Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

POUVOIRS DES JUGES

1re Civ., 17 avril 2019, n° 18-14.250, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Majeur protégé – Mandat de protection future – Révocation – Cas – Atteinte aux intérêts du mandant

Donne acte à Mme K... F... et M. F... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2017 ;

Sur le moyen unique du pourvoi, qui n'est pas sans objet :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 janvier 2018), que, par acte notarié du 22 mai 2013, M. F... a conclu un mandat de protection future et désigné son épouse, Mme K... F..., en qualité de mandataire ; que, celui-ci ne pouvant plus pourvoir seul à ses intérêts, le mandat a été mis à exécution le 19 octobre 2015 ; que Mme D... F..., fille de M. F..., née d'une première union, a, par requête du 3 novembre 2015, saisi le juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire ;

Attendu que M. F... et Mme K... F... font grief à l'arrêt de constater que le mandat de protection future ne garantit plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F... et de le placer sous curatelle renforcée pour une durée de 24 mois en désignant l'UDAF en qualité de curateur aux biens alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, qui a constaté dans son dispositif que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., tout en relevant que Mme K... F... « assurait à son conjoint les soins nécessaires et protégeait sa personne et son cadre de vie », et désignant cette dernière en qualité de curatrice à la personne de M. F..., a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) et de l'article 428 du code civil que les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique doivent respecter les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, et qu'un mandat de protection future ne peut être écarté qu'en présence d'une atteinte effective et prouvée aux intérêts de cette personne ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015, ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, a retenu qu'il était impossible de dire que les intérêts patrimoniaux de M. F... avaient été préservés ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur une absence de preuve de protection suffisante des intérêts patrimoniaux de M. F..., la cour d'appel qui a renversé la charge de la preuve a violé les dispositions précitées ;

3°/ qu'une mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par le mandat de protection future conclu par l'intéressé ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, s'est fondée sur le retard de transmission au notaire de l'inventaire des biens de M. F..., son caractère lacunaire et son manque de précision, les variations sur certains comptes, le manque de précision du compte de gestion, par rapport aux sommes gérées, et un redressement fiscal concernant pour partie des années inclus dans l'administration par Mme K... F... ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence de biens et placements pour un total de plus de 5 700 000 euros et sans indiquer en quoi les intérêts patrimoniaux de M. F..., né en [...], étaient compromis par l'exécution du mandat de protection future, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 428 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 483, 4°, du code civil que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée par le juge des tutelles lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ; qu'aux termes de l'article 485, alinéa 1, du même code, le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique ;

Et attendu que l'arrêt relève que l'inventaire des biens de M. F... effectué par la mandataire a été établi avec retard et qu'il est lacunaire, en l'absence de précisions quant aux engagements financiers souscrits ; qu'il énonce que celle-ci a manqué à son obligation de bonne gestion en omettant de procéder à la déclaration de l'impôt de solidarité sur la fortune de 2015 et 2016, ce qui a donné lieu à un redressement fiscal ; qu'il ajoute que la situation de l'un de ses biens immobiliers est inconnue et que les placements, les revenus financiers, les mouvements des divers comptes et les dépenses ne sont pas clairement exposés ni accompagnés de pièces justificatives ; qu'il constate encore que des sommes conséquentes ont été utilisées ou débitées des comptes sans qu'il ne soit justifié de leur utilisation ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit que les intérêts patrimoniaux de M. F... n'étaient pas suffisamment préservés par le mandat de protection future auquel il devait dès lors être mis fin au profit d'une curatelle renforcée, Mme K... F... étant désignée en qualité de curatrice à la personne, au regard des soins apportés à son conjoint ; qu'elle a ainsi, sans se contredire ni inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 428, 483, 4°, et 485, alinéa 1, du code civil ; article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'atteinte portée aux intérêts du mandant par l'exécution du mandat de protection future, à rapprocher : 1re Civ., 4 janvier 2017, pourvoi n° 15-28.669, Bull. 2017, I, n° 5 (rejet), et l'arrêt cité.

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