Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

IMPOTS ET TAXES

1re Civ., 17 avril 2019, n° 17-11.508, (P)

Cassation

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre gratuit – Succession – Tarif des droits applicables en ligne collatérale – Représentation successorale – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Descendant d'un héritier exhérédé

Sur le moyen unique :

Vu les articles 777 et 779 du code général des impôts, ensemble les articles 751, 752-2, 754 et 755 du code civil ;

Attendu que les dispositions fiscales relatives au calcul des droits de succession dus en ligne collatérale par les frères et soeurs ne s'appliquent à leurs représentants que s'ils viennent à la succession par l'effet de la dévolution légale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que N... C... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses six neveux et nièces, MM. E..., W... et R... C... et Mmes X... et G... C... (les consorts C...), enfants de son frère I... C..., prédécédé, et M. M..., fils de sa soeur Mme M..., et en l'état, notamment, d'un testament olographe daté du 10 mars 2004 instituant ceux-ci légataires de ses avoirs bancaires et exhérédant Mme M... ; qu'après exécution des dispositions testamentaires, le notaire liquidateur a appelé les consorts C... et M. M... à recueillir la succession légale de leur tante par représentation de leur ascendant direct, pour moitié par souche, soit un dixième pour chacun des consorts C... et cinq dixièmes pour M. M... ; que les héritiers ont procédé sur cette base au dépôt d'une déclaration de succession ; que, soutenant que ceux-ci ne pouvaient venir à la succession de leur tante qu'en vertu de leurs droits propres, soit à concurrence de un sixième chacun, et ne pouvaient bénéficier des abattement et tarif prévus aux articles 779 et 777 du code général des impôts applicables aux frères et soeurs du défunt, l'administration fiscale a émis un avis de recouvrement de l'imposition supplémentaire en résultant ; qu'après rejet de sa réclamation, M. E... C... a assigné le directeur départemental des finances publiques en annulation de cette décision, en décharge de l'imposition supplémentaire et en restitution de la somme versée ;

Attendu que, pour accueillir les demandes de M. E... C..., l'arrêt énonce que, depuis les lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006, reprises aux articles 754 et 755 du code civil, la représentation pour les successions dévolues en ligne directe ou collatérale ne suppose plus nécessairement que le représenté soit prédécédé, puisqu'elle est désormais admise en faveur des enfants et descendants de l'indigne et des renonçants ; qu'il retient que l'indignité successorale s'assimile à une exhérédation légale et que l'exhérédation par voie testamentaire ne peut produire pour les enfants de l'exhérédé des conséquences juridiques et fiscales plus sévères que pour les enfants de l'indigne en les privant du mécanisme de la représentation ; qu'il constate qu'en gratifiant M. M..., N... C... a démontré qu'elle n'avait pas entendu lui faire subir les conséquences de l'exhérédation de Mme M... ; qu'il en déduit qu'il est conforme tant à l'esprit de la loi qu'à la volonté de la défunte que son neveu vienne à sa succession par représentation de sa soeur, que la souche de cette dernière ne peut donc être tenue pour éteinte et que les conditions de la représentation en ligne collatérale prévues à l'article 752-2 du code civil étant remplies, en présence de plusieurs souches, les héritiers doivent bénéficier des abattement et tarif prévus aux articles 779 et 777 du code général des impôts au profit des frères et soeurs du défunt ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la loi ne prévoit pas la représentation de l'héritier exhérédé par testament, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 777 et 779 du code général des impôts ; articles 751, 752-2, 754 et 755 du code civil.

Com., 10 avril 2019, n° 16-28.327, (P)

Cassation

Redressement et vérifications (règles communes) – Garantie – Interprétation formellement admise – Conditions – Application selon ses termes et sa teneur – Nécessité

Il résulte de l'article L. 80 A, alinéa second, du livre des procédures fiscales, que la doctrine formellement admise par l'administration fiscale, lorsqu'elle est invoquée à son bénéfice par le contribuable, ne peut être appliquée que selon ses termes et teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses.

Dès lors, l'instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 prise à la suite de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 réformant le régime de l'article 1115 du code général des impôts, reprise au bulletin officiel des finances publiques, ne peut recevoir application pour des impositions dont le fait générateur est antérieur au 18 avril 2011.

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre onéreux d'immeubles – Exonération – Achat en vue de la revente – Marchands de biens – Doctrine administrative – Application dans le temps

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 80 A, alinéa second, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Auteuil investissement a acquis, les 30 juin et 29 septembre 2005, puis le 14 février 2007, trois immeubles sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts ; que l'administration fiscale a remis en cause ce régime en lui notifiant le 23 avril 2013 une proposition de rectification en raison du défaut de revente de partie de ces immeubles dans les délais impartis ; qu'après mise en recouvrement des droits d'enregistrement correspondants et rejet de sa contestation amiable, la société Auteuil investissement a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de ces impositions ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 prise à la suite de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 réformant le régime de l'article 1115 du code général des impôts, reprise au bulletin officiel des finances publiques, qui fixe pour la première fois la doctrine de l'administration fiscale quant à la sanction prévue par l'article 1840 G ter du code général des impôts, lui est opposable depuis sa publication, de sorte que l'administration devait en faire application à la proposition de rectification et aux avis de mises en recouvrement, qui lui étaient postérieurs, et en déduit que la société Auteuil investissement est libérée de son engagement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la doctrine formellement admise par l'administration, lorsqu'elle est invoquée à son bénéfice par le contribuable, ne peut être appliquée que selon ses termes et teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses, ce dont il résulte que l'instruction ne pouvait recevoir application pour des impositions dont le fait générateur était antérieur au 18 avril 2011, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Cayrol - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 80 A, alinéa second, du livre des procédures fiscales ; instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011, prise à la suite de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 réformant le régime de l'article 1115 du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Com., 5 mai 1998, pourvoi n° 96-20.780, Bull. 1998, IV, n° 144 (cassation).

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