Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

ETAT

1re Civ., 17 avril 2019, n° 18-13.894, (P)

Rejet

Responsabilité – Responsabilité pour faute délictuelle – Action en responsabilité – Prescription – Délai – Détermination

L'action en responsabilité contre l'Etat, mise en oeuvre sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, est soumise à la fois à la prescription de l'ancien article 2262 du même code et à la déchéance des créances contre l'Etat prévue à l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, devenu l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968.

Responsabilité – Responsabilité pour faute délictuelle – Action en responsabilité – Prescription – Suspension – Impossibilité d'agir – Preuve – Nécessité

Une action en responsabilité portant sur des faits ayant pris fin en 1848, malgré la suspension de la prescription jusqu'au jour où les victimes, ou leurs ayants droit, ont été en mesure d'agir, est prescrite en l'absence de démonstration d'un empêchement qui se serait prolongé durant plus de cent ans.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 19 décembre 2017), que par acte du 30 mai 2005, l'association Mouvement international pour les réparations (le MIR) et l'association Conseil mondial de la diaspora panafricaine (le CMDPA) ont assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir une expertise pour évaluer le préjudice subi par le peuple martiniquais du fait de la traite négrière et de l'esclavage et une provision destinée à une future fondation ; qu'au regard des préjudices subis personnellement ou en leur qualité d'ayants droit, plusieurs personnes physiques se sont jointes à cette action ;

Sur les première, deuxième et cinquième à huitième branches du premier moyen et le second moyen, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que le MIR fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes présentées en qualité d'ayants droit par les personnes physiques et de rejeter les autres demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la traite négrière et l'esclavage sont des crimes contre l'humanité, lesquels sont, par nature, imprescriptibles ; qu'en jugeant irrecevables comme prescrites les demandes présentées par les ayants droit d'esclaves, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 21 mai 2001, ensemble les articles 213-4 et 213-5 du code pénal, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2262 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;

2°/ que, justifié par une exigence de sécurité juridique et de protection de la liberté individuelle, le principe de non-rétroactivité de la loi ne saurait être appliqué au bénéfice d'auteurs de crimes contre l'humanité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ensemble les articles 213-4 et 213-5 du code pénal, l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils ;

Mais attendu que l'arrêt retient, à bon droit, que les articles 211-1 et 212-1 du code pénal, réprimant les crimes contre l'humanité, sont entrés en vigueur le 1er mars 1994 et ne peuvent s'appliquer aux faits antérieurs à cette date, en raison des principes de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi du 21 mai 2001 n'avait apporté aucune atténuation à ces principes et que l'action sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, de nature à engager la responsabilité de l'Etat indépendamment de toute qualification pénale des faits, était soumise à la fois à la prescription de l'ancien article 2262 du même code et à la déchéance des créances contre l'Etat prévue à l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, devenu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la cour d'appel a exactement décidé que cette action, en tant qu'elle portait sur des faits ayant pris fin en 1848 et malgré la suspension de la prescription jusqu'au jour où les victimes, ou leurs ayants droit, ont été en mesure d'agir, était prescrite en l'absence de démonstration d'un empêchement qui se serait prolongé durant plus de cent ans ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles 211-1 et 212-1 du code pénal ; loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 ; article 1 de la loi du 31 décembre 1968 ; article 1382, devenu 1240 du code civil ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Rapprochement(s) :

Crim., 17 juin 2003, pourvoi n° 02-80.719, Bull. crim. 2003, n° 122 (rejet).

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