Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

2e Civ., 11 avril 2019, n° 17-23.272, (P)

Rejet

Huissier de justice – Acte – Mentions obligatoires – Nom du clerc significateur (non)

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2017), que par acte du 24 juillet 2015, M. U... T... a formé opposition à un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu par défaut, à son encontre, au profit de la SCI Aramis ;

Attendu que M. U... T... fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état en ce qu'elle a déclaré irrecevable, motif pris de la tardiveté, l'opposition qu'il a formée, le 24 juillet 2015, à l'encontre de l'arrêt rendu par défaut le 9 avril 2015, alors, selon le moyen :

1°/ que pour assurer la régularité du procès équitable, tous les actes judiciaires et extrajudiciaires doivent, à peine de nullité, être signifiés par huissier de justice ou clerc assermenté et tout acte d'huissier de justice doit se suffire à lui-même et établir sa régularité en indiquant les nom et prénoms de l'huissier de justice et celui du clerc assermenté, et la signature, pour permettre au destinataire et aux juges, en cas de litige, de vérifier qu'il a effectivement qualité pour instrumenter ; qu'en affirmant en l'espèce que le procès-verbal, en date du 19 juin 2015, de signification de l'arrêt du 9 avril 2017 comportait les nom, prénom, demeure et signature de l'huissier de justice, peu important qu'il ne mentionne pas l'identité du clerc significateur, quand seule celle-ci permettait de s'assurer qu'il avait bien reçu régulièrement habilitation de remplacer l'officier ministériel et public dans l'exercice de son monopole légal de signification des actes judiciaires et ainsi leur donner la solennité et la force d'un acte de procédure authentique, la cour d'appel a violé les articles 6 et 7 de la loi du 27 décembre 1923, ensemble l'article 648, alinéa 3, du code de procédure civile et l'article 1 de l'ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945 et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en cet état, la cour d'appel qui n'a, ni vérifié ni constaté, que la signification de l'arrêt du 9 avril 2017 était intervenue par l'intermédiaire d'une personne légalement autorisée à remplacer l'huissier de justice compétent, tel qu'un clerc assermenté dont la mention du nom était une exigence minimale pour permettre, d'une part au destinataire de s'assurer de la régularité de l'acte et, d'autre part, aux juges, en cas de litige, de garantir celle-ci par un contrôle effectif et in concreto, la cour d'appel, qui s'est abstenue de procéder à cette recherche qui lui était expressément demandée, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 6 et 7 de la loi du 27 décembre 1923, ensemble l'article 648, alinéa 3, du code de procédure civile et l'article 1er de l'ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945 et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que le nom du clerc d'huissier de justice assermenté ayant procédé à la signification d'un acte figure sur celui-ci ; qu'en cas de signification par un clerc assermenté, les dispositions de l'article 7 de la loi du 23 septembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, selon lesquelles l'acte à signifier est préalablement signé par l'huissier de justice qui, après la signification, vise les mentions faites par le clerc assermenté, le tout à peine de nullité, permettent d'établir que la diligence a été accomplie par ce dernier ;

Et attendu qu'ayant relevé que la SCI Aramis justifiait avoir fait signifier à M. U... T... l'arrêt rendu entre les parties le 9 avril 2015 par un acte de M. N..., huissier de justice [...], délivré le 19 juin 2015 par procès-verbal de signification à domicile, à l'adresse dont il n'est pas contesté qu'elle constituait bien le domicile du destinataire et que le procès-verbal de signification comportait, conformément aux dispositions de l'article 648 du code de procédure civile, les nom, prénom, demeure et signature de l'huissier de justice, et exactement retenu qu'il importait peu que ce procès-verbal ne mentionne pas l'identité du clerc significateur, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 7 de la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés.

Rapprochement(s) :

Com., 11 juin 2014, pourvoi n° 13-18.064, Bull. 2014, IV, n° 99 (cassation partielle).

1re Civ., 10 avril 2019, n° 17-28.264, (P)

Rejet

Notaire – Exercice de la profession – Société civile professionnelle – Parts sociales – Cession – Agrément – Refus de la société – Obligation de notifier au cédant un projet de cession de parts sociales – Défaut d'accord entre les parties sur le prix – Fixation par expert – Portée

Notaire – Associé – Retrait – Parts sociales – Cession – Agrément – Refus de la société – Obligation de notifier au cédant un projet de cession de parts sociales – Défaut d'accord entre les parties sur le prix – Fixation part expert – Portée

Notaire – Associé – Retrait – Parts sociales – Cession – Fixation par expert

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2016), que MM. D..., E... et P... étaient associés d'une société civile professionnelle de notaires titulaire d'un office notarial situé à [...] ; que, le 14 mars 2008, MM. D... et P... ont signifié à M. E... un projet de cession de leurs parts sociales à M. R..., pour la somme de 650 000 euros, et à Mme U..., pour le même montant ; que M. E... a refusé de consentir à la cession et a proposé d'acquérir les parts de M. D... pour la somme de 400 000 euros ; que M. D... a assigné M. E... en paiement de la somme de 650 000 euros correspondant au prix de cession qui avait été convenu avec M. R... ; que les trois associés ont vendu leurs parts sociales à MM. Q... et M... pour un prix de 1 120 000 euros, la somme de 470 000 euros revenant à M. D... ; que, faisant valoir que le refus initial opposé par M. E... lui avait causé un préjudice de 179 600 euros, M. D... a demandé sa condamnation au paiement de cette somme ainsi que de la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral qu'il aurait subi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans le cas où une société civile professionnelle notariale refuse de consentir à la cession des parts sociales d'un associé à un tiers, elle dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de son refus, pour notifier à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession ou de rachat de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 19, alinéa 3, de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ; que l'obligation d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales dans ce délai de six mois, à un prix éventuellement fixé dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, pèse sur les autres associés que l'associé cédant ; que, dès lors, en jugeant, pour débouter M. D... de ses demandes au titre du préjudice que lui avait causé la faute de M. E..., qu'il appartenait « aux parties » en désaccord sur le prix de rachat soit de désigner un expert, soit de demander sa désignation au président du tribunal de commerce, qu'en ne mettant pas en place cette procédure, M. D... était « responsable [au premier chef] du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour finalement trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu [avec les] deux premiers notaires », pour en déduire que M. D... ne pouvait pas soutenir que M. E... serait à lui seul responsable de cette situation dans la mesure où « il (...) appartenait [à M. D...] en application de la loi, du règlement et des statuts, en présence d'un désaccord persistant, d'agir en tant que partie la plus diligente pour obtenir la désignation d'un expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, ce qu'il n'a pas fait », la cour d'appel a violé l'article 19 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, l'article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application de cette loi à la profession de notaire ;

2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il appartenait « aux parties » en désaccord sur le prix de rachat soit de désigner un expert, soit de demander sa désignation au président du tribunal de commerce, qu'en ne mettant pas en place cette procédure, « chacun des associés concernés (...) est responsable du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour finalement trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu [avec les] deux premiers notaires », pour en déduire que M. D... ne pouvait pas « soutenir que M. E... serait à lui seul responsable de cette situation » ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de la cour d'appel que M. E... était à tout le moins codébiteur de l'obligation litigieuse, et donc partiellement responsable de la situation ; que, dès lors, en écartant la responsabilité de M. E..., aux motifs inopérants en droit que M. D... n'avait lui-même pas engagé la procédure aux fins de voir désigner un expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 19 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, l'article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application de cette loi à la profession de notaire, ensemble l'article 1147 du code civil ;

3°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. D... exposait de manière convaincante et circonstanciée, éléments de preuve à l'appui, que l'accord de cession de ses parts sociales conclu début 2008 avec M. R... pour un prix de 650 000 euros, qu'il avait fait signifier à la SCP le 14 mars 2008, correspondait alors à la valeur réelle de ses parts ; qu'il démontrait qu'à l'inverse, l'offre faite le 30 septembre 2008 par M. E... d'acheter ces mêmes parts au prix de 400 000 euros correspondait à un prix dérisoire au regard de la valeur qu'avaient alors les parts et des méthodes d'évaluation appliquées, à une période antérieure à la crise immobilière ayant éclaté en 2009 qui avait fait chuter la valeur des études notariales ; que cette analyse était confortée par les autres offres d'un même montant de 650 000 euros qu'avait reçues M. D... en 2008 ; que M. D... en déduisait que le refus opposé par M. E... à la cession des parts à M. R..., pour finalement proposer un prix dérisoire, révélait que l'intéressé avait abusé de son droit de refuser d'agréer la cession ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les éléments précités, invoqués par M. D..., n'établissaient pas que M. E... s'était opposé de manière abusive au projet de cession des parts de M. D... à M. R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°/ qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges en ce qu'ils se sont fondés sur les conclusions des experts désignés en 2009, ainsi que sur le prix de vente des parts le 28 mars 2011, soit après le début de la crise immobilière dont la cour d'appel a elle-même constaté qu'elle avait éclaté « en 2009 » et qu'elle avait « gravement touché les études notariales », pour en déduire que « le projet de cession conclu avec M. R... apparaît de toute évidence surévalué », et que l'« opposition [de M. E...] à la cession des parts sociales détenues par M. D... n'était pas abusive, qu'au contraire, elle était fondée sur une évaluation réaliste de la valeur marchande de la SCP et qu'elle n'a pu causer aucun préjudice à son associé qui s'est de toute évidence mépris sur la plus-value qu'il pensait pouvoir réaliser avec la cession de ses parts sociales », sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date de la cession conclue avec M. R..., comme à la date de l'offre formulée par M. E... le 30 septembre 2008 - soit dans les deux cas avant le début de la crise immobilière ayant sensiblement affecté la valeur des études notariales –, le prix de 650 000 euros convenu en 2008 ne correspondait pas à la valeur réelle des parts à cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 19, alinéa 3, de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que, si la société a refusé de donner son consentement au projet de cession de parts sociales qui lui a été notifié, les associés sont tenus, dans le délai de six mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil ; que l'article 28, premier alinéa, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi du 29 novembre 1966, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016, dispose qu'en cas de refus de la société, celle-ci notifie, dans ce délai, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession de ces dernières ; qu'aux termes de l'article 28, alinéa 3, du même décret, à défaut d'accord entre les parties, le prix de cession est fixé par un expert désigné dans les conditions fixées par l'article 1843-4, précité, toute clause contraire à cet article étant réputée non écrite ;

Qu'il résulte de ces textes que, lorsque la société refuse de consentir à la cession des parts sociales, elle doit notifier à l'associé qui persiste dans son intention d'y procéder son propre projet de cession dans un délai de six mois et que ce n'est qu'à défaut d'accord entre les parties sur le prix, une fois la notification opérée dans ce délai, qu'en application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, celui-ci est fixé par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; que, par suite, les associés autres que le cédant n'ont pas l'obligation d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales dans le délai de six mois lorsque la société et le cédant ne sont pas d'accord sur le prix de cession ;

Attendu, en second lieu, que le défaut d'accord entre les parties sur le prix de cession de parts sociales, visé par l'article 28, alinéa 3, du décret du 2 octobre 1967, impose la fixation de ce prix par un expert désigné dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, sans que le caractère dérisoire attribué au prix proposé dans le projet de cession prévu à l'article 28, alinéa premier, du décret précité, puisse être invoqué au titre de l'abus de droit ;

Et attendu que l'arrêt relève, d'abord, qu'en ne recourant pas à la procédure fixée par l'article 1843-4 du code civil, M. D..., comme les autres associés, est responsable du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu, ensuite, qu'il lui appartenait, en présence du désaccord persistant, d'agir en tant que partie la plus diligente pour obtenir la désignation d'un expert dans les conditions du texte précité, ce qu'il n'a pas fait, et, enfin, que, lorsque M. E... lui a proposé d'acquérir ses parts sociales, M. D... lui a opposé un refus, qualifié de définitif, et, après avoir, avec les autres associés, recouru à une expertise amiable ne répondant pas aux conditions fixées par l'article 28, alinéa 3, du décret de 1967, a préféré l'assigner en paiement de la somme de 650 000 euros ;

D'où il suit que la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence de circonstances imputables à M. D... à l'origine de son propre préjudice et qui n'avait pas à faire la recherche visée par la troisième branche et relative à l'abus, par M. E..., du droit de refuser de consentir à la cession, ni celle visée par la quatrième branche, qui critique des motifs du jugement contraires à ceux de l'arrêt, a légalement justifié sa décision de rejeter ses demandes ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. E... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. D... faisait valoir qu'au regard de la valeur des parts de la SCP en 2008, avant que n'éclate la crise immobilière de 2009, l'opposition de M. E... à la cession conclue avec M. R... au prix de 650 000 euros, pour proposer un prix dérisoire de 400 000 euros au regard des méthodes d'évaluation alors applicables et des autres offres d'achat au prix de 650 000 euros qu'il avait reçues en 2008, présentait un caractère abusif ; qu'à cet égard, la cour d'appel a elle-même constaté que l'opposition manifestée par M. E... et l'offre qu'il avait faite avaient eu lieu en 2008, et que ce n'était qu'« en 2009 » qu'avait éclaté la crise immobilière qui avait « gravement touché les études notariales » ; qu'il apparaissait donc légitime que M. D... cherche à démontrer la faute et l'abus qu'avait commis M. E... en 2008, année au cours de laquelle une offre au prix de 400 000 euros n'était absolument pas justifiée ; que de surcroît, M. D... rappelait que M. E... n'avait pas mis en oeuvre la procédure en fixation du prix dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil, comme cela lui incombait pourtant conformément aux textes applicables, et que son absence de diligence sur ce point avait conduit à l'écoulement d'un temps supplémentaire, générant pour lui un important préjudice dès lors que, dans l'intervalle, la crise immobilière avait éclaté, provoquant une baisse significative de la valeur de l'étude ; que dans ces conditions, il était légitime que M. D... cherche à démontrer et à obtenir la réparation du préjudice que les fautes de M. E... lui avaient causé, en agissant contre lui en responsabilité, puis en interjetant appel du jugement qui l'avait débouté de ses demandes ; que, dès lors, en condamnant M. D... à payer des dommages-intérêts à M. E... pour procédure abusive, aux motifs inopérants que M. D... ne pouvait ignorer les règles de cessions de parts d'une SCP notariale, qu'il se référait à un prix de vente fixé avant que n'éclate la crise immobilière de 2009, et en retenant que M. D... avait agi dans un « esprit de nuire » qu'il avait « constamment manifesté dans une forme d'aveuglement, y compris lorsqu'il a exercé la voie de l'appel », sans prendre en considération l'ensemble du contexte et les éléments précités invoqués par M. D..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute commise par ce dernier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en se bornant à faire état de « manoeuvres » et de « délation » de M. D..., sans plus de précisions et sans indiquer les pièces sur lesquelles elle fondait ces assertions, cependant que dans ses conclusions d'appel, M. D... se référait à la condamnation de M. E... pour harcèlement moral de plusieurs salariés de l'étude notariale au cours de l'année 2009, ce qui confirmait les méfaits de M. E..., et en s'abstenant de prendre en considération, comme l'y invitait le demandeur, le rapport de force instauré par M. E... aux fins de contraindre M. D..., en 2008, à lui céder ses parts à un prix inférieur à leur valeur d'alors, ni son comportement intolérable qui avait conduit le demandeur à être placé en arrêt de travail en raison d'une grave dépression de février 2009 à janvier 2010, comme l'établissaient les certificats médicaux produits aux débats, ce alors même qu'elle constatait que le climat de mésentente ne pouvait pas, à tout le moins, être imputé en totalité à M. D..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute commise par ce dernier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'instance engagée par M. D..., qui, en sa qualité de notaire, ne pouvait ignorer les exigences légales, réglementaires et statutaires de la procédure par laquelle un associé d'une société civile professionnelle de notaires peut céder ses parts dans le respect des droits de ses coassociés, et qui s'est livré à des manoeuvres, parfois sous forme de délation, pour tenter de contraindre son associé à acheter ses parts au prix qu'il avait fixé avec un notaire tiers, démontre une volonté de nuire, certes alimentée par un climat de mésentente existant entre les associés qui ne peut lui être imputé en totalité, mais qu'il a constamment manifesté dans une forme d'aveuglement, y compris lorsqu'il a exercé la voie de l'appel ; qu'il ajoute que cette attitude a été préjudiciable à M. E..., contraint de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure longue et coûteuse ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'un abus de droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 19, alinéa 3, de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 ; article 28, premier alinéa, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 ; article 1843-4 du code civil ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article 28, alinéa premier, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ; article 1843-4 du code civil.

1re Civ., 10 avril 2019, n° 18-14.987, (P)

Cassation partielle

Notaire – Responsabilité – Conditions – Préjudice – Préjudice réparable – Définition – Exclusion – Cas – Conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable

Les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable.

Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui condamne le notaire à payer des dommages-intérêts à l'acquéreur en réparation d'une perte de chance de renoncer à l'acquisition ou de la conclure à un moindre prix, alors que la cour d'appel a constaté que ce dernier avait été informé des désordres affectant l'immeuble avant la signature de l'acte authentique.

Notaire – Responsabilité – Obligation d'information – Etendue – Manquement – Caractérisation – Défaut – Applications diverses

Notaire – Responsabilité – Dommage – Réparation – Caractérisation du préjudice – Perte d'une chance – Exclusion – Applications diverses – Information de l'acquéreur des désordres affectant l'immeuble avant la signature de l'acte authentique

Donne acte à Mme Y... V... et à la société civile professionnelle C... V... et P... Y... V... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. N... ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 30 janvier 2012 par M. B... (le notaire instrumentaire), avec la participation, pour assister l'acquéreur, de Mme Y... V... (le notaire en participation), notaire associé au sein de la société civile professionnelle C... V... et P... Y... V... (la SCP), titulaire d'un office notarial, M. N... (le vendeur) et son épouse, depuis lors décédée, ont vendu à M. L... (l'acquéreur) un immeuble ; que, celui-ci présentant plusieurs désordres, l'acquéreur a, le 22 juillet 2013, assigné le vendeur en résolution de la vente pour vices cachés et le notaire en participation ainsi que la SCP en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que, pour condamner le notaire en participation et la SCP à indemniser l'acquéreur, après avoir énoncé que l'avant-contrat du 25 octobre 2011 ne constituait pas un accord définitif sur la chose et sur le prix valant vente parfaite, et rejeté les demandes dirigées contre le vendeur, l'arrêt retient que le notaire en participation a manqué à son devoir de conseil et d'information en ne transmettant pas à l'acquéreur les documents afférents aux désordres litigieux, reçus du notaire instrumentaire avant la vente, et que, dès lors, il lui a fait perdre une chance de renoncer à l'acquisition ou de la conclure à un moindre prix ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, l'acquéreur avait été informé des désordres affectant l'immeuble avant la signature de l'acte authentique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum Mme Y... V... et la SCP C... V... et P... Y...-V... à payer à M. L... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 30 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion des conséquences d'un engagement librement souscrit par une partie à un contrat de la définition du préjudice réparable, à rapprocher : 1re Civ., 23 septembre 2003, pourvoi n° 99-21.174, Bull. 2003, I, n° 189 (cassation).

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