Numéro 4 - Avril 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 4 - Avril 2019

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 18 avril 2019, n° 17-21.189, (P)

Irrecevabilité et cassation partielle

Assurance de groupe – Assurance de groupe en cas de vie – Prestations liées à la cessation d'activité professionnelle – Faculté de rachat – Cas – Evénements particuliers définis par la loi – Exercice – Moment – Détermination

Il résulte de l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, qu'en matière de contrat d'assurance de groupe en cas de vie, le rachat par l'assuré d'un contrat dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle, que ce texte prévoit, par dérogation, pour les seuls événements particuliers qu'il vise, n'est autorisé qu'avant la liquidation des droits à la retraite de l'assuré.

Attendu, selon l'ordonnance et l'arrêt attaqués, que M. B... a adhéré le 14 novembre 1990 à un contrat collectif de retraite complémentaire souscrit par son employeur, la société Constructions métalliques de la Bièvre, auprès de la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine, aux droits de laquelle vient la société SwissLife assurance et patrimoine (la société SwissLife) ; qu'à la suite d'un accident survenu le 29 avril 2000, M. B... a sollicité, le 29 avril 2009, le rachat total de son contrat en application des dispositions de l'article L. 132-23 du code des assurances puis a assigné la société SwissLife devant un tribunal de grande instance ; qu'il a relevé appel, le 28 août 2013, du jugement l'ayant débouté de ses demandes ; que par une ordonnance du 15 novembre 2016, le conseiller de la mise en état, saisi par la société SwissLife d'un incident de péremption de l'instance, a dit n'y avoir lieu de constater cette péremption et a fixé la date de la clôture de l'instruction et des plaidoiries ;

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé, par son premier moyen, contre l'ordonnance du 15 novembre 2016, examinée d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 605, 914 et 916 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort et des deux derniers que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur un incident de nature à mettre fin à l'instance peut être déférée à la cour d'appel ;

Que fût-il dirigé en même temps contre un arrêt statuant au fond, un pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant statué, sans l'accueillir, sur un incident de péremption, n'est pas recevable ;

Attendu que la société SwissLife conteste l'application de cette règle dans le présent pourvoi, au motif qu'il s'agirait d'un revirement de jurisprudence ;

Mais attendu que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge ; que si l'irrecevabilité du pourvoi résulte d'une interprétation de l'article 916 susvisé, rendue nécessaire par l'ambiguïté de sa rédaction issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, faisant référence à un « incident mettant fin à l'instance », cette interprétation ne fait que reprendre celle qui a été donnée aux articles 775 et 776 du code de procédure civile, rédigés en des termes similaires et relatifs aux ordonnances du magistrat de la mise en état, par des arrêts de la Cour de cassation rendus antérieurement à l'ordonnance attaquée ; que son application dans la présente affaire ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable de la société SwissLife ;

D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 15 novembre 2016 ;

Sur le pourvoi, pris en son second moyen dirigé contre l'arrêt du 28 mars 2017 Publication sans intérêt ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 15 novembre 2016 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Grenoble ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SwissLife assurance et patrimoine, venant aux droits de la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine, à payer à M. B... la somme de 44 632 euros au titre de la faculté de rachat de son adhésion individuelle du 14 novembre 1990 au régime de retraite collectif souscrit le 13 novembre 1990 par la société Constructions métalliques de la Bièvre, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010.

1re Civ., 3 avril 2019, n° 18-14.640, (P)

Rejet

Assurance-vie – Bénéficiaires – Modification ou substitution – Conditions – Parallélisme des formes – Nécessité (non)

En application de l'article L. 132-8 du code des assurances, à défaut d'acceptation par le bénéficiaire initialement désigné, le contractant d'une assurance sur la vie a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, cette modification pouvant être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire, sans qu'il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 février 2018), que, dans un testament authentique du 12 août 1997, U... P... a désigné comme bénéficiaires du capital de contrats d'assurance sur la vie souscrits en juillet 1997 auprès des sociétés Ecureuil vie, aux droits de laquelle vient la société CNP assurances, et Cardif assurances vie (les assureurs), son épouse, Mme F..., pour l'usufruit, et ses enfants, pour la nue-propriété ; que, par avenants des 1er septembre 2005 et 1er septembre 2006, il a modifié les clauses bénéficiaires de ces contrats en désignant son épouse et, à défaut, ses filles Y..., I... et A...-V... ; qu'il est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse et leurs cinq filles, Y..., Q..., N..., I... et A...-V... ; que les assureurs ont versé les capitaux décès à Mme F... ; que, contestant la validité des modifications des clauses bénéficiaires, Mme Q... P... a assigné sa mère, ses soeurs et les assureurs pour obtenir sa part dans les capitaux des assurances sur la vie souscrites par son père ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article 1035 du code civil, les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ; que le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie qui a désigné le bénéficiaire de ce contrat dans un testament ne peut révoquer ce testament que par l'une des formes prévues par l'article 1035 du code civil ; qu'en décidant néanmoins que U... P..., qui avait désigné les bénéficiaires des contrats d'assurance-vie dans un testament du 12 août 1997, n'avait pas l'obligation de révoquer ce testament dans l'une des formes prévues par l'article 1035 du code civil mais pouvait uniquement désigner les nouveaux bénéficiaires par voie d'avenant au contrat d'assurance sur la vie, la cour d'appel a violé l'article 1035 du code civil ;

2°/ que la règle specialia generalibus derogant ne s'applique que pour des règles qui sont de même nature ; que l'article 1035 du code civil qui prévoit que les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté concerne les rapports entre le testateur et ses héritiers alors que l'article L. 132-8 du code des assurances qui prévoit que le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire par la voie d'un avenant concerne les rapports entre l'assureur et le bénéficiaire ; que ces deux articles ne sont donc pas de même nature ; qu'en affirmant néanmoins que les règles édictées par le code des assurances prévalent sur l'article 1035 du code civil par l'effet de la règle specialia generalibus derogant, la cour d'appel a violé l'article 1035 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que, selon l'article L. 132-8 du code des assurances, à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre, l'arrêt relève que U... P..., qui, dans un testament authentique du 12 août 1997, avait désigné comme bénéficiaires de ses contrats d'assurance sur la vie litigieux son épouse, en qualité d'usufruitière, et ses enfants, en qualité de nues-propriétaires, a ultérieurement manifesté la volonté certaine et non équivoque de modifier cette désignation par des avenants des 1er septembre 2005 et 1er septembre 2006 au profit de son épouse et, à défaut, de trois de ses filles ; qu'en l'état de ses énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement décidé que les avenants modificatifs étaient valables, dès lors que la modification des bénéficiaires pouvait intervenir soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire, sans qu'il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi ; SCP Ghestin ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances ; article 1035 du code civil.

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