Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

PRESCRIPTION CIVILE

Soc., 3 avril 2019, n° 17-15.568, (P)

Cassation

Délai – Point de départ – Action en responsabilité d'un salarié contre son employeur – Préjudice résultant de l'insuffisance des déclarations de l'employeur aux caisses de retraite – Préjudice réalisé au moment de la liquidation de la retraite – Constatation – Portée

Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 16 mars 1976 par la société Dumez Bâtiment aux droits de laquelle vient la société Vinci constructions grands projets, (la société Vinci), M. Y... a occupé à compter de 1979 un poste de géomètre-topographe avec des missions à l'étranger et a été affilié en ce qui concerne le régime de retraite, au régime de base de la Caisse de retraite des expatriés ; que lors de la liquidation de ses droits à la retraite le 1er juillet 2012, considérant qu'à l'occasion de ses missions d'expatrié certains trimestres n'avaient pas été validés et que l'employeur aurait dû l'affilier à l'AGIRC, il a sollicité le 5 décembre 2013 devant la juridiction prud'homale la condamnation de la société Vinci à lui payer diverses sommes en réparation du préjudice résultant de l'absence d'affiliation au régime général et au régime AGIRC durant son expatriation ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 2232 du même code interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'en application du premier de ces textes, le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article 2232 du code civil ;

Attendu que pour dire l'action du salarié irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient que le délai d'action de cinq ans, dont le point de départ est variable puisqu'il ne commence à courir que du jour de la connaissance de son droit par celui qui en est titulaire, et qui est quant à lui susceptible de report, de suspension ou d'interruption dans les conditions prévues aux articles 2233 et suivants et 2240 et suivants du code civil, est lui-même enserré dans le délai butoir de vingt ans, qui commence à courir du jour de la naissance du droit, que le titulaire de ce droit l'ait ou non connu, et qui est quant à lui non susceptible de report, de suspension ou d'interruption, sauf les cas limitativement énumérés au deuxième alinéa de l'article 2232 du code civil, qu'il convient de constater que le salarié a engagé son action le 5 décembre 2013 pour faire reconnaître des droits nés sur la période de janvier 1977 à juillet 1986, qui ont été couverts par la prescription extinctive au plus tard le 1er août 2006 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Richard - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article 2232 du code civil interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription d'une action pour insuffisance de déclaration d'un employeur à un organisme de retraite, à rapprocher : Soc., 11 juillet 2018, pourvoi n° 16-20.029, Bull. 2018, V, (cassation) ; Soc., 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-12.605, Bull. 2018, V, (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 18 avril 2019, n° 18-14.202, (P)

Cassation

Prescription biennale – Domaine d'application – Avoué – Action en fixation des frais – Conditions – Détermination

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 218-2 du code de la consommation et 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCP V... C... H... (l'avoué) a représenté M. R... dans une procédure de divorce devant une cour d'appel ayant donné lieu à un arrêt du 27 octobre 2011 ; qu'un certificat de vérification des dépens a été rendu exécutoire l'encontre de celui-ci le 22 avril 2016 et que deux saisies attributions ont été pratiquées sur ses comptes le 2 juin 2016 ; qu'il a contesté ces saisies devant le juge de l'exécution en invoquant notamment la prescription de la créance de l'avoué ;

Attendu que pour dire que la créance de l'avoué n'était pas prescrite et valider la saisie attribution pratiquée le 2 juin 2016 entre les mains de la Banque postale, l'arrêt relève que les dispositions de l'article 2224 du code civil et celles de la loi du 24 décembre 1897 s'appliquent au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers et retiennent une courte prescription uniforme de cinq ans, que ces règles spéciales de prescription en matière de frais tarifés d'avoués dérogent à la prescription biennale du code de la consommation et que l'action en paiement qui avait commencé à courir le 27 octobre 2011, n'était pas prescrite au jour de la saisie pratiquée le 2 juin 2016 ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'est soumise à la prescription biennale du texte susvisé la demande d'un avoué en fixation de ses frais dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, la cour d'appel, qui relevait que M. R... avait été représenté par l'avoué pour sa procédure de divorce, donc en qualité de consommateur, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : Me Galy ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 218-2 du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de l'article L. 218-2 du code de la consommation à l'action en paiement des honoraires d'avocat, à rapprocher : 2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-11.372, Bull. 2019, II (cassation partielle), et les arrêts cités.

1re Civ., 17 avril 2019, n° 18-13.894, (P)

Rejet

Prescription quadriennale – Créance sur l'Etat – Domaine d'application – Action en responsabilité pour faute délictuelle

Prescription trentenaire – Domaine d'application – Action en responsabilité pour faute délictuelle contre l'Etat – Cas – Action pour des faits antérieus à la loi du 17 juin 2008

Suspension – Impossibilité d'agir – Preuve – Nécessité

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 19 décembre 2017), que par acte du 30 mai 2005, l'association Mouvement international pour les réparations (le MIR) et l'association Conseil mondial de la diaspora panafricaine (le CMDPA) ont assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir une expertise pour évaluer le préjudice subi par le peuple martiniquais du fait de la traite négrière et de l'esclavage et une provision destinée à une future fondation ; qu'au regard des préjudices subis personnellement ou en leur qualité d'ayants droit, plusieurs personnes physiques se sont jointes à cette action ;

Sur les première, deuxième et cinquième à huitième branches du premier moyen et le second moyen, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que le MIR fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes présentées en qualité d'ayants droit par les personnes physiques et de rejeter les autres demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la traite négrière et l'esclavage sont des crimes contre l'humanité, lesquels sont, par nature, imprescriptibles ; qu'en jugeant irrecevables comme prescrites les demandes présentées par les ayants droit d'esclaves, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 21 mai 2001, ensemble les articles 213-4 et 213-5 du code pénal, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2262 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;

2°/ que, justifié par une exigence de sécurité juridique et de protection de la liberté individuelle, le principe de non-rétroactivité de la loi ne saurait être appliqué au bénéfice d'auteurs de crimes contre l'humanité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ensemble les articles 213-4 et 213-5 du code pénal, l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils ;

Mais attendu que l'arrêt retient, à bon droit, que les articles 211-1 et 212-1 du code pénal, réprimant les crimes contre l'humanité, sont entrés en vigueur le 1er mars 1994 et ne peuvent s'appliquer aux faits antérieurs à cette date, en raison des principes de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi du 21 mai 2001 n'avait apporté aucune atténuation à ces principes et que l'action sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, de nature à engager la responsabilité de l'Etat indépendamment de toute qualification pénale des faits, était soumise à la fois à la prescription de l'ancien article 2262 du même code et à la déchéance des créances contre l'Etat prévue à l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, devenu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la cour d'appel a exactement décidé que cette action, en tant qu'elle portait sur des faits ayant pris fin en 1848 et malgré la suspension de la prescription jusqu'au jour où les victimes, ou leurs ayants droit, ont été en mesure d'agir, était prescrite en l'absence de démonstration d'un empêchement qui se serait prolongé durant plus de cent ans ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles 211-1 et 212-1 du code pénal ; loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 ; article 1 de la loi du 31 décembre 1968 ; article 1382, devenu 1240 du code civil ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Rapprochement(s) :

Crim., 17 juin 2003, pourvoi n° 02-80.719, Bull. crim. 2003, n° 122 (rejet).

2e Civ., 4 avril 2019, n° 17-24.470, (P)

Cassation

Prescription triennale – Sécurité sociale – Cotisations – Article L. 244-3 du code de la sécurité sociale – Applications diverses

Donne acte à la société Groupe U... M... (la SGLB) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'une convention dénommée contrat d'investissement a été conclue, le 17 décembre 2004, entre la société Groupe U... M... (la SGLB), ses dirigeants et la Société de Détention d'actions du groupe U... M... (la SDAGLB), aux termes de laquelle, la SGLB ayant souhaité mettre en place, au profit des dirigeants, des mécanismes d'intéressement, ceux-ci ont souscrit des bons de souscription d'actions émis par la SGLB ; qu'il était notamment stipulé que les bons ne pourraient être exercés qu'à compter de la cotation de la SGLB ou de « la sortie de Colony », c'est-à-dire du transfert de la propriété de la totalité de la participation des sociétés ColAce et ColPlay à une autre entité, et étaient incessibles, les dirigeants s'engageant toutefois irrévocablement, notamment en cas de sortie de Colony, à vendre leurs bons à la SDAGLB moyennant un prix dont les modalités de calcul étaient précisées ; que, cette condition s'étant réalisée le 15 avril 2009, les dirigeants ont cédé leurs bons à la SDAGLB en réalisant une plus-value globale de 2 693 820 euros ; qu'à la suite d'un contrôle de la SGLB portant sur les années 2008 et 2009, l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France, a réintégré dans l'assiette des cotisations le montant de cette plus-value et a notifié, le 2 décembre 2011, une mise en demeure à la SGLB qui a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, qui est préalable :

Attendu que la SGLB fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen :

1°/ que les bons de souscription d'actions sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'ils sont acquis moyennant un investissement financier de la part de leur détenteur et leur valorisation varie en fonction de la valeur des actions auxquelles ils se rattachent ; qu'ils sont susceptibles de générer des profits comme des pertes en fonction de l'évolution à la hausse ou à la baisse des actions auxquelles ils se rattachent ; que l'achat de bons de souscription d'actions effectué par des dirigeants d'entreprise en leur qualité d'associé et d'actionnaire - peu important qu'il leur soit réservé et/ou qu'il soit soumis à conditions - doit en conséquence être qualifié d'investissement financier et non d'élément de rémunération assujetti à cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en retenant l'existence d'un avantage résultant de l'achat de bons de souscription d'actions par les dirigeants de la société Groupe U... M..., sans constater que ces bons avaient été octroyés à des conditions préférentielles aux personnes concernées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'en se fondant sur le motif impropre selon lequel « le fait de pouvoir vendre les bons avant leur période d'exercice établit que les dirigeants bénéficiaient en réalité d'un avantage pécuniaire certain », cependant que n'importe quel détenteur de bons de souscription d'actions peut, sans bénéficier d'un quelconque avantage, les céder avant leur période d'exercice à l'expiration de laquelle ils deviennent caduques, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions constituent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales ;

Et attendu qu'après avoir analysé le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre la SGLB, les dirigeants et la SDAGLB, l'arrêt retient essentiellement qu'un lien est affirmé, aux termes de cette convention, entre d'une part l'attribution de BSA et le maintien de ceux-ci, et d'autre part, l'existence et le maintien d'un contrat de travail ou d'un mandat social ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que la possibilité d'acquérir et d'exercer les bons de souscription d'actions litigieux constituait un avantage, qui devait entrer dans l'assiette des cotisations de la société ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen :

Attendu que la SGLB fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les cotisations de sécurité sociale se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ; que les bons de souscription d'actions sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'en admettant que les bons de souscription d'actions constituent un avantage susceptible d'être assujetti à cotisations de sécurité sociale, le fait générateur des cotisations dues sur cet avantage est constitué par l'acquisition des bons par leur détenteur ; qu'en l'espèce la Société Groupe U... M... a soutenu à ce titre dans ses conclusions d'appel que les bons de souscription d'actions ayant été acquis, sur leurs deniers propres, par plusieurs de ses dirigeants au cours du mois de décembre 2004, c'est à cette date que devait être retenu le fait générateur des cotisations dues au titre d'un éventuel avantage ; qu'elle a fait valoir en conséquence qu'au jour du redressement survenu en 2011 l'action en recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues au titre d'un tel avantage était prescrite comme ayant dépassé le délai de prescription triennale ; qu'en retenant au contraire, pour écarter la prescription, que le fait générateur des cotisations dues sur l'avantage retenu était constitué, non par l'acquisition des bons de souscription d'actions par les dirigeants de la société, mais par la cession en 2009 de ces bons à la société SDAGLB, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 243-6 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1, alinéa 1, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage, qui constitue le point de départ de la prescription, est la mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire de celui-ci ; qu'aux termes de l'article L. 244-3 du même code, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi ;

Et attendu que l'arrêt constate que selon le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre la SGLB, la SDAGLB et les dirigeants, les bons de souscription d'actions étaient incessibles et que chacun des dirigeants ne pouvait les exercer qu'à compter de la survenance de la sortie de Colony, ou de la cotation de la société ; qu'il précise que la cession de Colony à Accor a été réalisée le 15 avril 2009 ;

Qu'il en résulte que ce n'est qu'à compter de cette dernière date que les bénéficiaires ont eu la libre disposition des bons de souscription d'actions, de sorte que l'action en recouvrement des cotisations afférentes à cet avantage n'était pas prescrite à la date de délivrance de la mise en demeure ;

Que, par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui est recevable :

Vu l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour débouter la SGLB de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt énonce que l'avantage soumis à cotisations doit être évalué en fonction de la plus-value réalisée sur la cession des bons de souscription ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avantage devait être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 242-1, alinéa 1, et L. 311-3, 23°, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon le second de ces textes, que sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées ;

Attendu que pour débouter la SGLB de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que le contrat d'investissement conclu le 17 décembre 2004 entre cette société, les dirigeants et la SDAGLB, indique que les associés ont souhaité, conformément au Protocole, mettre en place au profit des dirigeants des mécanismes d'intéressement ; que les bénéficiaires sont précisés en page 8 sous le titre intitulé '« Investissement des dirigeants », à savoir MM. S..., L..., K..., O..., I... et D... ; que les fonctions de dirigeant au sein de la SAS de M. L... sont remises en cause par la société pour l'année 2009, seules les fonctions de président du conseil de surveillance lui étant reconnues ; qu'or, il résulte clairement de la lecture du contrat que l'offre de souscription de BSA ne valait qu'au profit des dirigeants sociaux et qu'en conséquence, au moment de la signature du contrat, M. L... avait nécessairement cette qualité ; qu'il est dès lors inopérant de produire des extraits Kbis de la société datés de 2009 ne faisant apparaître que S... en qualité de président de la SAS ; que de plus, si dans les années qui ont suivi, il avait perdu cette qualité, il aurait dû, comme il a été vu précédemment, faire procéder au rachat de ces bons, ce qui n'a pas été le cas ; que par ailleurs, les autres bénéficiaires à savoir MM. S..., K..., O..., I... et D... ne sont pas plus mentionnés sur cet extrait Kbis alors même qu'ils profitent également de l'offre de souscription, ce qui sous-tend soit leur qualité de dirigeants sociaux, soit celle de salariés membres de la direction ; que dans la lettre d'observations, l'inspecteur relevait à cet égard qu'ils étaient tous titulaires d'un mandat social ou d'un contrat de travail au sein de la SAS Groupe U... M... et que cette dernière ne démontre pas le contraire aujourd'hui ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la situation de M. L... au regard de la règle d'assujettissement au régime général énoncée au second des textes susvisés, à la date du fait générateur de l'avantage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 242-1, alinéa 1, L. 244-3 et R. 243-6, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, du code de la sécurité sociale ; article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale.

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