Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 17 avril 2019, n° 18-11.766, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Déclaration des créances – Domaine d'application – Passif du syndic – Créance de restitution du syndicat des copropriétaires – Syndicat des copropriétaires – Garantie financière

Lorsqu'un syndic est en procédure collective, le syndicat de copropriétaires, auquel les sommes ou valeurs reçues à son nom ou pour son compte par le syndic n'ont pas été restituées, peut déclarer sa créance de restitution au passif du syndic et en demander l'admission, sans préjudice de la mise en oeuvre de la garantie financière.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article L. 622-24 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saint-Jean Immobilier, syndic de copropriété, a souscrit un contrat de garantie financière auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's (le Lloyd's) ; que ce contrat a été résilié le 8 février 2010 ; que, le 7 juin 2010, la société Saint-Jean Immobilier a été mise en liquidation judiciaire, M. K... étant désigné liquidateur ; que par une ordonnance du 27 mars 2012, le juge-commissaire a admis au passif la créance du Syndicat des copropriétaires de la résidence [...] (le syndicat) à concurrence de la somme de 64 230 euros à titre chirographaire ; que le Lloyd's a formé une réclamation contre l'état des créances, laquelle a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire du 21 juillet 2015 dont le Lloyd's a fait appel ;

Attendu que pour infirmer l'ordonnance qui a admis la créance du syndicat, l'arrêt retient que dans la mesure où les fonds versés doivent être déposés sur un compte dédié, obéissent à une comptabilité autonome de celle du syndic, restent la propriété du syndicat et ne peuvent être utilisés que pour son compte, celui-ci n'a pas de créance à faire valoir contre le syndic et n'a pas de créance à déclarer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque un syndic est en procédure collective, le syndicat de copropriétaires, auquel les sommes ou valeurs reçues à son nom ou pour son compte par le syndic n'ont pas été restituées, peut déclarer sa créance de restitution au passif du syndic et en demander l'admission, sans préjudice de la mise en oeuvre de la garantie financière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance du juge-commissaire du 27 mars 2012 ayant admis la créance du syndicat des copropriétaires de la résidence [...] au passif de la société Saint-Jean Immobilier, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; articles L. 622-24 et L. 641-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-16.531, Bull. 2017, IV, n° 10 (rejet).

Com., 17 avril 2019, n° 17-27.058, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Déclaration des créances – Procédure – Créancier titulaire d'une sûreté publiée – Avertissement personnel – Destinataire – Société absorbante n'ayant pas fait procéder à la mise à jour de l'inscription hypothécaire – Exclusion

Le liquidateur n'étant pas juge de la régularité des inscriptions, il peut se fier aux mentions du livre foncier ; il n'a pas en conséquence à délivrer l'avertissement personnel destiné aux créanciers titulaires d'une sûreté publiée prévu par l'article L. 622-24 du code de commerce à une société absorbante qui n'a pas fait procéder à la mise à jour de l'inscription, la société absorbée demeurant portée au livre foncier comme créancier hypothécaire.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 septembre 2017) et les productions, que la société Ehalt production (la société Ehalt) a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 20 septembre 2011 publié au BODACC le 27 octobre 2011, la société B... et associés étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 octobre 2011, invité la société Dynamic environnement, portée au livre foncier comme titulaire d'une garantie hypothécaire, à déclarer ses créances ; que le 28 juillet 2015, la société Dynamic Gorlier, venue aux droits de la société Dynamic environnement le 27 mai 2010, a déclaré sa créance et a saisi le juge-commissaire d'une demande de relevé de forclusion ;

Attendu que la société Dynamic Gorlier et M. H..., son liquidateur judiciaire, font grief à l'arrêt de rejeter la demande relevée de forclusion alors, selon le moyen :

1°/ que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée sont avertis personnellement ou s'il y a lieu à domicile élu ; que le délai de relevé de forclusion ne court à l'égard des créanciers titulaires d'une sûreté publiée qu'à compter de la réception de l'avis qui leur est donné ; qu'en l'espèce, dès lors qu'aucun avertissement ne lui avait été donné personnellement, aucun délai de forclusion ne pouvait courir contre la société Dynamic Gorlier laquelle venant aux droits de la société Dynamic environnement en vertu d'un traité de fusion en date du 27 mai 2010 régulièrement publié dans un journal d'annonces légales en juin 2010, soit antérieurement au jugement de liquidation judiciaire de la société Ehalt production, avait la qualité de créancier titulaire de la sûreté publiée à la date du jugement d'ouverture ; qu'il en va ainsi quand bien même elle n'aurait pas publié la modification de la personne du titulaire de l'inscription hypothécaire lors de son renouvellement ni avisé le mandataire liquidateur de l'absorption de la société Dynamic environnement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-21 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ qu'aucune forclusion ne peut être opposée au créancier titulaire d'une sûreté publiée venant aux droits du créancier dont le nom est mentionné sur l'inscription hypothécaire et qui n'a pas personnellement reçu l'avertissement prévu par la loi, dès lors que le débiteur qui connaissait son existence avant l'ouverture de la procédure collective, l'a omis lors de l'établissement de la liste prévue à l'article L. 622-6 ; qu'en l'espèce, la société Dynamic Gorlier faisait valoir qu'elle avait délivré à la société Ehalt qui de surcroît avait le même conseil que celui de M. B..., ès qualités de liquidateur, un commandement avant adjudication forcée le 26 janvier 2011, qu'elle lui avait adressé un courrier recommandé par l'intermédiaire de son conseil le 17 novembre 2010, qu'elle avait formé une requête en vente forcée qui a donné lieu à une ordonnance du 17 juin 2011 autorisant la vente par adjudication des biens de cette société qui avait formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance, et qu'en outre dans le cadre du pourvoi, elle avait le 12 août 2011, communiqué à l'appui de son mémoire ampliatif, l'ensemble des pièces justifiant sa qualité de créancier et qu'ainsi, à la date de l'ouverture de sa liquidation judiciaire le 20 septembre 2011, la société Ehalt connaissait parfaitement sa qualité de créancier inscrit, mais avait volontairement omis de la faire apparaître sur la liste des créanciers ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions exclusives de toute forclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'avertissement adressé au créancier titulaire d'une sûreté publiée qui ne reproduit pas, contrairement aux prescriptions de l'article R. 622-21 du code de commerce, les dispositions légales et réglementaires relatives aux délais et formalités à observer pour la déclaration de créance et pour la demande en relevé de forclusion ou les articles L. 621-10, R. 621-19 et R. 621-24, qui est ainsi insuffisant à informer le créancier de tous ses droits et obligations, ne fait pas courir le délai de déclaration de la créance ni le délai de forclusion ; qu'en décidant que l'avertissement exigée par la loi avait été valablement donné à la société Dynamic environnement mentionnée en qualité de créancier sur l'inscription hypothécaire, sans rechercher comme elle y était invitée, si cet avertissement comportait bien les mentions exigées par loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-21 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que le livre foncier mentionnait comme créancier hypothécaire, au titre de l'inscription litigieuse, la société absorbée Dynamic environnement et que cette inscription avait été encore renouvelée au nom de celle-ci postérieurement au traité de fusion, sans que la société absorbante Dynamic Gorlier ne fasse procéder à la mise à jour, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que le liquidateur de la société Ehalt, qui n'est pas juge de la régularité des inscriptions et pouvait donc se fier aux mentions du livre foncier, n'avait pas à délivrer à la société Dynamic Gorlier l'avertissement personnel destiné aux créanciers titulaires d'une sûreté publiée ; que le moyen qui, en chacune de ses branches, postule que c'est la société Dynamic Gorlier qui devait être avertie personnellement en qualité de créancier inscrit, bien que cette qualité ne fût pas mentionnée au livre foncier, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 622-24 du code de commerce.

Com., 17 avril 2019, n° 17-18.688, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Limites – Action exclusivement attachée à la personne du débiteur – Applications diverses – Action en réparation de préjudices corporels

L'action en réparation de préjudices corporels résultant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément d'un débiteur en liquidation judiciaire est une action attachée à sa personne, que lui seul peut exercer.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 mars 2017), que M. S..., victime d'un accident de la circulation dont un tiers a été déclaré responsable, a été mis en liquidation judiciaire, la société E..., prise en la personne de M. H..., étant désignée liquidateur ; que ce dernier a formé des demandes de réparation des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de M. S... ;

Attendu que la société M..., ès qualités, et M. S... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes portant sur l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux présentées par la société M..., ès qualités, alors, selon le moyen, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; que l'arrêt attaqué a relevé que les dommages-intérêts qui pourraient être versés à M. S... en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux avaient vocation à être appréhendés par le liquidateur ; qu'en jugeant que la société M..., ès qualités, n'était pas recevable à demander l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. S... cependant qu'une telle action concerne son patrimoine dès lors que les dommages-intérêts en résultant avaient vocation à être appréhendés par le liquidateur, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'action engagée par le liquidateur tendait à obtenir réparation des préjudices résultant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément de M. S..., la cour d'appel en a déduit à bon droit que seul ce dernier pouvait exercer cette action, attachée à sa personne ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Com., 3 avril 2019, n° 17-27.529, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance en cours – Interruption – Exclusion – Jugement d'ouverture postérieur à l'ouverture des débats

Il résulte de l'article 371 du code de procédure civile qu'une instance en cours n'est pas interrompue par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur, dès lors que ce jugement est prononcé postérieurement à l'ouverture des débats devant le juge du fond saisi de cette instance.

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société LR Consulting a été mise en liquidation judiciaire le 23 septembre 2013, Mme P... étant nommée liquidateur ; que la société Angel Enterprise (la société Angel) et M. F..., qui détient des participations dans cette dernière, ont déposé une requête en revendication portant sur deux véhicules de marque Ferrari, type GT2 ; que cette requête a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire rendue le 20 février 2015 ; que la société Angel a déposé une requête en revendication portant sur un troisième véhicule de marque Ferrari, type Telaio, requête qui a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire rendue le 25 mars 2015 ; que M. F... et la société Angel ont formé un recours contre ces deux ordonnances, en soutenant notamment qu'un jugement rendu par le juge de l'exécution le 8 octobre 2013 avait reconnu la propriété de la société Angel sur le véhicule Ferrari, type Telaio ; que la société Springbox Concept, représentée par son liquidateur, la société O..., est intervenue volontairement à l'instance, en tant que détentrice des deux véhicules de type GT2 en vertu d'une saisie judiciairement autorisée ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 371 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'une instance en cours n'est pas interrompue par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur, dès lors que ce jugement est prononcé postérieurement à l'ouverture des débats devant le juge du fond saisi de cette instance ;

Attendu que, pour rejeter la requête en revendication déposée par la société Angel concernant le véhicule de marque Ferrari, type Telaio, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la décision du juge de l'exécution de Schiltigheim du 8 octobre 2013 est intervenue postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société LR Consulting du 23 septembre 2013, et que, le liquidateur de cette dernière n'ayant pas confirmé ce jugement, celui-ci doit être considéré comme non avenu, en application des articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le jugement de liquidation judiciaire du 23 septembre 2013 avait été rendu après l'ouverture des débats devant le juge de l'exécution, dès lors que, si tel avait été le cas, ce jugement n'aurait pas eu d'effet interruptif de l'instance introduite devant ce juge et la décision de celui-ci, du 8 octobre 2013, à laquelle la société LR Consulting était partie et qui avait reconnu le droit de propriété de la société Angel sur le véhicule de marque Ferrari, type Telaio, aurait été opposable au liquidateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation à intervenir entraîne la cassation par voie de conséquence des dispositions condamnant la société Angel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce, confirmant le jugement entrepris, il rejette l'opposition formée par la société Angel Enterprise contre l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 25 mars 2015 ayant rejeté sa requête en revendication du véhicule de marque Ferrari, type Telaio, et en ce qu'il condamne la société Angel Enterprise aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 371 du code de procédure civile.

Com., 3 avril 2019, n° 17-28.359, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Report de la date de cessation des paiements – Fixation à une date postérieure à la date de report sollicitée et antérieure à celle fixée à titre provisoire – Etendue du pouvoir d'appréciation du juge

C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître l'objet du litige, qu'une cour d'appel, saisie de demandes tendant, d'une part, au maintien de la date de cessation des paiements fixée provisoirement par le jugement d'ouverture de la procédure collective et, d'autre part, au report de cette date, fixe celle-ci à une date postérieure à la date de report sollicitée et antérieure à celle fixée à titre provisoire.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2017), que la société par actions simplifiée RBMH Holding (la société), dont M. P... était le président, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 29 avril 2013, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 7 novembre 2012 ; que M. M..., désigné en qualité de liquidateur a demandé le report de la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, puis, après dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire portant sur la gestion et la comptabilité de la société, au 30 avril 2012 ;

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de reporter au 11 juin 2012 la date de cessation des paiements de la société alors, selon le moyen :

1°/ que le juge, qui ne peut se saisir d'office du report de la date de cessation des paiements, ne peut s'arroger le droit de fixer une autre date que celle invoquée par les personnes habilitées à exercer l'action en report ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant qu'elle avait exclusivement été saisie d'une demande de M. M..., ès qualités de liquidateur, tendant à voir reporter la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, comme préconisée par l'expert, la cour d'appel, qui ne pouvait d'office reporter la date de cessation à une autre date que celle invoquée par le liquidateur, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 13 avril 2017, M. M..., ès qualités, sollicitait uniquement le report de la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, la cour d'appel a statué sur une demande qui n'était pas formulée par les parties, en méconnaissance des termes du litige et en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ que pour établir que la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, le juge doit préciser quel était l'actif disponible ou le passif exigible à la date à laquelle il fixe la cessation des paiements ; qu'en se contenant de relever, pour reporter la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, que les remontées de dividendes faisaient défaut « à partir de l'exercice 2012 », sans en préciser la date, et que le passif au 1er janvier 2012, constitué de découverts bancaires, n'avait pas été compensé par « un actif disponible concomitant », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société, en l'absence de toute précision sur l'actif disponible à cette date, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;

4°/ qu'en se contentant de relever que l'expert conclut que l'examen des comptes annuels faisait ressortir un niveau de résultat d'exploitation structurellement négatif devant être compensé par les remontées de dividendes des filiales, qui ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et comme cela ressortait des conclusions de l'expert, qu'en dépit d'impayés, la société avait encaissé d'importantes sommes de la part de ses filiales, pour un montant total de 811 000 euros, ce qui lui avait permis de procéder au paiement d'un nombre significatif de charges pour un montant total de 661 000 euros, les recettes avaient été supérieures de 150 000 euros aux dépenses, ce dont il s'inférait que la société bénéficiait de réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, saisie de demandes tendant l'une au maintien de la date de cessation des paiements de la société au 7 novembre 2012, fixée provisoirement par le jugement l'ayant mise en liquidation judiciaire, et l'autre au report de cette date au 30 avril 2012, a, sans excéder ses pouvoirs, ni méconnu l'objet du litige, fixé cette date au 11 juin 2012 ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société bénéficiait de recettes propres correspondant à des facturations de prestations de services à ses filiales, lesquelles ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, ces sociétés étant presque toutes en procédure collective ; qu'analysant le rapport d'expertise il retient que les investigations menées sur la période postérieure au 1er janvier 2012 n'ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant aux non-paiements constatés ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de fixer la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, au regard de l'absence d'actif disponible qu'elle caractérisait à la date retenue et du passif exigible non contesté, à cette même date ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Foussard et Froger -

Com., 3 avril 2019, n° 18-11.281, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Créanciers bénéficiant d'une sûreté – Egalité des créanciers – Créance antérieure – Gage-espèces consenti après le jugement d'ouverture – Compensation (non)

Un gage-espèces consenti, après l'ouverture de son redressement judiciaire, par un débiteur, avec l'accord de l'administrateur, pour garantir le paiement des livraisons qu'un fournisseur s'engageait à poursuivre pendant la période d'observation, se trouve privé d'objet et dépourvu de contrepartie, après la mise en liquidation judiciaire du débiteur, en l'absence de toute créance du fournisseur née pendant la période d'observation.

En conséquence, les sommes constituées en gage, qui ne peuvent garantir, au mépris de l'égalité des créanciers, une créance du fournisseur née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, ne peuvent se compenser avec une telle créance admise au passif et doivent être restituées au liquidateur.

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 28 novembre 2017), que la société Eurocooler a été mise en redressement judiciaire le 10 juillet 2012 ; que pendant la période d'observation, a été constitué, avec l'accord de l'administrateur, un gage-espèces à concurrence de la somme de 125 000 euros au profit de la société Verzinkerei Sahm (la société Sahm) afin que celle-ci continue à fournir à la société Eurocooler des revêtements en acier ; que la société Eurocooler a été mise en liquidation judiciaire le 23 décembre 2013, son plan de cession étant arrêté le 31 janvier 2014 ; que le 17 septembre 2014, la société C... P..., liquidateur de la société Eurocooler, a assigné la société Sahm pour la voir condamner à lui restituer la somme de 125 000 euros ;

Attendu que la société Sahm fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, qu'à défaut d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat, le lien de connexité peut exister entre des créances nées de conventions s'inscrivant dans le cadre du développement d'une relation d'affaires et participant d'une opération caractérisée par son unité économique ; qu'en jugeant que les créances litigieuses ne pouvaient être compensées, sans rechercher si celles-ci étaient connexes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Eurocooler, avec l'aval de l'administrateur, avait, dans le cadre du courant d'affaires suivi la liant à la société Sahm, constitué à son profit le gage-espèces pour garantir le paiement des livraisons que la société Sahm s'engageait à poursuivre pendant la période d'observation du redressement judiciaire, l'arrêt retient qu'à défaut de toute créance de la société Sahm née pendant la période d'observation, la garantie, dépourvue de contrepartie, n'avait plus d'objet et que la somme constituée en gage ne pouvait se compenser avec la créance de la société Sahm, née antérieurement au jugement d'ouverture et admise par le juge-commissaire, de sorte qu'elle devait être restituée au liquidateur de la société Eurocooler ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par le moyen, dès lors que le gage-espèces constitué postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ne pouvait avoir pour objet de garantir, au mépris de l'égalité entre créanciers, une créance antérieure, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Rousseau et Tapie -

Com., 17 avril 2019, n° 18-11.743, (P)

Cassation partielle

Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Action en responsabilité pour insuffisance d'actif – Liquidateur judiciaire – Qualité à agir – Société soumise au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – Absence d'influence

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'étant pas une opération de liquidation prévue au titre IV du livre VI du code de commerce que l'article L. 613-29 du code monétaire et financier réserve au liquidateur nommé par la Commission bancaire, dont les missions ont été dévolues à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le liquidateur judiciaire a qualité pour l'exercer en application de l'article L. 651-3 du code de commerce.

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Procédure – Liquidateur judiciaire – Qualité à agir – Société soumise au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Donne acte à M. E... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société d'investissement Europe finance industrie (la société EFI) a été mise en liquidation judiciaire le 26 mai 2009 après avis conforme de la Commission bancaire ; que la société D... (la société BTSG), prise en la personne de M. B..., a été désignée liquidateur judiciaire par le jugement d'ouverture et liquidateur par la Commission bancaire en application de l'article L. 613-29 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable ; que la société BTSG, agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a poursuivi M. E..., en qualité de dirigeant, en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société EFI et en prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter une partie de l'insuffisance d'actif et de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que la cour d'appel qui, pour statuer comme elle l'a fait, ne s'est pas fondée sur les dernières conclusions du liquidateur judiciaire, signifiées le 9 octobre 2017, mais sur des conclusions en date du 24 novembre 2016, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'une partie n'est pas recevable, faute d'intérêt, à reprocher à une cour d'appel de ne pas avoir statué sur les dernières conclusions d'une autre partie ; que le moyen n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'assignation fondée sur l'absence de pouvoir du liquidateur judiciaire à agir en responsabilité pour insuffisance d'actif alors, selon le moyen, que dans le cadre de la liquidation judiciaire d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement, l'action en paiement de l'insuffisance d'actif est introduite par le liquidateur nommé par la Commission bancaire ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer recevable l'action engagée à l'encontre de M. E..., dirigeant d'une entreprise d'investissement, qu'elle pouvait l'être par le liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 122 du code de procédure civile, L. 613-29 du code monétaire et financier et L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'est pas une opération de liquidation prévue au titre IV du livre VI du code de commerce que l'article L. 613-29 du code de monétaire et financier réserve au liquidateur nommé par la Commission bancaire, dont les missions ont été dévolues à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; que les mesures spécifiques à la liquidation judiciaire d'une entreprise d'investissement soumise au contrôle de cette autorité, prévues aux articles L. 613-24 et suivants du code monétaire et financier, n'excluent pas que la responsabilité du dirigeant d'une telle entreprise puisse être recherchée sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce ; qu'il en résulte que le liquidateur judiciaire a qualité pour exercer cette action en application de l'article L. 651-3 dudit code ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de prononcer contre lui une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq années alors, selon le moyen :

1°/ qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir de l'article L. 653-8 du code de commerce, qui, en ce qu'il n'impose pas au juge de motiver l'interdiction de gérer qu'il prononce, porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'arrêt attaqué, qui s'est fondé sur ce texte pour prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de gérer de cinq ans, se trouvera privé de base légale ;

2°/ que l'interdiction de gérer ne peut être prononcée qu'à l'encontre de celui qui a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer une interdiction de gérer, que M. E... ne pouvait ignorer que la société EFI était en état de cessation des paiements en novembre 2007, sans caractériser, ni même constater, que c'était sciemment qu'il avait alors omis de déclarer la cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que la Cour de cassation ayant, par un arrêt n° 782 F-D du 5 juillet 2018, rendu dans la présente instance, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 653-8 du code de commerce, le moyen, pris en sa première branche, est sans portée ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'à la date de la cessation des paiements, fixée par le jugement d'ouverture au 26 novembre 2007, la TVA due par la société EFI jusqu'au 31 décembre 2007 s'élevait à plus de 455 000 euros et qu'alors, la société n'avait pratiquement aucune trésorerie et les relevés bancaires montraient un solde débiteur constant, de sorte que M. E... ne pouvait ignorer la cessation des paiements de la société EFI, qu'il n'a pourtant déclarée que le 21 janvier 2009, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé que ce dernier avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 653-8 du code de commerce, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le tribunal qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé ;

Attendu que pour prononcer contre M. E... une interdiction de gérer d'une durée de cinq années, l'arrêt se borne à retenir qu'au regard des fautes commises, il y a lieu de le condamner à une mesure d'interdiction de gérer de cette durée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq années contre M. F... E..., l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : Me Goldman ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 613-29 du code monétaire et financier ; article L. 651-3 du code de commerce.

Com., 3 avril 2019, n° 17-28.954, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Ordonnances du juge-commissaire – Vente d'immeuble du débiteur en liquidation judiciaire – Recours devant la cour d'appel – Qualité pour l'exercer – Prétendu propriétaire

Il résulte de l'article R. 642-37-1 du code de commerce que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce, qui est formé devant la cour d'appel, est ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions. Le tiers qui se prétend propriétaire de l'immeuble dont le juge-commissaire a ordonné la cession est une personne dont les droits et obligations sont affectés au sens de l'article R. 642-37-1, de sorte que ce tiers est recevable à former le recours prévu par ce texte.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 septembre 2017), que la société Etablissements R... (la société R...), dirigée par Mme R..., a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 14 janvier et 10 mars 2016, la société B... étant nommée liquidateur ; que par une ordonnance du 8 juin 2016, le juge-commissaire a autorisé la cession, de gré à gré, d'un immeuble de la société débitrice au profit de la société BATITERRE ; que le 12 août 2016, la société Idéfisc a formé tierce opposition à cette ordonnance, au motif que la vente de cet immeuble avait été conclue entre elle et la société débitrice avant l'ouverture de la procédure collective ; que par une ordonnance du 17 novembre 2016, le juge-commissaire a déclaré cette tierce opposition irrecevable ; que la société Idéfisc a formé une tierce opposition-nullité à cette dernière ordonnance ;

Attendu que la société Idéfisc fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce opposition à l'ordonnance du 8 juin 2016 alors, selon le moyen, que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été délivrée ni le prix payé ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du vendeur, antérieurement à la réitération de l'acte en la forme authentique et au paiement du prix, n'est de nature à affecter, ni la validité du contrat de vente, ni le transfert de propriété d'ores et déjà intervenu, pas plus qu'elle n'est de nature à emporter caducité de la convention ; qu'en cas de cession ultérieure de l'immeuble à un tiers, de gré à gré, en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire à la liquidation judiciaire du vendeur, l'acquéreur évincé, dont les droits sont affectés par cette décision, est recevable à contester celle-ci devant la juridiction d'appel ; qu'en décidant néanmoins que la Société Idéfisc, dont la promesse d'achat avait été acceptée par la Société Etablissements R... avant son placement en liquidation judiciaire, ne disposait d'aucun recours contre la décision du juge-commissaire autorisant la cession du même immeuble à un tiers, de gré à gré, la cour d'appel a violé les articles L. 642-18 et R. 642-37-1 du code de commerce, ensemble les articles 4 et 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 642-37-1 du code de commerce que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du même code est formé devant la cour d'appel ; que ce recours est ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions ; que la société Idéfisc, en sa qualité de prétendue propriétaire de l'immeuble dont la cession a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 642-18 précité, par l'ordonnance du 8 juin 2016, disposait du recours devant la cour d'appel prévu par l'article R. 642-37-1 précité, de sorte que la voie de la tierce opposition devant le juge-commissaire, contre cette ordonnance, lui était fermée ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Articles L. 642-18 et R. 642-37-1 du code de commerce.

Com., 3 avril 2019, n° 17-28.463, (P)

Cassation partielle

Redressement et liquidation judiciaires – Créanciers du débiteur – Compensation – Dettes connexes nées d'un même contrat – Office du juge – Admission de la créance – Preuve – Nécessité (non)

Lorsqu'un créancier invoque la compensation d'une créance antérieure connexe déclarée pour s'opposer à la demande en paiement formée contre lui par un débiteur en procédure collective, le juge du fond saisi de cette demande doit d'abord se prononcer sur le caractère vraisemblable ou non de la créance ainsi invoquée, et, dans l'affirmative, ne peut qu'admettre le principe de la compensation et ordonner celle-ci à concurrence du montant de la créance à fixer par le juge-commissaire, sans que le créancier n'ait à prouver que sa créance a été admise à ce stade.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 622-7, I, du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours de l'année 2007, la société Sauvaget & compagnie (la société Sauvaget) a réalisé, pour le compte de la SCI Lepas Dubuisson (la SCI), des travaux portant notamment sur l'installation d'un système de chauffage et réceptionnés le 12 août 2008 ; que la société Sauvaget a été mise en redressement judiciaire le 31 mars 2011 ; que le 21 octobre 2011, la SCI, qui, par une ordonnance du 8 septembre 2011, avait été relevée de la forclusion encourue par une ordonnance du 8 septembre 2011, a déclaré des créances au passif concernant des pénalités de retard et des dommages-intérêts pour non-conformité de l'installation de chauffage ; que le 9 décembre 2011, un plan de redressement a été arrêté au profit de la société Sauvaget ; que le 30 janvier 2013, cette dernière a assigné en paiement du solde des travaux la SCI, laquelle lui a opposé la compensation avec ses propres créances déclarées ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées par la SCI au titre des pénalités de retard et des dommages-intérêts liés à la non-conformité de l'installation de chauffage, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de l'admission de ses créances au passif de la procédure collective de la société Sauvaget ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'un créancier invoque la compensation d'une créance antérieure connexe déclarée pour s'opposer à la demande en paiement formée contre lui par un débiteur en procédure collective, le juge du fond saisi de cette demande doit d'abord se prononcer sur le caractère vraisemblable ou non de la créance ainsi invoquée, et, dans l'affirmative, ne peut qu'admettre le principe de la compensation et ordonner celle-ci à concurrence du montant de la créance à fixer par le juge-commissaire, sans que le créancier n'ait à prouver que sa créance a été admise à ce stade, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la SCI Lepas Dubuisson au titre des pénalités de retard et de l'installation de chauffage, l'arrêt rendu le 15 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; article L. 622-7, I, du code de commerce.

Com., 17 avril 2019, n° 17-15.960, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Arrêt des procédures d'exécution – Domaine d'application – Saisie immobilière – Procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le redressement judiciaire du débiteur – Portée – Caducité de la procédure

Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 622-21 II du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, et de l'article R. 622-19 du même code qu'une procédure de distribution du prix de vente d'un immeuble vendu par adjudication, qui n'a pas produit un effet attributif à l'égard des créanciers avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur saisi, est caduque.

Aux termes des articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à l'égard du seul débiteur que la consignation du prix d'adjudication par l'acquéreur produit les effets d'un paiement si la distribution du prix n'est pas intervenue dans les six mois, de sorte que les créanciers inscrits ne peuvent se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'un effet attributif de la procédure de distribution a eu lieu à leur profit avant l'ouverture de la procédure collective.

En conséquence, dès lors qu'elle a constaté que le prix de vente n'avait pas été réparti entre les créanciers avant l'ouverture du redressement judiciaire, la cour d'appel a décidé à bon droit que la procédure de distribution était caduque et que les fonds séquestrés devaient être remis au mandataire judiciaire pour être répartis conformément aux règles de la procédure collective.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 février 2017), que sur les poursuites engagées par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse, devenue la Caisse d'épargne CEPAC (la banque), contre la SCI Printemps, un jugement du 13 octobre 2011, publié le 31 juillet 2012, a adjugé le bien immobilier saisi à M. N... qui en a consigné le prix les 30 novembre 2011 et 3 février 2012 entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats, désigné en qualité de séquestre ; que l'avocat de la banque a établi le 31 janvier 2014 le projet de distribution amiable du prix d'adjudication ; que par un jugement du 11 février 2014, la SCI Printemps a été mise en redressement judiciaire et M. H... désigné en qualité de mandataire judiciaire, la procédure étant ultérieurement convertie en liquidation judiciaire ; que le 14 mars 2014, la banque a notifié au mandataire judiciaire, ès qualités, le projet de distribution amiable du prix d'adjudication ; que par une ordonnance du 18 juin 2014, notifiée le 23 juin 2014 à M. H..., ès qualités, le juge de l'exécution a, en application de l'article R. 332-6, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, homologué le projet de distribution et lui a conféré force exécutoire ; que les 21 et 27 août 2015, M. H..., ès qualités, a assigné la banque, le bâtonnier de l'ordre des avocats, M. N... et le syndicat des copropriétaires du [...] devant le juge de l'exécution pour voir déclarer caduque, depuis le 11 février 2014, la procédure de distribution du prix de vente du bien immobilier et voir ordonner au bâtonnier de lui remettre la totalité du prix d'adjudication séquestré entre ses mains ; que le juge de l'exécution a déclaré irrecevables les demandes de M. H..., ès qualités ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt infirmatif de déclarer M. H..., ès qualités, recevable en ses demandes, de déclarer caduque, depuis le 11 février 2014, la procédure de distribution du prix de vente des biens immobiliers ayant appartenu à la SCI Printemps et d'ordonner en conséquence la remise à M. H..., ès qualités, de la totalité du prix d'adjudication versé par l'adjudicataire alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut en aucun cas remettre en cause une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du 18 juin 2014, le juge de l'exécution a homologué le projet de distribution amiable établi par la banque ; que cette ordonnance, revêtue de l'autorité de chose jugée dès son prononcé, n'ayant pas été frappée de pourvoi en cassation, est devenue irrévocable ; qu'en déclarant toutefois M. H... ès qualités recevable en son action tendant à voir constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente sans que puisse y faire obstacle la circonstance que ce dernier n'ait jamais frappé de recours l'ordonnance du 18 juin 2014, homologuant le projet de distribution, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, violant ainsi les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ que l'effet attributif de la saisie immobilière d'un immeuble, dont le jugement d'adjudication a été publié, se produit, au profit des créanciers privilégiés et hypothécaires de l'immeuble saisi, six mois après la consignation du prix d'adjudication par l'acquéreur, si bien qu'à cette date, l'immeuble est sorti du patrimoine du débiteur et la procédure d'exécution est opposable aux organes de la procédure collective ouverte postérieurement à l'égard du débiteur saisi ; qu'en l'espèce, le jugement d'adjudication du 13 octobre 2011 avait été publié le 31 juillet 2012 et le prix d'adjudication avait été consigné par l'acquéreur les 30 novembre 2011 et 3 février 2012 ; que l'effet attributif de la saisie immobilière de l'immeuble de la SCI Printemps au profit de la banque, créancière privilégiée et hypothécaire, s'était produit six mois après la consignation du prix soit le 3 août 2012, donc antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la SCI Printemps prononcé le11 février 2014 ; qu'en déclarant caduque la procédure de distribution du prix de vente des biens immobiliers ayant appartenu à la SCI Printemps pour en déduire qu'il convient d'ordonner la remise à M. H... ès qualités de la totalité du prix d'adjudication versé par l'adjudicataire, la cour d'appel a violé les articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge de l'exécution homologuant le projet de distribution du prix de vente, même devenue irrévocable en l'absence de recours exercé par le mandataire judiciaire, ne fait pas obstacle à l'exercice, par ce dernier, d'une action dont l'objet et la cause sont distincts comme tendant, non à critiquer l'ordonnance d'homologation, mais à voir constater, aux conditions des articles L. 622-21 II et R. 622-19 du code de commerce, la caducité de la procédure de distribution ; qu'il en résulte que la cour d'appel a rejeté à bon droit la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 18 juin 2014 ;

Et attendu, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 622-21 II du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, et de l'article R. 621-19 du même code qu'une procédure de distribution du prix de vente d'un immeuble vendu par adjudication n'ayant pas produit un effet attributif à l'égard des créanciers avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur saisi est caduque ; que l'arrêt retient exactement qu'aux termes mêmes des articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à l'égard du seul débiteur que la consignation du prix d'adjudication par l'acquéreur produit les effets d'un paiement si la distribution du prix n'est pas intervenue dans les six mois, de sorte que les créanciers inscrits ne peuvent se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'un effet attributif de la procédure de distribution a eu lieu à leur profit avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en conséquence, dès lors qu'elle a constaté que le prix de vente n'avait pas été réparti entre les créanciers avant l'ouverture du redressement judiciaire, la cour d'appel a décidé à bon droit que la procédure de distribution était caduque et que les fonds séquestrés devaient être remis au mandataire judiciaire pour être répartis conformément aux règles de la procédure collective ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Article L. 622-21, II, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; article R. 622-19 du code de commerce ; articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Com., 3 avril 2019, n° 18-11.247, (P)

Rejet et cassation partielle

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Revendication – Action en revendication – Délai de forclusion – Sanction – Inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective – Absence de transfert du bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur

La sanction de l'absence de revendication par le propriétaire d'un bien dans le délai prévu par l'article L. 624-9 du code de commerce ne consiste pas à transférer ce bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur mais à rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective, ce qui a pour effet d'affecter le bien au gage commun des créanciers, permettant ainsi, en tant que de besoin, sa réalisation au profit de leur collectivité ou son utilisation en vue du redressement de l'entreprise, afin d'assurer la poursuite de l'activité, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. S'il en résulte une restriction aux conditions d'exercice du droit de propriété de celui qui s'est abstenu de revendiquer son bien, cette atteinte est prévue par la loi et se justifie par un motif d'intérêt général, dès lors que l'encadrement de la revendication a pour but de déterminer rapidement et avec certitude les actifs susceptibles d'être appréhendés par la procédure collective afin qu'il soit statué, dans un délai raisonnable, sur l'issue de celle-ci dans l'intérêt de tous. Ne constitue pas, en conséquence, une charge excessive pour le propriétaire l'obligation de se plier à la discipline collective générale inhérente à toute procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, en faisant connaître sa position quant au sort de son bien, dans les conditions prévues par la loi et en jouissant des garanties procédurales qu'elle lui assure quant à la possibilité d'agir en revendication dans un délai de forclusion de courte durée mais qui ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir.

Redressement judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Absence de revendication dans le délai légal – Sanction – Inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective – Absence de transfert du bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. B..., en sa qualité de liquidateur de la société BMC, que sur le pourvoi incident relevé par la société Philippe travaux publics ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 12 décembre 2012, la société Philippe travaux publics (la société Philippe) a donné à bail une pelle hydraulique à la société BMC, pour une durée de trente-deux mois ; que par un jugement du 25 février 2014 publié au BODACC le 25 mars 2014, un tribunal a mis en redressement judiciaire la société BMC et désigné M. B... mandataire judiciaire ; que le 10 avril 2014, la société BMC a informé son assureur que la pelle hydraulique avait subi un sinistre, à la suite de son immersion dans un étang ; que par un jugement du 7 octobre 2014, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société BMC et a nommé M. B... liquidateur ; que le 21 novembre 2014, la société Philippe a fait procéder à l'enlèvement de la pelle hydraulique dans l'étang et en a repris possession sans avoir exercé au préalable une action en revendication ; qu'ayant vainement mis en demeure la société Philippe de restituer la pelle au commissaire-priseur en vue de son adjudication, le liquidateur l'a assignée aux mêmes fins ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 624-9 du code de commerce ;

Attendu que la sanction de l'absence de revendication par le propriétaire d'un bien dans le délai prévu par l'article L. 624-9 du code de commerce ne consiste pas à transférer ce bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur mais à rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective, ce qui a pour effet d'affecter le bien au gage commun des créanciers, permettant ainsi, en tant que de besoin, sa réalisation au profit de leur collectivité ou son utilisation en vue du redressement de l'entreprise, afin d'assurer la poursuite de l'activité, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; que s'il en résulte une restriction aux conditions d'exercice du droit de propriété de celui qui s'est abstenu de revendiquer son bien, cette atteinte est prévue par la loi et se justifie par un motif d'intérêt général, dès lors que l'encadrement de la revendication a pour but de déterminer rapidement et avec certitude les actifs susceptibles d'être appréhendés par la procédure collective afin qu'il soit statué, dans un délai raisonnable, sur l'issue de celle-ci dans l'intérêt de tous ; que ne constitue pas, en conséquence, une charge excessive pour le propriétaire l'obligation de se plier à la discipline collective générale inhérente à toute procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, en faisant connaître sa position quant au sort de son bien, dans les conditions prévues par la loi et en jouissant des garanties procédurales qu'elle lui assure quant à la possibilité d'agir en revendication dans un délai de forclusion de courte durée mais qui ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir ;

Attendu que pour dire que l'application des dispositions de l'article L. 624-9 du code de commerce au contrat de location litigieux constitue une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété de la société Philippe, écarter l'application de ces dispositions au litige et rejeter la demande de restitution de la pelle hydraulique présentée par le liquidateur, l'arrêt retient qu'au cas d'espèce, l'inopposabilité du droit de propriété aux organes de la procédure collective porte une atteinte au droit de propriété du bailleur puisque celui-ci se retrouve définitivement privé du droit de jouir et de disposer de sa chose par la réalisation des actifs au stade de la liquidation, qu'il est établi qu'en avril 2014, la grue louée s'est retrouvée immergée dans un étang, ce qui a dégradé le moteur, et que le mandataire judiciaire ne justifie d'aucune démarche faite pour extraire le bien loué de l'étang et pour le réparer ; qu'il retient encore que les objectifs de permettre la sauvegarde de l'entreprise et le maintien de l'activité et de l'emploi ne sauraient justifier l'atteinte au droit de propriété du bailleur, que le seul objectif de permettre l'apurement du passif ne saurait constituer une cause d'utilité publique cependant qu'il est constant que le bien litigieux n'a pas été mentionné par le débiteur à l'inventaire prévu aux articles L. 622-6 et R. 622-4 du code commerce ; qu'il retient enfin que l'application des dispositions de l'article L. 624-9 du même code constituant une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété de la société Philippe, celle-ci a pu valablement reprendre possession de son bien et que la demande de restitution formulée par le liquidateur, fondée exclusivement sur ces dispositions, doit être rejetée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société Philippe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'au vu des circonstances particulières de l'espèce l'application des dispositions de l'article L. 624-9 du code de commerce au contrat de location litigieux constitue une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété de la société Philippe travaux publics consacré par l'article 1er, alinéa 1, du protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, écarte l'application de ces dispositions pour le présent litige, rejette la demande de restitution de la pelle hydraulique présentée par le liquidateur, et statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 624-9 du code de commerce.

Com., 3 avril 2019, n° 18-10.645, (P)

Cassation partielle

Sauvegarde – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Arrêt des procédures d'exécution – Domaine d'application – Infraction pénale – Date de naissance de la créance indemnitaire de la partie civile – Détermination

S'il résulte de l'article L. 622-24, alinéa 6, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que lorsqu'une infraction pénale a été commise avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de l'auteur, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées de cette infraction court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, si cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture, la créance de dommages-intérêts d'une partie civile destinée à réparer le préjudice causé par une infraction pénale naît à la date de la réalisation du dommage.

En conséquence, ayant exactement retenu que la créance de dommages-intérêts destinée à réparer le préjudice causé par une infraction d'escroquerie au jugement était née à la date du jugement obtenu au moyen de cette infraction, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la sauvegarde de l'auteur de l'infraction, une cour d'appel en déduit à bon droit que toute mesure d'exécution ou conservatoire concernant cette créance est interdite par l'article L. 622-21, II, du code de commerce.

Méconnaît, en revanche, les exigences de l'article 455 du code de procédure civile la cour d'appel qui omet de répondre à des conclusions invoquant une créance de dommages-intérêts née d'infractions de blanchiment commises à l'occasion de procédures d'exécution du jugement obtenu au moyen de l'escroquerie, mises en oeuvre après le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, et soutenant que le recouvrement de cette créance, postérieure au plan de sauvegarde, était susceptible d'échapper à l'interdiction susvisée.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un arrêt du 23 septembre 2014, la cour d'appel de Rennes a annulé la cession des parts sociales de la société Vert Import consentie le 28 octobre 2009 par MM. L..., G... et F... T... et par Mmes W..., T... et Y... (les consorts T...) à la société FH Holding et a condamné les consorts T... à restituer le prix de cession à cette société ; que le 5 novembre 2014, un tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société FH Holding qui a bénéficié, le 18 mai 2016, d'un plan de sauvegarde ; que les consorts T..., contestant la véracité des attestations produites devant la cour d'appel par la société FH Holding durant l'instance en annulation de la cession des parts sociales, ont déposé plainte le 20 mars 2015 et le 21 décembre 2015 puis se sont constitués parties civiles devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Rennes par une lettre enregistrée le 30 août 2016 pour des faits susceptibles d'être qualifiés d'attestation mensongère et usage, faux et usage de faux, subornation de témoins, escroquerie au jugement et complicité, vol, suppression frauduleuse de données informatiques, destruction de preuves, et blanchiment et tentative de blanchiment ; que par une requête du 13 septembre 2016, les consorts T..., se prétendant créanciers de dommages-intérêts à l'égard de la société FH Holding en réparation des préjudices causés par les infractions pénales, ont saisi le président du tribunal de commerce de Saint-Malo d'une demande d'autorisation de saisie conservatoire entre leurs propres mains à concurrence des sommes devant être restituées à la société FH Holding par chacun d'entre eux ; qu'une ordonnance autorisant cette mesure est intervenue le 22 septembre 2016 ; que les 19 et 20 octobre 2016, la société FH Holding a assigné les consorts T... en rétractation de cette ordonnance ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu que les consorts T... font grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire alors, selon le moyen :

1°/ que la créance de dommages et intérêts ne résulte pas du fait générateur, mais de la survenance du dommage ; qu'elle ne naît donc qu'à la date à laquelle le préjudice est réalisé ; que le préjudice causé par une infraction pénale n'est définitivement réalisé qu'au jour de sa constatation par la juridiction répressive ; que dès lors, en jugeant que la créance litigieuse, résultant d'une escroquerie au jugement, était née au jour de ce jugement, alors que la décision statuant sur l'escroquerie n'était pas encore rendue, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 du code de commerce, 2 du code de procédure pénale et 1240 du code civil ;

2°/ que les juges doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen tiré de ce que l'homologation du plan de sauvegarde et le fait que la société FH Holding soit de nouveau in bonis ne permettait pas à ses créanciers de reprendre les poursuites, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que les créanciers d'une société qui a fait l'objet d'un plan de sauvegarde peuvent exercer des poursuites pour les créances nées après le jugement homologuant ce plan ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 622- 21 du code de commerce ;

Mais attendu que s'il résulte de l'article L. 622-24, alinéa 6, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que lorsqu'une infraction pénale a été commise avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de l'auteur, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées de cette infraction court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, si cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture, la créance de dommages-intérêts d'une partie civile destinée à réparer le préjudice causé par une infraction pénale naît à la date de la réalisation du dommage ; que l'arrêt retient exactement que la créance de dommages-intérêts des consorts T... destinée à réparer le préjudice causé par l'infraction d'escroquerie au jugement du 23 septembre 2014 était née à cette date, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la sauvegarde de la société FH Holding du 5 novembre 2014, et en déduit à bon droit, sans encourir le grief de la deuxième branche dès lors que le moyen était dans le débat, que toute mesure d'exécution ou conservatoire de la part des créanciers contre la société FH Holding concernant cette créance était interdite par l'article L. 622-21 du code de commerce, l'adoption du plan de sauvegarde n'ayant pas pour effet de mettre fin à cette prohibition ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche s'agissant de la créance de dommages-intérêts née de l'infraction d'escroquerie au jugement, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, l'arrêt retient que la créance indemnitaire invoquée par les consorts T... a une origine délictuelle, à savoir les faits d'escroquerie au jugement ayant permis selon eux à la société FH Holding d'obtenir leur condamnation à restituer le prix de cession des parts sociales, et que l'origine de cette créance remonte à la date de commission des infractions à l'origine de l'obligation de restituer, soit avant l'ouverture de la procédure collective de la société FH Holding ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts T... qui invoquaient aussi une créance de dommages-intérêts née d'infractions de blanchiment commises par la société FH Holding, à l'occasion de procédures d'exécution de l'arrêt du 23 septembre 2014 mises en oeuvre depuis le 27 novembre 2014, y compris après le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, et qui soutenaient que le recouvrement de cette créance, postérieure au plan de sauvegarde, était susceptible d'échapper à l'interdiction de toute mesure d'exécution ou conservatoire prévue par l'article L. 622-21, II du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire de créance ordonnée par le président du tribunal de commerce de Saint-Malo le 22 septembre 2016, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 622-24, alinéa 6, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; article L. 622-21, II, du code de commerce ; article 455 du code de procédure civile.

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