Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 17 avril 2019, n° 18-15.486, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Communauté entre époux – Actif – Composition – Biens acquis au cours du mariage – Biens provenant de l'industrie personnelle des époux – Rémunération – Cas – Commissionnement d'agent d'assurance

Le commissionnement reçu au cours du mariage par l'époux, agent d'assurance, marié sous le régime de la communauté légale, constitue une rémunération qui entre en communauté, par application de l'article 1401 du code civil.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 12 février 2009 a prononcé le divorce de Mme J... et de M. Y... ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de leur communauté ;

Sur les premier et second moyens, pris en leurs secondes branches, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit une récompense à la communauté au titre du financement de l'achat du cabinet d'assurance de [...], alors, selon le moyen, que constitue un bien propre la somme versée à titre d'indemnisation de la perte de valeur d'un actif professionnel, qui constitue lui-même un bien propre ; qu'en retenant le contraire, pour en déduire que l'indemnité versée à M. Y... destinée à compenser le préjudice financier subi à la suite d'une baisse des commissionnements était entrée à ce titre dans la communauté qui aurait, par conséquent, participé au financement de l'acquisition du cabinet de [...], la cour d'appel a violé les articles 1402, 1404 et 1406 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'époux, agent d'assurances, avait reçu au cours du mariage des indemnités en réparation du préjudice résultant de la baisse du commissionnement fixé au titre des risques automobile, habitation et santé, la cour d'appel en a exactement déduit que ces sommes, qui compensaient une perte de revenus de l'époux, étaient entrées en communauté par application de l'article 1401 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 1401 et 1371 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que les gains et salaires, produits de l'industrie personnelle des époux, font partie de la communauté ; qu'il en résulte que l'époux commun en biens qui a participé sans rémunération à l'activité professionnelle de son conjoint ne subit aucun appauvrissement personnel lui permettant d'agir au titre de l'enrichissement sans cause ;

Attendu que, pour dire Mme J... créancière de M. Y... sur le fondement de l'enrichissement sans cause, l'arrêt retient qu'il ne ressort pas des énonciations du jugement de divorce que l'appauvrissement résultant de la participation bénévole de l'épouse à l'activité professionnelle de son conjoint durant le mariage ait été pris en considération lors de la fixation de la prestation compensatoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté légale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le montant de la créance de Mme J... sur M. Y... au titre de l'enrichissement sans cause à la somme de 54 000 euros ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme J... au titre de l'enrichissement sans cause.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Mouty-Tardieu - Avocat général : Mme Caron-Deglise et Mme Marilly (avocat général référendaire) - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 1401 du code civil ; article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 5 avril 1993, pourvoi n° 91-15.669, Bull. 1993, I, n° 139 (rejet).

1re Civ., 17 avril 2019, n° 18-16.577, (P)

Cassation partielle

Communauté entre époux – Administration – Pouvoirs de chacun des époux – Donation d'un bien commun – Patrimoine supportant la charge définitive de la libéralité – Détermination – Portée

Régimes conventionnels – Communautés conventionnelles – Communauté universelle – Clause d'attribution intégrale au conjoint survivant – Donation antérieure d'un bien commun – Rapport à la succession – Modalités – Détermination

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 21 octobre 1993, Y... X... et C... H..., mariés sous le régime de la communauté légale, ont fait donation à leur fille S..., qui l'a acceptée, de la nue-propriété d'un immeuble à Pau ; qu'ils ont ensuite adopté le régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au dernier survivant ; que C... H..., veuf depuis le [...], est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, S... et D... ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 850 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, ensemble les articles 1438 et 1439 du même code ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que le rapport des dons et legs ne se fait qu'à la succession du donateur ; qu'il résulte des deux derniers que, sauf clause particulière, la donation d'un bien commun est rapportable par moitié à la succession de chacun des époux codonateurs ;

Attendu que, pour dire que le rapport de la donation consentie à Mme S... H... devait se faire à la succession de C... H... pour la totalité de la valeur du bien donné, l'arrêt retient qu'en l'absence de stipulation contraire dans l'acte de donation et en considération du fait que, lors de son décès, C... H... était attributaire de l'intégralité de la communauté à lui transmise à la suite du décès de son épouse, il doit être fait application des articles 1438 et 1439 du code civil, dont il résulte que lorsque deux époux, conjointement ou l'un d'eux avec le consentement de l'autre, ont fait une donation à un enfant issu du mariage, à l'aide de biens communs, la charge définitive de la libéralité incombe, sauf clause contraire, à la communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de clause particulière dans l'acte, seule la moitié de la valeur du bien objet de la donation était rapportable à la succession de C... H..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenant sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de la disposition de l'arrêt relative au rapport des frais afférents à cette donation ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le rapport de la donation consentie à Mme S... H... selon acte du 21 octobre 1993 devait se faire à la succession de C... H... pour la totalité de la valeur du bien ainsi donné, telle que fixée par voie d'expertise à la somme de 287 000 euros et dit que les frais afférents à cette donation sont également rapportables par celle-ci à la succession de C... H... dans leur intégralité, l'arrêt rendu le 12 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article 850 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ; articles 1438 et 1439 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le rapport de la donation d'un bien commun en cas d'adoption postérieure par les époux du régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant, à rapprocher : 1re Civ., 14 décembre 2004, pourvoi n° 01-01.946, Bull. 2004, I, n° 324 (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité. Sur le rapport de la donation d'un bien commun faite par des époux à un enfant issu du mariage, à rapprocher : 1re Civ., 22 juin 2004, pourvoi n° 01-18.030, Bull. 2004, I, n° 173 (cassation partielle).

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