Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 10 avril 2019, n° 17-13.307, (P)

Cassation

Pratiques commerciales réglementées – Pratiques commerciales trompeuses – Caractérisation – Imprécision des documents contractuels – Documents pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé – Recherche nécessaire

Prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 120-1, devenu L. 121-1, du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, le tribunal qui retient l'existence d'une pratique commerciale déloyale en raison de l'imprécision des documents contractuels, sans expliquer, comme il le lui incombe, en quoi ces documents ne sont pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. M... a réservé en ligne un véhicule de location auprès de la société Goldcar Spain SLU, dite Goldcar Rental (la société), la prise en main étant prévue le 13 avril 2016, à l'aéroport de Tenerife (Espagne) ; qu'au comptoir de la société, M. M... a conclu une assurance complémentaire pour prendre possession du véhicule ; que, soutenant qu'il avait été contraint de souscrire inutilement cette assurance, il a, en application de la procédure européenne de règlement des petits litiges, saisi un tribunal d'instance aux fins de voir condamner la société à lui rembourser le montant de l'assurance complémentaire et à lui payer une certaine somme au titre des frais de procédure ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il s'ensuit que, si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 5.6 du règlement précité, l'auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d'en assurer la transmission préalable à la partie adverse ;

Attendu que le jugement accueille les demandes de M. M..., après avoir relevé que, dans ses écritures en réponse à celles de la société, celui-ci avait formulé une demande nouvelle, développé des moyens nouveaux et produit des pièces complémentaires ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement transmis ces éléments à la société, le tribunal a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 120-1, devenu L. 121-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

Attendu que, pour retenir l'existence d'une pratique commerciale déloyale, le jugement relève les imprécisions du bon de réservation et du contrat de location sur la nécessité de verser un dépôt de garantie, sur le caractère obligatoire de l'assurance complémentaire en cas de renonciation à ce dépôt et sur la possibilité de choix offerte au client entre le versement d'un dépôt de garantie et la souscription d'une assurance complémentaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer, comme il le lui incombait, en quoi ces documents n'étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement condamne la société à payer une certaine somme à M. M... à titre de dommages-intérêts, en retenant qu'une telle somme lui est allouée en réparation du préjudice lié aux tracas et frais occasionnés par la procédure qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Rouen.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile ; article 19 du règlement n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ; directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 ; article L. 120-1, devenu L. 121-1, du code de la consommation ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article 700 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-15.155, Bull. 2004, II, n° 365 (cassation).

2e Civ., 18 avril 2019, n° 18-14.202, (P)

Cassation

Prescription – Prescription biennale – Domaine d'application – Avoué – Action en fixation des frais – Conditions – Détermination

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 218-2 du code de la consommation et 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCP V... C... H... (l'avoué) a représenté M. R... dans une procédure de divorce devant une cour d'appel ayant donné lieu à un arrêt du 27 octobre 2011 ; qu'un certificat de vérification des dépens a été rendu exécutoire l'encontre de celui-ci le 22 avril 2016 et que deux saisies attributions ont été pratiquées sur ses comptes le 2 juin 2016 ; qu'il a contesté ces saisies devant le juge de l'exécution en invoquant notamment la prescription de la créance de l'avoué ;

Attendu que pour dire que la créance de l'avoué n'était pas prescrite et valider la saisie attribution pratiquée le 2 juin 2016 entre les mains de la Banque postale, l'arrêt relève que les dispositions de l'article 2224 du code civil et celles de la loi du 24 décembre 1897 s'appliquent au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers et retiennent une courte prescription uniforme de cinq ans, que ces règles spéciales de prescription en matière de frais tarifés d'avoués dérogent à la prescription biennale du code de la consommation et que l'action en paiement qui avait commencé à courir le 27 octobre 2011, n'était pas prescrite au jour de la saisie pratiquée le 2 juin 2016 ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'est soumise à la prescription biennale du texte susvisé la demande d'un avoué en fixation de ses frais dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, la cour d'appel, qui relevait que M. R... avait été représenté par l'avoué pour sa procédure de divorce, donc en qualité de consommateur, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : Me Galy ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 218-2 du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de l'article L. 218-2 du code de la consommation à l'action en paiement des honoraires d'avocat, à rapprocher : 2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-11.372, Bull. 2019, II (cassation partielle), et les arrêts cités.

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