que des solutions alternatives n'avaient pas été véritablement recherchées, une cour d'appel, qui a estimé que l'employeur avait commis un abus dans le choix du lieu des réunions, a pu fixer le lieu de ces réunions sur l'ancien site dans l'attente d'une meilleure décision.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 novembre 2017), que la société Sancellemoz (la société) dispose de deux cliniques situées en Haute-Savoie ; qu'à la suite du rachat de la société par le groupe Orpea, les réunions du comité d'entreprise de la société ont été organisées au siège administratif du groupe Orpea, à Puteaux ; que le comité d'entreprise de la société a, le 29 décembre 2015, assigné la société devant le tribunal de grande instance aux fins de voir ordonner à l'employeur d'organiser à nouveau les réunions du comité d'entreprise sur le site du plateau d'Assy ;

Sur le premier moyen : Publication sans intérêt

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de reprendre les réunions du comité d'entreprise sur le site du Plateau d'Assy à Passy à compter du premier jour du mois suivant le jugement, sous astreinte de 20 000 euros par mois de retard à compter de la signification dudit jugement, et de la condamner à verser au comité d'entreprise une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur ou son représentant détermine librement le lieu des réunions du comité d'entreprise ; que le fait de tenir les réunions au lieu du siège social de l'entreprise ne peut être constitutif d'abus en l'absence de violation, par l'employeur, de ses obligations en matière de prise en charge des frais de déplacements et de toute intention de nuire ; que pour dire que le fait pour la société Sancellemoz de tenir les réunions du comité d'entreprise au lieu de son siège social à Puteaux (92) était abusif, la cour d'appel retient seulement que ce choix entraîne des déplacements mensuels pour les membres élus des établissements situés en Haute-Savoie qui sont la source d'inconvénients sérieux, en raison du temps passé dans les transports et de la fatigue générée par ces trajets, et que ces élus sont absents de leur lieu de travail pendant une journée ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser un quelconque abus de la société Sancellemoz dans l'exercice de son droit de déterminer le lieu des réunions du comité d'entreprise, et sans rechercher si, dans la mesure où ce choix de l'employeur s'inscrivait dans le cadre d'une politique du groupe et dès lors que tous les frais de transports étaient pris en charge par l'employeur, tout abus ne devait pas être exclu, la cour d'appel, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 2325-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;

2°/ subsidiairement, que le juge ne peut fixer au lieu et place de l'employeur le lieu des réunions du comité d'entreprise ; qu'en ordonnant à la société Sancellemoz de reprendre les réunions du comité d'entreprise sur le site du plateau d'Assy à Passy, la cour d'appel, qui a empiété sur les prérogatives légalement dévolues à l'employeur, a violé l'article L. 2325-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1382 du code civil, devenu 1240 ;

Mais attendu que la fixation du lieu des réunions du comité d'entreprise relève des prérogatives de l'employeur, sauf pour celui-ci à répondre d'un éventuel abus dans leur exercice ;

Et attendu qu'ayant constaté que, malgré l'opposition des élus, les réunions du comité d'entreprise étaient, depuis le rachat de la société par le groupe Orpea, organisées en région parisienne alors qu'aucun salarié de la société n'y travaille, que le temps de transport pour s'y rendre est particulièrement élevé et de nature à décourager les vocations des candidats à l'élection, que ce choix est de nature à avoir des incidences sur la qualité des délibérations à prendre par le comité d'entreprise alors que les enjeux sont particulièrement importants, notamment en termes de conditions de travail, dans le domaine médico-social, et que des solutions alternatives n'avaient pas été véritablement recherchées, la cour d'appel, qui a estimé que l'employeur avait commis un abus dans le choix du lieu des réunions, a pu fixer le lieu de ces réunions sur l'ancien site dans l'attente d'une meilleure décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article L. 2325-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue des prérogatives de l'employeur dans la convocation des réunions du comité d'entreprise et leur limitation en cas d'abus, à rapprocher : Soc., 15 janvier 2013, pourvoi n° 11-28.324, Bull. 2013, V, n° 9 (rejet).

Soc., 17 avril 2019, n° 17-17.986, (P)

Rejet

Comité de groupe – Comité européen de groupe – Membres – Représentants du personnel – Désignation – Modalités – Fin du mandat – Conditions – Exclusion – Désaffiliation de l'organisation syndicale ayant procédé à la désignation – Portée

Il résulte des dispositions de l'accord collectif du 8 novembre 2013 relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA » conclu dans le cadre de l'accord d'anticipation du 29 juin 2009, interprétées à la lumière du préambule (point 34) et de l'article 10, § 3, de la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, que le mandat de membre du comité européen du groupe Axa n'est pas un mandat de représentant syndical, en sorte que le changement d'affiliation syndicale du représentant du personnel élu qu'elle a désigné n'autorise pas une organisation syndicale à mettre fin à son mandat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2017), le Groupe Axa s'est doté d'un comité européen de groupe (CEG), mis en place par un accord d'anticipation conclu le 26 juin 1996, dans le cadre de la directive n° 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, refondue et remplacée depuis par la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs. Cet accord a été reconduit pour une durée indéterminée par un nouvel accord en date du 29 juin 2009, signé par les sociétés membres du groupe Axa au niveau européen, les organisations syndicales françaises ainsi que l'Union Network International (l'UNI). Dans ce cadre, a été conclu, le 8 novembre 2013, l'accord relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe Axa », entre les sociétés du groupe implantées en France et les organisations syndicales représentatives, pour la période allant du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2017.

2. Le 9 janvier 2014, la fédération CFDT des banques et assurances a désigné au sein de la délégation française au CEG, MM. L... et S... en qualité de membres titulaires ainsi que MM. V... et Q...en tant que membres suppléants. MM. L...et S... ont changé d'affiliation syndicale à l'occasion des élections professionnelles organisées au sein de leur société d'emploi (Axa Corporate Solutions) les 12 et 19 novembre 2015 et ont été élus sous l'étiquette de la CFE-CGC.

3. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2015, la fédération CFDT des banques et assurances a procédé à la désignation, en remplacement de MM. L..., Q... et S... au sein du CEG, de MM. X..., D... et V..., ce dernier étant remplacé sur son siège de suppléant par M. K....

Les sociétés membres du groupe Axa en France ont saisi le tribunal d'instance, par requête du 27 novembre 2015, afin d'obtenir l'annulation de ces désignations.

4. Par jugement du 4 mars 2016, le tribunal d'instance a annulé les désignations de MM. X..., V..., D... et K... et a rejeté le surplus des demandes.

5. Par arrêt du 14 mars 2017, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Examen du moyen

6. La fédération CFDT des banques et assurances fait grief à l'arrêt d'annuler les désignations litigieuses, alors :

1°/ que l'accord collectif du 8 novembre 2013 relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA » conclu dans le cadre de l'accord d'anticipation du 29 juin 2009 prévoit expressément que les membres appelés à constituer la délégation française à ce comité sont désignés par les organisations syndicales représentatives en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, parmi leurs élus au comité d'entreprise, au comité d'établissement ou délégation unique du personnel au sein des entreprises couvertes ; qu'en considérant, pour dire que le mandat de membre au comité européen de groupe Axa était un mandat de représentation du personnel, que « la validité de [la] désignation est conditionnée par la détention d'un mandat de représentation du personnel », quand l'accord du 8 novembre 2013 requiert un mandat de représentant du personnel détenu par un candidat aux élections professionnelles présenté par l'organisation syndicale représentative auteure de la désignation, la cour d'appel, qui a dénaturé les dispositions claires et précises de l'article 2 de l'accord d'anticipation du 29 juin 2009 et de l'article 3 de l'accord du 8 novembre 2013, a violé lesdits accords collectifs ;

2°/ que dans le cadre de l'article 2 de l'accord d'anticipation du 29 juin 2009, l'article 3 de l'accord du 8 novembre 2013 relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA » prévoit expressément que les membres appelés à constituer la délégation française doivent être désignés par les organisations syndicales représentatives en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, parmi leurs élus au comité d'entreprise, comité d'établissement, délégation unique au sein des entreprises couvertes ; qu'en retenant, pour dire que le mandat au comité européen de groupe ne constituait pas un mandat syndical, que « le membre appelé à constituer la délégation française du comité européen de groupe AXA, dès lors que la validité de sa désignation est conditionnée par la détention d'un mandat de représentation du personnel, ne tire pas la légitimité de son action d'une pure représentation de son syndicat », la cour d'appel a violé l'article 2 de l'accord collectif d'anticipation du 29 juin 2009, l'article 3 de l'accord collectif du 8 novembre 2013 relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA » sur la période du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2017, ensemble la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

3°/ que les dispositions des accords qui régissent exclusivement le comité européen de groupe Axa prévoient que le mandat de membres appelés à constituer la délégation française a une durée de 4 ans et prend automatiquement fin en cas de perte du mandat de représentant du personnel ou en cas de démission ; qu'en considérant que « le mandat de quatre ans des membres du CEG prend fin de manière anticipée par la perte du mandat d'origine ou par la démission », pour dire qu'une organisation syndicale représentative ne peut pas mettre fin au mandat des membres qu'elle a désigné ni procéder à leur remplacement pour la durée du mandat restant à courir, la cour d'appel, qui a dénaturé les dispositions claires et précises de l'article 2.3 de l'accord d'anticipation du 29 juin 2009 et de l'article de l'accord du 8 novembre 2013 a violé ces accords collectifs ;

4°/ qu'il résulte des dispositions de l'accord du 8 novembre 2013 sur les « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA », qui réservent la désignation de ces membres à des organisation syndicales représentatives en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 en leur imposant de les choisir parmi leurs élus, qu'une organisation syndicale représentative peut procéder à la révocation d'un membre qu'elle a désigné au motif de sa désaffiliation et pourvoir à son remplacement, pour la durée du mandat restant à courir ; qu'en considérant que le changement d'affiliation syndicale d'un élu au comité d'entreprise ou au comité d'établissement désigné par son syndicat d'appartenance d'origine pour siéger au comité européen de groupe n'autorise pas ce syndicat à mettre fin au mandat de l'intéressé en procédant à la désignation d'un autre membre pour le remplacer, pour la raison que les accords ne prévoient pas de fin anticipée du mandat par la révocation de l'organisation syndicale auteure de la désignation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2.3 de l'accord collectif d'anticipation du 29 juin 2009 et celles des articles 2 et 3 de l'accord collectif du 8 novembre 2013, ensemble la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

5°/ que les accords collectifs consacrant des droits au profit des organisations syndicales doivent être interprétés et appliqués en conformité avec les normes dotées d'une autorité supérieure, parmi lesquelles la convention OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, dont l'article 3 garantit aux organisations syndicales le droit d'élire librement leurs représentants et impose aux autorités publiques de d'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ; qu'en jugeant que la fédération CFDT ne pouvait pas mettre fin au mandat de certains membres qu'elle avait désignés le 9 janvier 2014 et ce nonobstant le fait que le changement d'affiliation syndicale desdits membres a pour effet de réduire le nombre sièges dont elle dispose au sein du comité de groupe européen et sans que cela ne constitue une entrave à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, la cour d'appel a violé les accords collectifs du 29 juin 2009 et du 8 novembre 2013 qui régissent le comité européen de groupe AXA, ensemble l'article 3 de la convention OIT n° 87 ;

Motifs de l'arrêt

7. La cour d'appel a retenu qu'aux termes de l'article 2.3 de l'accord du 29 juin 2009, ne peuvent siéger au comité européen de groupe Axa que des membres disposant d'un mandat professionnel au titre duquel ils ont été élus ou désignés au sein de leur entreprise, appelé mandat d'origine. Elle a relevé par ailleurs que si, selon l'article 3 de l'accord du 8 novembre 2013, chaque organisation syndicale représentative au niveau du groupe au sens de l'article L. 2122-4 du code du travail désigne son ou ses membres au comité européen parmi ses élus aux comités d'entreprise, comités d'établissement, délégation unique du personnel des entreprises comprises dans le périmètre dudit comité et comptant au moins cent cinquante salariés, les accords du 29 juin 2009 et du 8 novembre 2013 ne prévoient pas de fin anticipée du mandat de membre au comité européen de groupe par la révocation de l'organisation syndicale à l'origine de la désignation. Seule la perte du mandat de représentation au sein de l'entreprise entraîne automatiquement la fin du mandat au comité européen de groupe.

8. La Cour rappelle qu'aux termes du préambule (point 34) et de l'article 10, § 3, de la directive 2009/38/CE, à laquelle les parties à l'accord de 2009 précité ont entendu se référer en cas de difficulté d'interprétation, les membres du groupe spécial de négociation, les membres du comité d'entreprise européen et les représentants des travailleurs exerçant leurs fonctions dans le cadre de la procédure visée à l'article 6, § 3, jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une protection et de garanties similaires à celles prévues pour les représentants des travailleurs par la législation et/ou la pratique nationale de leur pays d'emploi.

9. A cet égard, la Cour a déjà jugé, s'agissant de la situation similaire des membres du comité de groupe, que le changement d'affiliation d'un élu au comité d'entreprise, désigné par son syndicat d'appartenance d'origine pour siéger au comité de groupe, n'autorise pas ce syndicat à mettre fin au mandat de l'intéressé au sein du comité de groupe en cours d'exercice (Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-20.614, Bull. 2014, V, n° 187).

10. Il en résulte que la cour d'appel a décidé à bon droit que le mandat de membre du Comité européen du Groupe Axa n'est pas un mandat de représentant syndical, en sorte que le changement d'affiliation syndicale du représentant du personnel élu qu'elle a désigné n'autorise pas une organisation syndicale à mettre fin à son mandat.

11. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Accord collectif du 8 novembre 2013 relatif aux « règles de désignation de la délégation française du comité européen de groupe AXA » ; Préambule (point 34) et article 10, § 3, de la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs.

Soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Notification – Validité – Conditions – Information spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles – Défaut – Effets – Détermination – Portée

La notification de la décision prise par l'employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste en une information, spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) conformément à l'article R. 2313-1 du code du travail. En l'absence d'information préalable régulière, le délai de contestation ne court pas.

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Saisine de l'autorité administrative – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Validité – Conditions – Tentative loyale de négociation pour parvenir à la conclusion d'un accord collectif – Défaut – Portée

L'article L. 2313-2 du code du travail prévoit que le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) est déterminé par un accord d'entreprise. Selon l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. Ayant constaté l'absence de toute tentative de négociation, le tribunal d'instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l'employeur devait être annulée, sans que la Direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'auraient pas été préalablement engagées, et qu'il a fait injonction à l'employeur d'ouvrir ces négociations.

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Saisine de l'autorité administrative – Effets – Suspension du processus électoral – Elections organisées par l'employeur en dépit de la suspension du processus électoral – Sanction – Détermination – Portée

Faits et procédure

1- Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 7 septembre 2018), la société Omnitrans (la société) a invité les organisations syndicales, le 2 janvier 2018, à la négociation du protocole d'accord préélectoral pour l'élection de la délégation du personnel au comité social et économique (le CSE).

Les organisations syndicales CGT-transports, CFDT route et FNCR ont réclamé, par courrier du 22 janvier suivant, l'engagement préalable d'une négociation sur le périmètre de mise en place des CSE.

En l'absence d'accord préélectoral, l'employeur a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) afin qu'il décide de la répartition des électeurs et des sièges au sein des collèges électoraux dans le cadre d'un CSE unique.

Le direccte a rendu sa décision de répartition le 30 mars 2018, et les élections ont été organisées sur cette base les 27 avril 2018 et 18 mai 2018.

2- Entre temps les organisations syndicales avaient saisi l'autorité administrative, le 7 avril 2018, d'une contestation de la décision unilatérale de l'employeur de mettre en place un CSE unique, demandant à ce que soit reconnue l'existence de six établissements distincts au sein de l'entreprise.

Par décision du 29 mai 2018, le direccte a dit qu'en l'absence de négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts composant la société, la demande des organisations syndicales devait être rejetée mais que l'employeur devait ouvrir des négociations conformément aux dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail.

L'employeur a contesté cette décision devant le tribunal d'instance.

Examen du moyen

3- L'employeur fait grief au jugement, après avoir déclaré le recours de la société contre la décision prise le 29 mai 2018 par le direccte recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, de rejeter la demande principale de la société tendant à voir annuler la décision du direccte en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et de dire que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et de dire qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;

2°/ qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

3°/ que lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail ;

Réponse au moyen

4- L'article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu'un accord d'entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE.

Selon l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.

5- En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté qu'aucune négociation n'avait été engagée par l'employeur, qui avait décidé seul de l'existence d'un établissement unique au sein de l'entreprise. Il a également relevé que cette décision de l'employeur n'avait pas été notifiée en tant que telle aux organisations syndicales, celles-ci ayant seulement été destinataires d'une information sur les conditions de déroulement des opérations électorales.

6- S'agissant de la notification de la décision prise par l'employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il s'agit d'une information, spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant l'autorité administrative conformément à l'article R. 2313-1 du code du travail.

En l'absence d'information préalable régulière, le délai de contestation n'a pu courir. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance a dit la saisine du direccte recevable.

7- Ayant constaté l'absence de toute tentative de négociation, le tribunal d'instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l'employeur devait être annulée, sans que le direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'auraient pas été préalablement engagées, et qu'il a fait injonction à l'employeur d'ouvrir ces négociations.

8- Le fait que les élections professionnelles, sur la base du périmètre du CSE unique décidé par l'employeur, aient eu lieu les 27 avril et 18 mai 2018 sans être contestées ne saurait avoir les conséquences proposées par la première branche du moyen. Certes, la Cour décide que le jugement du tribunal d'instance statuant sur une contestation préélectorale perd son fondement juridique lorsque les élections professionnelles ont eu lieu et n'ont pas été contestées, étant alors purgées de tout vice (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100).

Mais il convient de relever, d'une part, que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts ne relève pas du contentieux préélectoral en ce que le processus peut être mis en oeuvre et contesté en dehors de l'organisation d'une élection considérée.

En effet, l'article L. 2313-2 du code du travail dispose désormais que le nombre et le périmètre des établissements distincts est déterminé par un accord collectif conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 du même code, c'est-à-dire selon les conditions de conclusion d'un accord collectif de droit commun. Il convient de relever, d'autre part, que l'article L. 2313-5 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat et que, lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.

9- Il en résulte que les élections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l'objet d'une demande d'annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi le dirrecte d'une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l'article R. 2314-24 du code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.

10. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance, qui a constaté que les organisations syndicales avaient saisi le 7 avril 2018 le direccte d'une demande de fixation des établissements distincts, a dit que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre de ces établissements afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales.

11. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2313-4, L. 2313-5 et R. 2313-1 du code du travail ; articles L. 2313-2 et L. 2313-4 du code du travail ; articles L. 2313-5 et R. 2314-24 du code du travail.

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