Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

EMPLOI

Soc., 17 avril 2019, n° 18-15.321, (P)

Rejet

Travailleurs étrangers – Emploi illicite – Changement de prestataire de services – Effets – Poursuite du contrat de travail par l'entreprise entrante en vertu de dispositions conventionnelles – Exclusion – Portée

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail qu'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'est pas assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations pesant sur l'employeur entrant en cas de transfert du contrat de travail.

Les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail font obstacle à ce que l'entreprise entrante soit tenue, en vertu de dispositions conventionnelles applicables en cas de changement de prestataire de services, à la poursuite du contrat de travail d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.

Dès lors la cour d'appel, qui a constaté qu'à la date du changement de prestataire de services le salarié ne détenait pas un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée en France, a exactement décidé que l'entreprise entrante n'était pas tenue de poursuivre le contrat de travail de l'intéressé en application des dispositions de l'avenant n°3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.

Travailleurs étrangers – Emploi illicite – Droits du salarié – Assimilation à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur définies par le code du travail – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Reprise du contrat de travail par l'entreprise entrante en cas de transfert d'entreprise – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 novembre 2017), que M. R..., ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne, a été engagé en qualité d'employé polyvalent de restauration à compter du 26 mars 2010 par la société Api restauration sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ; qu'il a été affecté sur le site de la caisse régionale d'assurance-maladie de Bordeaux dont la société Api restauration a perdu le marché et qui a été repris par la société Compass Group France à compter du 1er janvier 2012 ; qu'à la suite du refus de cette dernière de le reprendre à son service, M. R... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Compass Group France ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son contrat de travail n'a pas été transféré auprès de la société Compass Group France et de le débouter en conséquence de toutes ses demandes dirigées contre cette société alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 3 de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 garantit le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise ; qu'aux termes de l'article 2 d) de ladite directive, le travailleur est défini comme toute personne qui est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale sur l'emploi ; qu'il en résulte que la circonstance que les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, en vertu desquelles le salarié étranger employé irrégulièrement est assimilé à un salarié régulièrement engagé, ne prévoient pas expressément qu'il l'est au regard des obligations de l'employeur définies en matière de transfert de contrat de travail, ne fait pas obstacle à la protection du travailleur dont le contrat, même irrégulier, a été transféré ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 8252-1 du code du travail interprété à la lumière des dispositions de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

2°/ qu'en vertu de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités, une entreprise entrant dans le champ d'application de l'avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application dudit avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné ; que l'obligation incombant au nouveau prestataire n'est subordonnée à aucune autre condition, restriction ou exclusion ; que la cour d'appel, tout en constatant que l'exposant était lié à un contrat de travail avec la société Api Restauration, a dit que son contrat de travail n'avait pas été transféré à la société Compass Group ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand l'exposant était lié à la société Api Restauration par un contrat de travail en cours à la date du changement de prestataire, qu'il n'était pas contesté, d'une part, que les deux entreprises entraient dans le champ d'application dudit avenant et, d'autre part, que le salarié, employé pour l'exécution exclusive du marché, appartenait aux catégories de personnel concernées par l'application de l'article 3 a) dudit avenant, ce dont il résultait que la société Compass Group était tenue de poursuivre le contrat du salarié qui était en cours à la date du changement de prestataire, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'avenant n°3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités, les articles L. 8251-1, L. 8252-1 et L. 8252-2 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail qu'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'est pas assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard des règles régissant le transfert du contrat de travail ;

Attendu, ensuite, que les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code font obstacle à ce que le nouveau titulaire d'un marché soit tenu, en vertu de dispositions conventionnelles applicables en cas de changement de prestataire de services, à la poursuite du contrat de travail d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ;

Et attendu qu'ayant constaté que le salarié ne détenait pas un titre de séjour l'autorisant à travailler à la date du changement de prestataire de services, la cour d'appel a exactement décidé que l'entreprise entrante n'était pas tenue de poursuivre le contrat de travail de l'intéressé en application des dispositions de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen, ci-après annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles L. 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail.

Soc., 3 avril 2019, n° 17-17.106, (P)

Rejet

Travailleurs étrangers – Emploi illicite – Licenciement du salarié – Effets – Indemnisation – Indemnité forfaitaire – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Rupture du contrat de travail d'un salarié étranger à l'issue d'une période d'emploi licite – Portée

Doit être approuvé le juge des référés qui, ayant constaté que, dès que le salarié, ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne, avait informé son employeur de ce qu'il ne bénéficiait plus d'une autorisation de travail, celui-ci avait diligenté une procédure de licenciement, ce dont il résultait que l'article L. 8252-2, 2°, du code du travail n'était pas applicable, en a déduit, en l'absence d'un trouble manifestement illicite, l'existence d'une contestation sérieuse.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée statuant en référé, (conseil de prud'hommes de Nanterre, 17 février 2016), qu'engagée depuis le 1er août 2012 par la société Nouvostar en qualité d'assistante de responsable d'achat, Mme Z..., ressortissante d'un Etat tiers à l'Union européenne, a informé son employeur le 23 octobre 2015 que par décision administrative du 21 octobre précédent, elle n'était plus autorisée à travailler ; qu'elle a été licenciée par lettre du 6 novembre 2015 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes en référé aux fins d'obtenir le paiement de l'indemnité de préavis et les congés payés afférents et la délivrance de bulletins de salaire ;

Attendu que la salariée fait grief à l'ordonnance de dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés ainsi que des documents de fin de contrat corrigés, alors, selon le moyen, que l'article L. 1234-5 du code du travail dispose que « lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraine aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. » ; que l'article R. 1455-5 du code du travail dispose que « dans tous les cas d'urgence, la formation peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. » ; qu'en considérant que les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés faisaient l'objet d'une contestation sérieuse, et en se déclarant incompétente pour trancher le litige, la juridiction des référés a violé les articles L. 1234-5 et R. 1455-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, dès que la salariée avait informé son employeur de ce qu'elle ne bénéficiait plus d'une autorisation de travail, celui-ci avait diligenté une procédure de licenciement, ce dont il résultait que l'article L. 8252-2, 2° du code du travail n'était pas applicable, le conseil de prud'hommes a pu en déduire, en l'absence d'un trouble manifestement illicite, l'existence d'une contestation sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Article R. 1455-5 du code du travail.

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