Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 17 avril 2019, n° 17-26.724, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Défaut – Sanction – Détermination – Portée

Lorsque le tribunal d'instance, saisi du non-respect éventuel par les listes de candidats des prescriptions légales relatives à la parité entre les hommes et les femmes, statue, après qu'il a été procédé aux élections, seules les sanctions prévues à l'article L. 2324-23 du code du travail sont applicables.

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Nombre de candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Respect – Nécessité – Portée

Lorsque deux postes sont à pourvoir, l'organisation syndicale est tenue de présenter une liste conforme à l'article L. 2324-22-1 du code du travail, alors applicable, interprété conformément à la décision n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire comportant nécessairement deux candidats de sexe différent dont l'un au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré. Lorsque plus de deux postes sont à pourvoir, une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la liste respecte les prescriptions de l'article L. 2324-22-1 du code du travail à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré.

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Défaut – Annulation de l'élection des derniers élus du sexe représenté – Modalités – Portée

Il résulte des articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail, alors applicables, que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats du nombre de femmes et d'hommes correspondant à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association BTP CFA Rhône Alpes a organisé les 8 et 23 juin 2017 les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel ; qu'estimant que les listes déposées par le syndicat FO et le syndicat Autonome n'assuraient pas une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes, le syndicat CFDT et les candidats CFDT ont saisi le tribunal d'instance, le 7 juin 2017, puis le 19 juin 2017, en annulation de ces listes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les syndicat et candidats CFDT font grief au jugement de déclarer irrecevables et en tout état de cause infondées les demandes en annulation des listes de candidats déposées par le syndicat Autonome et par le syndicat FO dans le 2e collège techniciens agents de maîtrise concernant les membres titulaires du comité d'entreprise, de dire que l'irrégularité desdites listes n'affecte pas la validité des candidatures de Mme W... ni de M. T..., de rejeter, en conséquence, les demandes d'annulation de leur élection en qualité de membres titulaires du comité d'entreprise, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit respecter le principe du contradictoire et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que le tribunal a déclaré irrecevables et en tout état de cause infondées les demandes en annulation des listes de candidats déposées par les syndicats FO et Autonomes aux motifs que cette annulation n'était pas prévue légalement ; qu'en soulevant une telle irrecevabilité et de tels moyens d'office, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que les sanctions prévues par les alinéas 2 et 3 de l'article L. 2324-23 du code du travail ne font pas obstacle à une contestation formée avant les élections et tendant à voir annuler des listes contrevenant aux dispositions d'ordre public et aux principes généraux du droit électoral concernant la représentation équilibrée femmes/hommes ; que le tribunal a considéré que seules les sanctions prévues par les alinéas 2 et 3 de l'article L. 2324-23 étaient prévues et qu'il était impossible de solliciter l'annulation des listes irrégulières ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail ;

3°/ que la présentation d'une liste irrégulière, contrevenant aux dispositions d'ordre public de la loi ou à un principe général du droit électoral, entraîne nécessairement l'annulation de ladite liste, sans que cette sanction soit subordonnée à la démonstration d'une influence de l'irrégularité sur l'élection ; que le tribunal a constaté que les listes en cause n'étaient pas conformes aux dispositions légales d'ordre public et au principe général du droit électoral concernant la représentation équilibrée femmes/hommes, mais a retenu qu'il ne pourrait déclarer une telle liste irrégulière que dans l'hypothèse où l'irrégularité invoquée a une incidence sur le scrutin, ce qui, au cas d'espèce, n'est nullement démontré ; qu'en statuant comme il l'a fait, quand la présentation d'une liste irrégulière, contrevenant aux dispositions d'ordre public de la loi ou à un principe général du droit électoral, doit nécessairement entraîner l'annulation de la liste, sans que cette sanction soit subordonnée à la démonstration d'une influence de l'irrégularité sur l'élection, le tribunal a violé les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail ;

4°/ que l'annulation de la liste de candidats entraîne nécessairement l'annulation de l'élection des salariés inscrits sur ladite liste et élus à l'issue de l'élection ; que dès lors, en rejetant la demande d'annulation de l'élection de Mme W... et de M. T... après avoir constaté que les listes de candidats sur lesquels ils figuraient n'étaient pas conformes aux dispositions légales d'ordre public et au principe général du droit électoral concernant la représentation équilibrée femmes/hommes, le tribunal a violé les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que le juge s'est borné à appliquer l'article L. 2324-23 du code du travail, modifié par l'article 7 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, qui était dans le débat ;

Attendu ensuite qu'ayant statué, après qu'il a été procédé aux élections, sur le non-respect éventuel par les listes de candidats des prescriptions légales relatives à la parité entre les hommes et les femmes, le tribunal en a déduit à bon droit que seules les sanctions prévues à l'article L. 2324-23 du code du travail étaient applicables ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que les syndicat et candidats CFDT reprochent au jugement de dire que l'irrégularité des listes de candidats déposées par le syndicat Autonome et par le syndicat FO dans le 2e collège techniciens agents de maîtrise concernant les membres titulaires du comité d'entreprise n'affecte pas la validité des candidatures de Mme W... ni de M. T... et de rejeter, en conséquence, les demandes d'annulation de leur élection en qualité de membres titulaires du comité d'entreprise, alors, selon le moyen, que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2324-22-1 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter ; que le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ; que le tribunal a constaté que les candidats de sexe masculin étaient surreprésentés sur la liste présentée par le syndicat Autonome, laquelle aurait dû comporter deux hommes et trois femmes et non pas trois hommes et une femme ; qu'en rejetant néanmoins la demande d'annulation de l'élection de M. T..., seul élu sur la liste, quand l'irrégularité de la liste devait entraîner l'annulation de son élection, le tribunal a violé les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail ;

Mais attendu que, lorsque deux postes sont à pourvoir, l'organisation syndicale est tenue de présenter une liste conforme à l'article L. 2324-22-1 du code du travail, alors applicable, interprété conformément à la décision n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire comportant nécessairement deux candidats de sexe différent dont l'un au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré ; que, lorsque plus de deux postes sont à pourvoir, une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la liste respecte les prescriptions de l'article L. 2324-22-1 du code du travail à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré ;

Et attendu qu'il résulte des constatations du jugement que le syndicat Autonome n'avait présenté que quatre candidats et que, compte tenu de la part respective des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré, la liste déposée par ce syndicat et qui comportait trois hommes et une femme était régulière ; que, par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve justifié ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail, alors applicables ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats du nombre de femmes et d'hommes correspondant à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ;

Attendu que pour dire que l'irrégularité de la liste FO n'affecte pas la validité de la candidature de Mme W..., le tribunal d'instance retient qu'il ressort de la liste FO que la proportion homme/femme n'est pas respectée et que les candidates sont surreprésentées, que le principe de parité jusqu'à épuisement des candidats devait conduire à ce que le syndicat FO ne désigne pas une femme en cinquième position, que l'irrégularité de la liste n'affecte pas la validité de la candidature de Mme W..., en première position sur la liste ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté qu'une femme était en surnombre sur la liste FO, ce qui aurait dû le conduire à annuler l'élection de Mme W..., seule élue du sexe surreprésenté, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'irrégularité des listes n'affecte pas la validité de la candidature de Mme W... et rejette en conséquence la demande d'annulation de l'élection de celle-ci, le jugement rendu le 6 octobre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE l'élection de Mme W... en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise de l'association BTP CFA Rhône Alpes.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; Me Bertrand ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2324-23 du code du travail ; article L. 2324-22-1 alors applicable, interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 ; articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail alors applicables.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de la règle imposant d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 17 avril 2019, pourvoi n° 18-60.173, Bull. 2019, V, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, (P)

Rejet

Comité social et économique – Demande d'annulation des élections – Possibilité – Cas – Saisine de l'autorité administrative d'une demande de détermination des établissements distincts – Elections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral – Demande d'annulation des élections de la part des organisations syndicales ayant saisi l'autorité administrative – Délai – Point de départ – Décision de l'autorité administrative procédant à la détermination du nombre et du pérmètre des établissements distincts – Portée

Les élections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l'objet d'une demande d'annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi l'autorité administrative d'une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l'article R. 2314-24 du code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.

Faits et procédure

1- Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 7 septembre 2018), la société Omnitrans (la société) a invité les organisations syndicales, le 2 janvier 2018, à la négociation du protocole d'accord préélectoral pour l'élection de la délégation du personnel au comité social et économique (le CSE).

Les organisations syndicales CGT-transports, CFDT route et FNCR ont réclamé, par courrier du 22 janvier suivant, l'engagement préalable d'une négociation sur le périmètre de mise en place des CSE.

En l'absence d'accord préélectoral, l'employeur a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) afin qu'il décide de la répartition des électeurs et des sièges au sein des collèges électoraux dans le cadre d'un CSE unique.

Le direccte a rendu sa décision de répartition le 30 mars 2018, et les élections ont été organisées sur cette base les 27 avril 2018 et 18 mai 2018.

2- Entre temps les organisations syndicales avaient saisi l'autorité administrative, le 7 avril 2018, d'une contestation de la décision unilatérale de l'employeur de mettre en place un CSE unique, demandant à ce que soit reconnue l'existence de six établissements distincts au sein de l'entreprise.

Par décision du 29 mai 2018, le direccte a dit qu'en l'absence de négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts composant la société, la demande des organisations syndicales devait être rejetée mais que l'employeur devait ouvrir des négociations conformément aux dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail.

L'employeur a contesté cette décision devant le tribunal d'instance.

Examen du moyen

3- L'employeur fait grief au jugement, après avoir déclaré le recours de la société contre la décision prise le 29 mai 2018 par le direccte recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, de rejeter la demande principale de la société tendant à voir annuler la décision du direccte en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et de dire que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et de dire qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;

2°/ qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

3°/ que lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail ;

Réponse au moyen

4- L'article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu'un accord d'entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE.

Selon l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.

5- En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté qu'aucune négociation n'avait été engagée par l'employeur, qui avait décidé seul de l'existence d'un établissement unique au sein de l'entreprise. Il a également relevé que cette décision de l'employeur n'avait pas été notifiée en tant que telle aux organisations syndicales, celles-ci ayant seulement été destinataires d'une information sur les conditions de déroulement des opérations électorales.

6- S'agissant de la notification de la décision prise par l'employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il s'agit d'une information, spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant l'autorité administrative conformément à l'article R. 2313-1 du code du travail.

En l'absence d'information préalable régulière, le délai de contestation n'a pu courir. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance a dit la saisine du direccte recevable.

7- Ayant constaté l'absence de toute tentative de négociation, le tribunal d'instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l'employeur devait être annulée, sans que le direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'auraient pas été préalablement engagées, et qu'il a fait injonction à l'employeur d'ouvrir ces négociations.

8- Le fait que les élections professionnelles, sur la base du périmètre du CSE unique décidé par l'employeur, aient eu lieu les 27 avril et 18 mai 2018 sans être contestées ne saurait avoir les conséquences proposées par la première branche du moyen. Certes, la Cour décide que le jugement du tribunal d'instance statuant sur une contestation préélectorale perd son fondement juridique lorsque les élections professionnelles ont eu lieu et n'ont pas été contestées, étant alors purgées de tout vice (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100).

Mais il convient de relever, d'une part, que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts ne relève pas du contentieux préélectoral en ce que le processus peut être mis en oeuvre et contesté en dehors de l'organisation d'une élection considérée.

En effet, l'article L. 2313-2 du code du travail dispose désormais que le nombre et le périmètre des établissements distincts est déterminé par un accord collectif conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 du même code, c'est-à-dire selon les conditions de conclusion d'un accord collectif de droit commun. Il convient de relever, d'autre part, que l'article L. 2313-5 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat et que, lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.

9- Il en résulte que les élections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l'objet d'une demande d'annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi le dirrecte d'une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l'article R. 2314-24 du code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.

10. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance, qui a constaté que les organisations syndicales avaient saisi le 7 avril 2018 le direccte d'une demande de fixation des établissements distincts, a dit que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre de ces établissements afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales.

11. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2313-4, L. 2313-5 et R. 2313-1 du code du travail ; articles L. 2313-2 et L. 2313-4 du code du travail ; articles L. 2313-5 et R. 2314-24 du code du travail.

Soc., 17 avril 2019, n° 18-60.173, (P)

Rejet

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Portée

La constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail entraîne l'annulation de l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ; pour l'application de cette règle, le juge tient compte de l'ordre des élus tel qu'il résulte le cas échéant de l'application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Liste de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Défaut – Annulation de l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté – Modalités – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance d'Avignon, 12 septembre 2018), que dans le cadre des élections des membres du comité social et économique de la société Omnitrans, l'employeur a indiqué que le collège n° 1 comportait 92 % de salariés hommes, et 8 % de salariés femmes ; que le syndicat UD CGT 63 a déposé une liste composée de sept candidats hommes ; que la liste a obtenu deux élus, M. C... étant élu en première position, tandis que M. S..., qui figurait en première position sur la liste de candidatures, était élu en seconde position après prise en compte des ratures ; que l'employeur a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de l'élection de M. S... au titre du non-respect des règles sur la représentation des hommes et des femmes ;

Attendu que le syndicat UD CGT 63 fait grief au jugement de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen, que M. S... figurant en première position sur la liste de candidatures, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2314-32 du code du travail ;

Mais attendu que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail entraîne l'annulation de l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ; que pour l'application de cette règle, le juge tient compte de l'ordre des élus tel qu'il résulte le cas échéant de l'application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés ;

Et attendu que le tribunal d'instance, qui a constaté que M. S... était second et dernier élu sur la liste UD-CGT 63 dans l'ordre d'élection après dépouillement du scrutin, a exactement décidé que l'élection de ce dernier devait être annulée en raison du non-respect des règles sur la représentation des hommes et des femmes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Article L. 2314-30 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de la règle imposant d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-60.263, Bull. 2018, V, n° 104 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.

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