Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Soc., 18 avril 2019, n° 19-40.004, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Licenciement – Code général des collectivités territoriales – Articles L. 2123-2 et L. 21238 – Interprétation jurisprudentielle constante – Liberté d'entreprendre – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 22 janvier 2019 ;

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les articles L. 2123-2 et L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, tels qu'interprétés par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, ne constituent-ils pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre qui est garantie par la Constitution du 4 octobre 1958 à tout chef d'entreprise, en application de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, sans que cette atteinte soit rendue légitime par l'objectif poursuivi, et alors que cet objectif peut être manifestement rempli autrement ? » ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que les dispositions en cause, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, dès lors qu'il en résulte seulement que si le salarié doit informer l'employeur de son absence résultant de l'application de l'article L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales, le manquement du salarié à son obligation d'information ou les conditions d'utilisation de son crédit d'heures, lequel n'est pas rémunéré, ne peuvent lui faire perdre le bénéfice de la protection spécifique prévue par l'article L. 2123-8 du même code et que la portée ainsi donnée aux dispositions contestées ne fait que traduire la conciliation voulue par le législateur entre la liberté d'entreprendre et l'intérêt général de la protection contre le licenciement des élus municipaux exerçant leur mandat électif ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

1re Civ., 4 avril 2019, n° 19-40.001, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Nationalité – Code civil – Articles 30 et 31-2 – Interprétation jurisprudentielle constante – Droits de la défense – Principe d'égalité des armes – Droit à un procès équitable – Principe du contradictoire – Principe de sécurité juridique – Egalité devant la loi – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que Mme G... D..., née le [...] à Moudéry (Sénégal) a sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité française comme étant née d'un père français ; qu'un refus lui ayant été opposé au motif que le certificat de nationalité française délivré à son père ne pouvait profiter qu'à celui-ci et qu'il n'était pas établi que ce dernier aurait conservé la nationalité française lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance, elle a saisi le tribunal de grande instance de Lille d'une action déclaratoire de nationalité ; qu'au cours de cette instance, Mme D... a, par mémoire distinct et motivé, soulevé une question prioritaire de constitutionnalité ;

Attendu que le tribunal a transmis la question ainsi rédigée :

« Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par G... D... et relative à la constitutionnalité des articles 30 et 31-2 du code civil, tels qu'interprétés par le jurisprudence de la Cour de cassation au regard de :

-l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen avec les droits de la défense, l'égalité des armes, le droit au procès équitable, le principe du contradictoire et la sécurité juridique ;

-le principe d'égalité devant la loi et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » ;

Attendu que les dispositions légales contestées sont applicables au litige ;

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu qu'elle ne présente pas un caractère sérieux ; qu'en effet, d'abord, si, dans l'interprétation constante qu'en donne la Cour de cassation, l'article 30 du code civil autorise le seul titulaire du certificat de nationalité à s'en prévaloir, cette limitation procède de la nature même du certificat, lequel ne constitue pas un titre de nationalité mais un document destiné à faciliter la preuve de la nationalité française, dont la délivrance dépend des éléments produits par le requérant à l'appui de sa demande et de l'examen par un agent administratif de sa situation individuelle au regard du droit de la nationalité ; qu'ensuite, le législateur a ouvert à toute personne la faculté d'engager l'action prévue à l'article 29-3 du code civil afin d'obtenir, pour elle-même et ses descendants mineurs, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée la déclarant Française, ce qui est de nature à la prémunir contre le risque d'une contestation ultérieure et d'une déperdition d'éléments de preuve ; qu'enfin, le législateur, en permettant l'acquisition de la nationalité par possession d'état, a entendu tempérer, en cas d'inaction du titulaire du certificat de nationalité, les conséquences pouvant découler de l'imprescriptibilité de l'action négatoire ;

D'où il suit qu'en l'absence d'atteinte aux droits et principes garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat général : Mme Legoherel - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

2e Civ., 11 avril 2019, n° 19-40.002, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Sécurité sociale – Code du travail – Article L. 1251-1 – Interprétation jurisprudentielle constante – Droits de la défense – Principe d'égalité des armes – Principe d'égal accès à la justice – Droit à un recours juridictionnel effectif – Droit à un procès équitable – Applicabilité au litige – Dispositions transcrivant une directive européenne – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que la société Kaefer Wanner, qui n'est pas partie à la procédure diligentée par la société Moter, est irrecevable à présenter des observations à l'occasion de l'examen par la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par cette dernière société ;

Attendu que salarié de l'entreprise de travail temporaire Sovitrat, mis à disposition de la société Moter (l'entreprise utilisatrice), M. I... a été victime, le 19 août 2013, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) ; que celle-ci ayant fixé, par décision du 5 septembre 2014, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 17 %, l'entreprise utilisatrice a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale ; qu'elle a soulevé, par un mémoire distinct et motivé, devant la Cour nationale, une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation a reçue le 18 janvier 2019 ;

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée : « L'article L. 1251-1 du code du travail, en ce qu'il limite, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de mission d'intérim, à la seule entreprise de travail temporaire à l'exclusion de l'entreprise utilisatrice, la possibilité de saisir le tribunal du contentieux de l'incapacité d'une contestation du taux d'incapacité octroyé à un salarié intérimaire, est-il contraire à la Constitution, et notamment aux principes des droits de la défense, au principe d'égalité des armes, au droit à un égal accès des justiciables devant la loi et la justice, au droit à un recours effectif ainsi qu'au droit à un procès équitable, garantis par les articles 1, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » ;

Attendu que les dispositions législatives critiquées, qui servent de fondement au moyen soulevé d'office par la Cour nationale aux fins d'irrecevabilité du recours formé par l'entreprise utilisatrice, sont applicables au litige ;

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu qu'en prévoyant, pour l'accomplissement de chaque mission, la conclusion, d'une part, d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice », d'autre part, d'un contrat de travail, dit « contrat de mission », entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire, les dispositions critiquées, qui transcrivent en droit interne les objectifs de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire, confèrent exclusivement à l'entreprise de travail temporaire la qualité d'employeur du travailleur temporaire ; que si l'entreprise utilisatrice peut être appelée, en application des articles L. 241-5-1 et L. 412-6 du code de la sécurité sociale, soit à supporter une partie du coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle au titre de la tarification du risque, soit à couvrir, en tout ou partie, l'entreprise de travail temporaire du montant des majorations et indemnités mises à sa charge en cas de faute inexcusable, elle peut exercer un recours devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ou la juridiction de la tarification de l'assurance des accidents du travail, ou défendre à l'action engagée contre elle devant celles-ci ; qu'il ne saurait être soutenu, dès lors, que les dispositions critiquées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, privent l'entreprise utilisatrice d'un recours juridictionnel effectif et méconnaissent ainsi sérieusement les exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que, l'entreprise utilisatrice n'étant pas placée, pour l'accomplissement de la mission du travailleur, dans la même situation juridique que l'entreprise de travail temporaire, il ne saurait davantage être soutenu que les dispositions critiquées méconnaissent sérieusement les exigences du principe d'égalité devant la loi et la justice qui découlent des articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration du 26 août 1789 ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger -

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