Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 11 avril 2019, n° 18-16.121, (P)

Rejet

Cession – Clause de solidarité du cédant avec le cessionnaire – Durée – Limitation – Loi du 18 juin 2014 – Application dans le temps

L'article L. 145-16-2 du code de commerce n'est pas d'application immédiate aux contrats en cours dès lors que, d'une part, s'il revêt un caractère d'ordre public, il ne répond pas à un motif impérieux d'intérêt général justifiant son application immédiate, d'autre part, la garantie solidaire dont ce texte limite la durée à trois ans, ne constitue pas un effet légal du contrat mais demeure régie par la volonté des parties.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 février 2018), que la société Manoir Aérospace, locataire commercial de différents sites industriels, a fait apport partiel de différentes branches de son activité exercée sur ces sites aux sociétés Manoir Custines, Manoir Saint Brieuc, Manoir Bouzonville et Manoir Pitres constituées à cet effet ; que, le 28 décembre 2012, la société Kalkalit Blade, propriétaire bailleur des sites, a assigné Mme I..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Manoir Custines, et les autres sociétés bénéficiaires des apports, ainsi que la société Manoir Aérospace, les premières en paiement des loyers et charges dus et la dernière en garantie solidaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lisi Aerospace Forged Integrated Solutions, venant aux droits de la société Manoir Aerospace, fait grief à l'arrêt de dire qu'elle reste garant, solidairement avec les sociétés bénéficiaires des apports, du paiement des loyers et charges au titre des baux commerciaux jusqu'à leur date d'expiration, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit respecter la loi des parties ; que la cour d'appel a elle-même relevé que les baux commerciaux avaient été transférés par la société Manoir Aerospace aux sociétés Manoir Custines, Manoir Saint-Brieuc, Manoir Bouzonville et Manoir Pitres par le biais d'un apport partiel d'actif et non par le biais d'une cession ; qu'en jugeant pourtant que la garantie consentie par la société Manoir Aerospace, qui ne devait jouer qu'en cas de cession de son fonds de commerce ou de tout ou partie de son entreprise, devait être appliquée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que toute partie peut renoncer à un droit dont elle a la libre disposition ; que la cour d'appel a jugé que les stipulations des traités d'apport partiel d'actif excluant toute garantie par la société Manoir Aerospace des entités nouvellement créées n'étaient pas opposables à la société Kalkalit, en raison de l'effet relatif des contrats ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Kalkalit n'avait pas, non seulement en ne s'opposant pas à la réalisation des contrats d'apport partiel d'actif qui avaient été publiés et qui lui avaient été notifiés, mais encore en participant de manière active à la réalisation de l'opération par le biais de la conclusion d'avenants aux baux commerciaux d'origine ayant pour objet d'entériner la nouvelle configuration juridique régissant dorénavant les relations contractuelles entre les parties, renoncé à la garantie solidaire stipulée dans les actes antérieurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 7.1 des baux commerciaux se bornait à prévoir que le preneur resterait garant solidairement avec son cessionnaire du paiement des loyers et des charges « dans l'hypothèse où le cessionnaire n'a pas une surface financière suffisante » et à préciser les critères relatifs à la notion de « surface financière suffisante » ; qu'en jugeant qu'il résultait d'une telle clause qu'elle faisait peser sur le cédant la charge de prouver que le cessionnaire disposait d'une surface financière suffisante, la cour d'appel a dénaturé ces baux commerciaux, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ qu'il appartient à celui qui réclame le bénéfice d'une garantie contractuelle de prouver que sont réunies les conditions de mise en oeuvre de cette garantie ; que l'article 7.1 des baux commerciaux stipulant que le preneur ne resterait garant solidairement avec son cessionnaire du paiement des loyers et des charges que « dans l'hypothèse où le cessionnaire n'a pas une surface financière suffisante, il appartenait au bailleur, qui réclamait le bénéfice de cette garantie, de prouver que le cessionnaire n'avait pas eu une surface financière suffisante ; qu'en jugeant au contraire qu'il appartenait au cédant de démontrer que le cessionnaire disposait d'une surface financière suffisante, et en lui reprochant de ne pas rapporter une telle preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la clause 7.1, alinéa 1, des baux conclus entre la société Kalkalit Blade et la société Manoir Aerospace pour chacun des sites industriels stipulait que le preneur pourrait librement céder son droit au bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de tout ou partie de son entreprise et que la société Manoir Aérospace avait, par traités d'apport partiel d'actifs placé sous le régime des scissions, cédé les droits au bail aux sociétés Manoir Custines, Manoir Saint-Brieuc, Manoir Bouzonville et Manoir Pitres, devenues titulaires de plein droit des baux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur la renonciation du bailleur, a pu en déduire que la clause s'appliquait dans le cas de cessions du droit au bail par voie d'apport partiel d'actifs ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la clause 7.1, alinéa 2, stipulait qu'en cas de cession, le preneur resterait garant solidairement avec son cessionnaire du paiement des loyers et des charges jusqu'à l'expiration de la durée restant à courir du bail à compter de la date de cession mais seulement dans l'hypothèse où le cessionnaire n'aurait pas une surface financière suffisante, la cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation ni inversion de la charge de la preuve, que la société cédante ne démontrait pas que la société cessionnaire disposait d'une surface financière suffisante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lisi Aerospace Forged Integrated Solutions, venant aux droits de la société Manoir Aerospace, fait grief à l'arrêt de déclarer inapplicable la limitation de garantie prévue par l'article L. 145-16-2 du code de commerce, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 145-16-2 du code de commerce, prévoyant que lorsque la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail, est un texte d'ordre public qui s'applique aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant au contraire que ce texte n'est pas une disposition impérative applicable aux baux commerciaux conclus avant son entrée en vigueur, la cour d'appel l'a violé, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ que la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que l'article L. 145-16-2 du code de commerce, qui limite dans le temps la garantie donnée par le cédant au bailleur, encadre une situation juridique relevant du statut légal des baux commerciaux, qui a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi et qui n'est pas définitivement réalisée, de sorte que le texte doit immédiatement être appliqué aux baux commerciaux conclus avant son entrée en vigueur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-16-2 du code de commerce, ensemble l'article 2 du code civil ;

3°/ que la loi qui réduit la durée d'un délai de prescription ou de forclusion est immédiatement applicable ; que l'article L. 145-16-2 du code de commerce, prévoyant que lorsque la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci « ne peut l'invoquer » que durant trois ans à compter de la cession dudit bail, instaure un délai de forclusion ou de prescription, plus court que le délai de droit commun antérieur ; qu'en jugeant le contraire pour refuser de faire application du texte, la cour d'appel a violé l'article L. 145-16-2 du code de commerce, ensemble l'article 2222 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, d'une part, que l'article L. 145-16-2 du code de commerce, qui revêt un caractère d'ordre public, ne répond pas à un motif impérieux d'intérêt général justifiant son application immédiate, d'autre part, que la garantie solidaire, dont ce texte limite la durée à trois ans, ne constitue pas un effet légal du contrat mais demeure régie par la volonté des parties, la cour d'appel en a exactement déduit que ce texte n'était pas immédiatement applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 145-16-2 du code de commerce.

3e Civ., 11 avril 2019, n° 18-16.061, (P)

Cassation partielle

Compétence – Compétence matérielle – Tribunal de grande instance – Action relative à l'exécution d'un accord transactionnel organisant la résiliation anticipée du bail – Compétence exclusive (non)

Ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de grande instance prévue par l'article R211-4, 11° du code de l'organisation judiciaire, l'action relative à l'exécution d'un accord transactionnel organisant la résiliation anticipée d'un bail commercial.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 9 janvier 2018), que, le 7 novembre 2013, la SCI Château Elisabete (la SCI), bailleur, et la société Setap Color's (la société), preneur, ont, par actes séparés, conclu un avenant mettant fin au bail commercial qui les liait et un accord transactionnel prévoyant le règlement d'une indemnité par le preneur ; que, celui-ci ayant déduit, de l'indemnité due au titre de l'accord transactionnel, le montant du dépôt de garantie versé lors de la conclusion du bail, la SCI l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors, selon le moyen, que le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux lorsque le litige a trait à l'application du statut des baux commerciaux ; que lorsque le contrat principal est un bail commercial et qu'une transaction est conclue relativement a ce bail, cette dernière forme un tout indivisible avec le contrat de bail, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce ainsi que le faisait valoir la société Setap Color's, le protocole transactionnel et l'avenant n° 2 en date du 7 novembre 2013, ayant trait a la résiliation du bail commercial de 2004, formaient un tout indivisible avec le contrat principal et étaient donc soumis aux règles de compétence juridictionnelle applicables au contrat principal et relevaient ainsi de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a viole l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que, l'action de la SCI devant le tribunal de commerce ne portant pas sur l'application du statut des baux commerciaux, le litige n'entrait pas dans les prévisions de l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 2048 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les transactions se renferment dans leur objet, que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ;

Attendu que, pour accueillir la demande en paiement de la SCI, l'arrêt retient que le sort du dépôt de garantie n'étant pas expressément spécifié dans la transaction, il n'en est pas exclu et reste acquis au bailleur, l'indemnité au versement de laquelle la société a irrévocablement consenti devant s'entendre sans déduction de la moindre somme en raison de l'exécution du bail ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la transaction litigieuse ne contenait aucune mention relative au dépôt de garantie, ce dont il résultait qu'elle n'en réglait pas le sort après libération des lieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition condamnant la société Setap Color's à payer la somme de 21 392,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015, l'arrêt rendu le 9 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article R. 211-4, 11°, du code de l'organisation judiciaire ; article 2048 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de la transaction, à rapprocher : Soc., 6 mai 1998, pourvoi n° 96-40.234, Bull. 1998, V, n° 228 (rejet) ; Soc., 2 décembre 2009, pourvoi n° 08-41.665, Bull. 2009, V, n° 274 (rejet), et les arrêts cités.

3e Civ., 11 avril 2019, n° 18-14.252, (P)

Rejet

Prix – Fixation du loyer du bail renouvelé – Plafonnement – Calcul – Modalités – Détermination – Révision judiciaire du loyer au cours du bail – Absence d'influence

Le loyer plafonné lors du renouvellement du bail se calcule en appliquant la variation indiciaire sur le loyer fixé par les parties lors de la prise d'effet du bail expiré, nonobstant la fixation judiciaire du loyer révisé au cours de ce bail.

Prix – Fixation du loyer du bail renouvelé – Plafonnement – Exceptions – Modification notable des obligations respectives des parties – Applications diverses – Exclusion – Cas – Révision judiciaire du loyer à la valeur locative au cours du bail expiré

La fixation judiciaire à la valeur locative du loyer révisé au cours du bail expiré, qui est intervenue en application des dispositions légales, dans des conditions étrangères au bail, ne constitue pas une modification notable des obligations respectives des parties justifiant le déplafonnement du loyer.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 janvier 2018), que, le 27 février 2012, la société immobilière Lacroix, propriétaire d'un immeuble donné à bail commercial à la société Sedev, a sollicité la révision triennale du loyer, puis, le 23 avril 2013, a assigné la société locataire en révision du loyer ; que, le 22 juin 2012, celle-ci a notifié une demande de renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2012, puis, le 25 avril 2015, a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation d'un loyer plafonné ; qu'à titre reconventionnel, la société bailleresse a sollicité le déplafonnement du loyer du bail renouvelé ;

Attendu que la société immobilière Lacroix fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le loyer a fait l'objet d'une révision triennale, la variation indiciaire prévue par l'article L. 145-34 du code de commerce pour la fixation du prix du bail renouvelé doit être appliquée, non au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail à renouveler, mais au montant du loyer révisé ; qu'en retenant néanmoins que l'article L. 145-34 du code de commerce fait référence à la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré sans que puisse être prise en compte une révision légale du loyer au cours du bail à renouveler, ce qui conduit à prendre en compte un loyer qui n'est plus appliqué et à faire échec à la règle d'ordre public de la révision triennale du loyer, la cour d'appel a violé l'article L. 145-34 du code de commerce ;

2°/ que la société immobilière Lacroix faisait valoir, dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 20 septembre 2017, que si l'atteinte aux droits fondamentaux du bailleur, et en particulier à son droit de propriété, protégé par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et qui implique que le propriétaire soit libre de louer son bien au tarif qu'il souhaite, est abstraitement justifiée par un intérêt légitime et proportionnée au but de protection du locataire poursuivi, l'application in casu de l'article L. 145-34 du code de commerce, en ce qu'elle revient à diviser par plus de trois le loyer fixé par rapport à celui qu'il aurait dû percevoir compte tenu de la valeur locative du bien, créaient en revanche un déséquilibre flagrant entre les intérêts en présence, rendant ainsi l'atteinte au droit de propriété du bailleur illégitime ; qu'en se prononçant uniquement sur le point de savoir si l'article L. 145-34 poursuivait un but légitime et si les restrictions imposées étaient proportionnelles à ce but recherché, soulignant le caractère supplétif de l'article L. 145-34 du code de commerce, la possibilité pour le bailleur de refuser le renouvellement du bail et en évoquant la carence prétendue de la société immobilière Lacroix à l'occasion du renouvellement précédent, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen déterminant de la société Immobilière Lacroix relatif à la rupture de l'équilibre des droits et à l'atteinte disproportionnée à son droit de propriété qu'elle a subie en se voyant imposer le paiement d'un loyer inférieur à celui révisé et perçu au titre du bail renouvelé, et ne correspondant pas à la valeur locative fixée par le juge des loyers, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il y a modification notable des obligations respectives des parties et des éléments de la valeur locative chaque fois qu'est constatée une impossibilité technique d'appliquer les règles du plafonnement, que celle-ci procède d'une modification conventionnelle du montant du loyer ou d'une demande de révision judiciairement prononcée par le juge sur le fondement de l'article L. 145-39 du code de commerce ; qu'en retenant que la révision triennale du loyer fixée par le tribunal de grande instance de Douai à la valeur locative de 113 299 euros hors taxes hors charges par an à compter du 27 février 2012, jusqu'au terme du bail, n'avait pu constituer une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer, motif pris qu'elle était intervenue aux termes des dispositions légales et non dans un cadre conventionnel et dans des conditions étrangères à la loi et au bail initial, cependant que la révision du loyer, même lorsqu'elle est prononcée judiciairement, rend techniquement impossible l'application de l'indice de variation utilisé pour le calcul du plafonnement au loyer d'origine, lequel ne correspond plus à celui effectivement appliqué par les parties mais à un nouveau montant fixé par décision du juge des loyers constatant une modification de la valeur locative, la cour d'appel a violé l'article L. 145-34 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a exactement retenu que, pour calculer le montant du loyer plafonné au 1er juillet 2012, le loyer à prendre en considération pour l'application de la variation indiciaire était celui fixé par les parties lors de la prise d'effet du bail à renouveler, nonobstant la fixation judiciaire du loyer révisé au cours du bail expiré ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes dès lors que la société Immobilière Lacroix, qui ne prétendait pas être privée de tout bénéfice financier, n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant constaté que le loyer révisé avait été fixé judiciairement à la valeur locative à compter du 27 février 2012 jusqu'au terme du bail, la cour d'appel en a exactement déduit que cette fixation judiciaire intervenue en application des dispositions légales, dans des conditions étrangères au bail, ne constituait pas une modification notable des obligations respectives des parties justifiant le déplafonnement du loyer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la quatrième branche du moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 145-34 du code de commerce ; article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions d'application du plafonnement, à rapprocher : 3e Civ., 6 mars 2013, pourvoi n° 12-13.962, Bull. 2013, III, n° 35 (cassation), et l'arrêt cité. Sur la fixation à la baisse du prix du bail renouvelé, à rapprocher : 3e Civ., 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-21.990, Bull. 2014, III, n° 139 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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